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Arbitrage entre les sources d ’énergie

Chapitre 4. Résultats et discussion

4.2. Résultats de l ’analyse des niveaux d’importance des variables

4.3.4. Arbitrage entre les sources d ’énergie

Les entretiens réalisés lors du groupe de discussion et lors de visites de fermes ont permis de prendre connaissance de différentes sources d’énergie qui est directement utilisée dans des entreprises avicoles. Les sources d’énergie identifiées sont : le propane, le gaz naturel, la géothermie, la biomasse, le biogaz, l’hydroélectricité, le solaire, l’éolienne, le charbon et autres électricités. Lors de notre DELPHI, nous avons demandé les avis des experts consultés sur les types ou sources d’énergie qui répondent mieux à la logique de l’EC. La figure 19 donne les résultats issus du sondage sur cet aspect.

Il ressort de ces résultats que, des dix (10) sources d’énergie utilisée en production avicole, l’énergie éolienne, l’hydroélectricité, l’énergie solaire, la géothermie et le biogaz sont les 5 premières sources à privilégier dans l’optique de l’amélioration de l’EC aviculture. Le milieu du classement est occupé par l’énergie issue de la biomasse, du gaz naturel et du propane. L’usage du charbon pour générer de l’électricité est l’option qui répond moins (pire option) à la logique de l’économie circulaire. Nos résultats classent aux mêmes rangs l’hydroélectricité et l’énergie solaire (2e) d’une part et le biogaz et la biomasse (4e) d’autre part. Ceci paraît vraisemblable bien que les experts estiment qu’il est peu probable d’aboutir à un classement généralisable et qu’il faudrait plutôt garder à l’esprit les spécificités de chaque contexte.

Figure 19 : Classement des sources d’énergie utilisées à la ferme selon l’optique de l’EC

De l’avis des experts consultés, il ne faudra pas confondre impacts environnementaux et la logique de l’économie circulaire.

Encadré 2 : Source : Sondage DELPHI (2019).

Le classement des 10 sources d’énergie retenues dans notre étude encadre assez bien celui fait par le PNUD (2000) pour six 5 principales sources d’énergie sur la base de leurs émissions de CO2 (et de NO2) dans l’ordre de préférence suivant (PNUD et UNDESA,

2000) : l’énergie éolienne avec 22,5 t/GWh (17,5 kg/GWh), l’hydroélectricité avec 78,5 t/GWh (18 kg/GWh), l’énergie solaire (photovoltaïque) avec 220 tonnes/GWh (280 kg/GWh), le gaz naturel avec 730 tonnes/GWh (395 kg/GWh) et le charbon (IGCC) avec 1095 tonnes/GWh (875 kg/GWh).

Selon Bilgen et al. (2004) l’énergie éolienne est la plus propre des énergies renouvelables. Utilisée depuis plus de 3 500 ans dans des bateaux pour transporter des marchandises en Égypte et en Irak, elle est une source d’énergie propre, abondante dans la plupart des régions du monde, à faible coût, durable, sûre, populaire et pouvant créer des emplois (Bilgen et al., 2004). L’énergie éolienne est considérée comme respectueuse de l’environnement, car les seules émissions qui lui sont attribuées sont qualifiées d’indirectes : celles-ci sont liées à la production et au transport des équipements (pales, nacelle, tour, etc.) ainsi qu’à l’exploration du matériel qui nécessitent des ressources énergétiques basées sur des combustibles fossiles (PNUD et UNDESA, 2000).

L’hydroélectricité est considérée comme étant l’énergie renouvelable la plus attractive du point de vue de la rentabilité économique et au regard de sa faible capacité polluante. Sa production est intensive en capital, mais ses coûts de fonctionnement sont de loin inférieurs comparés à ceux des options thermiques et nucléaires (WCD, 2000). On estime qu’une centrale hydroélectrique produit 200 fois plus d’énergie que celle nécessaire à la

Par exemple, la source d’énergie qui a le moins d’impact est l’hydroélectricité produite par les mégabarrages. Un mégabarrage à un immense impact, mais qui est divisé par une quantité faramineuse d’énergie produite. Donc par kWh, l’impact est de loin le plus faible. Cependant, dans une logique d’économie circulaire, il y a une valeur qui est accordée à la production locale et les chaînes d’approvisionnement courtes, les énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien et la géothermie sont donc vues comme potentiellement préférables. […] les outils d’analyse devraient permettre de bien démontrer ou quantifier cette préférence mise de l’avant par l’économie circulaire.

construction (Smil, 2003). De plus, les centrales hydroélectriques émettent beaucoup moins de gaz à effet de serre que les centrales thermiques (Bilgen et al., 2004). Toutefois, l’impact local d’utilisation des rivières affectant à la fois les standards écologiques et de qualité de vie fait que l’énergie hydroélectrique se classe derrière l’énergie éolienne et l’énergie solaire. En moyenne, 100 MW d’énergie hydroélectrique représentent une superficie d’environ 50 km2, 200 fois plus que la géothermie et des milliers de fois plus que l’éolien (Jacobson, 2009). Pour cet auteur, les émissions de gaz à effet de serre de l’énergie hydroélectrique au cours du cycle de vie demeurent l’une des plus faibles des technologies électriques (17 à 22 g d’équivalent CO2 par kWh), dépassant uniquement celles de l’énergie éolienne, de l’énergie solaire (photovoltaïque concentrée) et des marées. L’énergie solaire photovoltaïque (non concentrée) émet jusqu’à 55 g d’équivalent CO2 par kWh (Jacobson, 2009).

L’énergie géothermique étant l’énergie contenue sous forme de chaleur à l’intérieur de la Terre (Bilgen et al., 2004), son exploitation introduit dans la biosphère des contaminants de différentes sortes qui sont normalement confinés sous terre (contaminants gazeux typiques comme le dioxyde de carbone, l’ammoniac, le méthane et le sulfure d’hydrogène) (Barbier, 2002). La géothermie est abondante avec un facteur de capacité moyen mondial de 67 % pouvant atteindre 90 % dans certains endroits (comme en Islande) ; assez comparable à celle des technologies fossiles ou nucléaires conventionnelles. Ainsi, son plus grand avantage est que, contrairement aux autres technologies d’électricité renouvelable, elle peut fournir de l’électricité de base 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 (Balzani et Armaroli, 2010). En outre, son exploitation n’implique pas une utilisation des terres éloignée du site de production ou une vaste infrastructure de transport permettant de transporter la matière première énergétique (vapeur ou eau) vers l’installation de transformation : une centrale géothermoélectrique de 100 MW nécessite environ 0,3 km2, soit 75 % de moins qu’une centrale à charbon (Jacobson, 2009). Le bilan du cycle de vie montre que l’électricité géothermique émet autour de 35 g d’équivalent CO2 par kWh (entre 15 g à 55 g), ce qui est comparable au solaire photovoltaïque (non concentrée) et au nucléaire (Beerten et al., 2009, Jacobson, 2009). Notre classement de l’énergie géothermique au 4e rang après l’énergie éolienne, l’hydroélectricité et l’énergie solaire concorde donc avec ces chiffres du bilan du cycle de vie de ces sources énergétiques documentées ci-haut.

L’énergie de biomasse fait référence à l’énergie produite à partir du bois de chauffage, des résidus agricoles, des déjections animales (le biogaz donc), du charbon de bois et d’autres combustibles dérivés de sources biologiques (biocarburants) (Bilgen et al., 2004). Cette énergie est de plus en plus associée à la durabilité environnementale et à la stabilisation du climat : du point de vue de la concentration de CO2 dans l’atmosphère et de ses effets connexes (réchauffement de la planète), l’énergie biomasse est dite neutre en carbone18, alors que l’utilisation de combustibles fossiles libère dans l’atmosphère le CO2 qui était fixé il y a bien longtemps (Balzani et Armaroli, 2010). De nombreuses études ont montré que l’énergie de biomasse pouvait présenter de nombreux avantages environnementaux si elle était produite et utilisée de manière durable (Bilgen et al., 2004). La conversion de la biomasse en biocarburants est considérée par plusieurs pays d’Europe et aux États-Unis, comme une option attrayante pour remplacer les combustibles fossiles. Cependant, l’efficacité de production de cette source d’énergie qui reste toujours faible fait qu’elle ne peut apporter qu’une contribution relativement modeste au remplacement des combustibles fossiles, à moins que les avancées en matière de sélection végétale et de génie génétique ne parviennent à augmenter sensiblement l’efficacité (de production) quitte à nécessiter très peu de terres, un apport minimal d’engrais, d’eau et de pesticides (Fedoroff, 2008, Sheehan, 2009). Considérant la faible efficacité de production et les impacts négatifs potentiels ci-haut décrits, notre classement plaçant l’énergie de biomasse et le biogaz au 5e rang après l’éolienne, l’hydroélectricité, le solaire et l’énergie géothermique est justifié. Compte tenu de son abondance, l’énergie de la biomasse est d’un intérêt particulier pour le secteur agricole et l’amélioration de son efficacité de production et d’utilisation peut permettre des gains économiques importants et des meilleures performances de circularité notamment en aviculture. Bilgen et al. (2012) soutiennent que les impacts négatifs potentiels de l’énergie de la biomasse peuvent être réduits grâce notamment à des améliorations technologiques telles que les foyers améliorés, le biogaz moderne (et à grande échelle) et la technique de gazéification intégrée (Bilgen et al., 2004). Comme autre amélioration technologique, une étude a évalué la faisabilité de la co-combustion de la biomasse (litière de volaille et fumier) avec du charbon comme combustible pour la production d’énergie aux États-Unis (Mukhtar, 2005, Sami et al., 2001). Les résultats préliminaires ont montré que les mélanges de charbon et de biomasse peuvent être brûlés avec succès et que les émissions de

18 En effet, la biomasse se forme par fixation de CO

2 (phénomène de photosynthèse) et, lorsqu’elle est brûlée avec de l’oxygène, soit par combustion (bois, etc.) ou par la respiration (aliment), elle produit la même quantité de CO qui y était fixée (Balzani and Armaroli, 2010).

polluants contenant des oxydes d’azote étaient légèrement inférieures à celles provenant de la combustion de charbon seulement (Mukhtar, 2005).

Le gaz naturel consiste principalement en méthane, mais comprend également l’éthane et le propane ainsi que les isomères du butane et du pentane et des molécules non hydrocarbonées (Balzani et Armaroli, 2010).

Le gaz naturel (dont le propane) et le charbon occupent le dernier tiers du classement proposé dans notre étude. Ce classement rejoint celui proposé par Jacobson (2009), Bilgen et al. (2012) et Dell & Rand (2004). En effet, bien que considéré plus propre que les énergies fossiles, le gaz naturel occasionne, lors de son exploitation, environ 310 g d’équivalent CO2 par kWh, contre 750 g kWh-1 pour celle du charbon (Dell et Rand, 2004). Ainsi, le gaz naturel présente des effets néfastes assez considérables. Le méthane a un effet de réchauffement de la planète presque huit fois plus important que le CO2 et certains autres types de gaz naturel comme le sulfure d’hydrogène peuvent le rendre hautement toxique (Balzani et Armaroli, 2010).

Concernant le charbon, certaines technologies permettent de réduire les émissions dues à l’exploitation du charbon pour produire de l’électricité. Le captage et stockage du carbone (CSC) par exemple a une efficacité de réduction des émissions directes de CO2 de 85 à 90 % (Metz et al., 2005). En dépit de ces améliorations, la capacité de polluante du charbon est la plus élevée des options (ou sources) de production d’électricité considérée dans notre étude : sans la technologie de CSC, l’exploitation du charbon émet de 790 à 1020 g d’équivalent CO2 kWh-1 et son bilan de cycle de vie net avec le captage et le stockage du carbone va de 255 à 440 g d’équivalent CO2 par kWh (Jacobson, 2009).

En conclusion sur le choix des options d’énergie qui répondent mieux à la logique de l’économie circulaire, les résultats de notre sondage ainsi que les éléments de la discussion recueillis dans la littérature nous amènent à classer les 9 sources d’énergie considérées dans notre étude en trois tiers : Le premier tiers est constitué des énergies générées à partir de l’éolienne, l’hydroélectrique et le solaire. Ces sources présentent le plus d’avantages (économiques et écologiques) et le moins d’impact parmi les options considérées. Le deuxième tiers est occupé par les énergies géothermique et de biomasse (incluant le biogaz). Ce sont des sources d’énergie dont l’abondance est particulièrement

profitable pour l’EC en agriculture, mais dont l’efficacité de production reste faible. Elles causent des impacts non négligeables (contamination de la biosphère pour la géothermie et pression sur les ressources pour l’énergie de biomasse comme les biocarburants). Le gaz naturel dont le propane et l’électricité du charbon occupent le dernier tiers de notre classement. Ces sources fournissent moins d’avantages avec des impacts négatifs plus importants. En conséquence de ce classement des sources d’énergie utilisées par les fermes avicoles au Canada en trois tiers, la mesure et le suivi de l’indicateur IP19 « part de

l’énergie directe utilisée qui est issue de sources renouvelables (tableau 11) retenu pour l’une des 6 variables classées importantes pour la circularité en aviculture (cf. figure 15) à savoir l’utilisation de l’énergie renouvelable devrait être qualifié de performant, modéré ou

faible selon que la part importante de l’énergie utilisée par l’entreprise provient

respectivement des énergies classées dans le premier tiers, deuxième tiers ou troisième tiers.

Étant donné que l’hydroélectricité est l’énergie la plus communément utilisée et dans le souci de prendre en compte la remarque faite par les experts consultés quant à la nécessité de distinguer les impacts environnementaux et la logique de l’économie circulaire (cf. l’encadré 2) quand on fait l’arbitrage des sources d’énergie, il y a lieu de proposer que le classement des performances à obtenir pour l’indicateur IP19 en trois catégories décrites ci-dessus, n’inclut pas l’hydroélectricité.