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Courants contributeurs à la définition de l ’économie circulaire

Chapitre 2. L ’économie circulaire : genèse, définition des concepts, cadre d’analyse

2.2. Définition des concepts et description des composantes de l’économie circulaire

2.2.2. Courants contributeurs à la définition de l ’économie circulaire

piliers se comprend mieux quand on considère les trajectoires à travers lesquelles ce concept est passé. Aurez et ses collaborateurs (2016) affirment que : « Aucune norme ne vient, à l’heure actuelle, définir le concept d’économie circulaire. Les définitions les plus couramment employées sont le fait d’acteurs institutionnels et opérationnels, rarement du monde scientifique, même s’il n’est pas étranger au concept, loin de là » (Aurez et al., 2016). Ces auteurs reconnaissent 3 trajectoires (scientifique et institutionnelles & opérationnelles) à la définition de l’économie circulaire.

1) Trajectoire scientifique

La trajectoire scientifique identifie et met en évidence la contribution de différents courants de la pensée qui ont fourni les éléments à la définition de l’EC. Ces courants sont l’écologie urbaine, l’écologie industrielle & territoriale et l’écologie territoriale (Aurez et al., 2016).

 Écologie urbaine : Dans les années 1960, les écologues Wolman, Duvigneaud et Odum considèrent la ville comme un organisme dont ils étudient le métabolisme, qui consomme la nature, la transforme pour la rejeter sous forme de matières et polluants nuisibles à la planète, la santé et la qualité de vie de la population (Duvigneaud, 1980, Wolman, 1965). L’urbanisme a alors vocation de s’adapter au caractère destructeur de l’activité humaine (Duvigneaud, 1980). Guidée par l’accroissement des populations urbaines et des ressources nécessaires à leur

substance, cette nécessité des villes de réfléchir à la durabilité de leur développement reste un axe fort sur lequel s’est appuyée et s’appuie l’économie circulaire (Aurez et al., 2016). L’écologie urbaine apporte une contribution essentielle aux outils utilisables par l’économie circulaire pour comprendre de façon scientifique l’impact des systèmes socioéconomiques sur leurs milieux. Elle propose plusieurs cadres d’observation (dont le métabolisme, analyse des flux de matières, etc.) utiles à la compréhension des problématiques d’économie circulaire (Coutard, 2010).

 Écologie industrielle et territoriale : est un complément de l’écologie industrielle (expliquée plus haut) qui vise à réintégrer les activités industrielles dans les limites de la biosphère. Ainsi, “elle propose de travailler sur le produit (écoconception), la façon de la fabriquer dans les territoires (symbiose industrielle) et de le distribuer (l’économie de fonctionnalité), en se basant, autant que faire se peut, sur des ressources renouvelables” (Aurez et al., 2016). L’écoconception d’un produit, d’un bien ou d’un service « prends en compte, afin de les réduire, ses effets négatifs sur l’environnement au cours de son cycle de vie, en s’efforçant de préserver ses qualités ou ses performances » (CoopEC, 2015). La symbiose industrielle constitue, selon l’ADEME, « un mode d’organisation interentreprises par des échanges de flux ou une mutualisation de besoins » (Geldron, 2013a). L’économie

de fonctionnalité est définie comme « un mode de consommation, d’organisation

ou de fonctionnement privilégiant l’usage à la possession et qui tend à vendre des services liés aux produits plutôt que les produits eux-mêmes. Elle s’applique à des biens durables ou semi-durables » (CoopEC, 2015).

 Écologie territoriale : Les évolutions de l’écologie industrielle vers l’écologie territoriale tiennent à la prise en compte d’enjeux dépassant l’amélioration technologique et le système industriel. En se positionnant dans les sciences sociales plutôt que dans celles de l’ingénierie, l’écologie territoriale vise en premier lieu la production de connaissance, et non plus l’action telle qu’elle tend à devenir prioritaire dans l’écologie industrielle. La dimension économique n’est plus la priorité, et ce sont les interactions hommes nature qui constituent la grille d’analyse du domaine (Buclet, 2015). Souvent considérée comme limitée au système industriel, l’écologie industrielle peut ainsi trouver dans l’écologie territoriale des

prolongements pour une prise en compte plus élargie des activités humaines (Aurez et al., 2016).

En somme, les approches de la trajectoire scientifique peuvent être synthétisées comme indiqué par le tableau 1 en fonction de leurs vocations, grilles de lectures et méthodologies (Buclet, 2015).

Tableau 1 : Économie circulaire, écologie industrielle et écologie territoriale, des approches différentes, mais complémentaires

Économie circulaire Écologie industrielle et territoriale

Écologie territoriale Une approche globale à

l’échelle nationale ou continentale

Une approche locale à l’échelle d’un territoire

Une approche locale à l’échelle d’un territoire

Une vocation législative première

Une vocation avant tout opérationnelle

Une vocation d’abord descriptive

Une vision économique de la gestion des ressources

Une vision économique et participative de la gestion des ressources

Une plus grande attention portée aux interactions homme-nature

Pas de méthodologie clairement affichée

Métabolisme industriel et territorial centré sur des aspects quantitatifs

Métabolisme territorial afin d’identifier les dynamiques socioéconomiques Source : Buclet, 2015, p. 39

2) Trajectoires institutionnelles et opérationnelles

Les définitions de l’EC proposées par différents acteurs à la fois institutionnels et opérationnels sont analysées en considérant comme initialement admise par tous la vision japonaise des 3 R (Réduire, Réutiliser et Recycler) qui est vue comme explicite, directe et efficace, sans pour autant remplir la fonction de définition (Aurez et al., 2016).

La première expansion médiatique de l’EC a été faite par la Fondation Ellen MacArthur (FEM) qui est une institution britannique fondée en 2010 et qui s’est donné pour mission de développer et de promouvoir une vision cohérente de l’économie circulaire.

La FEM (2015) définit l’EC comme étant une « économie qui est par nature restaurative et régénérative et tend à préserver la valeur et la qualité intrinsèque des produits, des

composants et des matériaux à chaque étape de leur utilisation » (FEM, 2015, p.19). Le concept distingue les cycles biologiques et techniques.

Dans cette définition qui s’accompagne d’un schéma graphique et très assembliste, le R de Réduction, très clairement verbalisé au Japon, fait défaut (Aurez et al., 2016). Ce Schéma, le plus souvent appelé diagramme papillon, est l’une des schématisations les plus reconnues de l’EC (Voyer-Poitras, 2017). La figure 4 présente ce schéma qui a été adapté par l’équivalent français de la Fondation Ellen MacArthur, l’Institut de l’Économie circulaire, créé en 2013.

Figure 4 : Diagramme de l’économie circulaire selon la Fondation Ellen MacArthur

Source : IEC (Institut de l’économie circulaire) (2018)

L’ADEME (2013), acteur incontournable sur les problématiques environnementales en France et dans la francophonie, a proposé une définition qui y fait référence (problématiques environnementales). Cette agence définit l’économie circulaire comme

étant : « un système économique d’échange et de production qui, à tous les stades du cycle de vie des produits (biens et services), vise à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement tout en développant le bien-être des individus » (Geldron, 2013b). Cette définition présente l’avantage de rassembler les enjeux de développement durable concernant l’environnement et le bien-être humain. La notion de découplage (de la croissance économique de l’épuisement des ressources naturelles) et le caractère « drastique de la diminution attendue des gaspillages reprennent, sans le nommer, le R de Réduction, largement utilisé dans le monde, indiquant la nécessité de faire “avec moins” (Aurez et al., 2016).

La définition de l’ADEME s’est accompagnée d’un schéma qui présente les composantes de l’économie circulaire. La figure 5 présente ces composantes qui sont les 7 piliers qui découlent de trois (3) domaines d’action à savoir : l’offre et des acteurs économiques, demande et comportement des consommateurs et gestion de déchets (Geldron, 2013b).

Figure 5 : Composantes de l’économie circulaire (domaines d’action et piliers)

Source : ADEME, 2014

L’approche utilisée par ADEME pour représenter les composantes de l’EC a été critiquée par les acteurs scientifiques en particulier ceux du domaine de l’écologie industrielle et territoriale qui l’accusent d’être trop simplificatrice. Pour ces derniers, l’approche ne serait adaptée que pour représenter les synergies interentreprises, voire même le développement local ou encore endogène (Aurez et al., 2016).

Si l’approche proposée par l’ADEME pour représenter l’EC a été critiquée par les acteurs scientifiques, cela n’a pas été le cas de sa définition de l’EC. Au contraire, cette définition reste celle qui est reprise par le plus grand nombre (Aurez et al., 2016). C’est ainsi qu’au Québec, l’institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC) s’est aligné avec cette définition de l’ADEME, sans pour autant reprendre la schématisation qu’il a renouvelée en 2015, apportant des ajustements et simplifications par rapport aux précédentes représentations. C’est cette représentation (de l’Institut EDDEC) qui est, à ce jour, celle qui semble plus cohérente (Aurez et al., 2016). La

figure 6 en fait la schématisation.

Figure 6 : Stratégies et outils de l’économie circulaire selon l’Institut EDDEC

Source : EDDEC (2017) en collaboration avec RECYC-QUÉBEC (2018)