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Arbitrage entre les niveaux de bien-être animal et humain

Chapitre 4. Résultats et discussion

4.2. Résultats de l ’analyse des niveaux d’importance des variables

4.3.5. Arbitrage entre les niveaux de bien-être animal et humain

Plusieurs études ont analysé le bien-être de poules en fonction de différents systèmes de logement, le nouvel élément apporté par notre étude et qui va faire objet de discussion est le fait d’évaluer le niveau de bien-être combiné (animale et humain) permis par les différents systèmes de logement des poules. En effet, au-delà de la préoccupation du bien-être animal, chaque système de logement des poules fait appel à certains compromis, non seulement en termes de bien-être des oiseaux, mais aussi de santé humaine et de pollution environnementale (Doyon et Bergeron, 2015). En fait, ce qui intéresse l’EC, c’est la prise en compte de tous ces aspects combinés dans le but ultime de contribuer à la préservation de la biodiversité (FEM et al., 2015a).

Le bien-être animal est la seule variable jugée assez importante qui a été retenue dans la CEC d’indicateurs complémentaires (cf. figure 15). Dans le cadre de notre recherche, nous avons retenu les critères couvrant les aspects de vie à l’état naturel pour le bien-être animal dont la conciliation avec les critères de bien-être humain suscite la discussion. Ce choix nous l’avons justifié par le fait que les études qui discutent des critères déterminants l’“état au naturel” sont encore rares dans la littérature scientifique alors qu’il est établi que toute mesure contrariant l’expression de ces comportements donne lieu à des états affectifs visiblement négatifs (par ex., peur ou frustration) ou compromet le fonctionnement biologique (par exemple, réaction de stress) (Schwean-Lardner et al., 2013). Aussi, certains des aspects de la fonction biologiques et de la santé des poules sont suivis à travers certains indicateurs des autres CEC.

C’est notamment la production d’œufs qui sera suivi à travers l’indicateur IP1 : taux de ponte (tableau 9) et l’état physique des poules qui est indirectement reflété à travers l’indicateur IP9 : taux de mortalité ou de viabilité des poules (tableau 10). En effet, nos entretiens réalisés lors des visites de fermes pour les tests de la réalité des indicateurs (pratiques) retenus ont révélé que les poules présentant un état physique dégradé (blessures aux pattes, boiteries et ostéoporoses, blessures du bréchet) sont euthanasiées. On peut donc espérer que ces aspects reflétant l’état physique des poules sont captés à travers le taux de viabilité (Indicateur IP9 décrit dans le tableau 10).

Les critères retenus pour le bien-être humain sont (CSES, 2015, Doyon et Bergeron, 2015) : (1) niveau d’exposition des employés à des concentrations de particules en suspension et aux endotoxines, (2) les risques pour la santé humaine associés à la contamination des œufs et (3) les risques de problèmes ergonomiques pour les employés. La figure 20 présente les résultats issus de notre sondage DELPHI pour les aspects de

Figure 20 : Niveaux de Bien-être (BE) animal et humain permis par les systèmes de logement des poules pondeuses

Pour le BE combiné (animal + humain) : (1 : Meilleur niveau ; 4 : Pire Niveau)

Source : Auteur (2019) à partir du sondage DELPHI

Nos résultats montrent que les systèmes à cages sont plus favorables aux critères considérés de bien-être humain avec les meilleurs niveaux réalisés en cages aménagées. En revanche, les systèmes alternatifs (libre parcours et biologique) sont plus favorables au bien-être animal en ce sens qu’ils facilitent plus l’expression des comportements naturels des poules. Aussi, ces systèmes offriraient, après les systèmes à cages enrichies, les meilleures performances de bien-être combiné (animal et humain) comparé aux systèmes à cages conventionnelles.

Nos résultats corroborent avec ceux de la CSES (2015) pour ce qui est du bien-être humain. Cette coalition de chercheurs a trouvé qu’en travaillant dans les bâtiments de volière, les travailleurs étaient exposés à des concentrations de particules en suspension dans l’air et d’endotoxines beaucoup plus élevées que lorsqu’ils travaillaient dans des bâtiments à cages conventionnelles et aménagées. De plus, en travaillant dans les systèmes sans cages, les travailleurs adoptent des positions extrêmes pendant de longues périodes notamment pour collecter les œufs, ce qui les exposait à des risques de

0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 Exposition des employés à des concentrations de particules en suspension et aux endotoxines Risques pour la santé humaine associé à la contamination des œufs Risques de problèmes ergonomiques pour les employés Ne facilite pas l'expression des comportements naturels des animaux BE ANIMAL & HUMAIN (1=meilleure niveau de BE, 4=pire) Cage Conventionnelles Cages Enrichies Libre parcours Biologique

problèmes ergonomiques et de multiples risques de contamination19 (CSES, 2015, Doyon et Bergeron, 2015). Contrairement à nos résultats qui montrent que les systèmes à cages enrichies offrent des niveaux de BE humain légèrement supérieur par rapport aux systèmes à cages conventionnelles, la CSES (2015) a estimé que les niveaux de BE sont plutôt similaires dans ces deux systèmes de logements notamment pour ce qui de l’exposition aux particules et endotoxines. Nous estimons que le classement proposé par la CSES (2015) est plus juste étant donné l’étendue de leur étude (Canada et États-Unis) et le fait que la légère différence matérialisée par notre graphique (figure 20) pourrait ne pas être statistiquement significative.

Pour ce qui est du BE animal, nos résultats concordent avec ceux des études faites par Ochs et al. (2017), Mahmoudi (2016), CSES (2015) et Schwean-Lardner et al., 2013) qui ont également trouvé qu’avec le critère considéré (faciliter l’expression des

comportements naturels propre à l’espèce), les systèmes alternatifs (libres parcours et

biologique) offrent les meilleurs niveaux de BE animal en comparaison avec les systèmes à cages. Sans surprise, le pire niveau de BE animal s’observe dans les cages conventionnelles pour le critère considéré (CSES, 2015, Mahmoudi, 2016, Ochs et al., 2017, Schwean-Lardner et al., 2013).

Nos résultats sur le bien-être combiné (animal et humain) sont assez proches de ceux de la CSES (2015) qui a aussi estimé que les systèmes à cages aménagées offriraient un meilleur niveau de BE quand tous les critères de santé humaine et de bien-être animal sont pris en compte. Cette affirmation n’est toutefois valable que pour les critères précis considérés dans notre étude. En effet, il a été admis qu’il n’y a pas de système qui domine tous les autres lorsque tous les aspects de la production, de l’environnement et du bien- être sont pris en compte (Ochs et al., 2017, Pelletier, 2017b). Pour Lay et al. (2011), c’est seulement la bonne combinaison de conception du logement, de race, de conditions d’élevage et de gestion qui est essentielle pour optimiser le bien-être et la productivité des poules (Lay et al., 2011).

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Dans les systèmes où les poules peuvent circuler librement (libre parcours et biologique), une partie de leurs œufs sont pondus à des endroits où ils risquent davantage d’être contaminés par les fientes des oiseaux, ce qui accroît légèrement le risque de contamination du personnel qui va les ramasser (Doyon and Bergeron, 2015).

En conclusion pour l’arbitrage à faire entre les niveaux de BE permis par les différents systèmes de logement, nos résultats suggèrent que toutes choses étant égales, les systèmes à cages aménagés puis alternatifs apporteront des conditions plus favorables à la préservation de la biodiversité à travers le BE combiné (animal et humain), qui est une variable assez importante retenue pour la CEC composée par les indicateurs complémentaires de mesure de la circularité en production d’œufs. Il est donc attendu que les fermes dont la totalité ou une plus grande part des poules sont élevées en cages aménagées puis en libre parcours (ou biologique) affichent les meilleures performances pour ce qui est des indicateurs IP22, IP23, IP23 puis IP27, IP28 et IP29 décrits dans le tableau 12.