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ARTheque - STEF - ENS Cachan | SIDA et Philosophie : un exemple de liaison entre éducation à la santé et éducation citoyenneté

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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SIDA ET PHILOSOPHIE: UN EXEMPLE

DE LIAISON ENTRE ÉDUCATION À LA SANTÉ

ET ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ

François GALICHET LU.F.M. d'Alsace

MOTS-CLÉS: SIDA - PHll.oSOPHIE - ÉDUCATIONÀLA SANTÉ· CITOYENNETÉ

RÉSUMÉ: L'éducationàla santé fait partie intégrante de l'éducation à la citoyenneté. Mais elle ne saurait être conçue d'une manière purement technique et ne viser qu'à des précautions d'ordre matériel ou médical. L'exemple du SIDA montre bien qu'on ne peut séparer la démarche hygiéniste d'une réflexion philosophique SUT la responsabilité, la mort et la souffrance. Une équipe d.'enseignants a élaboré, à partir d'un document audiovisuel existant (interviews de séropositifs) des propositions pédagogiques pour développer cette réflexion.

SUMMARY : Health education is part of civic education. But it cannot he conceived only in a technical way, and doesn 't aim to make take nothing but medical precautions (use of condom, sterilization of syringes). The ex ample of AIDS shows that it's impossible to distinguish hygienist action from philosophical thought about responsability and personnal relationship with others. That's why a team of teachers, from a TV film produced with interviews of seropositives persons, elaborated pedagogical propositions in order to work out this reflection.

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1. INTRODUCTION

L'épidémie du SIDA a permis de mettre l'accent sur une difficulté particulière de l'éducationàla santé. Jusqu'à une date récente, celle-ci a été conçue selon un modèle essentiellement hygiéniste. Confomlémentàune représentation de la santé et de la maladie héritée de Pasteur et de Claude Bernard, il s'agissait de propager des componements permettant d'éviter les risques d'infection et de contagion, et d'éviter au contraire ceux qui les favorisent. Dans une telle optique, l'éducationàla santé s'apparente àl'installation de réflexes conditionnés; elle se borne àmettre en place des automatismes qui ont été mis au point et décidés par les personnes considérées comme compétentes (médecins, experts, etc.).

Telle est la signification des campagnes qui ont été menées contre le SIDA, notamment à la télévision. L'objectif essentiel était la promotion du préservatif, jugé seul capable d'enrayer l'extension de la maladie; tout le reste, et notamment le comportement sexuel de chacun, son angoisse devant la mon ou la souffrance, ses interrogations sur la façon de vivre sa relation aux autres quand on est séropositif ou au contraire qu'on ne l'est pas - tout cela était supposé relever du domaine privé. Or la question est de savoir si l'éducation en généml et l'éducation à la santé en particulier peuvent se contenter d'interventions ponctuelles isolées. Toutes les tentatives qui ont jusqu'ici été faites dans les établissements scolaires n'ont eu que des effets limités, car elles n'établissaient aucune liaison entre les séances organisées sur ce sujet (ou d'autres similaires, comme la toxicomanie) et l'enseignement ordinaire dispensé quotidiennement aux lycéens.

Deux disciplines en particulier rencontrent nécessairement les problèmes que soulève la maladie du SIDA. C'est, d'une part, le français: on ne saurait citer tous les textes littéraires qui, d'une manière ou d'une autre, tournent autour des questions évoquées ci-dessus. Et c'est, d'autre part, la philosophie, dont la substance même - sauf à en faire un exercice scolastique et vide - est faite de ces problèmes existentiels.

Il fallait donc établir un lien entre la question du SIDA et ces deux disciplines. Il est apparu qu'un film réalisé par Bertrand de Solliers et Paule Muxel, intitulé:Sida, paroles de l'unàl'aUlre,diffuséà plusieurs reprises sur les chaines de télévisions, pouvait servir de point de départàcet égard. Ce film est essentiellement composé d'entretiens avec des personnes séropositives. Ces entretiens sont conduits de façon classique, en suivant une grille de questions. Les personnes interrogées exposent leurs interrogations, racontent ce que la découverte de leur séropositivité a changé dans leur vie, développent leurs idées sur la maladie, la médecine. La fonne même du document permettait de le découper en séquences courtes susceptibles d'être exploitées séparément avec les élèves. Encore fallait-il mettre au point des dispositifs permettant aux enseignants de l'exploiter efficacement avec leurs élèves. Ce fut la tâche que s'assigna une petite équipe d'enseignants et d'inspecteurs, sous l'impulsion de Jean-Claude Manderscheid, médecin et enseignantàl'Université de Montpellier 1, responsable de A.R.E.C.S (Association pour la recherche en éducation et communication dans le domaine de la santé).

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2. LES CONTENUS

Au tenne de multiples visionnements, le film a été découpé en six séquences de 10 à 15 minutes chacune, en fonction de thèmes dominants qui sont les suivants;

10) Nonne, exclusion répression; la marginalisation dont ont été et sont encore victimes les séropositifs ou les malades du SIDA conduit à s'interroger sur la signification et les limites de la notion de nonnalité. Il s'agit alors de distinguer les divers sens de la nonne - sens biologique (à partir de Canguilhem notamment) ,sens social (en s'appuyant par exemple sur Michel Foucault).

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)La société civile et l'Élat . justice et responsabilité: J'affaire du sang contaminé, la définition des priorités en matière de politique de la santé soulève le difficile problème du pan age des responsabilités entre l'individu et l'État. Jusqu'à quel point peut-on attendre de celui-ci qu'il garantisse aux citoyens la sécurité sanitaire qu'ils sont en droit d'attendre? Et comment concilier la recherche de cette dernière avec le légitime souci de préserver la sphère privée (problème du dépistage, de la communication des informations, etc.).

30) Santé. maladie. médecine: de multiples questions peuvent être posées à ce sujet par les élèves. Ainsi; la santé n'est-elle qu'une inconscience de la maladie? Vaut-il mieux se "préparer" à la maladie ( et comment ?) ou au contraire ignorer son éventualité? Dans quelle mesure la savoir médical est-il une connaissance vraie de la maladie? Peut-on comprendre la maladie, comme le fait l'un des protagonistes du film, sur le modèle d'un "virus" infonnatique ?Et sunout ; que valent les multiples et diverses utilisations métaphoriques du concept de maladie? Peut-on valablement parler d'une "société malade", d'une "santé" de J'esprit ou du corps social? Nombreux sont les auteurs qui peuvent être cités à cet égard, car le thème de la santé et de la maladie, de Platon à Nietzsche et au-delà, est omniprésent dans J'histoire de la philosophie.

4°) Séropositivité et sexualité; la séropositivité pose un problème partuculier de ce point de vue. D'une pan, elle apparaît comme antinomique du désir et comme tuant ce dernier, du moins chez le panenaire potentiel. D'autre pan, elle met à nu ce qui est ordinairement dissimulé, elle oblige à la franchise et contraint à l'urgence, car le temps est mesuré, et par conséquent elle expose au contraire le désir, le dévoile dans toute sa crudité ( cf Cyril Collard). Il est donc intéressant de souleveràpartir de là toutes les questions éthiques qui tournent autour de la responsabilité et des limites du désir de séduction.

5°) Le rappon àsoi et à autrui; en élargissement du thème précédent, on peut s'intéresser à la transfonnation de la personnalité et des choix de vie qu'engendre la découverte de sa séropositivité. La perspective de sa propre mon donne un autre sens à l'existence, contraint à des choix, à un examen critique de ses intérêts et de ses projets. Elle conduit à une appréhension différente de l'instant présent. Tous les interviewés du film dénoncent le règne du paraître, de l'argent ou du profit immédiat. Ce sens prend corps, pour certains d'entre eux, dans une force intérieure puisée dans leur faiblesse même.

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) La mort et la perception du temps; on est alors conduità s'interroger sur la place de la mon dans la société contemporaine, son refoulement dans la banalité du "on meurt" (Heidegger), et à se

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demander quelles sont les raisons de cette dissimulation. L'approche médicale de la maladie se trouve remise en perspective par cette méditation sur la finitude essentielle de l'homme.

3. LA DÉMARCHE PÉDAGOGIQUE

Pour la plu pan des thèmes, la démarche proposée aux enseignants passe par un cenain nombre d'étapes qui constituent une progression logique:

JO)Émergence et classification des questions (phase de libre expression) : il s'agit de faire exprimer par les élèves tous les aspects, tous les thèmes, toutes les interrogations qui se dégagent de la séquence qui vient d'être visionnée. Ce travail peut être aussi bien oral qu'écrit; il peut être effectué individuellement ou en groupes.

2°) Problêmatisation : il s'agit alors de passeràune élaboration proprement philosophique des questions qui viennent d'être dégagées. Passer de la question (spontanée) au problème (philosophique), c'est d'abord être capable de distinguer, dans une interrogation donnée, ce qui renvoieàune demande d'information factuelle et ce qui déborde ou dépasse IOUle enquête empirique ou scientifique. Ainsi peut-on, par exemple, se demander ce qu'est la santé pour la médecine, mais ce questionnement n'épuise pas le problème, dans la mesure où, comme le souligne Nietzsche dans la Généalogie de la morale, c'est moins la souffrance que son absurdité apparente qui constitue l'insupportable dans la maladie.

C'est ensuite être capable de déceler, sous la diversité des interrogations, l'unité d'une difficulté fondamentale, qui peut être notamment la relation entre deux ordres radicalement hétérogènes (ainsi: la science etlevécu, les exigences sociales et l'exigence morale, etc.).

3°) Conceptualisation: les problèmes une fois dégagés et formulés appellent d'eux-mêmes un éclaircissement des termes qu'ils mettent en jeu. S'agissant du concept de santé, on peut demanderà chaque élève de produire une définition par écrit, ces définitions étant ensuite confrontées et analysées collectivement. On peut également leur proposer une liste de définitions et leur demander de choisircel1e(s) qui a leur préférence et cel1e(s) qu'ils rejettent absolument.

Cette liste pourrait être la suivante: La santé, c'est ...

I·le fonctionnement normal du corps 2-un état de bien-être physique et mental 3- l'absence d'infirmité ou de maladie 4- un état d'équilibre corporel et spirituel 5- l'expression d'un cenain bonheur de vivre 6- la modération dans les désirs et les passions

7- la confomlÎ té à des normes de fonctionnement du corps et de l'esprit g-.une capacité de défense et de résistance vis-à-vis des agressions extérieures 9- un dynamisme intérieur, une force, une puissance créatrice

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11- la possibilité de jouir de la vie 12- la vie dans le silence des organes 13- l'harmonie des opposés 14- la condition de la libené

15- un accord entre l'homme et son milieu

16-le résultat d'une attention ponée au corps et d'un souci de prévention constante 17- le plus grand de tous les biens

18- le fait de se sentir" bien dans sa peau" 19- une faculté d'adaptation au changement

20- l'état biologique et psychique moyen d'une population à un moment donné dans une région donnée

21- 1'oubli ou l'inconscience de la mort.

Certaines de ces définitions sont reprises textuellement de discours philosophiques ou médicaux; d'autres expriment ou synthétisent des conceptions philosophiques et/ou vulgaires de la santé. La liste peut naturellement être amendée ou enrichie autant qu'on voudra.

Le dépouillement des choix et des rejets ne saurait se limiteràun simple sondage des opinions de la classe; il n'a de sens que comme point de départ d'un véritable travail philosophique d'élaboration des notions, qui doit permettre:

- de regrouper les définitions par affinités théoriques (par exemple: 2-5-18 ; 3-12-16 ; 8-9-14-19 ; 1-20). Les désaccords ou les incertitudes qui peuvent surgir à propos de ces regroupements sont générateurs de réflexion et d'esprit critique.

- de rechercher les corrélations entre les deux concepts de santé et de maladie: ainsi par exemple on peut demander aux élèves, pour chaque définition ou groupe de définitions de la santé, de formuler la définition correspondante de la maladie,

- de mettre en rapport ces définitions avec les acceptions du langage courant: on peut par exemple demander aux élèves de rechercher toutes les expressions usuelles comportant la notion de santé ("se refaire une santé", "voir une petite santé","àta santé !", "une santé de fer", "de cheval", etc.) ou de maladie ( "en faire une maladie", "maladie de jeunesse", etc.) et d'en dégager les implications et les connotations,

- de préciser et d'enrichir les définitions en les référantàun ensemble de textes philosophiques. 4°) : Le document video peut être enfin l'occasion d'activités visant à pemleltre aux élèves de développer des thèses en les exprimant de la façon la plus précise et la plus rigoureuse possible, et en recherchant les justifications de tous ordres susceptibles de les étayer. On peut ainsi leur proposer:

- de reformuler et d'expliciter les positions spontanées exprimées par tel ou tel interviewé, dans un langage plus soutenu et surtout plus argumenté,

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- d'écrire un texte leur permettant d'exprimer et de développer leurs représentations implicites, leurs angoisses et leurs fantasmes. Ainsi, on peut leur demander d'écrire un texte àpartir de l'amorce suivants: "La maladie dont j'ai le plus peur, c'est.. .. parce que.... ",

- d'organiser un débat sur une question liéeàla maladie ouàsa prévention.

4. CONCLUSION

Comme le souligne Marcel Lucien, doyen de l'Inspection générale de philosophie, qui a préfacé l'ouvrage, "l'éducationàla santé pose directement des problèmes essentiels, parce qu'elle n'est autre qu'une éducation à la vie. Vie biologique, affective, sociale, intellectuelle, morale, spirituelle, tous les aspects de la vie se trouvent ici concernés". Les démarches pédagogiques qui sont proposées aux enseignants de philosophie et de français visentàfaire sonir l'éducationàla santé du ghetto où l'on serait tenté de j'enfermer pour la mettre au cœur de ces deux disciplines. Sur des questions délicates, parce qu'elles touchentàl'intimité des adolescents, le document video vient apponer une médiation qui permet la miseàdistance sans exclure l'expression de soi.Àcela s'ajoute que la réflexion sur les images contribueàformer des citoyens en apprenant aux élèvesàdécoder les images qui s'offrent à eux. Dans une société où les parents sont parfois dépassés, l'enseignant doit accepter d'assumer son rôle d'éducateur. Ce document tente modestement de l'aider dans cette tâche difficile.

BIBLIOGRAPHIE

MANDERSCHEID J.-C, GALICHET F., AVENTURIN E., La réflexion sur le sida comme question philosophique. Une expérience d'enseignement,Revue française de pédagogie,1996, 114, 45-52.

GALICHET F., MANDERSCHEID., L'éducationàla santé et la construction de l'identité dans le contexte des sociétés occidentales contemporaines,Revue française de pédagogie,1996,114,7-17. MANDERSCHEID J.-C & SERVANT A.-M (coordonné par),Le Sida, une question d'existence,

Outils pédagogiques pour la classe de français et de philosophie,Montpellier/paris :

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