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ARTheque - STEF - ENS Cachan | AIDS@NUKE.world : risque nucléaire et risque SIDA

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Academic year: 2021

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AIDS@NUKE.WORLD

RISQUE NUCLÉAIRE ET RISQUE SIDA

Patricia MARZIN*, Yves MARIGNAC**

*I.U.F.M. de Grenoble, **WISE-Paris (World Information Service on Energy)

MOTSCLÉS : RISQUES NUCLÉAIRES SIDA ÉDUCATION – MÉDIAS PRINCIPE DE PRÉCAUTION

RÉSUMÉ : Nucléaire et SIDA sont exemplaires des risques nouveaux que l'homme fait peser sur son environnement et sa propre santé. Si leur importance est contestée au niveau statistique, elle ne l'est pas au niveau symbolique : le nucléaire et le SIDA sont des objets exemplaires pour l'analyse sociologique, philosophique ou didactique de la médiatisation et de l’éducation aux risques dans la société “moderne”. Seront confrontées ici des réflexions issues de pratiques dans ces deux champs.

SUMMARY: Nuke and AIDS are noticeable examples of new risks Man have made hanging over his environment and his health. If their statistical importance is a subject for discussion, their symbolic importance is surely not : Nuke and Aids are exemplary objects for sociological, philosophical and pedagogical analysis. In this paper, we’ll try to build a descriptive catalogue of the similarities and differences of these risks to be considered as education and media phenomenas.

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1. INTRODUCTION

En forçant la comparaison, ne va-t-on pas “découvrir” des convergences entre deux objets par nature incommensurables ? Pourtant, si ces deux menaces se carambolent ici, ce n'est pas le fruit du hasard. Nucléaire et SIDA sont exemplaires des risques nouveaux que l'homme fait peser sur son environnement et sa propre santé. La comparaison peut être légitimée par la place particulière qu'ils occupent dans l'imaginaire du public. Si leur importance est contestée au niveau statistique, elle ne l'est pas au niveau symbolique et ils sont des objets exemplaires pour l'analyse sociologique, philosophique ou didactique de ce phénomène caractéristique de la société “moderne”.

Nous avons ici confronté nos expériences, nos pratiques de l'information ou de l'éducation – l'une travaillant sur le SIDA, l'autre sur le nucléaire – pour dégager un “catalogue” qui ne se veut ni exhaustif, ni définitif : simple résultat un peu désordonné, de cet échange d'expériences.

2. DE QUELQUES CARACTÈRES COMMUNS

2.1 Le phénomène de “contamination”

On est assez vite frappé par la proximité terminologique : le virus ou les radiations nous atteignent par “contamination”. Ce terme n'est pourtant pas, sur le plan scientifique ou technique, le plus approprié – ni dans un cas ni dans l'autre. Le terme de “transmission”, plus neutre, est mieux adapté pour décrire le mécanisme de propagation du virus. Quant au cas de la radioactivité, il est plus exact de parler “d'exposition” aux rayonnements ionisants que de contamination, puisque l'exposition peut être liée à une irradiation directe sans contamination. Ce vocable semble réservé à un petit nombre de risques : on est “contaminé” par le virus du SIDA mais rarement par ceux de la grippe ou même de l'hépatite B et, si les nappes phréatiques sont “polluées” par les engrais chimiques, les plages bretonnes “souillées” par le pétrole de l'Erika, les territoires de Biélorussie ou d'Ukraine sont “contaminés” par les retombées radioactives de l'accident de Tchernobyl. Ce terme induit une représentation extrêmement négative – quelque chose de sale, qui s'étend et qui vous atteint au moindre contact. Il est également le gage d'un certain succès dans les médias et dans l'opinion. L'affaire du “sang contaminé” par le virus du SIDA reste dans toutes les mémoires. En écho, l'affaire, moins sérieuse sur le plan sanitaire, des “transports contaminés” de combustible nucléaire usé vers La Hague a secoué, au printemps 1998, l'industrie nucléaire française et européenne.

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2.2 L’incapacité à détecter le danger

Ces risques sont caractérisés par une même “invisibilité”, au sens large du terme : la présence du virus comme celle des rayonnements n'est détectable par aucun de nos sens. L'organisme ne dispose d'aucune alarme immédiate. La détection éventuelle du danger n'intervient que beaucoup plus tard, et surtout trop tard : on sait seulement vérifier qu'il y a eu “contamination”. Et pour un individu, la seule manifestation sensible du risque radioactif comme du risque SIDA est celle de leurs effets sur l'organisme. Cette impossibilité de “ressenti” n'est pas, loin de là, une exclusivité de ces deux risques : mais cette difficulté semble, peut-être parce qu'elle est liée à la notion de “contamination”, faire dans le cas du nucléaire comme du SIDA l'objet d'une attention particulière.

Malheureusement, ici aussi l'analogie avec le virus du SIDA – dont les “sources” seraient les porteurs – fonctionne : certains, par provocation mercantile (une campagne United Colors of Benetton il y a quelques années montrant des personnes tatouées “HIV positive”) ou haineuse (les propositions de Jean-Marie Le Pen sur l'enfermement dans des pavillons des “sidaïques”) évoquent une forme de signalement, voire de confinement des porteurs du virus.

2.3 Une menace individuelle et universelle

À l’heure de la mondialisation, rares sont les risques qui accèdent au statut de menace globale. Le nucléaire, contrairement à l’idée défendue par ses promoteurs, est devenu un risque d’environnement global : on se souvient en France d’absurdes déclarations selon lesquelles le nuage de Tchernobyl n’avait pas passé la frontière.

Parallèlement le SIDA, apparu dans les premières années comme un risque “réservé” à des catégories de population délimitées, est devenu global à mesure que l’épidémie s’étendait, touchant aujourd’hui toutes les régions et toutes les couches de la population, même si, là encore, son impact est beaucoup plus dramatique dans certaines zones ou certains milieux, comme les populations carcérales. Le SIDA, par son mode de transmission, atteint en réalité l’homme dans ce qu’il a de plus universel. Dans une moindre mesure, la vulnérabilité de l’organisme humain aux radiations, qui sont une composante de notre environnement “naturel”, est également une donnée de l’espèce.

Ce caractère à la fois global et universel du risque radioactif et du SIDA les distingue de nombreux autres risques industriels, technologiques, environnementaux ou sanitaires. Dans le même temps, ils partagent avec ces risques le caractère de danger individuel que ne possèdent pas, par exemple, des risques globaux tels le réchauffement climatique ou les atteintes à la biodiversité.

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2.4 Un succès médiatique mais un échec de la parole publique

Cette combinaison d'universalité et d'individualisation a sans doute contribué au succès médiatique et “politique” de ces deux risques, qui n'allait pas de soi (pourquoi le nucléaire, Three Mile Island et Tchernobyl plutôt que le risque chimique, Bhopal et Seveso ? pourquoi le SIDA plutôt que le cancer tabagique ou le paludisme ?). D'autres points de comparaison viennent à l'esprit : l'origine récente des deux risques ou de leur perception et leur caractère “moderne” et le fait que l'homme soit dans chaque cas mis en danger par l'homme ; la difficulté, voire l'impossibilité de se protéger totalement efficacement et l'absence de solution globale et définitive, qu'elle soit scientifique, technique ou médicale ; la tentation des autorités de nier un risque qu'elles ne savent pas gérer et l'existence de crises et de scandales – les suites de Tchernobyl, l'affaire du sang contaminé.

Mais ce succès politique s'accompagne, pour des raisons probablement différentes, d'une difficulté de la parole publique. La tradition du secret est ancienne dans le nucléaire, liée à ses activités militaires. Il n'existe pas de pluralité de l'expertise et de l'information. En France, on assiste à une appropriation quasi-totale du risque, de son explication et de sa gestion par un groupe monolithique, dominé par le Corps des Mines. La situation est plus nuancée pour le SIDA. Mais les tabous liés aux drogues, à l'homosexualité, ont longtemps condamné les victimes à une forme de silence. Les décisions sur les mesures à prendre, même si elles n'ont pas été le fait d'un groupe unique institué, n'ont pas été des décisions partagées – comme en témoigne l'affaire du sang contaminé.

Aussi, malgré l'illusion de débat public parfois créée par les médias, des groupes actifs, militants se sont constitués pour faire exploser le consensus mou officiel et faire entendre certaines opinions qui n'auraient pas accès à la parole publique par d'autres voies que celle-là.

2.5 L'“Irrationalité”, les mythes et les fantasmes

La question de la part d'irrationnel est régulièrement agitée comme une des causes “rationnelles” de l'échec des tentatives de responsabilisation des populations face au risque. Il faut noter une différence fondamentale : d’un côté, il faut convaincre que le risque est beaucoup moins important que celui imaginé, de l’autre, faire prendre conscience que le risque est trop important pour être négligé. La difficulté pour un expert, à imposer sa “rationalité” est classique et ne constitue en rien une spécificité de ces deux risques. Néanmoins, ces deux thèmes sont porteurs de représentations attachées à des mythes ou des fantasmes qui sont invoqués par les experts pour dénoncer les réactions des publics.

SIDA et nucléaire renvoient, plus fortement que d'autres risques, aux relations entre la science, le corps, l'espèce et la mort. Le nucléaire semble à jamais marqué par son “pêché originel”, l'explosion des deux bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki au tournant du siècle. L'accession de l'homme à cette source d'énergie, dont on a opposé souvent les versants utile et néfaste, rend possible une

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extinction de l'espèce humaine par elle-même (“hiver nucléaire”). Cette menace d'une possible extinction de l'espèce existe aussi avec le SIDA : cette grande peur d'une extension de l'épidémie à l'ensemble des hommes, très forte lors de l'apparition de la maladie, était souvent associée à l'idée d'une malédiction, d'un fléau, éventuellement d'origine divine. Cette théorie – l'homme étant puni de ses pêchés – expliquait même pourquoi la maladie touchait d'abord “les drogués et les pédés”. Le nucléaire est parfois également perçu comme une “punition” face à la prétention de l'homme à dominer la nature. Bien que la radioactivité soit un phénomène naturel, sa découverte scientifique et les applications qui en découlent sont des purs produits de la “technoscience”, dont ils ont accompagné le développement au cours du XXe siècle. Cette évolution renvoie au mythe de Frankenstein, avec les nucléocrates dans le rôle du savant fou qui prétend contrôler sa créature, et la population qui ne peut que mesurer la force destructrice ainsi libérée. Une théorie s'est aussi développée sur l'origine “artificielle” du SIDA, qui serait le résultat d'expériences mal maîtrisées par des savants, forcément “fous”, travaillant pour l'armée américaine. Cette idée est fortement contestée. Mais la rapidité avec laquelle elle a gagné une place dans les médias et dans l'opinion, et peut-être son existence même, est révélatrice.

Notons enfin que l'irrationalité, ou le fantasme, ne sont évidemment pas le seul fait des “ignorants” : les “savants” ont, pour leur part, tendance à manifester une forte croyance en la toute puissance du progrès scientifique et technique, capable de résoudre, pour peu qu'on en prenne le temps, tous les problèmes. Le SIDA comme le nucléaire sont, dans des registres différents, deux démentis cinglants aux promesses de la technoscience : tous deux démontrent notre incapacité à garantir un risque zéro.

3. QUELQUES TRAITS D’OPPOSITION

3.1 L'identification du risque et de sa nature

La première différence notable se situe au niveau le plus fondamental. Les problèmes d'évaluation des situations à risque, et de prédiction de la relation entre l'exposition à ce risque et d'éventuels effets, sont beaucoup plus complexes dans le cas du nucléaire que dans celui du SIDA. En effet, si le risque nucléaire désigne le potentiel de nuisance associé à l'existence de matières radioactives, ou à l'existence de rayonnements ionisants, ce potentiel peut s'exprimer dans des circonstances très variées. Il existe un rayonnement naturel auquel nous sommes soumis au sol et plus encore dans les airs. L'homme utilise ensuite les propriétés des rayonnements pour différentes utilisations pratiques, médicales ou industrielles. Enfin, l'homme utilise le potentiel énergétique de certaines matières radioactives, fissiles, pour produire de l'électricité ou des armes de destruction massive.

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moindre degré, constater une différentiation puisque le même phénomène de transmission du virus peut intervenir dans des situations soit “naturelles”, soit “artificielles”, soit gratuites, soit utilitaires. Plus encore que l'identification des situations à risque, c'est sur la relation entre le risque et ses effets que le nucléaire se révèle plus complexe à appréhender que le SIDA. La représentation des effets est pourtant primordiale pour l'individu. Les choses sont relativement simples dans le cas du SIDA. La relation de cause à effet est directement mesurable, la maladie est clairement identifiée et porte un nom spécifique. L'incertitude entoure toutefois les effets de cette maladie : si celle-ci se traduit inévitablement par une altération des défenses immunitaires, cette faiblesse mortelle ne le paraît plus systématiquement avec l'introduction de nouvelles thérapies.

La situation est plus difficile dans le cas de la radioactivité. En principe, les effets d'une exposition aux rayonnements ionisants sont connus et peuvent être décrits simplement : effets somatiques, génétiques et tératogènes. Mais si certains effets sont directs et dépendants d'un seuil d'exposition, la plupart des effets sont plus ou moins différés dans le temps et statistiques, c'est-à-dire exprimés en “facteurs de risque” : c'est le cas des effets cancérigènes, qui augmentent avec la dose et son seuil. Cet aspect de la relation dose-effet soulève aujourd'hui encore des controverses scientifiques autour de la définition des normes de radioprotection.

En dehors des cas de très forte exposition, il est très difficile de désigner clairement l'exposition aux rayonnements comme cause certaine des effets. Pour les faibles doses, il est très délicat de différencier les sources d'exposition et de connecter l'exposition avec un effet différé dans le temps. La mesure ne peut être que statistique : par un tel calcul, on peut estimer par exemple que quelques personnes ou dizaines de personnes meurent chaque année en France du fait du fonctionnement normal des réacteurs E.D.F. et de l'usine de La Hague. Si les morts sont réels, le chiffre est virtuel. L'aspect statistique de la “contamination” ne semble pas totalement absent dans le cas du SIDA : certains travaux démontrent un facteur probabiliste dans la transmission, notamment dans la relation sexuelle non protégée avec une personne atteinte. Le délai entre la contamination et le déclenchement de ses effets physiques est variable et ce déclenchement n'est pas certain.

3.2 La force des images

Ces différences dans la définition générale du risque ont des répercussions importantes sur le plan des représentations. Nucléaire et SIDA présentent sur ce plan des profils très différents.

Cette différence se joue en premier lieu dans la représentation des phénomènes en jeu. L'impossibilité de ressenti est invoquée par les “nucléocrates” pour expliquer la peur, qu'ils jugent irrationnelle, manifestée par une partie du public. Il est sans doute vrai qu'à l'extérieur de la sphère scientifico-technique les publics, y compris les plus favorisés sur le plan socioculturel, montrent une grande difficulté à construire des représentations opérationnelles du ou des risques radioactifs. Ainsi

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un responsable des déchets au C.E.A. s'était un jour heurté à l'incompréhension d'une journaliste confirmée qui pensait que ce n'était pas les rayonnements, mais les matières elles-mêmes (ici, le plutonium) qui pouvaient traverser les protections physiques (plomb, béton) mises en place.

Plus que le caractère indétectable par l'organisme, c'est peut-être la complexité extrême des phénomènes physiques et biologiques mis en jeu, et l'incapacité des experts à en donner une image simple, qui est la cause de cette difficulté. Non seulement il n'existe pas d'image “réelle” du phénomène (autre que des images scientifiques dont l'interprétation est impossible pour un non spécialiste) mais en plus la communauté des experts échoue à proposer une image virtuelle “parlante” et directement intégrable par le public. Pour le SIDA, au contraire, si le point de départ – l'impossibilité de ressentir le phénomène – était le même, une représentation du virus a été proposée et popularisée qui permet de “visualiser”, en images virtuelles, le mécanisme de contamination. Le déficit d'image du nucléaire se joue également au niveau des conséquences de l'exposition au risque. Il existe une “figure” du malade du SIDA tandis qu'il n'existe pas une “figure” nette de la victime d'une exposition aux rayonnements. Si les témoignages et les photos des victimes d'Hiroshima, des professionnels de Tchernobyl, de Forbach ou, plus récemment, de Tokaï-Mura existent et construisent une image terrible : celle de l'homme victime d'une forte irradiation. En revanche, les victimes anonymes, statistiques des expositions plus faibles restent sans visage, bien qu'une figure plus générale de victime du cancer existe.

Ce phénomène se traduit également par une différence notable dans la proximité aux victimes (dont on sait quel rôle fondamental elle peut jouer dans les comportements vis-à-vis du risque) : chacun de nous connaît ou peut connaître une victime du SIDA. Par contre, peu d'entre nous connaissent une victime de forte irradiation, et aucun d'entre nous ne connaît non plus de victime des faibles doses – alors que statistiquement parlant nous en sommes entourés.

3.3 La liberté de choix face au risque

L'élimination totale du risque semble, dans le cas du nucléaire comme dans celui du SIDA, hors d'atteinte des moyens humains. Aussi, la prévention du risque passe par l'évitement de la “contamination”. Les mesures adoptées pour éviter cette contamination sont parfois extrêmement proches : les “boîtes-à-gants” utilisées pour la manipulation en laboratoire de substances hautement radioactive ne sont qu'une protection en caoutchouc, guère plus complexe que le simple préservatif. Toutefois, d’une part, la protection relève essentiellement d'un comportement collectif face au risque nucléaire – mise en place de mesures de sûreté, confinement des matières radioactives – tandis qu'elle est au contraire essentiellement basée sur le comportement individuel face au risque SIDA – rapports sexuels protégés, etc. D'autre part, la protection, dans le cas du nucléaire, relève davantage de la prévention : on connaît la présence de matières radioactives, et l'on se protège avec

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différentes barrières successives, contre une rupture de confinement. Dans le cas du SIDA, il s'agit plutôt en général de précaution : on doit protéger un rapport sexuel dès lors qu'on n'est pas certain de la non-séropositivité de son partenaire. La précaution n'est pas applicable dans le cas du nucléaire, puisque ce risque n'est pas attaché à des situations particulières.

La conséquence est une beaucoup plus grande liberté individuelle face au risque dans le cas du SIDA (à l'exception notable des risques de transmission du virus par transfusion sanguine). Dans le nucléaire, les situations de risque comme les moyens de protection relèvent du niveau collectif, et les moyens individuels de protection sont extrêmement limités. Aussi, on peut dans la plupart des situations opposer un risque subi face au nucléaire et un risque pris face au SIDA.

3.4 L'appropriation collective des risques

Paradoxalement, alors que le nucléaire renvoie, par nature, davantage à la collectivité que le risque SIDA, l'appropriation collective du risque paraît plus forte pour le second que pour le premier. La principale explication à cette situation est peut-être dans la notion de délégation. Sur le nucléaire, la collectivité a pu déléguer la responsabilité de l'action à une communauté – les travailleurs du nucléaire – parce que le risque peut être confiné. Sur le SIDA, une telle délégation n'est pas possible car le risque est par nature dispersé. Or le premier système renvoie à un modèle de société “technocratique” : un petit groupe de spécialistes est chargé de veiller à la sécurité de l'ensemble de la société face à un risque donné, avec une approche du type “maîtrise du risque”. Dans le second système, la protection de la collectivité passe par une mise en œuvre de la précaution au niveau des individus, dont la responsabilité se trouve donc renforcée.

Un résultat remarquable de cette comparaison est peut-être le constat que la vigilance de la collectivité s'exerce ou s'exprime moins dans le système par délégation que dans le système par responsabilisation collective. On peut repenser un instant aux deux affaires. Celle du sang contaminé a débouché, même si le processus a été long, et n'est peut-être pas allé au bout, sur un jugement et des condamnations. Celle des transports contaminés, moins grave dans ses effets mais cependant sérieuse au plan des libertés prises par les autorités et les industriels vis-à-vis des normes de protection, n'a donné lieu à aucune condamnation et à aucune sanction administrative.

Une explication à ces différences peut être recherchée dans l'attitude de la communauté des experts respectifs. Sur le SIDA, la communauté scientifique et médicale dans son ensemble reconnaît l'existence des effets et la relation directe avec la cause (même si un petit groupe de scientifiques dissidents aux États-Unis nie cette relation). La situation est plus complexe sur le nucléaire. Les scientifiques et les techniciens du nucléaire ne nient pas le risque associé aux rayonnements. Mais ils affirment dans le même temps que le nucléaire n'est pas dangereux et que le risque d'accident ou la gestion des déchets sont maîtrisés. Face à un contre-exemple aussi choquant que l'accident de

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Tchernobyl, la “science officielle” n'hésite pas à se contredire : les faibles doses liées à la contamination des territoires ne semblent avoir aucune influence sur la santé des populations, puisque les experts atomiques de l'ONU estiment aujourd'hui que celle-ci, à part 1.800 cas de cancers de la thyroïde, n'a aucune raison de s'inquiéter.

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