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Analyse narrative du récit de la bataille de Jéricho à Canaan par l'armée d'Israël (Josué 6) en comparaison avec le discours de la bataille de Baga au Nigéria par le groupe terroriste islamiste Boko Haram

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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© Joël Ganame, 2019

Analyse narrative du récit de la bataille de Jéricho à

Canaan par l'armée d'Israël (Josué 6) en comparaison

avec le discours de la bataille de Baga au Nigéria par le

groupe terroriste islamiste Boko Haram

Thèse

Joël Ganame

Doctorat en théologie

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

(2)

Analyse narrative du récit de la bataille de Jéricho

à Canaan par l’armée d’Israël (Josué 6) en

comparaison avec le discours de la bataille de Baga

au Nigéria par le groupe terroriste islamiste Boko

Haram

Thèse

Joël Ganamé

Sous la direction de :

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iii

Résumé

La violence au nom de Dieu et de la religion gagne du terrain en Afrique de l’Ouest, en particulier au Nigéria, au Mali et au Burkina Faso. Face à cette situation terrorisante et angoissante, certains lecteurs1 situés incriminent la Bible en la considérant comme un livre de sang et comme une source d’inspiration des terroristes islamistes actuels. Pour porter un regard objectif sur cette problématique, nous2 avons décidé d’entreprendre une analyse narrative du récit de la bataille de Jéricho (Jos 6), inspirée par l’analyse de la réponse du lecteur, et de la comparer avec le discours de la bataille de Baga au Nigéria par Boko Haram. Cette étude comparative a pour but fondamental de vérifier s’il existe un lien entre ce récit de guerre biblique et les tueries de masses perpétrées par les groupes terroristes, en particulier Boko Haram, lors de la bataille de Baga, au Nigéria, le 3 janvier 2015. Pour ce faire, nous avons retenu comme cadre théorique, la méthode d’analyse narrative. Suivant cette méthode, il appert que la violence rapportée dans le récit de Jos 6 obéit avant tout à un genre littéraire particulier : l’étiologie. De ce fait, l’application de la loi de l’interdit qui légitime l’extermination de toute la population de Jéricho, ainsi que tous les animaux, n’est qu’un fait liturgique et imaginaire qui a servi à la création de l’épopée panisraélite de la conquête du pays de Canaan. Selon notre interprétation pacifiste de texte, il s’agit d’un récit qui prône la non-violence, la coexistence pacifique, l’inclusion des autres nations au sein du peuple juif, l’amour de Dieu pour toute l’humanité et le salut de Dieu pour l’Homme. En revanche, la violence que produit le groupe terroriste Boko Haram est réelle. Les massacres aveugles des populations locales, la destruction des symboles de l’État et l’expansion de la terreur dans tous les esprits, sont autant de facteurs qui caractérisent ce groupe terroriste salafiste djihadiste, au grand mépris des conventions internationales qui ont été mises en place au fil des ans et qui régissent aujourd’hui les guerres dites conventionnelles. Concernant les effets, il existe une similitude apparente entre les deux batailles (Jéricho et Baga) qui offusquent certains lecteurs non avertis et les amènent à vouloir les confondre. Mais les effets du récit de Jos 6 et du discours sur la bataille de Baga sont diamétralement opposées. Le récit de Jos 6 est un discours religieux qui met en scène une tuerie de masse, et Boko Haram justifie sa

1 L’emploi du masculin dans ce travail n’a rien de discriminatoire, il inclut le féminin. 2 Nous utilisons le « nous » de majesté et de modestie qui a valeur de « je ».

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iv

tuerie de masse par un discours religieux. Ce qui nous a amené à conclure que la violence rapportée dans le récit de Jos 6 n’est pas du terrorisme comme nous l’entendons aujourd’hui. Boko Haram, par contre, s’inscrit dans le terrorisme international et étend ses actes terroristes jusqu’au Burkina Faso en passant par le Mali. Actuellement, le groupe Ansarul Islam, alliés idéologique, stratégique et militaire de Boko Haram, menace et attaque l’Église Protestante des Assemblées de Dieu (AD) du Burkina Faso. Pour aider cette communauté chrétienne qui subit présentement la persécution sanglante des terroristes djihadistes, nous avons exploité les résultats de notre analyse pour lui proposer quelques recommandations. Nous espérons qu’une mise en application de celles-ci l’aidera à gérer la problématique terroriste en évitant tout recours à la violence et en menant une éthique biblique et sociale responsable.

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v

Abstract

Violence in the name of God and of religion is gaining ground in West Africa, particularly in Nigeria, Mali and Burkina Faso. Before this terrifying and agonizing situation, some voices raise to incriminate the Bible by considering it as a blood book and a source of inspiration for the current Islamist terrorists. To take an objective look at this issue, we have decided to undertake a narrative analysis of the battle of Jericho (Jos 6), inspired by the reader- response criticism, and to compare it with the speech of the battle of Baga in Nigeria made by Boko Haram. The main purpose of this comparative study is to ascertain whether there is a connection between this biblical story of war and the mass killing perpetrated by terrorist groups, particularly Boko Haram, during the Battle of Baga, in Nigeria, on January 3, 2015. To complete this study, we have adopted the method of narrative analysis as a theoretical framework. This reading method combines narrative analysis with sociological analysis. According to this method, it’s apparent that the violence reported in Jos 6’s story is above all a particular literary genre: etiology. Therefore, the application of the law of the prohibition, which legitimizes the extermination of the whole population of Jericho, and all the animals, is only a liturgical and imaginary construct that served to create the pan-Israelite epic of the conquest of Canaan. According to our pacifist interpretation of the text, it is a story that advocates non-violence, peaceful coexistence and the inclusion of other nations in the Jewish people. In contrast, the violence produced by the terrorist group Boko Haram is real. This Salafist jihadist terrorist group, in contempt of humanitarian laws, massacres civil populations, destroys the symbols of the State and spread terror. Based on the effects, one can find an apparent similarity between the two battles (Jericho and Baga). Such a similarity offends some uninformed readers and lead them to confuse the two speeches. But the effects are concerned the two narratives are diametrically opposed. The story of Jos 6 is a religious speech that staged a mass killing, and Boko Haram justifies his mass killing by a religious speech. Therefore, the violence reported in Jos 6's story is not terrorism as understood today. Boko Haram, in contrast, is part of the international terrorism and extends its terrorist acts to Burkina Faso via Mali. Currently, the group Ansarul Islam which is an ideological, strategic and military ally of Boko Haram, threatens and attacks the Protestant Church of the Assemblies of God (AG) of Burkina Faso. To help this Christian community undergoing the

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vi

bloody persecution of jihadist terrorists, we present some recommendations drawn from our analysis. If implemented, they may help to manage the terrorist problem, avoiding the trap of a violent response to violence and embracing a social ethics informed by biblical values.

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vii

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xiii

Liste des cartes... xiv

Liste des abréviations et sigles ... xv

Remerciements ... xix

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

0.1. Contexte de l’étude ... 2

0.2. Notre posture épistémologique ... 4

0.3. Problématique ... 7

0.4. Questions de la recherche ... 10

0.5. Objectifs de la recherche ... 10

0.6. Récension de quelques outils de référence ... 11

0.6.1. Quelques études abordées selon l’analyse narrative ... 11

0.6.2. Quelques études abordées selon l’ARL ... 14

0.6.3. Les guerres dans la Bible ... 16

0.6.4. Le terrorisme islamiste actuel ... 20

0.7. Pertinence et originalité de la recherche ... 25

0.8. Intérêts et actualité de l’étude ... 25

0.9. Cadre théorique et méthodologique de la recherche ... 26

0.10. Structure de la thèse ... 28

CHAPITRE 1 : APERÇU DE LA MÉTHODE D’ANALYSE NARRATIVE ET CADRE CONCEPTUEL DE L’ÉTUDE ... 30

1.1. Aperçu de la méthode d’analyse narrative ... 30

1.1.1. Analyse narrative (narrative criticism) ... 30

1.1.2. Quelques principes de la lecture narrative ... 33

1.1.5. Nos référents de base ... 34

(8)

viii

1.2.1. Quelques concepts-clés entrant dans l’analyse narrative du récit biblique ... 35

1.2.1.1. Récit ... 35

1.2.1.2. Discours ... 36

1.2.1.3. Narrativité ... 36

1.2.1.4. Narratologie ... 36

1.2.1.5. Narrateur/Narrataire ... 37

1.2.1.6. Point de vue du narrateur/Statut du narrateur ... 37

1.2.1.7. Points de vue des personnages/ Caractérisation des personnages ... 39

1.2.1.8. Narrateur/Auteur implicite ... 40

1.2.1.9. Auteur... 41

1.2.1.10. Lecteur ... 41

1.2.1.11. Auteur réel/lecteur réel ... 42

1.2.1.12. Positions de lecture ... 43 1.2.1.13. Intrigue ... 44 1.2.1.14. Moments de l’intrigue ... 44 1.2.1.15. Schéma quinaire ... 45 1.2.1.16. Le schéma actanciel ... 46 1.2.1.17. Temps ... 47

1.2.1.18. L’ordre de l’histoire et l’ordre du récit ... 48

1.2.1.19. Prolepse/Analepse ... 48

1.2.1.20. Vitesse ... 49

1.2.1.21. Reader – response criticism ou l’analyse de la réponse du lecteur (l’ARL) . 50 1.2.1.22. Genre littéraire ... 52

1.2.2. Précisions terminologiques sur la violence actuelle au nom de Dieu... 53

1.2.2.1. Terrorisme ... 53

1.2.2.2. Djihad (jihad) ... 54

1.2.2.3. Boko Haram ... 54

1.2.2.4. Al-Qaïda (Al Qaïda ou al-Qaïda) ... 55

CHAPITRE 2 : ANALYSE NARRATIVE DE JOSUÉ 6 INSPIRÉE PAR L’ARL ... 56

Introduction ... 56 2.1. Proposition d’une lecture islamiste et d’une lecture féministe postcoloniale du récit 57

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ix

2.2. Analyse narrative de Jos 6 ... 59

2.2.1. Contexte littéraire ... 59

2.2.2. Délimitation du texte ... 61

2.2.3. Le genre littéraire du récit ... 62

2.2.4. Point de vue du narrateur/Statut du narrateur ... 67

2.2.5. L’intrigue ... 68

2.2.6. Les personnages et leurs points de vue ... 71

2.2.7. Rôles des personnages et des « accessoires logiques » ... 78

2.2.8. Temporalité ... 86

2.2.8.1. Temps raconté et temps racontant ... 86

2.2.8.2. L’ordre de l’histoire et l’ordre du récit ... 87

2.2.8.3. Ellipse narrative ... 88

2.2.8.4. Simultanéité narrative ... 89

2.2.9. Narration et discours ... 89

2.2.10. Synthèse de l’ARL ... 91

2.3. La portée théologique du récit ... 95

Conclusion ... 99

CHAPITRE 3 : LA BATAILLE DE BAGA, AU NIGÉRIA, MENÉE PAR LE GROUPE TERRORISTE ISLAMISTE BOKO HARAM ... 102

Introduction ... 102

3.1. Situation géographique du Nigéria ... 102

3.2. Justification du choix de la bataille de Baga ... 103

3.3. Contexte sociopolitique, économique et religieux du Nigéria ... 104

3.3.1. Contexte sociopolitique du Nigéria ... 105

3.3.2. Contexte socioéconomique ... 107

3.3.3. Contexte religieux du Nigéria ... 109

3.4. Esquisse historique de Boko Haram ... 113

3.4.1. Identité de Boko Haram, son origine et son évolution ... 113

3.4.2. Source d’inspiration des idéologies de Boko Haram... 116

3.4.3. Combattants de Boko Haram ... 121

(10)

x

3.4.5. Alliances entre Boko Haram et les autres groupes terroristes ... 123

3.4.6. Quelques éléments déclencheurs de la radicalisation du groupe ... 125

3.4.7. Boko Haram, un groupe instrumentalisé ? ... 127

3.4.8. Modes opératoires de Boko Haram ... 128

3.4.9. Cibles privilégiées de Boko Haram ... 131

3.5. Focus sur la bataille de Baga menée par la secte islamiste terroriste Boko Haram .. 135

3.5.1. Cadre géographique de Baga ... 136

3.5.2. Contexte socioéconomique de Baga ... 136

3.5.3. Contexte politicomilitaire de Baga ... 138

3.5.4. Déroulement de la bataille du 3 janvier 2015 ... 139

3.5.5. Bilan de la bataille ... 140

3.5.6. Discours de revendication de l’attaque de Baga ... 143

3.5.7. Causes de la bataille ... 144

3.6. Les effets des actions de Boko Haram... 145

Conclusion ... 148

CHAPITRE 4 : PRISE DE JÉRICHO ET ATTAQUE DE BAGA : COMPARAISON ET INTERPRÉTATION GUIDÉES PAR L’ARL... 150

Introduction ... 150

4.1. Comparaison des actions ... 150

Tableau 1 : Comparaison des actions des deux batailles ... 151

4.1.1. Actions divergentes ... 151

4.1.2. Actions convergentes en apparence ... 152

4.2. Interprétation des actions commises lors de la prise de Jéricho ... 153

4.2.1. Procession autour de la ville ... 153

4.2.2. Application de la loi de l’interdit ... 155

4.2.3. Sauvetage de Rahab et de son clan ... 160

4.3. Interprétation des violences commises lors de la bataille de Baga... 161

4.3.1. Extermination de la population de Baga ... 162

4.3.2. Séquestration et violence faites aux femmes ... 166

4.4. Comparaisons des effets des deux batailles ... 170

(11)

xi

4.4.2. Effets convergents en apparence ... 172

4.5. Interprétation des effets de Jos 6 ... 172

4.5.1. L’idéologie religieuse de Jos 6 ... 172

4.5.2. L’idéologie nationaliste de Jos 6 ... 173

4.5.3. L’interaction entre le monde des ancêtres et celui des vivants... 175

4.5.4. L’idéologie pacifiste et porteuse d’espoir du récit ... 177

4.6. Interprétation des effets du discours de Boko Haram... 180

4.6.1. Mener un djihad au nom d’Allah et du Coran ... 181

4.6.2. Visée messianique et apocalyptique du djihad de Boko Haram ... 190

4.6.3. Déstabiliser le gouvernement nigérian démocratique et laïc ... 192

4.6.4. Fomenter des conflits interreligieux ... 195

4.6.5. Provoquer un conflit entre communautés musulmanes du pays ... 200

4.6.6. Provoquer des affrontements intercommunautaires ... 202

4.6.7. Combattre l’Occident et ses valeurs ... 202

4.6.8. Atteindre un effet politicoreligieux ... 206

4.6.9. Instaurer un État islamique au Nigéria ... 207

4.6.10. Restaurer le califat de Sokoto ... 209

4.6.11. Retour à l’Islam des premières heures ... 215

4.7. Retourner aux versets médinois du Coran ... 216

4.8. Se référer au passé pour donner un sens à son quotidien ... 218

Conclusion ... 227

CHAPITRE 5 : PROPOSITION DE RECOMMANDATIONS À L’ÉGLISE PROTESTANTE DES ASSEMBLÉES DE DIEU DU BURKINA FASO FACE AUX ATTAQUES ET MENACES TERRORISTES ... 230

Introduction ... 230

5.1. Esquisse historique du terrorisme burkinabè ... 231

5.2. Liens entre le terrorisme burkinabè, sahélien et nigérian ... 231

5.3. Recommandation à l’Église des Assemblées de Dieu du Burkina ... 235

5.3.1. Éviter tout acte ou toute réaction violente au nom de la religion ... 238

5.3.2. Renoncer à toute attitude qui entraverait la politique de la laïcité de l’État en place ... 240

(12)

xii

5.3.3. Éviter les amalgames ... 241

5.3.4. Éviter toutes manipulations politiques ... 241

5.3.5. Comprendre la dimension spirituelle du terrorisme islamiste ... 241

5.3.6. Soutenir les familles des pasteurs déplacés à la suite des attaques ... 243

5.3.7. Veiller à l’encadrement spirituel et social de sa jeunesse ... 243

5.3.8. Ouvrir des centres d’accueils et de réinsertion sociale pour les jeunes et les enfants de la rue ... 244

5.3.9. Veiller à son discours ... 244

5.3.10. Parler de l’amour et du salut de Dieu à la population désespérée ... 245

5.3.11. Soutenir les familles des victimes des attentats et des attaques terroristes ... 246

5.3.12. Participer positivement aux dialogues interreligieux ... 247

5.3.13. Ouvrir des centres de formation professionnelle dans les villages pauvres du Sahel ... 247

Conclusion ... 250

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 251

BIBLIOGRAPHIE ... 257

(13)

xiii

Liste des tableaux

Tableau 1 Comparaison des actions des deux batailles….…..………....151 Tableau 2 Comparaison des effets des deux batailles . ... 171

(14)

xiv

Liste des cartes

Carte 1 Situation géographique du Nigéria……….…103 Carte 2 Situation géographique de la ville de Baga..………..…136 Carte 3 L’ancien califat de Sokoto………..212 Carte 4 Situation géographique des zones sous ménaces terroristes au Burkina Faso……213 Carte 5 Les pays d’Afrique de l’Ouest concernés par la ligue des terroristes……….234

(15)

xv

Liste des abréviations et sigles

3

- Abréviations

1 Co : 1re épitre aux Corinthiens 1 P : 1re épitre de Pierre

1 Th : 1re épitre aux Thessaloniciens

2 Ch : 2e livre des Chroniques 2 P : 2e épitre de Pierre

2 R : 2e livre des Rois

2 Tm : 2e épitre à Timothée

Ap : Apocalypse

av. J.-C. : avant Jésus-Christ

Dt : Deutéronome

Ec : Ecclésiaste

éd. : éditeur (s)

Ep : Épitre aux Éphésiens

Esd : Esdras

Ez : Ézéchiel

Ga : Épitre aux Galates

Gn : Genèse

He : Épitre aux Hébreux

ibid. : ibidem (le même document cité dans la note précédente) id. : idem (le même auteur cité dans la note précédente)

Jc : Épitre de Jacques

Jg : Livre des Juges

Jn : Évangile de Jean

3 L’abréviation des livres de la Bible est conforme à celle de la TOB qui est recommandée par le guide de présentation des travaux écrits de FTSR (cf. Université Laval, Faculté de théologie et de sciences religieuses, Guide de présentation des travaux écrits, Adopté par le Conseil de la Faculté le 22 mais 2009, Mis à jour le 17 septembre 2018, p. 21. [https://www.ftsr.ulaval.ca/fileadmin/theo/fichiers/etudiants/services-etudiants/guides-formulaires/Guide-presentation-travaux-ecrits.pdf] (consulté le 2 décembre 2019).

(16)

xvi

Jos : Livre de Josué

Lc : Évangile de Luc Lm : Lamentations Mi : Michée Mt : Mathieu Nb : Nombres Ne : Néhémie No : Numéro Ph. D. : Philosophiæ Doctor Pr : Proverbes Ps : Psaumes

Rm : Épitre aux Romains

s. a. : sans auteur identifiable

s. l. : sans lieu d’édition identifiable

sic : ainsi (signale une faute ou une erreur dans le texte cité)

v. : verset

vv. : versets

vol. : volume

- Sigles

AD : Assemblées de Dieu

ARL : Analyse de la réponse du lecteur AFP : Agence France Presse

AG : Assemblies of God

AQIM: Al Qaeda in the Islamic Maghreb AQMI: Al-Qaïda au Maghreb Islamique

BF : Burkina Faso

CBLT : Commission du Bassin du Lac Tchad CIA : Central Intelligence Agency

(17)

xvii

EI : État Islamique

EIGS : État Islamique au Grand Sahara

FATHEAD : Faculté de théologie des Assemblées de Dieu

FIDH : Fédération Internationale de ligues des Droits de l’Homme FMM : Force Multinationale Mixe

GICM : Groupe Islamique Combattant Marocain GISIM : Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans

HRW : Human Right Watch

IED : Improvised explosive device

IRD : Institut de recherche pour le développement MNJTF : Multi National Joint Task Force

MSS : Muslim Student Society

MUJAO : Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest OEI : Organisation État Islamique

ONG : Organisation non gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unies

PNUD : Programme des Nations unies pour le développement RFI : Radio France Internationale

SSS : State Security Services

TOB : Traduction œcuménique de la Bible

UA : Union Africaine

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xviii

À Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit, à notre père, feu Philippe Ganamé, à feu Pêgdwendé Sawadogo, à notre mère Fati Sawadogo, à notre très chère épouse Germaine Danim, à nos braves enfants, à Etienne Pousga Zongo et épouse, à nos frères et sœurs à la Faculté de théologie des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, à l’Église Évangélique Protestante des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, à tous ceux qui œuvrent pour la paix, la non-violence et le vivre-ensemble au Burkina Faso, à toutes les victimes des attaques terroristes au Burkina Faso, pays des Hommes intègres, nous dédions cette thèse.

(19)

xix

Remerciements

Au terme de notre parcours académique pour la thèse de doctorat en théologie (Ph. D.), nous pouvons affirmer que c’est grâce à Dieu et aux soutiens de plusieurs personnes que nous avons pu réaliser ce projet titanesque. Ainsi, en guise de reconnaissance, nous disons avant tout merci à Dieu qui a veillé sur nous et sur nos professeurs tout au long de la recherche. Nous adressons nos sincères remerciements au corps professoral de la Faculté de théologie et des sciences religieuses de l’Université Laval pour leur abnégation, leur passion et leur professionnalisme dans la communication des savoirs utiles.

Nous traduisons notre profonde gratitude à M. Guy Bonneau, professeur titulaire, directeur du 1er cycle en théologie, qui a accepté diriger ce travail. Il a mis à notre profit son temps, ses compétences en exégèse biblique et ses connaissances en narratologie. Sa disponibilité, son encadrement exemplaire nous ont motivé et accompagné tout au long de la recherche. Merci du profond du cœur.

Nos remerciements vont à l’endroit de M. François Nault, professeur titulaire, directeur du 2e et 3e cycle en théologie, responsable facultaire des études, pour ses divers soutiens dont

nous avons toujours bénéficiés tout au long de notre formation théologique.

Nous remercions M. Sami Awad Aldeeb Abu-Sahlieh, traducteur et commentateur en plusieurs langues du Coran, responsable du droit musulman et arabe à l’Institut suisse de droit comparé à Lausanne depuis 1980 et professeur invité aux Facultés de droit d’Aix-en-Provence et de Palerme, pour nous avoir fourni généreusement ses écrits sur le terrorisme actuel.

Nous saluons M. Richard Filakota, professeur, socioanthropologue et islamologue pour son apport fort appréciable dans la réalisation de cette thèse. Il nous a prodigué des conseils et a mis à notre disposition de la documentation sur le groupe terroriste islamiste Boko Haram. Nous disons merci à M. Niambi Batiotila pour ses conseils, ses encouragements et son accompagnement tout au long de la recherche.

(20)

xx

Nous traduisons notre reconnaissance à M. Étienne Pousga Zongo, pasteur, professeur titulaire et directeur de la Faculté de théologie des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, pour ses conseils, ses encouragements et son soutien à notre famille durant nos longues absences répétées.

Nous remercions chaleureusement notre chère épouse Danim Germaine, nos enfants Eben- Ezer, Wend-Barka et Eliachib qui nous ont soutenu de diverses manières et qui nous ont supporté pendant nos longues absences répétées. Nous vous remercions de tout cœur.

(21)

1

INTRODUCTION GÉNÉRALE

La montée vertigineuse de l’intégrisme musulman au Proche-Orient et en Afrique, dans sa partie occidentale, constitue un phénomène religieux très préoccupant en cette période marquée par la modernité et la mondialisation. À ceci s’ajoute la manipulation des leaders religieux par les hommes politiques et l’instrumentalisation des groupes terroristes par certains politiciens lors des campagnes politiques. Aussi, dans ces dernières années, nous constatons que le nombre de foyers de tensions et de confrontations entre musulmans et chrétiens va en grandissant. La situation se dégrade considérablement avec l’infiltration des terroristes dans bien de secteurs de la vie active. C’est à juste titre que certains spécialistes des questions politicoreligieuses de l’Afrique comme Pascal Airault pensent que le continent africain remplit aujourd’hui presque toutes les conditions pour devenir « la nouvelle terre des guerres de religion 4 ». La religion qui devait être pour l’Afrique une source de paix et de

salut semble aujourd’hui se retourner contre elle et lui causer bien de maux inénarrables. En ce moment, nous sommes à la croisée des chemins, là où règnent bien de confusions. Le quotidien de l’homme ouest-africain est chargé d’angoisses et de peur. Le vent de la mort et celui de la terreur au nom de la religion soufflent constamment sur tous les esprits. L’humanité est entrée dans une nouvelle ère de son histoire. Richard Wurmbrand fait le même constat lorsqu’il écrit : « J’ai la conviction que l’humanité est entrée dans un nouvel âge. Révolue l’époque où prédominait le fascisme […]. Même la période de la guerre froide appartient au passé. Nous sommes entrés dans l’ère du terrorisme5 ».

Désormais, tuer pour l’idée, tuer pour sa foi, voire tuer pour Dieu paraît une expression spirituelle de très haute distinction, encouragée et imitée par certains individus et groupes d’individus soi-disant religieux radicaux. Si les uns se réfèrent au Coran pour légitimer leurs actes de violence, les autres, de leur côté, s’efforcent à trouver dans la Bible des récits de

4 L’Opinion, « L’Afrique, nouvelle terre des guerres de religion ? »

[http://www.lopinion.fr/edition/international/l-afrique-nouvelle-terre-guerres-religion-7767] (consulté le 7 août 2017).

(22)

2

guerres qui légitimeraient leur réaction et vice-versa. L’exemple de la Centrafrique6 et celui du Nigéria en témoignent.

Les fréquentes références aux textes sacrés pour légitimer ces violences révèlent d’emblée un problème de lecture, d’interprétation et de mise en application de ceux-ci (Bible et Coran). Une étude comparative s’avère indispensable pour mettre en relief certains types de lecture qui engendrent des confusions entre les récits de guerre narrés dans la Bible et les discours des terroristes islamistes actuels. De fait, notre étude va consister en une analyse narrative du récit de la bataille de Jéricho à Canaan par l’armée d’Israël (Josué 6) et la comparer avec le discours de la bataille de Baga au Nigéria par le groupe terroriste islamiste Boko Haram.  L’étude, dans son ensemble, s’inscrit dans la logique de la théologie de la paix et dénonce, par conséquent, tout acte de violence déshumanisant au nom de Dieu, de la religion, de la « guerre sainte » ou du djihad.

En guise de préambule, nous nous intéresserons aux points suivants : le contexte de l’étude, la posture épistémologique du lecteur, la problématique de l’étude, les questions de l’étude, les objectifs de la recherche, la recension de quelques outils de référence, la pertinence et originalité de la recherche, les intérêts et l’actualité de l’étude, le cadre théorique et méthodologique de la recherche, la structure de la thèse.

0.1. Contexte de l’étude

La secte Boko Haram n’est plus un mal local ou géographique, elle est devenue une menace régionale et mondiale par la force des alliances qu’elle a contractée avec les autres groupes terroristes d’Afrique et du Moyen-Orient. La terreur et l’horreur qu’elle génère quotidiennement suscitent bien des interrogations d’ordre sociopolitique et religieux. Le nombre des victimes innocentes, à savoir les martyrs, les orphelins, les veuves, les immigrants politiques, les demandeurs d’asile, sans distinction de sexe, est inquiétant. Les médias locaux et internationaux chargent le quotidien d’informations très affolantes. Grandes

6 Un pasteur scande des passages bibliques pour inciter les anti-balakas à la vengeance contre les milices musulmanes, les selekas (source : YouTube, « Centrafrique au cœur du chaos 03 ».

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et petites nations se coalisent aujourd’hui pour endiguer ce phénomène au moyen de la force d’un côté et par des voies diplomatiques de l’autre. D’autres acteurs, dont nous-même, tentent d’apporter une contribution, aussi modeste soit-elle, à cette lutte en faisant recours à l’étude. Les ambitions régionales du groupe terroriste Boko Haram s’expriment par sa collaboration avec les groupes terroristes du Sahel. L’expansion de la violence a atteint le Burkina Faso, notre chère patrie, aussi appelée « Pays des hommes intègres », située au cœur de l’Afrique occidental dans la boucle du Niger et peuplée de 19 833 594 millions d’habitants7. Cette nation en paye les frais présentement, elle qui a longtemps été une terre d’accueil et de convivialité commence aujourd’hui à perdre ces valeurs traditionnelles et cultuelles avec la montée du terrorisme religieux dans les parties Ouest, Nord et Est du pays. Pire encore, certaines églises et écoles primaires publiques implantées dans le Nord et le Sahel ont interrompu leur fonctionnement à la suite des menaces et d’actes terroristes. Le nombre d’attaques meurtrières, de menaces et d’enlèvements de missionnaires humanitaires, de pasteurs, de catéchistes et d’autres acteurs sociaux ne fait qu’augmenter. Il urge donc d’étudier sérieusement ce phénomène religieux pour mieux cerner la problématique. Cela permettra, entre autres, de tracer des avenues de dialogue et de paix afin de prévenir le chaos social qui s’annonce déjà. L’urgence est d’autant plus manifeste du fait qu’en ce moment l’Église des AD du Burkina Faso n’affiche pas clairement sa position face aux enlèvements de ses pasteurs et des membres de leurs familles, face à la tuerie de certains pasteurs et aux menaces quotidiennes de la part des terroristes islamistes. Certains fidèles des assemblées locales jugent nécessaire de renforcer la sécurité des lieux de cultes par tous les moyens possibles. D’autres expriment le besoin de prier sans recourir à la violence. L’un des objectifs de cette étude est d’aider cette Église à comprendre la problématique et les enjeux du terrorisme religieux actuel qui l’accable et de l’orienter vers un choix éclairé qui débouchera sur des solutions pour l’entretien de la paix dans le pays. Comme l’ont affirmé Mamoudou Gazibo et Béatrice Kankindi, la recrudescence de l’activisme islamiste au Sahel et au Nigéria

7 Contrymeters.info, « Burkina Faso Population » [http://countrymeters.info/fr/Burkina_Faso] (consulté le 8 août 2018).

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est source de conflits potentiels qu’il faille surveiller8. De part notre posture épistémologique, nous sommes convaincu qu’avec l’aide de Dieu, notre intervention dans ces différents milieux empêchera le recours aux textes de guerres de la Bible pour légitimer toute réaction violente envers qui que ce soit.

0.2. Notre posture épistémologique

L’interprète doit avant tout définir sa posture épistémologique. Car « [t]out lecteur, tout interprète lit dans un contexte spécifique. Le lecteur est homme ou femme, athée ou croyant, juif ou chrétien, catholique ou protestant, exégète ou simple lecteur, instruit ou sans éducation formelle ; il appartient à une certaine culture, race et classe sociale ; il est marié ou célibataire9. »

Les effets du texte à l’étude sont inhérents aux contextes sociaux du lecteur et de ses « communautés interprétatives10 ». Avant de présenter celles auxquelles nous appartenons, en tant que lecteur du récit de Jos 6, nous assumons d’ores et déjà nos limites interprétatives, voire nos limites épistémiques. En effet, Robert J. Hurley écrivait en ce sens que :

Peu importe son niveau d’érudition, l’exégète n’accédera qu’à une portion de la tradition interprétative et n’en concrétisera que les aspects que lui permettent l’état actuel de la recherche, ses connaissances et ses intérêts personnels. Cette réception partiale et partielle de la tradition interprétative émerge de la bibliothèque intérieure qui habite le lecteur avant qu’il ne lise [le texte]11. 

8 Mamoudou Gazibo et Béatrice Kankindi, « L’Afrique subsaharienne, Des progrès, mais encore beaucoup de défis », dans Gérard Hervouet et Michel Fortmann (dir.), Les conflits dans le monde, Québec, Presse de l’Université Laval, 2009, p. 210.

9 Robert J. Hurley, La Bible du lecteur, Théorie et pratique de la stylistique affective en études bibliques, Québec, Presse de l’Université Laval, 2010, p. 43-44.

10 Stanley Fish « appelle une communauté interprétative : un ensemble d’individus qui ont intériorisé des normes, des attentes, des visées, des méthodes [et] des réflexes ». [Cela sous-entend que]« [l]es gestes interprétatifs, les normes de l’acceptable et de l’inacceptable […] ne sont concevables qu’au sein de

communautés interprétatives qui donnent aux subjectivités individuelles leurs formes, leurs limites et leurs

visées. » (Source : Stanley Fish, Quand lire c’est faire, L’autorité des communautés interprétatives, Paris, Les Prairies ordinaires pour la traduction française, 2007, p. 20.

* En abordant la question des communautés interprétatives du lecteur, Sébastien Doane écrit que « [p]lusieurs facteurs personnels viennent influencer notre interprétation : notre âge, notre sexe, notre carrière, notre situation économique, notre éducation, notre statut matrimonial, ect. » (source : Sébastien Doane, « Quand lire devient écrire : L’analyse de la réponse du lecteur », dans Prêtre et pasteur, septembre 2014, p. 488. ) 11 Robert J. Hurley, La Bible du lecteur…, p. 21.

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- Notre identité sociale et culturelle

Nous sommes un homme, adulte, marié et père de trois enfants. Nous sommes un Burkinabè de naissance résident au Burkina Faso. Nous appartenons à la communauté moose qui est une société patriarcale. La place de subordonnée attribuée à la femme l’en témoigne. La place légitime de toute femme, c’est au sein du foyer. La pureté sexuelle, c’est-à-dire l’abstinence avant le mariage et la fidélité après le mariage, est exigée chez la femme. La pratique de la prostitution, comme le fait Rahab dans le récit, est mal vue. En revanche, au nom de la polygamie, la pureté sexuelle n’est pas une exigence chez l’homme. La polygamie « est non seulement autorisée mais normale. […] l’homme a besoin d’épouse de ‘‘remplacement’’ du fait des interdits sexuels frappant les mamans, de l’accouchement au sevrage12 ». La

communauté moose, à qui nous devons notre identité sociale et culturelle, est critiquée pour ces instincts de guerrière, de dominatrice et d’occupante de terrains appartenant à autrui. Un lecteur appartenant à un tel groupe social est enclin à s’identifier aux hommes de guerre plutôt qu’à Josué le grand chef à qui tous doivent soumission et respect. Cette communauté est connue pour ses luttes de positions, son exigence pour le respect de la hiérarchie (aînés, autorités supérieures). Sa référence constante aux ancêtres, à leurs exploits guerriers, à leurs devises de guerre démontre son attachement aux contes de feu, aux légendes, aux mythes, aux rites, aux sacrifices, aux cultes des ancêtres, aux instruments du culte, aux amulettes, aux fétiches, aux chants et aux totems (interdits). Il n’y a rien (choses ou vivants) qui n’entretient pas un rapport avec le sacré, voire avec les divinités13. Le lecteur membre de cette communauté interprétative n’est ni gêné par l’usage des objets du culte, comme l’arche et les trompettes dans le récit, ni par le cri de guerre. Dans cette communauté guerrière « [les] boucliers des guerriers étaient parfois utilisés comme instruments à percussion lors des chants propitiatoires avant l’attaque ou des chants de victoire sur l’ennemi14. »

12 [s. a.], Les amitiés Franco-Burkinabè, Traditions et modernité au Burkina Faso, Paris L’Harmattan, 2007, p. 52.

13 Ibid., p. 20-33.

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- Notre identité religieuse

Nous sommes membre de la communauté protestante pentecôtiste des Assemblées de Dieu du Burkina Faso, fils de parents pasteurs appartenant à la même communauté ecclésiale. Cette communauté est aujourd’hui l’objet d’attaques sanguinaires et de menaces de la part des groupes terroristes islamistes. Les Assemblées de Dieu du Burkina, « appartiennent au Mouvement pentecôtiste moderne qui émerge aux États-Unis dès le début du XXe siècle, au sein des communautés de Réveil du Saint-Esprit15. » Dans notre communauté de foi (au Burkina Faso), la quête de l’objectivité dans l’interprétation des textes de la Bible fait qu’elle accorde une place de choix à leur lecture historique. Elle voit le texte comme une retransmission fidèle des événements historiques qu’il relate. Le prédicateur qui « parle de la part de Dieu » ne doit pas avouer sa subjectivité de peur d’être disqualifié et d’être traité de rationnel, voire de charnel. À ce sujet Pierre-Joseph Laurent dira que, dans l’imaginaire de cette communauté pentecôtiste, seule l’application stricte des interdits de Dieu, inscrites dans la Bible, règlerait tous leurs actes16. Nos

premiers leaders […] accordent une place centrale à la Bible qu’ils considèrent comme directement révélée par Dieu. L’importance octroyée à l’autorité de la Bible renvoie à ce qu’il est convenu d’appeler un point de vue fondamentaliste; celui-ci se trouve être à la création des Assemblées de Dieu. Autrement dit, les Saintes Écritures deviennent l’unique référence pour évaluer toutes les expériences spirituelles17.

- Notre identité académique

Nous avons bénéficié d’une formation pastorale à l’Institut biblique supérieur des Assemblées de Dieu du Burkina Faso. Nous avons reçu une formation théologique à la Faculté de théologie des Assemblées de Dieu (FATHEAD) du Burkina Faso et à la Faculté de théologie et de sciences religieuses de l’Université Laval. Nous avons effectué une formation en exégèse biblique dans ces deux Facultés. Ces formations ont façonné votre regard sur l’interprétation des textes bibliques. De toute évidence, elles nous ont permis

15 Pierre-Joseph Laurent, Les pentecôtistes du Burkina Faso, Mariage, pouvoir et guérison, Paris, IRD-Karthala, 2003, p. 30.

16 Ibid., p. 15. 17 Ibid., p. 31.

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d’apprendre d’autres types de lectures, en plus de l’approche historique. Il y a par exemple l’analyse structurelle, la rhétorique gréco-rommaine, l’analyse sociolittéraire, l’analyse sémiotique, l’approche socio-critique, l’analyse narrative et l’analyse de la réponse du lecteur18. Pour aborder le texte de Jos 6, nous retenons les deux dernières. Ce sera notre toute première expérience de lecture, dans un cadre universitaire, qui s’oppose à notre interprétation traditionnelle des textes bibliques (l’approche historique).

- Notre identité professionnelle

Concernant notre vie professionnelle, nous sommes enseignant dans les écoles, les Instituts bibliques et les Facultés théologiques au Burkina Faso. Nous sommes également aumônier à la FATHEAD. Nous sommes conseiller conjugal et encadreur des enfants, des adolescents et des jeunes de l’Église protestante de notre pays. Nous sommes le délégué de la FATHEAD auprès du Conseil national de l’Église protestante de notre pays.

Toutes ces communautés d’interprétation auxquelles nous appartenons nous accompagnent et nous influencent pendant l’acte de lecture. Nous cherchons à déceler les effets que produit le récit de guerre de Jos 6 sur le lecteur au fur et à mesure qu’il progresse dans sa lecture. Selon Robert J. Hurley, le genre de texte à interpréter influence l’application de l’analyse de la réponse du lecteur (l’ARL)19. « S’il s’agit d’un récit, par exemple, toute la panoplie

d’instruments développée par la narratologie peut être mise à la disposition de l’exégète qui voudrait se concentrer sur la force didactique du texte20. » Tel est notre objectif.

0.3. Problématique

Le lecteur dont le quotidien est marqué par le terrorisme religieux lit avec peine les récits de batailles de la Bible. En effet, beaucoup de lecteurs sont sidérés et intrigués par le langage belliqueux et les pratiques de violence qui essaiment les pages de la Bible. Selon les

18 Pour comprendre en quoi consiste des types de lecture ici cités, voir l’ouvrage Entendre la voix du Dieu vivant, interprétations et pratiques actuelles de la Bible, sous la direction de Jean Duhaime et Odette

Mainville; Pour lire les récits bibliques de Daniel Marguerat et Yvan Bourquin; La Bible du lecteur, Théorie

et pratique de la stylistique affective en études bibliques de Robert J. Hurley; Stratégies rédactionnelles et fonctions communautaires de l’évangile de Marc de Guy Bonneau. La liste n’est pas exhaustive.

19 Robert J. Hurley, La Bible du lecteur…, p. 21. 20 Ibid., p. 21.

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communautés interprétatives auxquelles ils appartiennent et selon les types d’effets que produit la lecture de ces textes de guerre, certains lecteurs les considèrent comme des pratiques terroristes à l’instar de celles commises aujourd’hui par les groupes terroristes islamistes, dont Boko Haram, au Nigéria. D’autres lecteurs s’en servent pour soutenir leurs idéologies de violence. De ce fait, face à cette volonté de projeter l’actualité sanguinolente dans le passé, plusieurs lecteurs font référence au livre de Josué et particulièrement le récit de la bataille de Jéricho. Comme l’écrit Philippe Abadie :

À n’en pas douter, aucun livre biblique ne procure aujourd’hui autant de malaise que le livre de Josué. De fait, comment lire tant de récits de massacre où disparaissent dans le feu des populations entières sans que ne surgisse à notre mémoire l’écho de récentes « purifications ethniques » ? Et le malaise est d’autant plus grand que certains groupes extrémistes ne manquent pas de revendiquer ce livre pour conforter leurs vues idéologiques21.

D’autres encore lisent les récits de guerres de la Bible à travers les lunettes du terrorisme religieux actuel. Parmi ces lecteurs, il y a ceux qui les qualifient tous de guerres saintes et ceux qui les considèrent tous comme des actes terroristes. En effet, Georges Auzou admet que l’on peut considérer le chapitre 6 du livre de Josué comme le récit type de la guerre sainte22. Cela pose un problème majeur en ce sens que le terrorisme religieux que Boko Haram mène aujourd’hui et la Bataille de Jéricho (Josué 6) sont tous deux perçus comme des guerres saintes, voire des guerres justes. Cet amalgame a besoin d’être démêlé au bénéfice de tous en vue de prévenir les chaos.

Par exemple, certains internautes citent des versets bibliques pour qualifier la Bible de livre de terrorisme. Nous signalons que nous citons dans les lignes suivent les textes des internautes avec leurs erreurs; et ce, en application du « protocole d’édition diplomatique23 ». Dans une vidéo postée sur YouTube on peut lire ces mots:

21 Philippe Abadie, Le livre de Josué, critique historique, Cahier Évangile no 134, France, Cerf, 2005, p. 4. 22 Georges Auzou, Le don d’une conquête, étude du livre de Josué, Paris, De L’orante, 1964, p,91.

23 Le protocole d’édition diplomatique : « consiste à reproduire strictement les textes originaux dans leurs moindres détails, avec leurs fautes et coquilles, ce qui évite de recourir à la fastidieuse mention [sic] » (source : [s. a.], « Guide de présentation des travaux et bibliographies » [http://rd.uqam.ca/Guide/6.html] (consulté le 26 mai 2019).

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certain chretiens disent que l’islam est la religion du terrorisme avant de repondre a ces gens la nous allons regarder leur bible […] Josué 6 : 21 et ils dévouèrent par interdit, au fil de l’épée, tout ce qui était dans la ville, hommes et femmes, enfants et vieillards, jusqu’aux bœufs, aux brebis et aux ânes […] Croyez-vous encore que le christianisme est une religion de paix ? Tuer des enfants et des mères enceinte c’est du vrai terrorisme et pourquoi le dieu a dit de tuez les animaux ?!!! Nous notre prophete nous dit quand on est en guerre on ne doit pas tuer ni femme ni enfant ni des vieux ne pas couper les arbres et combattez seulement ceux qui vous combattent. maintenant quel est la religion du terrorisme a vous de jugez24.

Dans la même veine, un autre internaute écrit :

Depuis les décrets du Vatican II imposant l’évangélisation du monde, et la mascarade Home made du 9/11, la traque préméditée de l’Islam, diabolisé par cette infernale machine de guerre, imbue de tout ce que contient la Bible de Terreur, de Terrorisme et de Terroristes, ne s’arrête plus… Il est grand temps que ces chrétiens sionistico-racistes soient mis à nu, en leur montrant ce qui contient leur Bible, qu’ils ont épouvantablement mis sur le compte de l’Islam !

Les ruisseaux de sang coulent dès les premières pages, avec Caen qui tue son frère, pour introduire un Dieu vindicatif, qui se plaît à la boucherie rituelle, aux sacrifices, aux cruautés, aux châtiments injustes. Un Dieu qui est ravie et trouve de l’apaisement dans le parfum des offrandes consumées. Aucun des Livres qui constituent cette Bible ne manque d’atrocités, et les exemples qui suivent ne représentent qu’un mince exemple de ce qui constituerait, en fait, quelques centaines de pages […] Josué : « Ils dévouèrent à l’anathème tout ce qui se trouvait dans la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, jusqu’aux taureaux, aux moutons et aux ânes, les passant au fil de l’épée (…) On brûla la ville et tout ce qu’elle contenait, sauf l’argent, l’or et les objets de bronze et de fer qu’on livra au trésor de la maison de Yahvé » (6 : 21, 24)25.

Fort de ce qui précède, nous nous interrogeons de la manière suivante : serait-il possible d’établir un quelconque lien entre la violence évoquée dans le récit de bataille de Jéricho et les violences que génèrent les terroristes islamistes actuels, comme Boko Haram au Nigéria ? Quelle réponse la lecture narrative inspirée par la reader-response du récit de Jos 6 pourrait-elle fournir à la question du terrorisme islamiste que produisent Boko Haram et ses alliés au Nigéria, au Burkina Faso et partout ailleurs dans le Sahel ouest-africain ? Le besoin de

24 YouTube, « la bible et le terrorisme » [https://www.youtube.com/watch?v=-1rEruYqwzs] (2,36 min, consulté le 11 février 2017).

25 Abdelaziz Zeinab, « Bible et terrorisme » [ http://www.alterinfo.net/BIBLE-et-TERRORISME_a124727.html] (consulté le 24 janvier 2017).

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connaissance lié à ces interrogations, joint aux difficultés de lecture que pose le récit de bataille de Jos 6, constituent un problème urgent qui confère à cette recherche sa raison d’être.

0.4. Questions de la recherche

Au regard de la problématique de l’étude, la question principale que nous nous posons au sujet de la bataille de Jéricho et du terrorisme islamiste qui sévit actuellement au Nigéria, au Burkina Faso et dans tout le Sahel ouest-africain est formulée comme suit : quels sont les effets du récit de Jos 6 et ceux du discours de Boko Haram au sujet de la bataille de Baga, au Nigéria, le 3 janvier 2015 sur le lecteur que nous sommes?

Les questions subsidiaires visant à préciser la question principale sont à leur tour formulées comme suit :

- quel est notre contexte social en tant que lecteur de Jos 6 et celui du groupe terroriste islamiste Boko Haram?

- quelles sont les significations qui découlent du processus de la lecture de Jos 6 et de celles du discours de l’attaque de Baga?

- existe-t-il des analogies entre les effets du texte de Jos 6 selon la réponse du lecteur (nous) et les effets que nous sentons du discours sur la bataille de Baga?

- quelles comparaisons et quelles interprétations peut-on accorder aux effets qui émergent de la reader-response du texte Jos 6 avec ceux qui résultent du discours de Boko Haram au sujet de la bataille de Baga?

- que faire pour remédier aux violences au nom de la religion, les prévenir et encourager le vivre-ensemble entre l’Église des AD et les musulmans au Burkina Faso?

0.5. Objectifs de la recherche

L’objectif principal de la recherche consiste à penser les effets du récit de Jos 6 et ceux du discours de Boko Haram au sujet de la bataille de Baga, au Nigéria, le 3 janvier 2015 sur le lecteur que nous sommes.

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– de définir le contexte social dans lequel nous évoluons en tant que lecteur de Jos 6 et le contexte social qui abrite les acteurs de la violence religieuse au Nigéria,

– de dégager les significations qui émergent du processus de lecture de Jos 6 et celles qui sous-tendent le discours sur l’attaque de Baga,

– de vérifier s’il existe des analogies entre les effets du texte de Jos 6 selon la réponse du lecteur (nous) et les effets que nous sentons du discours sur la bataille de Baga,

– de comparer et d’interpréter les effets qui émergent de la reader-response du texte Jos 6 avec ceux qui résultent du discours de Boko Haram au sujet de la bataille de Baga,

– de proposer des recommandations à l’Église des AD du Burkina Faso afin de prévenir les violences au nom de la religion et d’encourager la coexistence pacifique, voire le vivre-ensemble, dans le pays.

0.6. Récension de quelques outils de référence

Cet exercice de recension d’études autour de notre thème nous évitera « de défoncer des portes entrouvertes, de répéter des choses connues, de ressasser, de reprendre des conclusions rabâchées, révolues et usées26 ».

Par souci de clarté, nous regrouperons par thème les écrits antérieurs qui font l’objet de notre recension.

0.6.1. Quelques études abordées selon l’analyse narrative

Dans nos investigations, nous avons examiné un mémoire de maîtrise en théologie qui s’inscrit dans le cadre de l’approche narrative des textes bibliques. Il s’agit du mémoire de Ai Nguyen Chi dirigé par Guy Bonneau intitulé Lecture narrative d’Ezéchiel 37,15-28, Notion biblique de réunification, de réconciliation et ses interpellations pour la situation actuelle au Vietnam27. Son but était de dégager une notion biblique de réunification et de

montrer en quoi cette notion peut aider le peuple vietnamien à entrer dans un processus de

26 Paul N’Da, Méthode de la recherche de la problématique à la discussion des résultats : Comment réaliser un mémoire, une thèse d’un bout à l’autre, Abidjan, EDUCI, 2006, p.105.

27 Ai Nguyen Chi, « Lecture narrative d’Ezéchiel 37,15-28, Notion biblique de réunification, de réconciliation et ses interpellations pour la situation actuelle au Vietnam », mémoire de maîtrise, Québec, Université Laval, 2011.

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réconciliation. Ai Nguyen Chi a mis l’accent sur les points suivants : la cohérence du scénario narratif selon le schéma quinaire (situation initiale, éléments déclencheurs, action transformatrice, élément de résolution, situation finale), la contribution des personnages dans la construction de l’intrigue, leur rôle actanciel dans le déroulement de l’événement (Destinateur, Sujet, Adjuvant, Objet, Opposant, Destinataire ou Bénéficiaire), la « voix » narrative, c’est-à-dire celui qui parle dans le récit, le cadre de référence du narrateur, son idéologie, sa hiérarchie de valeurs et sa vision du monde. L’apport d’une telle démarche à notre étude est considérable, car même si l’auteur ne fait pas référence au récit de Jos 6, l’approche a de quoi nous inspirer au cours de notre rédaction.

Dans sa thèse de doctorat en théologie intitulée La voix narrative dans l’histoire de Joseph (Genèse 37-50)28, Ai Nguyen Chi, se situant dans une approche narrative telle que

développée par Wénin, a résolu de ne pas aborder à la fois plusieurs aspects de la narration biblique comme ce fut le cas dans son premier document. Ici, il veut être plus précis en ne cherchant qu’à approfondir la seule question de la voix narrative du récit biblique. De manière expresse, son but était de répondre à la question : comment le narrateur parle-t-il dans le récit ? Pour ce faire, il établit son cadre théorique à partir de la proposition de Daniel Marguerat sur la voix narrative (Pour lire les récits bibliques) ainsi que sur la théorisation de la voix narrative réalisée par Gérard Genette (Figure III).

Ces deux documents abordés suivant la méthode de l’analyse narrative contribueront à l’analyse du récit de Jos 6

Dans nos investigations, nous avons rencontré des écrits qui ulisent l’analyse narrative. D’autres écrits l’associé à l’analyse sociologique. Toutefois, en lisant ces écrits, notre intérêt se situe dans le volet narratif de leur approche.

Jean Lesort Louck Talom a adopté la méthode sociolittéraire dans sa thèse titrée La vision biblique de la terre, une réflexion menée au sein de la paroisse réformée de Mbouo-Ngwinké au Cameroun. L’auteur s’est basé sur des textes bibliques et sur des données recueillies sur

28 Ai Nguyen Chi, « La voix narrative dans l’histoire de Joseph (Genèse 37-50) », Thèse de doctorat (Philosophiæ Doctor (Ph. D.), Québec, Université Laval, 2015.

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le terrain pour « voir comment les paroissiens réfléchissent au rapport à leur terre dans une perspective de foi, et quelles voies de développement ils entrevoient.29 » L’élément central ici, est qu’il s’est basé sur une expérience biblique pour traiter un phénomène social actuel. Pat Alexander, dans son ouvrage intitulé Le monde de la Bible, présente quantité de thématiques d’ordre sociologique ayant trait aux sociétés anciennes mentionnées dans les textes bibliques. En effet, il traite de la vie sociale des Égyptiens, des Cananéens, des Philistins, des Assyriens, des Babyloniens, des Perses, des Grecs et des Romains30. Ces différents peuples et nations ont impacté l’histoire d’Israël ancien et surtout l’élaboration des récits de guerre rapportés dans la Bible. Nous avons constaté, cependant, que l’auteur n’aborde pas les guerres bibliques suivant la chronologie des récits telle qu’elles se succèdent dans la Bible. Il ne fait pas ressortir non plus les intentions des auteurs de ces récits de guerre. Néanmoins, son exposé nous permet de comprendre déjà les rapports politiques, sociaux et religieux qui ont existé entre Israël et les grandes nations qui l’entouraient. Cette réflexion basée sur l’approche historico-critique ne fait pas l’objet de notre étude de Jos 6. Nous sommes plus intéressé par la reader-response. De ce fait, comme l’écrit Robert J. Hurley en difinissant l’analyse de la réponse du lecteur, nous cherchons « le sens du texte dans les effets produits chez le lecteur31. »

Dans Stratégies rédactionnelles et fonctions communautaires de l’évangile de Marc, G. Bonneau étudie l’évangile de Marc au moyen de l’approche sociolittéraire qui tient compte du Sitz im Leben. Il se montre plus précis que Takashi dans son étude. Par l’entremise des stratégies rédactionnelles déployées dans la narration, c’est-à-dire reprises et remaniements du donné traditionnel, codes stylistiques et narratifs, G. Bonneau parvient à dégager le dessein poursuivi par Marc, et aussi à déterminer les fonctions assignées à cet évangile pris comme un tout32. Outre ses qualités indéniables de narratologue biblique, il manifeste une

29 Jean Lesort Louck Talom, « La vision biblique de la terre, une réflexion menée au sein de la paroisse réformée de Mbouo-Ngwinké au Cameroun », Thèse de Doctorat (théologie pratique), Québec, Université Laval, 2015, p. iii.

30 Alexander Pat (dir). Le monde de la Bible, Suisse, Brunnen Verlag, 1996, p. 279-310. 31 R. J. Hurley, La Bible du lecteur…2010, p. 9.

32 Guy Bonneau, Stratégies rédactionnelles et fonctions communautaires de l’évangile de Marc, Paris, J. Gabalda, 2001, p.12-13.

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humilité intellectuelle en consultant presque à chaque point, l’avis d’autres auteurs sans s’écarter du texte biblique. De plus, il ne se limite pas à colliger ces avis, il les analyse, les critique et donne sa propre lecture des faits. Toute cette gymnastique intellectuelle vise à saisir l’intention de l’Évangile à travers son Sitz im Leben. La démarche qu’il a adoptée, en dépit de sa pertinence, ne nous permet pas d’atteindre les objectifs de notre recherche qui se penche du côté du lecteur réel que nous sommes.

G. Bonneau, dans son ouvrage intitulé Prophétisme et institution dans le christianisme primitif, abordé suivant les principes d’analyse sociolittéraire, ne parle expressément ni de batailles ni de guerres. Par conséquent, il ne se sert pas d’une terminologie militaire dans son livre. Toutefois, il ne manque pas de signaler les conséquences sociales qui découlent de l’exercice du prophétisme charismatique néotestamentaire, notamment les conflits d’autorité (interne), les persécutions (externe) à l’endroit des nouvelles communautés de croyants instituées. Les connaissances qu’il met à notre disposition, au sujet des persécutions des premières communautés chrétiennes, nous aideront à faire des propositions pertinentes à l’Église du Burkina Faso qui les subissent aujourd’hui de la part des terroristes islamistes.

0.6.2. Quelques études abordées selon l’ARL

Nous avons rencontré, au cours de nos lectures, la thèse de Sébastien Doane titrée Analyse de la réponse du lecteur au récit des origines de Jésus en Mt 1-2. Nous y avons découvert une démanche novatrice en matière de lecture des textes bibliques : l’ARL. Cette approche invite le lecteur à définir, avant tout acte interprétatif, sa posture épistémologique. Lui-même le fait explicitement dès les premières pages de sa thèse. Il affirme sans ambages que ses stratégies de lecture ont été façonnées par sa posture épistémologique. La thèse de S. Doane « développe un aspect intertextuel qui ouvre le dialogue entre ce qui est aujourd’hui appelé Ancien Testament et Nouveau Testament33. » De même, elle cherche à explorer la pluralité des interprétations de Mt 1-2 par l’ARL. Il se propose de penser la manière dont le texte met en œuvre des paradoxes, des ironies et d’autres stratégies rhétoriques pour subvenir aux attentes des lecteurs. Outre ses divers éléments de son approche qui balisent et orientent notre

33 S. Doane, Analyse de la réponse du lecteur au récit des origines de Jésus en Mt 1-2, Thèse de doctorat en théologie, Québec, Université Laval, 2018, p. 5.

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étude, S. Doane entreprend deux choses qui nous sont très utiles. Il fait l’esquisse historique de ce qui a conduit à l’établissement de l’ARL et présente à notre avantage, les auteurs dont les écrits ont contribué à la théorie de l’ARL. Nous tenons cela pour acquis afin d’éviter de tomber dans le piège des répétitions. Notre travail, quand bien même il adopte l’ARL, se diffère de celui S. Doane sur la façon de son application. En effet, nous avons retenu la narration comme domaine d’application de l’ARL. S. Doane parle de Rahab dans sa thèse. Sa réflexion, sur ce personnage qui figure également sur la liste des personnages de Jos 6, nous est éclairante.

S. Doane, en plus de sa thèse, est auteur de plusieurs ouvrages dont l’article intitulé Quand lire devient écrire : L’analyse de la réponse du lecteur. Il y met en exergue le rôle primordial du lecteur dans la création de sens. Pendant l’acte de lecture « un lecteur fait des choix interprétatifs, il construit sa propre compréhension et, en quelque sorte, il réécrit le texte34. »

L’ARL montre qu’un texte peut recevoir plusieurs interprétations. Nous apprenons avec lui que « l’ARL se fonde sur un ensemble de théories littéraires postmodernes qui tentent d’expliquer la diversité des interprétations d’un même texte35. » Cette panoplie

d’interprétations s’explique par l’influence de certains facteurs sur le lecteur tels que son âge, son sexe, sa carrière, sa situation économique, son éducation, sa situation matrimoniale, pour ne considérer que ceux-ci. Aussi, la façon de lire et l’empathie qu’éprouve le lecteur pendant la lecture sont des facteurs qui influencent indubitablement la compréhension du texte. Le dernier élément, et non le moindre, qui joue sur la compréhension d’un texte est la conception du sens. Celle-ci se diffère d’un lecteur à un autre. En effet, « [p]our certains, le sens d’un texte, c’est le message cognitif qui est véhiculé. Pour d’autres, le sens est plutôt ce qu’on ressent lors de la lecture, les émotions qu’on éprouve36. » Nous nous identifions à ce

deuxième groupe de lecteurs. S. Doane initie également son lecteur aux principes fondamentaux qui régissent l’ARL ; et ce, au travers des réponses qu’il offre aux interrogations suivantes : qu’est-ce qu’un texte ? Est-il qu’il y a un sens à un texte ? Se basant sur des conseils de Robert Hurley, S. Doane montre à son lecteur la conduite à tenir avant et

34 S. Doane, Quand lire devient écrire…, p. 488. 35 Ibid.

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pendant le processus de lecture. L’apport d’un tel écrit à notre recherche, qui étudie les effets de la narration sur le lecteur situé que nous sommes, inspiré par l’analyse de la réponse du lecteur, est considérable. Cet écrit nous fournit des savoirs utiles, voire des connaissances essentielles, qui nous aideront à mieux traiter notre sujet.

Toutes ces littératures (thèse, mémoire, livre, article) éclairent notre sujet et nous permettent de mieux l’aborder. Il faut aussi prendre en compte des écrits sur les guerres bibliques en général et particulièrement ceux sur la bataille de Jéricho (Jos 6).

0.6.3. Les guerres dans la Bible

Dans un article qu’il consacre à l’étude du livre de Josué dans l’ouvrage collectif Introduction à l’Ancien Testament, Thomas Römer reconnaît que le livre de Josué pose des problèmes actuels. Le peuple d’Israël et son Dieu y démontrent une rare cruauté allant jusqu’à l’extermination totale des populations locales. L’auteur rapporte que l’Abbé Pierre a condamné ce carnage humain en le considérant comme le premier génocide humain. Pour éviter tout jugement hâtif, Römer invite le lecteur à tenir compte des contextes historiques au sein desquels l’histoire a été formée37. C’est d’ailleurs ce qu’il a observé tout au long de sa

recherche. L’on y apprend que des études menées par K. L. Younger et par J. Van Seters sur Jos 6 1-12 sont parvenues à la conclusion que ces textes s’inspirent très largement de récits de propagande militaire des Assyriens et des Babyloniens. De même, ces deux auteurs sont unanimes que les victoires miraculeuses de Josué obtenues grâce à l’intervention de son Dieu présentent également des similitudes avec les textes assyriens et babyloniens38. T. Römer

émet l’hypothèse que les chapitres 6 à 8 du livre de Josué peuvent être considérés comme une légitimation de l’occupation de Jéricho et de Béthel par Josias, ou au moins ses prétentions territoriales39. En effet, T. Römer a adopté l’approche historico-critique pour étudier le macro-récit du livre de Josué. Mais avant, il reconnaît et dénonce la violence qui y est racontée. Notre lecture en revanche est narrative et elle sera circonscrite au seul récit de

37 Thomas Römer, « L’Histoire deutéronomique (Deutéronome -2Rois) » dans Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan (éd.), Introduction à l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides 2009, p. 333. 38 Ibid., p. 336.

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la bataille de Jéricho (Jos). Le but n’est pas de faire l’apologie de la violence rapportée dans le récit. Tout en la dénonçant, a priori, comme le fait T. Römer, nous donnerons notre propre lecture de cette violence, en tant que membre d’une communauté chrétienne qui subit actuellement des massacres de la part des groupes armés au nom de Dieu. Ce sera notre contribution de lecteur réel à la construction de sens du récit.

L’ouvrage de Chaim Herzog et Mordechai Gichon intitulé Les guerres bibliques, constitue une véritable mine, un apport indéniable à notre travail. Cet ouvrage obéit aux principes rédactionnels de la narration biblique. Il vise à appliquer aux narrations de la Bible la méthode de raisonnement tactique, les concepts et la terminologie militaires modernes. Nos deux auteurs pensent que de cette façon, et grâce à des comparaisons fréquentes, le génie militaire de grands capitaines dont la Bible raconte l’histoire apparaîtra au grand jour, de même que sera réaffirmée la permanence des principes de la guerre au cours des siècles40. Ils

déclarent que leur opinion sur la véracité intrinsèque des détails livrés par les récits de batailles de la Bible s’appuie sur le courant de pensée du Sitz im Leben. Cela signifie que les sujets traités dans le document reflètent l’environnement social, technologique et intellectuel de l’époque où les textes ont été écrits41. Ce livre est une véritable entreprise collective qui

aborde les questions militaires allant de la période du premier Temple jusqu’à la révolte des Maccabées en passant évidemment par le second Temple. Cependant, les guerres de la période prémonarchique n’y sont pas évoquées. Cette stratégie rédactionnelle nous paraît inspirante en ce sens que notre étude en une analyse narrative du récit. Nous découvrons dans le livre que la cruauté rapportée dans les récits de violence de la Bible constitut une source d’inspiration, de légitimation des actions militaires et politiques d’Israël jusqu’à l’époque des guerres des Maccabées. Notre lecture du texte de Jos 6 cherche à prévenir la violence au Burkina Faso.

L’ouvrage de Christophe Batsch intitulé La guerre et les rites de guerres dans le judaïsme du deuxième Temple est riche en informations sur la dimension sacrée des guerres dans le judaïsme du second Temple, chose que C. Herzog et M. Gichon n’abordent pas

40 Chaim Herzog et Mordéchai Gichon,Les guerres bibliques, France, Carnot, 2004, p. 9. 41 Ibid., p. 12.

Figure

Tableau 1 : Comparaison des actions des deux batailles
Tableau 2 : Comparaison des effets des deux batailles

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