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0.6. Récension de quelques outils de référence

0.6.3. Les guerres dans la Bible

Dans un article qu’il consacre à l’étude du livre de Josué dans l’ouvrage collectif Introduction à l’Ancien Testament, Thomas Römer reconnaît que le livre de Josué pose des problèmes actuels. Le peuple d’Israël et son Dieu y démontrent une rare cruauté allant jusqu’à l’extermination totale des populations locales. L’auteur rapporte que l’Abbé Pierre a condamné ce carnage humain en le considérant comme le premier génocide humain. Pour éviter tout jugement hâtif, Römer invite le lecteur à tenir compte des contextes historiques au sein desquels l’histoire a été formée37. C’est d’ailleurs ce qu’il a observé tout au long de sa

recherche. L’on y apprend que des études menées par K. L. Younger et par J. Van Seters sur Jos 6 1-12 sont parvenues à la conclusion que ces textes s’inspirent très largement de récits de propagande militaire des Assyriens et des Babyloniens. De même, ces deux auteurs sont unanimes que les victoires miraculeuses de Josué obtenues grâce à l’intervention de son Dieu présentent également des similitudes avec les textes assyriens et babyloniens38. T. Römer

émet l’hypothèse que les chapitres 6 à 8 du livre de Josué peuvent être considérés comme une légitimation de l’occupation de Jéricho et de Béthel par Josias, ou au moins ses prétentions territoriales39. En effet, T. Römer a adopté l’approche historico-critique pour étudier le macro-récit du livre de Josué. Mais avant, il reconnaît et dénonce la violence qui y est racontée. Notre lecture en revanche est narrative et elle sera circonscrite au seul récit de

37 Thomas Römer, « L’Histoire deutéronomique (Deutéronome -2Rois) » dans Thomas Römer, Jean-Daniel Macchi et Christophe Nihan (éd.), Introduction à l’Ancien Testament, Genève, Labor et Fides 2009, p. 333. 38 Ibid., p. 336.

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la bataille de Jéricho (Jos). Le but n’est pas de faire l’apologie de la violence rapportée dans le récit. Tout en la dénonçant, a priori, comme le fait T. Römer, nous donnerons notre propre lecture de cette violence, en tant que membre d’une communauté chrétienne qui subit actuellement des massacres de la part des groupes armés au nom de Dieu. Ce sera notre contribution de lecteur réel à la construction de sens du récit.

L’ouvrage de Chaim Herzog et Mordechai Gichon intitulé Les guerres bibliques, constitue une véritable mine, un apport indéniable à notre travail. Cet ouvrage obéit aux principes rédactionnels de la narration biblique. Il vise à appliquer aux narrations de la Bible la méthode de raisonnement tactique, les concepts et la terminologie militaires modernes. Nos deux auteurs pensent que de cette façon, et grâce à des comparaisons fréquentes, le génie militaire de grands capitaines dont la Bible raconte l’histoire apparaîtra au grand jour, de même que sera réaffirmée la permanence des principes de la guerre au cours des siècles40. Ils

déclarent que leur opinion sur la véracité intrinsèque des détails livrés par les récits de batailles de la Bible s’appuie sur le courant de pensée du Sitz im Leben. Cela signifie que les sujets traités dans le document reflètent l’environnement social, technologique et intellectuel de l’époque où les textes ont été écrits41. Ce livre est une véritable entreprise collective qui

aborde les questions militaires allant de la période du premier Temple jusqu’à la révolte des Maccabées en passant évidemment par le second Temple. Cependant, les guerres de la période prémonarchique n’y sont pas évoquées. Cette stratégie rédactionnelle nous paraît inspirante en ce sens que notre étude en une analyse narrative du récit. Nous découvrons dans le livre que la cruauté rapportée dans les récits de violence de la Bible constitut une source d’inspiration, de légitimation des actions militaires et politiques d’Israël jusqu’à l’époque des guerres des Maccabées. Notre lecture du texte de Jos 6 cherche à prévenir la violence au Burkina Faso.

L’ouvrage de Christophe Batsch intitulé La guerre et les rites de guerres dans le judaïsme du deuxième Temple est riche en informations sur la dimension sacrée des guerres dans le judaïsme du second Temple, chose que C. Herzog et M. Gichon n’abordent pas

40 Chaim Herzog et Mordéchai Gichon,Les guerres bibliques, France, Carnot, 2004, p. 9. 41 Ibid., p. 12.

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explicitement. Nous approuvons son idée selon laquelle « la guerre exprime quelque chose de la société qui la fait [,] [d]’une part, parce que la façon de faire la guerre change quand la société change [,] [d]’autre part parce que chaque société fait en quelque sorte la guerre qu’elle mérite – et qui la juge42. » Tout au long de son ouvrage, C. Batsch s’est évertué à

mettre en emphase les enjeux liés aux rites de guerre pour les juifs. Il écrit que

le judaïsme du deuxième Temple s’est constamment efforcé d’identifier de quelles règles, de quels rites, la transgression aurait eu pour conséquence, si important fût l’enjeu, que la guerre ne soit plus une solution, car, menée en dehors de ces règles, de ces limites et de ces rites, elle aurait représenté en elle-même une conséquence plus grave pour l’être-Juif que les conséquences d’une défaite.43

Il convient de noter ici que l’auteur a abordé son étude selon la vision « des travaux menés à partir des manuscrits de Qoumrân44. »

L’ouvrage collectif La conscience juive face à la guerre, données et débats45, aborde

plusieurs thèmes, notamment ceux-ci : essai d’analyse philosophique de la guerre ; éthique et guerre dans la pensée traditionnelle juive ; les juifs, la paix et les guerres au XXe siècle ; analyse politique de la guerre ; guerre, violence, agressivité et conscience historique de la psychanalyse ; Kippour de guerre à Jérusalem ; l’état de guerre : répercussions sur l’individu et la société ; le juif et la guerre. Concernant la guerre, on pouvait lire dès les premières lignes de la préface ceci : « D’une certaine façon, c’est là un sujet qui s’inscrit dans le continu de l’histoire et qui, de ce fait, sollicite toujours l’attention. Dans la mesure où il s’agit d’un phénomène universel, on pourrait à la limite se demander si une lecture juive de ‘‘la guerre’’ s’imposait. » Ils précisent que le fait de réfléchir lucidement et avec rigueur sur la guerre est peut-être la meilleure manière de penser la paix. Telle est également notre intention, car nous comptons emprunter une démarche scientifique pour analyser le récit de batailles de Jéricho (Jos 6) puis le comparer au discours en rapport avec la bataille de Baga.

42 Christophe Batsch, La guerre et les rites de guerre dans le judaïsme du deuxième Temple, Leiden : Brill, 2005, p. XI.

43 Ibid., p. XI. 44 Ibid., p. XIII.

45 [s. a.], La conscience juive face à la guerre, données et débats, France, Presses Universitaires de France, 1976.

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Philippe Abadie a mené une critique historique du livre de Josué. C’est un ouvrage qui évalue l’historicité et la portée théologique du livre. Son but est d’empêcher certains lecteurs de projeter indûment l’actualité sur des textes fort distants dans le temps46. Dans son document, il aborde successivement les points comme la structure du livre, son origine et sa formation, c’est-à-dire ses étapes rédactionnelles. Il révèle le genre littéraire utilisé dans chaque chapitre du livre de Josué, le milieu de vie au sein duquel sont nés les récits et aussi l’intention de l’auteur exprimée dans ces textes. Il considère Jos 6 comme une liturgie guerrière. Il s’agit donc des informations de qualité utiles à notre étude. Toutefois, nous avons privilégié l’ARL suivant l’analyse narrative pour lire Jos 6 au détriment de l’approche historico-critique. Dans sa monographie titrée Le don d’une conquête, étude du livre de Josué, G. Auzou aborde la place qu’occupe la « Terre » dans l’histoire du peuple d’Israël. À l’instar de P. Abadie, il étudie le livre de Josué suivant la chronologie normale des chapitres. Son exposé sur le déroulement de la bataille de Jéricho (Jos 6) offre de l’éclairage sur la liturgie guerrière employée à l’occasion. Les éléments comme l’arche de l’Alliance, la téroua (cri de guerre de caractère sacré), y sont expliqués. Nous y avons trouvé plus intéressante encore la façon dont il traite le sujet du hérem ou de l’anathème évoqué dans le récit47. La lumière qu’il

apporte sur la loi de l’interdit nous permet de comprendre, un tant soit peu, son application dans les récits de guerre comme Jos 6.

Quant à Paul Béré dans son écrit Le second Serviteur de Yhwh, un portrait exégétique de Josué dans le livre éponyme, il utilise l’approche narrative. Il a presque cristallisé son étude autour de la personne de Josué, le personnage clé du macro-récit. Il le présente dans la troisième partie du livre au chapitre 9 comme un leader aux qualifications multiples. En effet, il le présente en fonction des contextes et des situations comme l’ancien du peuple, chef d’armée, juge suprême, chef du culte, chef du peuple, administrateur de l’héritage et

46 P. Abadie, Le livre de Josué…, p. 3.

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messager de Yhwh48. Ces informations sur la caratérisation de Josué nous seront utiles pendant l’étude de ce personnage.

Ces différentes études se complètent pour nous offrir une panoplie de connaissances qui baliseront notre recherche. Toutefois, en dépit de leur pertinence, nous réalisons qu’aucune d’entre elles ne dénoue à elle seule la problématique que soulève notre sujet. Jusqu’ici n’avons considéré que les écrits qui sont menés suivant l’approche narrative, l’approche sociolittéraire ainsi que ceux abordant les guerres bibliques. Dans la section qui suit, nous verrons quelques écrits sur le terrorisme islamiste actuel et singulièrement sur le groupe terroriste islamiste Boko Haram au Nigéria.