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CHAPITRE 3 : LA BATAILLE DE BAGA, AU NIGÉRIA, MENÉE PAR LE GROUPE

3.4. Esquisse historique de Boko Haram

3.4.1. Identité de Boko Haram, son origine et son évolution

La nébuleuse Boko Haram est devenue un groupe armé terroriste dont l’influence s’exerce au-delà des frontières nigérianes. Elle est actuellement le groupe terroriste le plus meurtrier au monde avec l’affaiblissement de l’État Islamique (EI) en Iraq et en Syrie. Ce groupe armé qui, aujourd’hui, défie l’armée nigériane et les armées des pays voisins, n’était qu’une secte religieuse à sa naissance. M.-A. P. de Montclos écrit en ce sens que, « [u]n rapide retour sur la genèse de la secte Boko Haram montre ainsi que le mouvement de Mohammed Yusuf n’a

266 M.-A. P. de Montclos, « Questions de recherche/ Research Questions – n° 40 – Juin 2012…, p. 5-7 ». 267 Le Journal des Alternatives, « Boko Haram, la mitraillette…, p. 3. »

268 Tariq Ramadan, selon sa généalogie, est le petit d’Hassane al-Banna le fondateur de la société de Frères musulmans (voir : Raphaël Liogier, Le mythe de l’islamisation..., p. 91.)

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pas, initialement, de visées terroristes et insurrectionnelles. Ce sont surtout la répression et les erreurs à répétition des forces de sécurité qui contribuent à le radicaliser270. »

Concernant son identité, S. De Sena Lelo Pessoa relate que Boko Haram est un groupe sunnite considéré comme une secte de 2002 à 2009. Son fondateur, Mohammed Yusuf, prenant pour modèles les talibans d’Afghanistan, condamne l’occidentalisation et l’islam modernisé. Le nom « Boko Haram » traduit, ainsi, les idéologies poursuivies par la secte islamiste : « Boko » du « book » en anglais soit « livre » en français. « Haram » signifie « interdit, péché » en arabe. Le nom « Boko Haram » veut dire que l’éducation occidentale est un péché. D’où son rejet d’un enseignement ‘‘perverti’’ par l’occidentalisation et sa substitution à l’éducation coranique. Concernant son évolution en un groupe islamiste insurrectionnel, elle est arrivée avec la mort de son leader Mohammed Yusuf en 2009 et son remplacement par Aboubacar Shekau. Dès lors, ce dernier a mis sur pied des méthodes terroristes telles que les attentats à la bombe et les prises d’otages271.

Abordant davantage la question de l’évolution de Boko Haram, la FIDH rapporte que la secte est fondée en 2002 par Ustaz Mohamed Yusuf à Maiduguri (État de Borno). Dès sa naissance le groupe prône un islam obscurantiste et une application stricte de la charia à l’ensemble du Nigéria. Mais, il faut noter que 12 États du Nord sur les 36 que compte le pays, l’appliquaient déjà. De 2002 à 2004, la secte se cantonne au domaine religieux et au prêche. À partir de 2004, son leader charismatique, Mohamed Yusuf, commence à avoir des revendications politiques, notamment la mise en place d’un système éducatif basé sur le Coran (les écoles coraniques). De fait, à partir de 2006, il met en place dans l’État de Borno, un système éducatif islamique parallèle, en ouvrant des écoles primaires, des écoles secondaires et des universités coraniques. Ces nouveaux foyers d’éducation accueillaient les exclus d’un système public ultra sélectif et inspiré du modèle britannique. C’est de là qu’il lança son slogan « Boko Haram » qui est une négation catégorique de l’éducation occidentale. Au cours de cette période, le groupe se radicalise timidement. Mais, des heurts souvent violents opposent ses militants aux forces de sécurité. En décembre 2003, l’organisation lance sa

270 M.-A. P. de Montclos, « Questions de recherche/ Research Questions – n° 40 – Juin 2012 … », p. 16. 271 S. De Sena Lelo Pessoa, « Boko Haram à l’aune du droit international pénal, 16 mars 2015 »

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première attaque d’importance contre les forces de la police nationale. C’est à cette même époque que datent les premières attaques armées de commissariats pour récupérer armes et munitions. L’été 2009 marque le tournant décisif de l’organisation. Le 26 juillet 2009, le groupe islamiste lance une attaque simultanée dans quatre États du Nord-Est du Nigéria : Borno, Bauchi, Yobe, Kano. Et ce, par suite des blessures infligées à ses militants lors d’un contrôle barbare de la police. Les combats les plus durs se déroulent à Maiduguri la capitale de l’État du Borno où les islamistes affrontent la police pendant 4 jours avant l’arrivée d’un renfort pour mettre fin aux violences. Le 30 juillet de l’année 2009, l’armée écrase dans le sang cette rébellion islamiste. Cette intervention musclée cause la mort de 700 à 1500 personnes dont 1000 dans les rangs des islamistes. C’est lors de cette intervention affreuse que le fondateur du groupe, Mohamed Yusuf, fut arrêté et exécuté sommairement par la police, les jours suivants. Les rescapés du massacre se dispersent et entrent en clandestinité272.

Signalons également que Boko Haram a hérité, en partie, de la violence de ses prédécesseurs. Car, selon la FIDH, ce n’est pas la première fois que le Nord du Nigéria connaît des flambées de violence liées à l’existence et aux actions de sectes musulmanes. Au début des années 1980, le mouvement Maitatsine, très actif notamment à Maiduguri, Kano et Kaduna, interdisait tout signe de modernité jusqu’au port de montres. En avril 1984, l’armée réprime dans le sang le dernier bastillon Maitastsinien retranché près du marché de Kano. Cette intervention barbare a fait 3000 morts273. Selon la même source, en juillet 2010, après une lutte intestine pour la succession de Mohamed Yusuf, Abubakar Shekau apparaît dans une vidéo dans laquelle il s’auto-proclame nouveau chef du groupe et promet la poursuite de la lutte armée. Depuis l’été 2009, les rescapés de Boko Haram se sont réorganisés puis se sont retranchés dans la forêt de Sambisa. De là, ils lancent en septembre 2009 une attaque contre la prison de Bauchi et libèrent plus de 700 prisonniers dont 150 de leurs militants274. Dans la même veine, Vincent Hugeux, journaliste spécialiste de l’Afrique à l’Express, reprenant la terminologie d’Aboubacar Shekau, révèle que le groupe vise l’instauration d’un

272 FIDH, « Nigeria les crimes de masse…, p. 4 » 273 Ibid.

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Califat. Boko Haram à l’origine c’est-à-dire aux tournants des années 2000 n’était qu’un groupuscule d’étudiants fascinés par un prédicateur charismatique. Par la suite, ce groupuscule est devenu une secte et la secte est devenue une rébellion et la rébellion une armée. Aujourd’hui, Boko Haram a parfois des moyens militaires supérieurs à ses adversaires. Toutefois, on n’est pas parvenu au stade où l’on peut parler de Boko Haram land. On n’est pas encore à une forme de territoire homogène. Pour le moment, il y a trois États où Boko Haram est puissamment implanté. Il s’agit de l’État de Borno (où se trouve Baga), l’État de Yobé et l’État d’Adamawa. Les montagnes d’Adamawa et la forêt de Sambisa constituent les principaux refuges du groupe. Autour de la ville de Goaza, ils ont un épicentre qui pourrait devenir un Califat275.

Boko Haram s’inspire des idéologies d’anciens groupes et écoles que nous allons présenter dans la section suivante.