111
CHAPITRE 8
PROBABILIT´
ES
⊙
La th´eorie des probabilit´es est une math´ematisation de l’incertitude des ph´enom`enes. On a jou´e aux d´es depuis l’antiquit´e en ´Egypte, en M´esopotamie, en Inde il y a 5000 ans, mais aussi aux cartes en Chine, Inde, Arabie et ´Egypte et beaucoup plus tard `a Venise, Nuremberg et Paris au XIVe si`ecle.
Le v´eritable d´ebut de la th´eorie des probabilit´es date de la correspondance entre Pierre de Fermat et Blaise Pascal en 1654 au sujet d’une d´esormais c´el`ebre question pos´ee par le chevalier de M´er´e au sujet du probl`eme des partis et du lancer de deux d´es. Le trait´e de Huygens, qui fait le point sur cette question, est rest´e le seul ouvrage important de la th´eorie des probabilit´es jusqu’au d´ebut du XVIIIesi`ecle.
Abraham de Moivre publie en 1718 The Doctrine of Chances contenant des probl`emes combinatoires dont la formule de Stirling, des probabilit´es conditionnelles ainsi qu’une approximation de loi normale par une loi binomiale, c’est la premi`ere version du th´eor`eme central limite dit th´eor`eme de Moivre-Laplace.
Puis Jacques Bernoulli ´enonce la loi des grands nombres, nomm´ee ainsi plus tard par Poisson. Nicolas Bernoulli publie en 1711 sa th`ese de doctorat o`u apparaˆıt pour la premi`ere fois la loi uniforme discr`ete et enfin Daniel Bernoulli ´etudie, autour de 1732, des applications du calcul des probabilit´es aux probl`emes d’assurance, `a l’astronomie, au calcul d’erreur ou au paradoxe de Saint-P´etersbourg.
Joseph-Louis Lagrange publie vers 1770 un m´emoire contenant des probl`emes de dur´ee d’un jeu de hasard et utilisant des lois continues. D´ebute alors la consid´eration du caract`ere continu des probabilit´es. Au d´ebut du XIXesi`ecle, Laplace publie son trait´e intitul´e Th´eorie analytique des probabilit´es dans lequel il pr´esente des r´esultats asymptotiques ´etant ainsi un des premiers ouvrages `a distinguer des ´enonc´es de principes probabilistes aux estimations des probabilit´es observ´ees `a la suite d’une exp´erience.
La th´eorie des probabilit´es va prendre un nouvel essor vers le d´ebut du XXesi`ecle grˆace `a l’introduction du concept de mesures qui apparaissent sous diff´erentes d´efinitions suivant les travaux de Georg Cantor en 1884, de Giuseppe Peano en 1887 ou Camille Jordan en 1892. Mais c’est `a ´Emile Borel que l’on attribue la paternit´e de la th´eorie de la mesure avec l’introduction d’ensembles de mesure nulle en 1897, et de la classe des parties appel´ees bor´eliennes depuis. En 1901, Henri-L´eon Lebesgue utilise cette th´eorie de la mesure pour d´evelopper la th´eorie de l’int´egration qui g´en´eralise l’int´egrale de Riemann. Sous limpulsion de Johann Radon en 1913, cette th´eorie se g´en´eralise sur Rn puis sur un ensemble plus abstrait Ω muni d’une tribu.
C’est `a partir de 1930 que Andre¨ı Kolmogorov fonde math´ematiquement la th´eorie des probabilit´es en posant les trois axiomes des probabilit´es qui la d´efinissent de mani`ere rigoureuse et consistante.
TABLE DES MATI`
ERES
Partie 1 : ensembles
- 1 : ´equipotence (HP). . . .page 112 - 2 : ensembles finis. . . .page 112 - 3 : applications et cardinaux. . . .page 113 - 4 : d´enombrement. . . .page 114 - 5 : ensembles d´enombrables (HP). . . .page 115 Partie 2 : espace probabilis´e
- 1 : tribu. . . .page 116 - 2 : probabilit´e. . . .page 117 Partie 3 : conditionnement et ind´ependance
- 1 : probabilit´e conditionnelle. . . .page 119 - 2 : ´ev`enements ind´ependants. . . .page 121
PARTIE 8.1 : ENSEMBLES
8.1.1 : ´
Equipotence (HP)
⊙
On admet connu l’ensemble N muni de ses deux lois internes + et × avec leurs propri´et´es respectives (neutre, commutativit´e, associativit´e) et crois´ees (distributivit´e), de ses deux ordres6 (total) et | avec leurs compatibilit´es vis-`a-vis de + et ×. Le principe de r´ecurrence fait partie de ces propri´et´es de base de N.
TH ´EOR `EME SUR LES EXTREMA DES PARTIES DE N (´ENORME) 8.1 :
Toute partie non vide de N admet un plus petit ´el´ement (un minimum) et toute partie non vide major´ee admet un plus grand ´el´ement (un maximum).
D ´EFINITION 8.1 :
On dit que deux ensembles non videsE etF sont ´equipotents, not´eE∼F, s’il existe f:E→F bijective.
EXEMPLE 8.1 : • Il est clair que N ∼ N∗ grˆace `a l’applicationn7→n+1. • R ∼]−π
2; π 2
[
par l’interm´ediaire de la fonctionArctan.
REMARQUE HP 8.1 :
• Cette relation d’´equipotence est r´eflexive, sym´etrique et transitive mais ce n’est pas une relation d’´equivalence car il n’existe aucun ensemble contenant tous les ensembles (voir paradoxe de Russell). • On admet le th´eor`eme de Cantor-Bernstein qui affirme que, pour deux ensembles E et F, s’il existef:E→Fetg:F→Einjectives, alors EetFsont ´equipotents.
8.1.2 : Ensembles finis
D ´EFINITION 8.2 :
SoitE un ensemble, on dit que Eest fini si E=∅ ou s’il existe un entiern∈ N∗ tel queE∼ [[1;n]]. On dit que E est infini dans le cas contraire.
REMARQUE 8.2 : SiE̸= ∅ est fini, on montre que ∃!n∈ N∗, E∼ [[1;n]].
D ´EFINITION 8.3 :
SoitE un ensemble fini, on d´efinit son cardinal, not´e card (E) ou |E| ou #E, par : card (E) =0siE=∅ ; card(E) =no`un est l’unique entierntel queE∼ [[1;n]] sinon.
REMARQUE 8.3 : • Pour deux entiersa6b, on a card ([[a;b]]) =b−a+1.
ENSEMBLES 113
PROPOSITION SUR LES PARTIES DES ENSEMBLES FINIS 8.2 : Pour deux ensembles non vides finis E etF : (E∼F)⇐⇒(card (E) = card (F)).
SoitE un ensemble fini, alors toute partie Ade E est finie et on a card (A)6 card (E). De plus, si A⊂E, on aA=E⇐⇒ card (A) = card (E).
REMARQUE 8.4 : • Toute intersection et toute r´eunion finie d’ensembles finis est finie.
• Soit, pour une partie A d’un ensemble E, la fonction indicatrice (appel´ee aussi fonction car-act´eristique) deA, not´ee11A, par11A(x) =1six∈Aet 11A(x) =0six∈E\A.
• SiE est fini, on a∀A∈P(E), card (A) = ∑ x∈E
11A(x).
• AlorsA=B⇐⇒11A=11B, etA⊂B⇐⇒11A611B, puis11E=1et11∅=0(fonctions constantes). • SiAetBsont des parties deE,11A∩B=11A11B et 11A∪B=11A+11B−11A11B.
• En notant Ale compl´ementaire deAdansE,11
A=1−11Ad’o`u11A\B=11A−11A11B et en sommant les images de tous lesx∈E: card (A) = card (E)− card (A) et card (A\B) = card (A)− card (A∩B).
PROPOSITION SUR LE CARDINAL D’UNE R ´EUNION 8.3 :
SoitAetBdeux parties d’un ensemble finiE, alors : card (A∪B) = card (A) + card (B)−card (A∩B).
8.1.3 : Applications et cardinaux
TH ´EOR `EME SUR DES CONDITIONS D’INJECTIVIT ´E ET DE SURJECTIVIT ´E 8.4 : Soit f:E→Fune application avec E ensemble fini, alors on a :
• Im(f) est fini et card (Im f)6 cardE ; de plus, card (Im f) = card (E)⇐⇒finjective. • siF est fini on a card (Im f)6 cardF ; de plus, card (Im f) = card (F)⇐⇒f surjective.
PROPOSITION 8.5 :
Si f:E→Fest une application entre deux ensembles finis :
finjective =⇒ card (E)6 card (F) ; fsurjective =⇒ card (E)> card (F) ; f bij. =⇒ card (E) = card (F).
REMARQUE 8.5 : D’o`u le principe des tiroirs de Dirichlet : si deux ensembles Eet Fsont finis et si card (E)>card (F) alors il n’y a pas d’injection deEdansF(trop de chaussettes pour les tiroirs).
TH ´EOR `EME SUR UNE CARACT ´ERISATION DE LA BIJECTIVIT ´E POUR UNE APPLICATION ENTRE ENSEMBLES DE M ˆEME CARDINAL ( ´ENORME) 8.6 :
Soit f :E →F une application entre deux ensembles finis de mˆeme cardinal (en particulier si
E=Ffini), alors on a : f injective⇐⇒ fsurjective ⇐⇒ f bijective.
8.1.4 : D´
enombrement
PROPOSITION SUR LE CARDINAL D’UNE R ´EUNION DE PARTIES 8.7 : Soitn∈ N∗ etE1,· · ·, En ensembles finis disjoints deux `a deux : card
( ∪n k=1 Ek ) = n ∑ k=1 card (Ek).
REMARQUE 8.7 : • Si {E1,· · ·, Ep} constitue une partition deEfini : n ∑ k=1
card (Ek) = card (E). • Soit p∈ N∗, E et F deux ensembles finis et f:E→F qui v´erifie : ∀y ∈F,y poss`ede exactement p
ant´ec´edent(s). Alors card (E) =pcard (F) (lemme des bergers).
PROPOSITION SUR PRODUITS CART ´ESIENS ET ENSEMBLES DE FONCTIONS 8.8 : SoitE,Fdeux ensembles finis de cardinaux respectifsn,p, alors E×Fest fini et card (E×F) =np. Par r´ecurrence, Em est fini pour m∈ N∗ et card (Em) =nm.
SoitE et Fdeux ensembles finis de cardinaux respectifs n etp, alors card (F(E, F)) =pn.
REMARQUE 8.8 : Cela justifie la notationFE pour les familles d’´el´ements deFindex´ees parE.
PROPOSITION SUR LES ARRANGEMENTS ET PERMUTATIONS 8.9 : SoitE et Fdeux ensembles finis de cardinaux respectifs n etp avec n6p. Il y a exactement Anp= p!
(p−n)! injections de E dans F.
Il y a aussi Anp n-listes (oun-uplets) d’´el´ements distincts deF.
SoitE un ensemble fini de cardinal n, alors il y a exactement n! permutations de E.
REMARQUE 8.9 : • Le nombre de surjections entre ensembles finis est plus difficile `a ´etablir. • En mettant en bijection les parties de Eet les fonctions caract´eristiquesf∈F(E,{0, 1}),...
PROPOSITION SUR LES PARTIES D’UN ENSEMBLE ET COMBINAISONS 8.10 : SoitE un ensemble fini de cardinal n,P(E) est fini et card(P(E))=2n.
SoitE un ensemble fini de cardinal n etp∈ [[0;n]], alors en notantPp(E) l’ensemble des parties de E `a p ´el´ements, on a Pp(E) fini et card
( Pp(E) ) = n! p!(n−p)!.
REMARQUE HP 8.10 : Plus g´en´eral, si (Ak)16k6n est une famille de parties d’un ensemble finiE: card ( ∪n k=1 Ak ) = n ∑ k=1 (−1)k+1( ∑ 16i1<···<ik6n card ( ∩k j=1 Aij ))
(formule du crible ou de Poincar´e).
D ´EFINITION 8.4 :
Si (n, p)∈ N × Z, on d´efinit le coefficient binomial ( n p ) = n! p!(n−p)! sip∈ [[0;n]] et ( n p ) =0sinon.
ENSEMBLES 115
PROPOSITION SUR LES COEFFICIENTS BINOMIAUX 8.11 : On dispose sur les coefficients binomiaux de formules classiques :
∀(n, p)∈ N∗× Z, ( n p ) = ( n−1 p ) + ( n−1 p−1 ) , ( n p ) = ( n n−p ) , p ( n p ) =n ( n−1 p−1 ) . SoitA un anneau, (x, y)∈A2,n∈ N, xy=yx: (x+y)n= n ∑ k=0 ( n k )
xkyn−k (binˆome de Newton).
REMARQUE 8.11 : • Formule classique : ∀n∈ N, ∀p>n,
p ∑ k=n ( k n ) = ( p+1 n+1 ) .
• Il est souvent plus pratique d’´ecrire ces coefficients sous forme polynomiale : ( n 1 ) =n, ( n 2 ) = n(n−1) 2 , ( n 3 ) = n(n−1)(n−2) 6 , ( n 4 ) = n(n−1)(n−2)(n−3) 24 , etc...
EXERCICE CLASSIQUE 8.2 : Formule de Vandermonde.
Montrer que si (a, b)∈ N2: ∑n k=0 ( a k )( b n−k ) = ( a+b n ) .
REMARQUE HP 8.12 : Si x1,· · ·, xpsont p´el´ements d’un anneau qui commutent deux `a deux :
∀n∈ N, (x1+· · · +xp)n= ∑ (k1,···,kp)∈ Np k1+···kp=n n! k1!· · ·kp!x k1 1 · · ·x kp
p (formule du multinˆome).
On compte les xk1
1 · · ·x kp
p (pour (k1,· · ·, kp) ∈ Np tel que k1+· · ·kp = n) obtenus en d´eveloppant (x1+· · · +xp)n :
(
n k1
)
pour le choix des parenth`eses o`u l’on prendx1, (
n−k1
k2 )
celles restantes o`u l’on prend x2, etc... jusqu’`a
(
n−k1− · · · −kp−1
kp
)
=1(plus de choix) pour celles o`u l’on prendxp.
En effectuant le produit (arbre de choix) : ( n k1 )( n−k1) k2 ) · · · ( n−k1− · · · −kp−1 kp ) = n! k1!· · ·kp! .
EXERCICE 8.3 : Les entiersnetk´etant donn´es, soitEn l’ensemble des solutions (α1,· · ·, αk) de Nk de l’´equation : α
1+· · · +αk=n. SoitFn l’ensemble des applications strictement croissantessde [[0;k]] dans N telles ques(0) =0ets(k) =n+k. Calculer cardFn et en d´eduire cardEn.
ORAL BLANC 8.4 : Centrale PSI 2012
a. Compter les applications surjectives de [[1;n+1]] dans [[1;n]]. b. Compter les applications surjectives de [[1;n+2]] dans [[1;n]].
8.1.5 : Ensembles d´
enombrables (HP)
D ´EFINITION 8.5 :
On dit qu’un ensemble est d´enombrable s’il est ´equipotent `a N. Un ensemble est dit au plus d´enombrable s’il est fini ou d´enombrable.
REMARQUE 8.13 : • N∗ est d´enombrable carf: N → N∗ telle quef(n) =n+1est bijective. • Z est d´enombrable carf: N → Z telle quef(2n) =netf(2n+1) =−n−1est une bijection. • N × N est d´enombrable carf: N2→ N telle quef(n, m) =1
2
(
(n+m)2+3n+m)est bijective. • Ed´enombrable s’´ecriraE={x0,· · ·, xn,· · ·} = {xn |n∈ N} (´ecriture en extension).
PROPOSITION 8.12 :
Si E est fini et F d´enombrable alors E×F est d´enombrable. Si E etF sont d´enombrables alors E×Fest d´enombrable.
REMARQUE 8.14 : • Toute partie d’un ensemble d´enombrable est finie ou d´enombrable. • La r´eunion de deux ensembles d´enombrables l’est encore.
• Toute r´eunion finie ou d´enombrable d’ensembles d´enombrables l’est encore. • Tout produit fini d’ensembles d´enombrables l’est encore.
EXEMPLE 8.5 : • Ni R, niP(N) ne sont d´enombrables. • Mˆeme s’il est dense dans R, Q est d´enombrable.
PARTIE 8.2 : ESPACE PROBABILIS´
E
8.2.1 : Tribu
⊙
Dans l’optique de formaliser les exp´eriences al´eatoires, on appelle univers, not´e traditionnellement Ω, l’ensemble de toutes les issues (ou ´eventualit´es, ´epreuves, r´esultats) possibles d’une telle exp´erience : jet de d´e, choix d’une boule dans une urne, tirage du loto,...
EXEMPLE 8.6 :
• Pile ou face : on prendra Ω = {0, 1} (0pour pile et1pour face) pour un seul lancer,{0, 1}n pour un nombrenfini de lancers et{0, 1}Npour une suite d´enombrable de lancers.
• Dans une urne contenantnboules discernables (num´erot´ees), si on effectueptirages d’une boule avec remise, on pourra prendre Ω = [[1;n]]p.
D ´EFINITION 8.6 :
Soit Ω un ensemble, on appelle tribu sur Ω toute partieA⊂P(Ω) (ouA∈P(P(Ω))) telle que : • Ω ∈A.
• SiA∈AalorsA∈A(compl´ementaire deAdans Ω). • Si (An)n∈ N est une suite d’´el´ements deAalors
+∪∞ n=0
An∈A.
SiAest une tribu sur Ω, univers d’une exp´erience al´eatoire, les ´el´ements deAsont appel´es les ´ev`enements de l’exp´erience al´eatoire.
PROPOSITION SUR LES PROPRI ´ET ´ES D’UNE TRIBU 8.13 : Si Aest une tribu sur Ω et A etB deux ´ev`enements de A:
• ∅ ∈A ;A∪B∈A; A∩B∈A et aussiA\B∈A. • Si (An)n∈ N est une suite d’´el´ements deA alors
+∩∞ n=0
An ∈A.
ESPACE PROBABILIS ´E 117 REMARQUE 8.15 : Un peu de terminologie :
• Ω est appel´e ´ev`enement certain, ∅ = Ω est appel´e ´ev`enement impossible. • SiAest un ´ev`enement, l’´ev`enementAest appel´e ´ev`enement contraire deA. • Siω∈ Ω et si {ω} ∈A, on dit que{ω} est un ´ev`enement ´el´ementaire.
• Soit (A, B)∈A2, l’´ev`enement A∪B(resp. A∩B) est aussi appel´e ”AouB” (resp. ”Aet B”). • Soit (A, B)∈A2, si A⊂B, on dit que l’´ev`enementAimplique l’´ev`enementB.
• Deux ´ev`enements Aet Bsont dits incompatibles siA∩B=∅. • SiA∈A, les ´ev`enementsAet Asont incompatibles.
• SiAetBsont des ´ev`enements incompatibles,C∈AetCimpliqueA, alorsCetBsont incompatibles.
EXEMPLE 8.7 : Soit trois d`es de couleurs diff´erentes, on lance les trois d`es et on appelle A
l’´ev`enement : A= “la somme des trois d`es vaut10”. Mod´eliser cette exp´erience.
REMARQUE 8.16 : Quelques tribus classiques (`a part celles des cheveux propres ou sales,....) : • La tribu triviale {∅,Ω} ou seules2parties de Ω sont des ´ev`enements.
• La tribu pleineP(Ω) o`u toutes les parties de Ω sont des ´ev`enements. • SiA∈P(Ω),{∅, A, A,Ω} est la tribu engendr´ee parA.
8.2.2 : Probabilit´
e
D ´EFINITION 8.7 :
SoitAune tribu sur un ensemble Ω, on appelle probabilit´e sur (Ω,A) toute P :A→ [0;1] telle que : • P(Ω) =1(l’´ev`enement certain a une probabilit´e maximale de 1).
• ∀(An)n∈ N∈AN suite d’´ev`enements2`a2 incompatibles, P (+∞ ∪ n=0 An ) = +∑∞ n=0 P(An) (σ-additivit´e).
Un espace probabilis´e est un triplet (Ω,A,P), o`uAest une tribu sur Ω et P une probabilit´e sur (Ω,A). ⊙
On retrouve la d´efinition de probabilit´e vue en premi`ere ann´ee o`u sur un ensemble fini Ω, on avait pris
A=P(Ω) (tribu pleine) et o`u la seconde condition ´etait P(A∪B) = P(A) + P(B) pourA,Bincompatibles.
PROPOSITION SUR LES PROPRI ´ET ´ES D’UNE PROBABILIT ´E 8.14 : Soit (Ω,A,P) un espace probabilis´e :
• P(∅) =0 (l’´ev`enement impossible a une probabilit´e minimale de 0). • Soit n∈ N∗ etA1,· · ·, An des ´ev`enements 2 `a 2incompatibles : P
( n ∪ k=1 Ak ) = n ∑ k=1 P(Ak). • Pour A∈A, on a P(A) =1− P(A). • Pour (A, B)∈A2, on aA⊂B=⇒ P(A)6 P(B). • Pour (A, B)∈A2, on a P(A∪B) = P(A) +P(B)− P(A∩B). ⊙
Dans un univers infini, l’axiome P(A∪B) = P(A) + P(B) pour A, B incompatibles suffirait seulement `
a ´etablir (par une r´ecurrence facile) que P ( n ∪ k=1 Ak ) = n ∑ k=1
P(Ak) siA1,· · ·, An sont des ´ev`enements2`a 2 incompatibles mais on ne pourrait pas aller jusqu’`a laσ-additivit´e.
PROPOSITION DE SOUS-ADDITIVIT ´E FINIE 8.15 :
Pour des ´ev`enements A1,· · ·, An : P ( n ∪ k=1 Ak ) 6 ∑n k=1 P(Ak).
EXEMPLE 8.8 : Sur une classe de38´etudiants, en oubliant les ann´ees bissextiles et en supposant l’´equiprobabilit´e des jours de naissance, quelle est la probabilit´e que deux d’entre eux soient n´es le mˆeme jour (pas forc´ement de la mˆeme ann´ee) ?
REMARQUE 8.17 : Quelques probabilit´es d´efinie sur les ´ev`enements ´el´ementaires : • Sur un ensemble fini Ω = {ω1,· · ·, ωn}, la probabilit´e uniforme est d´efinie par P
( {ωk}
) = 1
n.
• Sur un ensemble fini Ω = {ω0,· · ·, ωn}, on peut d´efinir la probabilit´e binomiale de param`etre p∈]0;1[ en posant P({ωk})= ( n k ) pk(1−p)n−k. PROPOSITION 8.16 :
Si Ω ={ωn | n ∈ N} est d´enombrable et si (pn)n∈ N ∈ [0;1]N est une suite telle que +∑∞ n=0
pn =1, alors il existe une unique probabilit´e P sur Ω telle que ∀n∈ N, P({ωn}
)
=pn : la probabilit´e de A⊂ Ω sera alors P(A) = ∑
ω∈A
P({ω}) (soit une somme finie soit la somme d’une s´erie).
D ´EFINITION 8.8 :
Soit (Ω,A,P) un espace probabilis´e etAun ´ev`enement, alors : • on dit que Aest un ´ev`enement n´egligeable si P(A) =0. • on dit que Aest un ´ev`enement presque sˆur si P(A) =1.
TH ´EOR `EME DE CONTINUIT ´ES CROISSANTES ET D ´ECROISSANTES ET DE SOUS-ADDITIVIT ´E ( ´ENORME) 8.17 :
Soit (Ω,A,P) un espace probabilis´e, soit (An)n∈ N une suite quelconque d’´ev`enements :
• Si (An)n∈ N est croissante pour l’inclusion (∀n∈ N, An ⊂An+1), alors on a la relation dite de continuit´e croissante : P
(+∞ ∪ n=0 An ) = lim n→+∞P(An).
• Si (An)n∈ Nest d´ecroissante pour l’inclusion (∀n∈ N, An+1⊂An), alors on a la relation dite de continuit´e d´ecroissante : P
(+∞ ∩ n=0 An ) = lim n→+∞P(An). • Si ∑ n>0P(An) converge alors P (+∞ ∪ n=0 An ) 6+∑∞ n=0
P(An) (c’est la sous-additivit´e).
REMARQUE 8.18 : • Une r´eunion finie ou d´enombrable d’´ev`enements n´egligeables est n´egligeable. • Une intersection finie ou d´enombrable d’´ev`enements presque sˆurs est presque sˆur.
• La sous-additivit´e est vraie si ∑ n>0P(
An) diverge et qu’on pose alors +∑∞ n=0
P(An) = +∞ mais l’in´egalit´e
perd alors nettement de son int´erˆet. Elle en a peu d’ailleurs d`es que +∑∞ n=0
CONDITIONNEMENT ET IND ´EPENDANCE 119
EXEMPLE 8.9 : On jette ind´efiniment un d´e non pip´e `a f > 1 faces, montrer que l’´ev`enement
A=“on tombe au moins une fois sur1” est presque sˆur.
REMARQUE FONDAMENTALE 8.19 : Soit (An)n∈ Nune suite quelconque d’´ev`enements :
P (+∞ ∪ n=0 An ) = lim n→+∞P ( n ∪ k=0 Ak ) et P (+∞ ∩ n=0 An ) = lim n→+∞P ( n ∩ k=0 Ak ) .
PARTIE 8.3 : CONDITIONNEMENT ET IND´
EPENDANCE
⊙
Dans toute cette partie, on consid`ere un espace probabilis´e (Ω,A,P).
8.3.1 : Probabilit´
e conditionnelle
D ´EFINITION 8.9 :
SoitB∈Aun ´ev`enement tel que P(B)> 0. SiA∈Aest un ´ev`enement quelconque, on d´efinit la probabilit´e conditionnelle de Asachant B, not´ee PB(A) (ou mˆeme P(A|B)), par la relation suivante :
PB(A) = P(A|B) = P (A∩B)
P(B) ce qui ´equivaut `a P(A∩B) = P(B)PB(A) = P(A|B)P(B).
REMARQUE 8.20 : • Attention, il n’existe pas d’´ev`enement appel´e “AsachantB” dans la tribuA. • La formule reste vraie si P(B) =0en convenant que PB(A)P(B) =0mˆeme si PB(A) n’est pas d´efini.
PROPOSITION DE STRUCTURE DE LA PROBABILIT ´E CONDITIONNELLE 8.18 : SoitB∈Aet P(B)> 0, PB :A→ [0;1] d´efinie comme ci-dessus est une probabilit´e sur (Ω,A).
EXEMPLE 8.10 : Si Ω = [[1;6]]3 et A=P(Ω) pour repr´esenter le jet simultan´e de trois d´es non pip´es, la probabilit´e de faire un421sachant que les trois d´es ont donn´e un r´esultat diff´erent est de 1
20.
TH ´EOR `EME SUR LA FORMULE DES PROBABILIT ´ES COMPOS ´EES 8.19 :
SiA1,· · ·, An sont des ´ev`enements deAtels que P(A1∩ · · · ∩An−1)> 0, on a la formule suivante : P(A1∩ · · · ∩An) = P(A1)× PA1(A2)× PA1∩A2(A3)× · · · × PA1∩···∩An−1(An).
REMARQUE 8.21 :
• Cette formule permet `a priori de calculer la probabilit´e de toute intersection finie.
• On peut alors calculer la probabilit´e d’une intersection d´enombrable par continuit´e d´ecroissante.
EXERCICE 8.11 : Dans une urne, il y ap boules blanches et une seule boule noire. `A chaque ´etape, on tire une boule, on la remet dans l’urne en rajoutant aussibboule(s) blanche(s).
Quelle est la probabilit´e de l’´ev`enement An = “on tire la boule noire `a l’´etapen et pas avant ” ? En d´eduire la probabilit´e de ne jamais tirer la boule noire si on r´ep`ete ces op´erations ind´efiniment. Indication : on pourra exprimer P(An) sous la formeun−1−un.
D ´EFINITION 8.10 :
On appelle syst`eme complet d’´ev`enements (not´e souvent SCE) toute famille (Ai)i∈Ifinie ou d´enombrable d’´ev`enements deux `a deux incompatibles de r´eunion Ω :
• I est un ensemble d’indices fini ou d´enombrable. • ∀(i, j)∈I2, i̸=j=⇒Ai∩Aj=∅.
• ∪ k∈I
Ak= Ω.
REMARQUE 8.22 : • SiA⊂ Ω, (A, A) est un syst`eme complet fini d’´ev`enements (engendr´e parA). • Si (A, B)∈P(Ω)2, la famille (A∩B, A∩B, A∩B, A∩B) l’est aussi (engendr´e parAetB). • Si Ω = {ωn |n∈ N} est d´enombrable et siA=P(Ω) alors ({ωn})n∈ N est un SCE.
TH ´EOR `EME ET FORMULE DES PROBABILIT ´ES TOTALES ( ´ENORME) 8.20 : Soit (An)n∈ N un syst`eme complet d’´ev`enements et B ∈ A. Alors
∑ n∈ NP( B∩An) converge et P(B) = +∑∞ n=0 P(B∩An) = +∑∞ n=0 PAn(B)P(An) = +∑∞ n=0 P(B | An)P(An).
REMARQUE FONDAMENTALE 8.23 : • SiAest presque sˆur et siB∈A: P(A∩B) = P(B). • La formule est vraie si (An)n∈ Nest une suite d’´ev`enements2`a2incompatibles tel que
+∑∞ n=0
P(An) =1. • Mˆeme si pour certaines valeurs de n on a P(An) = 0, cette formule des probabilit´es totales reste vraie car on peut convenir que PAn(B)P(An) =0mˆeme si PAn(B) n’est pas clairement d´efini.
• Dans le cas d’un syst`eme complet fini (Ak)k∈[[1;n]], la formule devient : P(B) = n ∑ k=1
P(B∩Ak).
ORAL BLANC 8.12 : On place une boule rouge dans une urne. On lance un d´e `a 6 faces non pip´e. Si on fait un 6, on tire une boule dans l’urne, sinon on rajoute une boule blanche dans l’urne et on recommence. On ne fait qu’un seul tirage. Quelle est la probabilit´e de tirer la boule rouge ? Indication : on utilisera l’´egalit´e−ln(1−x) =
+∑∞ n=1
xn
n pour toutx∈] −1;1[.
TH ´EOR `EME SUR LA PREMI `ERE FORMULE DE BAYES 8.21 : Si A etB sont deux ´ev`enements tels que P(A)P(B)> 0: PB(A) = PA
(B)P(A) P(B) .
REMARQUE 8.24 : Cette formule de Bayes, comme la suivante qui en d´ecoule par la formule des probabilit´es totales, est aussi appel´ee formule de probabilit´es des causes.
TH ´EOR `EME SUR LA SECONDE FORMULE DE BAYES 8.22 :
Soit (An)n∈ N un syst`eme complet d’´ev`enements et B un ´ev`enement tel que P(B)> 0. Alors on a la formule de Bayes sous une autre forme : PB(An) = PAn
(B)P(An) +∑∞
k=0
PAk(B)P(Ak)
CONDITIONNEMENT ET IND ´EPENDANCE 121 REMARQUE 8.25 : Bien sˆur, si le syst`eme complet d’´ev`enements (A1,· · ·, An) ne contient qu’un nombre fini d’´ev`enements, cette formule se ram`ene `a : ∀k∈ [[1;n]], PB(Ak) = PAk
(B)P(Ak) n ∑ i=1 PAi(B)P(Ai) .
EXERCICE CLASSIQUE 8.13 : On propose `a l’´etude un test de d´epistage d’un certain virus. • Une personne sur10000est infect´ee par ce virus dans la population.
• Quand une personne est malade, le test est positif `a99%.
• Quand une personne n’est pas malade, le test est n´egatif `a99, 9%.
Calculer la probabilit´e qu’une personne positive au test soit effectivement infect´ee.
8.3.2 : ´
Ev`
enements ind´
ependants
D ´EFINITION 8.11 :
On dit que deux ´ev`enements AetBsont des ´ev`enements ind´ependants si P(A∩B) = P(A)P(B).
REMARQUE 8.26 : • Cette notion d’ind´ependance n’a rien `a voir avec la notion d’incompatibilit´e. • Si P(B) =0, alorsAetBsont ind´ependants quel que soit l’´ev`enementA.
EXEMPLE 8.14 : On consid`ere un d´e cubique non pip´e et on effectue un lancer.
On consid`ere les ´ev`enements suivants : A = “le r´esultat est pair” ; B = “le r´esultat est impair” ;
C= “le r´esultat est 1ou2”. ´Etudier leur incompatibilit´e et leur ind´ependance deux `a deux.
PROPOSITION SUR UNE CONDITION D’IND ´EPENDANCE 8.23 :
SoitA etB deux ´ev`enements tels que P(B)> 0: (A etB sont ind´ependants)⇐⇒ PB(A) = P(A).
REMARQUE 8.27 : SiAetBsont des ´ev`enements ind´ependants alors : •Aet Bsont ind´ependants.
•Aet Bsont ind´ependants. •Aet Bsont ind´ependants.
EXERCICE 8.15 : Une urne contient des boules blanches et des boules rouges.
On effectue deux tirages successifs et on s’int´eresse aux ´ev`enements A: “la premi`ere boule tir´ee est blanche” etB: “la deuxi`eme boule tir´ee est blanche”.
´
Etudier leur ind´ependance si le tirage se fait avec remise, puis si le tirage est fait sans remise.
D ´EFINITION 8.12 :
Soit (Ak)k∈[[1;n]] une famille d’´ev`enements. On dit que A1,· · ·, An sont des ´ev`enements mutuellement ind´ependants si pour toute partie J⊂ [[1;n]] on a P
( ∩ j∈J Aj ) =∏ j∈J P(Aj).
REMARQUE 8.28 :
• Des ´ev`enementsA,Bet Csont mutuellement ind´ependants si l’on v´erifie les4´egalit´es :
P(A∩B) = P(A)P(B), P(A∩C) = P(A)P(C), P(B∩C) = P(B)P(C) et P(A∩B∩C) = P(A)P(B)P(C). • Pour prouver l’ind´ependance mutuelle de n´ev`enements, il faut v´erifier2n−n−1´egalit´es.
• Toute sous-famille d’une famille d’´ev`enements mutuellement ind´ependants l’est aussi.
• Si (Ak)k∈[[1;n]] est une famille d’´ev`enements mutuellement ind´ependants et si on aBk ∈{Ak, Ak}, alors (Bk)k∈[[1;n]] est aussi une famille d’´ev`enements mutuellement ind´ependants.
• Des ´ev`enements mutuellement ind´ependants sont deux `a deux ind´ependants (avec J de cardinal2) mais la r´eciproque est fausse.
EXEMPLE 8.16 : On lance deux d´es cubiques non pip´es discernables (de couleurs diff´erentes par exemple). On consid`ere les trois ´ev`enementsA: “le premier donne un r´esultat pair” ;B: “le deuxi`eme donne un r´esultat pair” ;C: “la somme des deux d´es est paire”. Que peut-on dire de ces ´ev`enements ?
EXERCICE CONCOURS 8.17 :
SoitPl’ensemble des nombres premiers et, pours > 1, ζ(s) = +∑∞ n=1
n−s. a. Pour quels valeurs deλ∈ R, la famille(λn−s)
n∈ N∗ d´efinit-elle une loi de probabilit´e sur N∗ par l’interm´ediaire de∀n>1, P({n}) =λn−s ?
b. Pour p nombre premier, on pose Ap = pN∗. Montrer que les (Ap)p∈P sont mutuellement
ind´ependants pour la loi de probabilit´e pr´ec´edente. c. Prouver queζ(s) = ∏ p∈P 1 1−p−s.
COMP´
ETENCES
• savoir reconnaˆıtre un ensemble fini, infini d´enombrable ou pas.
• d´eterminer le cardinal d’un ensemble fini en cr´eant une bijection avec un ensemble plus simple. • trouver le cardinal d’un ensemble fini en le partitionnant en parties plus simples `a d´enombrer. • manipuler avec dext´erit´e les coefficients binomiaux avec les multiples formules.
• savoir ´etablir qu’une partie deP(Ω) est une tribu.
• maˆıtriser la terminologie sur les diff´erents types d’´ev`enements. • savoir prouver qu’une application sur une tribu est une probabilit´e. • ´ecrire un ´ev`enementA.... pour calculer P(A) par ... :
- comme une r´eunion d’´ev`enements incompatibles σ-additivit´e. - comme une intersection finie d’´ev`enements les “probabilit´es compos´ees”. - comme r´eunion d’une suite croissante d’´ev`enements continuit´e croissante. - comme intersection d’une suite d´ecroissante d’´ev`enements continuit´e d´ecroissante. - selon un syst`eme complet d’´ev´enements les “probabilit´es totales”. • connaˆıtre les diff´erentes formes de la formule de Bayes pour calculer une probabilit´e conditionnelle. • reconnaˆıtre dans une exp´erience l’incompatibilit´e ou l’ind´ependance d’´ev`enements sans confondre. • ne pas m´elanger les notions d’ind´ependance deux `a deux ou mutuelle de plusieurs ´ev`enements.