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Les mesures de détention avant jugement au Canada et en France

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(1)

Les mesures de détention avant jugement au Canada et

en France

Mémoire

Maîtrise en droit

François Laroche

Université Laval

Québec, Canada

Maîtrise en droit (LL.M.)

et

Université de Toulouse I Capitole

Toulouse, France

Master (M.)

(2)

Les mesures de détention avant jugement au Canada et

en France

Mémoire

Maîtrise en droit

François Laroche

Sous la direction de :

Alexandre Stylios, codirecteur de recherche

Antoine Botton, codirecteur de recherche

(3)

iii

Résumé

Autant en France qu’au Canada, la détention d’une personne soit suspectée ou soit poursuivie pour une infraction est possible bien qu’aucun jugement sur sa culpabilité ne soit encore rendu. Au moment où la personne est simplement suspectée et non encore poursuivie, plusieurs modes de détention existent comme la garde à vue en France ainsi que la mise sous garde et la détention aux fins d’enquête au Canada. Par la suite, l’individu devant se présenter devant une instance judiciaire pour être jugé, un autre moyen de détention existe en France et au Canada, soit la détention provisoire. Alors que la présomption d’innocence est un droit reconnu dans ces deux États, il est intéressant de se demander sur la base de quels motifs une telle personne peut se voir privée de sa liberté avant même qu’un jugement sur sa culpabilité ne soit rendu. Cette personne ne pouvant subir une peine alors qu’elle est toujours présumée innocente, la détention avant jugement poursuit nécessairement d’autres objectifs. Le contexte juridique de ces deux États étant différent à plusieurs égards, il est possible de se questionner quant à la conformité des objectifs poursuivis en France par rapport à ceux poursuivis au Canada.

(4)

iv

Table des matières

Résumé ...iii

Table des matières ... iv

Liste des abréviations ... viii

Remerciements ... ix

Introduction ... 1

A) La garde à vue et la mise sous garde ... 3

1) Définition des notions et évolution historique ... 3

a) En France ... 3 b) Au Canada ... 5 2) Objectifs ... 6 a) En France ... 6 b) Au Canada ... 6 B) La détention provisoire ... 7

1) Définition des notions et évolution historique ... 7

a) En France ... 7 b) Au Canada ... 8 2) Les objectifs ... 10 a) En France ... 10 b) Au Canada ... 11 Problématique ... 11 Intérêt du sujet ... 12

Questions de recherche et hypothèse ... 18

Méthodologie ... 19

Annonce du plan ... 19

I) Les mesures de détention relevant des pouvoirs de la police ... 21

A) Les mesures de détention à l’extérieur des locaux de police ... 22

1) L’arrestation comme moyen de coercition commun aux deux États ... 22

a) Le pouvoir d’arrestation en France ... 22

b) Le pouvoir d’arrestation au Canada ... 24

2) La détention aux fins d’enquête au Canada ... 26

(5)

v

a) L’objectif poursuivi ... 27

b) Le niveau de suspicion relatif à la commission d’une infraction ... 28

c) Le caractère nécessaire de la détention ... 29

2.2) Garanties juridiques ... 29

a) Le droit d’être informé des motifs de la détention ... 29

b) Droit à l’assistance d’un avocat ... 30

c) Droit de garder le silence ... 30

2.3) Son absence d’équivalent en droit français ... 31

B) La détention dans les locaux de police ... 33

1) Les motifs ... 33

1.1) De la garde à vue ... 33

a) Le niveau de suspicion requis relatif à la commission d’une infraction ... 33

b) La poursuite d’un ou plusieurs objectifs prévus par la loi ... 34

i) « Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne » ... 35

ii) « Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête » ... 35

iii) « Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou les indices matériels » ... 36

iv) « Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches » ... 37

v) « Empêcher que la personne ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices » ... 37

vi) « Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit »37 c) La présentation à un officier de police judiciaire de la personne sous contrainte par la force publique ... 38

1.2) De la mise sous garde ... 38

a) Le niveau de suspicion requis relatif à la commission d’une infraction ... 39

b) La poursuite d’un objectif prévu par la loi ... 39

(i) La sauvegarde de l’intérêt public ... 41

(ii) Omission de la personne de se présenter devant le tribunal ... 44

c) Les cas de mise sous garde obligatoire ... 44

2) Les garanties juridiques ... 45

(6)

vi

a) En France ... 46

b) Au Canada ... 47

2.2) Droit de garder le silence... 48

a) En France ... 48

b) Au Canada ... 49

2.3) Droit d’être informé des motifs de sa détention ... 50

a) En France ... 50

b) Au Canada ... 51

2.4) Droit de faire contrôler sa détention ... 53

a) En France ... 53

b) Au Canada ... 55

2.5) Protection contre l’auto-incrimination ... 56

a) En France ... 56

b) Au Canada ... 57

3) L’existence d’un régime dérogatoire au regard de la garde à vue ... 58

II) La détention provisoire en France et au Canada ... 61

A) Les motifs ... 62

1) En France ... 62

1.1) Le statut de mis en examen durant l’instruction ... 62

1.2) Les infractions entrant dans le champ d’application de la détention provisoire ... 63

1.3) La poursuite d’un ou plusieurs objectifs ... 63

a) « Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité » ... 64

b) « Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille » ... 65

c) « Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices » ... 65

d) « Protéger la personne mise en examen » ... 66

e) « Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice » ... 66

f) « Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement » ... 66

g) « Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. » ... 67

(7)

vii

1.4) L’insuffisance du contrôle judiciaire et de l’assignation à résidence avec surveillance

électronique ... 68

1.5) L’exception dans les cas de violation des obligations de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique ... 69

2) Au Canada ... 70

2.1) Les infractions entrant dans son champ d’application ... 70

2.2) Le caractère exceptionnel de la détention provisoire et ses exceptions ... 70

2.3) Les objectifs devant être poursuivis par une détention provisoire ... 72

a) La nécessité de la détention pour assurer la présence du prévenu au tribunal ... 72

b) La nécessité de la détention pour la « protection ou la sécurité du public » ... 74

c) La nécessité de la détention « pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice » ... 76

B) Les garanties ... 80

1) Droits relatifs à la préparation de la défense de la personne détenue. ... 80

1.1) En France... 80

1.2) Au Canada ... 81

2) Protection contre l’auto-incrimination ... 82

2.1) En France... 82

2.2) Au Canada ... 83

3) Les garanties juridiques portant sur la durée raisonnable d’une détention provisoire ... 85

3.1) En France ... 85

3.2) Au Canada ... 88

4) L’existence du droit de demander de recouvrer sa liberté à toutes les étapes de la procédure ……….90

4.1) En France ... 91

4.2) Au Canada ... 92

Conclusion... 94

(8)

viii

Liste des abréviations

BC CA : Cour d’appel de Colombie-Britannique Bull crim : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle CA : Cour d’appel

CanLII : Institut canadien d’information juridique

Cass crim : Cour de cassation, chambre criminelle Cass com : Cour de cassation, chambre commerciale

C de D : Cahiers de droit

CEDH : Cour européenne des droits de l’Homme Cons const : Conseil constitutionnel

Convention EDH : Convention des droits de l’Homme et des libertés fondamentales C proc pén : Code de procédure pénale français

CSC : Cour suprême du Canada JO : Journal officiel

MB CA : Cour d’appel du Manitoba MB QB : Cour supérieure du Manitoba ON CA : Cour d’appel d’Ontario QC CA : Cour d’appel du Québec QC CS : Cour supérieure du Québec QL : Service électronique Quicklaw

RCS : Recueil de la Cour suprême du Canada

R de SCDC : Revue de science criminelle et de droit pénal comparé RFDA : Revue française de droit administratif

(9)

ix

Remerciements

Je tiens tout d’abord à exprimer toute ma reconnaissance envers les professeurs Alexandre Stylios et Antoine Botton pour avoir accepté de diriger ce mémoire. Je les remercie également pour le soutien qu’ils m’ont offert tout au long de ce travail.

Je tiens également à remercier ma famille pour leur soutien et leur encouragement tout au long de mon cheminement académique.

(10)

1

Introduction

Cesare Beccaria, dans son ouvrage Des délits et des peines paru en 1764, considère que « […] la loi doit établir, d’une manière fixe, sur quels indices de délit un accusé peut être

emprisonné et soumis à un interrogatoire » 1. Un peu plus loin, toujours dans cet ouvrage, il est écrit que « […] la perte de liberté étant déjà une peine, elle ne doit précéder la

condamnation qu’autant que la stricte nécessité l’exige » 2. Ce texte ayant eu une influence indéniable sur l’évolution du droit pénal en Europe3, on peut comprendre par ces citations

que la privation de la liberté d’un individu et ce, en l’absence d’un jugement statuant sur sa culpabilité, est dès la fin du XVIIIe siècle un enjeu d’actualité pour les auteurs doctrinaux de ce temps. Le droit pénal ayant connu depuis une évolution considérable jusqu’à aujourd’hui, il n’est donc pas étonnant de constater qu’il soit fait écho de cet impératif de protection de la liberté d’un individu contre la détention arbitraire dans plusieurs corpus législatifs. En effet, la France, tout comme le Canada, accordent une protection constitutionnelle à la liberté d’une personne contre la détention arbitraire. Au Canada, c’est l’article 9 de la Charte canadienne des droits et libertés qui dispose que « [c]hacun a droit

à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires » 4. En France, c’est la

Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, intégrée à la constitution

française par le biais du préambule de cette dernière5, qui dispose en son article 7 que «

[n]ul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et

selon les formes qu’elle a prescrites » 6.

Étant clairement établi dans ces deux pays que la privation de liberté avant jugement imposée de façon arbitraire est illégale, il convient de se demander dans quels cas une telle détention est légale. Au Canada, trois mécanismes importants permettent de porter atteinte

1 Cesare Beccaria, Des délits et des peines, Paris, Éditions du Boucher, 2002, en ligne :

<www.leboucher.com/pdf/beccaria/beccaria.pdf> [Cesare Beccaria] à la p 22.

2 Ibid, à la p 66

3 Cesare Beccaria et Bryan Stevenson, On Crimes and Punishments and other writings, Toronto, University

of Toronto Press, 2009 à la p X.

4 Charte canadienne des droits et libertés, art 9, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant

l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11 [Charte canadienne].

5 Constitution du 4 octobre 1958, préambule.

(11)

2

au droit à la liberté d’un individu : la « détention aux fins d’enquête », « mise sous garde »7

et la « détention provisoire » - ce dernier mode de détention étant défini a contrario par la Loi, celle-ci traitant de la « mise en liberté provisoire » 8. En France, il existe deux

mécanismes importants : la « garde à vue » 9 et la « détention provisoire » 10. En plus de ces

deux derniers moyens de détention, deux autres mécanismes moins contraignants existent en France : le « contrôle judiciaire » ainsi que l’« assignation à résidence sous surveillance électronique » 11. En raison de facteurs comme la durée de l’imposition de telles mesures et

du niveau d’atteinte au droit à la liberté, la « mise sous garde », et la « détention provisoire » au Canada ainsi que la « garde à vue » ainsi que la « détention provisoire » en France sont les mécanismes de détention les plus importants, la « détention aux fins d’enquête » devant être d’une durée très courte12 alors que le « contrôle judiciaire » ainsi

que l’« assignation à résidence avec surveillance électronique » ne sont considérés que comme des restrictions à la liberté d’aller et venir, par opposition des privations de celle-ci13.

Au Canada, la « détention pour fins d’enquête » est celle qui peut avoir lieu le plus tôt à la suite de la commission présumée d’une infraction14. Il s’agit essentiellement pour la

police d’un pouvoir d’interception de personnes pour fins d’enquête15. En raison de la

définition large donnée au mot « détention » aux articles 9 et 10 de la Charte canadienne

des droits et libertés16, ce type de détention est sujet à l’application de la Charte. En effet, la Cour suprême, dans l’arrêt R. c. Grant a jugé que « [l]a détention visée aux art. 9 et 10 de

la Charte s’entend de la suspension du droit à la liberté d’une personne par suite d’une contrainte physique ou psychologique considérable17 ».

7 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 503 (1). 8 Ibid, art 515 (1).

9 Art 62-2 C proc pén. 10 Ibid, art 144. 11 Ibid, art 137 al 2.

12 R c Mann, 2004 CSC 52 au para 45, [2004] 3 RCS 59.

13 Sofian Anane, « Assignation à résidence avec surveillance électronique et détention provisoire », en ligne :

(16 avril 2015) Dalloz actualité <www.dalloz-actualite.fr/>.

14 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 22e éd, Montréal, Les

Éditions Yvon Blais Inc., 2015 [Béliveau et Vauclair] au para 1662.

15 Ibid.

16 Charte canadienne, supra note 4, arts 9, 10.

(12)

3

En France, le « contrôle judiciaire » et l’« assignation à résidence avec surveillance électronique » constituent des mesures portant atteinte à la liberté d’aller et venir qui relèvent du pouvoir judiciaire et ce n’est que lorsque ces deux mesures sont insuffisantes pour atteindre les objectifs poursuivis par le législateur dans un tel contexte, soit pour les nécessités de l’instruction ou à titre de mesure de sûreté, que la détention provisoire pourra être possible18. Le contrôle judiciaire constitue essentiellement une mesure imposée par le

pouvoir judiciaire obligeant une personne à respecter une ou plusieurs obligations, notamment de répondre aux convocations des autorités désignées19, de ne pas s’absenter de

son domicile sauf pour les motifs permis par le juge20 et de ne pas communiquer avec

certaines personnes21. Quant à l’assignation à résidence avec surveillance électronique, il

s’agit d’une mesure où la personne doit demeurer à son domicile ou à sa résidence et ne peut s’y absenter qu’en conformité avec les motifs permis par le juge22. Ses déplacements

sont à cet égard surveillés par un dispositif de surveillance électronique23.

Maintenant que ces mesures moins importantes en termes d’atteinte au droit à la liberté ont été présentées, il convient d’aborder les principales mesures de détention qui seront traitées dans le cadre de cette étude, d’en présenter un bref historique et, finalement, de présenter sommairement les objectifs poursuivis par chacune de ces mesures.

A) La garde à vue et la mise sous garde

Il sera traité, dans un premier temps, de la garde à vue en France et ensuite son équivalent canadien, soit la mise sous garde.

1) Définition des notions et évolution historique a) En France

En France, la « garde à vue » est le mécanisme légal par lequel une personne est maintenue à la disposition des enquêteurs dans les locaux de la police lorsqu’il existe « […]

une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre

18 Art 137 al 2, 3 C proc pén. 19 Ibid, art 138 al 2 para 6. 20 Ibid, art 138 al 2 para 2. 21 Ibid, art 138 al 2 para 9. 22 Ibid, art 142-5 al 2.

(13)

4

un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement » 24. Il est important de noter au

passage que les infractions en France sont classées selon leur degré de gravité à savoir, un crime, un délit ou une contravention25. La garde à vue peut être comparée à la mise sous

garde dans le cadre de cette recherche puisque cette première survient généralement après une arrestation, bien qu’elle puisse survenir simplement à la suite d’un entretien d’une personne entendue librement par des enquêteurs26. Cette détention est d’une durée a priori

de quatre heures, mais peut être prolongée pour une durée additionnelle de vingt-quatre heures avec l’autorisation du Procureur de la République27. Notons que la garde à

vue est obligatoire lorsque la personne en question est amenée devant un officier de police judiciaire sous la contrainte, soit à la suite de son arrestation28. En sus de ce régime général

de la garde à vue, un régime dérogatoire pour certaines infractions est prévu au Code de

procédure pénale permettant avec l’autorisation du juge d’instruction ou du juge des

libertés et de la détention de prolonger celle-ci afin qu’elle soit, en somme, d’une durée maximale de six jours29.

À la différence de la détention provisoire qui représente un mécanisme légal ancien, la garde à vue en France est un mécanisme légal relativement nouveau. En effet, elle n’était pas prévue législativement dans le Code d’instruction criminelle de 1808 et les magistrats étaient les seuls, sauf en cas de flagrance, à détenir tous les pouvoirs d’investigation et de coercition30. Toutefois, même si elle n’existait pas légalement, elle était tout de même

apparue en ce temps dans l’illégalité, devenant une pratique courante par la police judiciaire aux fins de leur enquête31. Par la suite, le mécanisme de garde à vue est légalement

consacré avec l’adoption du nouveau Code de procédure pénale et ce, malgré le fait qu’en ce temps elle ne fait pas l’unanimité au sein de la doctrine32. Son régime toutefois, au moment de son adoption, est relativement souple, ne se limitant pas qu’aux personnes

24 Art 62-2 al 1C proc pén.

25 Yves Mayaud, Droit pénal général, 5e éd, Paris, Presses Universitaires de France, 2015 à la p 331. 26 Art 62 al 3, 4 C proc pén.

27 Ibid, art 63 para 2 al 1, 2. 28 Ibid, art 73 al 2.

29 Ibid, arts 706-88, 706-88-1.

30 Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, Traité de procédure pénale, 4e éd, Paris, Economica,

2015 [Frédéric Desportes] au para 2519.

31 Ibid au para 2519. 32 Ibid.

(14)

5

suspectées d’avoir commis une infraction33. Le régime garde donc cette simplicité jusqu’en

1993 où plusieurs réformes de ce régime s’enchaînent par la suite34.

b) Au Canada

Au Canada, la « mise sous garde » est la situation où une personne est gardée en détention au poste de police à la suite de son arrestation dans le but de la présenter devant un juge de paix35. Cette arrestation peut avoir été faite avec ou sans mandat et, lorsqu’elle

est exécutée sans mandat, elle doit reposer sur la constatation d’une infraction ou bien sur des motifs raisonnables de croire en la commission d’une infraction36. Il est bon de noter ici

qu’une mise sous garde peut être possible même dans le cas d’infractions punissables sur déclaration de culpabilité par voie de procédure sommaire, ce type d’infraction étant puni moins sévèrement qu’un acte criminel37. Cette détention ne peut durer, en théorie, qu’un

maximum de vingt-quatre heures bien qu’il soit possible de dépasser ce délai, le Code

criminel imposant alors que le détenu soit présenté devant un juge de paix le plus tôt que

possible38. La présentation du détenu devra se faire devant un juge d’une cour supérieure de

juridiction criminelle lorsque ce premier est inculpé d’une infraction mentionnée à l’article 469, cette liste comprenant notamment le meurtre39.

Les origines de ce mécanisme de détention sont, contrairement à la garde à vue en France, aussi lointaines que celles de la détention provisoire puisque les shérifs locaux étaient autrefois responsables de détenir la personne, non seulement dans l’immédiat après l’arrestation, mais aussi durant la détention provisoire, ayant même déjà eu le pouvoir discrétionnaire de décider de la mise en liberté provisoire de la personne détenue40. En

raison de cette absence de dissociation autrefois entre la mise sous garde et la détention provisoire comme modes de détention, on peut en déduire que la mise sous garde sert à l’origine – et ce, même lorsque par la suite le pouvoir discrétionnaire de maintien en détention a été transféré aux juges de paix - le même objectif que la détention provisoire,

33 Frédéric Desportes, supra note 30 au para 2519-1. 34 Ibid.

35 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 503 (1). 36 Ibid, art 495 (1) a), b).

37 Ibid, art 497 (1), (1.1). 38 Ibid, art 503 (1).

39 Ibid, arts 522(1), 469 a) (viii).

(15)

6

soit de s’assurer de la présence du prévenu à son procès41. Toutefois, une ambiguïté persiste

à la suite de ce transfert de pouvoir à savoir si les agents de la paix ont un pouvoir de remise en liberté après une arrestation, évitant donc dans certains cas une mise sous garde42.

Cette incertitude est résolue au Canada en 1969, le Parlement fédéral reconnaissant alors législativement le pouvoir des policiers de remettre une personne arrêtée en liberté en obligeant celle-ci par un autre moyen à comparaître devant un juge à un moment ultérieur43.

2) Objectifs

Après avoir abordé sommairement ces différentes notions, il convient maintenant de présenter leurs objectifs légaux respectifs.

a) En France

En France, une garde à vue doit être l’unique moyen de pouvoir poursuivre un ou plusieurs objectifs définis par la loi44. Ceux-ci sont les suivants : s’assurer que la personne

participe à l’enquête, garantir que la personne sera présente devant le procureur de la République pour que ce dernier décide des suites de l’enquête, empêcher la modification des preuves ou des indices matériels, empêcher que la personne exerce des pressions sur les témoins, les victimes, leur famille ou leurs proches, empêcher une concertation entre la personne et ses complices et coauteurs et, finalement, garantir la mise en œuvre de mesures qui ont pour objet de faire cesser le crime ou le délit45.

b) Au Canada

Au Canada, la mise sous garde, tout comme c’est le cas pour la garde à vue en France, doit poursuivre un ou plusieurs objectifs légaux46. Le premier motif légal est défini

comme relevant de « l’intérêt public » et prend en considération des impératifs tels que la nécessité d’identifier la personne, de recueillir ou de conserver une preuve, d’empêcher la continuation, la répétition ou bien la commission d’une infraction et finalement d’assurer la

41 Trotter, supra note 40 à la p 3. 42 Ibid à la p 60.

43 Ibid à la p 61.

44 Art 62-2 al 2 C proc pén. 45 Ibid, art 62-2 al 2 para 1-6.

(16)

7

sécurité des victimes et des témoins47. Le second objectif légal est celui de s’assurer de la

présence de la personne devant le tribunal48.

Après avoir pris connaissance des notions de garde à vue et de mise sous garde, il convient maintenant d’aborder la détention provisoire en France et au Canada.

B) La détention provisoire

Il est traité ici, dans un premier temps, de la notion de détention provisoire en France et au Canada ainsi que de leur évolution historique pour ensuite aborder sommairement les objectifs poursuivis par ces mesures.

1) Définition des notions et évolution historique a) En France

La détention provisoire en France est le mécanisme de contrainte en vertu duquel une personne est gardée en détention durant l’instruction et peut le rester généralement jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur sa culpabilité49. Ce ne sont toutefois pas toutes les

personnes qui sont susceptibles de faire l’objet d’une détention provisoire. En effet, seules les personnes qui encourent une peine criminelle ou une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à 3 ans d’emprisonnement ou encore les personnes qui se sont soustraites volontairement à leurs obligations de contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique peuvent être sujettes à cette mesure50. En outre,

depuis le 1er janvier 2001, le pouvoir de placement ou de maintien en détention provisoire

est confié, en raison de la Loi du 15 juin 2000, à un nouveau type de magistrat dénommé le « juge des libertés et de la détention »51.

Il n’est point nécessaire de remonter très loin dans le temps pour constater l’évolution importante qu’a connue la détention provisoire en France. Sans nécessairement chercher à retracer l’historique complet de la détention provisoire en France, il est bon de savoir qu’il y a moins de deux cents ans, soit au moment de l’apparition du Code

47 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 497 (1.1) a) (i)-(iv). 48 Ibid, art 497 (1.1) b).

49 Arts 144, 144-1 al 1 C proc pén. 50 Ibid, art 143-1.

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8

d’instruction criminelle en 1808, la détention provisoire en France, appelée alors «

détention préventive », est la règle pour tout individu soupçonné d’avoir commis un crime52. En ce temps, la mise en liberté provisoire est à ce point exceptionnelle que seule la

chambre du conseil du tribunal peut accorder celle-ci dans des conditions très strictes prévues par le code53. À partir de 1865, la détention provisoire devient un peu moins

exceptionnelle puisqu’elle constitue alors une sorte de faveur que le juge d’instruction peut accorder à son gré, sous la seule réserve des cas de délits dont la peine est inférieure à deux ans de prison54. Le juge d’instruction a donc, en ce temps, une discrétion presque absolue

en la matière55. En outre, sous le Code d’instruction criminelle vers la fin du 19e siècle, la

détention provisoire sert plusieurs objectifs légaux56. Elle est d’abord une mesure de sûreté

au sens où elle permet d’empêcher la récidive57. Elle est aussi une garantie d’exécution du

jugement puisqu’elle assure la présence de la personne durant toutes les procédures jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu à son égard58. Enfin, elle constitue un moyen d’instruction

puisqu’elle met à la disposition des enquêteurs le détenu pour fins d’interrogatoire en plus d’assurer la conservation des divers éléments de preuve, empêchant la personne détenue de les faire disparaître59. Cette institution faisant face à de nombreuses critiques, il faut

attendre jusqu’en 1970 pour voir le législateur substituer le terme de « détention provisoire » à celui de « détention préventive », enlevant du même coup dans la loi le caractère exceptionnel de la remise en liberté du détenu60.

b) Au Canada

Quant à la détention provisoire au Canada, il s’agit du mécanisme en vertu duquel un prévenu peut être gardé en détention jusqu’à ce qu’il soit traité par la loi, soit jusqu’à ce

52 Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit pénal et de la justice criminelle, 3e éd refondue, Paris, Presses

Universitaires de France, 2014 [Jean-Marie Carbasse] à la p 505.

53 Ibid. 54 Ibid. 55 Ibid.

56 Albert Loustaunau, « De la Détention préventive », Discours prononcé à la séance de rentrée de la

Conférence Paillet, présenté à la Cour d’appel de Paris, 13 décembre 1877 (1878) La France judiciaire, en ligne : <gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5809359c> aux pp 3-4.

57 Ibid. 58 Ibid. 59 Ibid.

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9

qu’un jugement sur sa responsabilité pénale soit rendu61. Cette décision est prise par le juge

de paix à la suite de sa mise sous garde ou bien par un juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle lorsque le prévenu est accusé d’une infraction comprise dans la liste de l’article 469 du Code criminel62.

Au Canada, la détention provisoire a connu une évolution historique quelque peu différente. En effet, il est nécessaire de prendre en considération une période de temps beaucoup plus longue afin de constater l’évolution notable que connait la détention provisoire au fil de son histoire. Il faut savoir tout d’abord que, sous le système juridique anglais - le droit canadien tirant ses origines de celui-ci -, la mise en liberté provisoire devient très tôt dans son histoire une nécessité, contrairement au droit français qui en a fait pendant longtemps une situation exceptionnelle63. Toutefois, cette nécessité n’en est pas

une de droit – en étant motivée par la protection des droits des personnes détenues -, mais de fait64. En effet, un système juridique de mise en liberté provisoire apparait durant les 12e

et 13e siècles à la suite du constat qu’une quantité importante de détenus meurent, en raison

des conditions difficiles de leur détention, avant même la tenue de leur procès65. En outre,

en ce temps, les shérifs locaux devant s’occuper de ces détenus, ces représentants du Roi veulent alors volontiers se départir en partie de cette responsabilité, ceux-ci payant une amende chaque fois qu’un détenu réussit à s’évader - évasion qui se produit régulièrement en raison de la condition de ces prisons66. Quant aux conditions justifiant la libération du

détenu, celles-ci manquant de clarté au point de laisser un pouvoir presque entièrement discrétionnaire aux shérifs durant les premières lois encadrant cette possibilité de remise en liberté, elles sont clarifiées dans la loi vers la fin du 13e siècle en plus de transférer par la

suite graduellement le pouvoir de décision de cette mise en liberté aux juges de paix67. Le

Statute of Westminster de 1275 constitue alors la base du système légal de mise en liberté

provisoire à partir de son adoption pendant plus de cinq cent cinquante ans68.

61 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 515 (5). 62 Ibid, art 522 (2).

63 Trotter, supra note 40 à la p 3. 64 Ibid.

65 Ibid. 66 Ibid à la p 3. 67 Ibid aux pp 3-4. 68 Ibid à la p 4.

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10

Au Canada, avant la Confédération, la loi sur la mise en liberté provisoire ressemble essentiellement à la loi britannique au sens où la mise en liberté est un droit dans le cadre d’un délit et n’est qu’une possibilité laissée à la discrétion d’un juge de paix dans le cadre d’un crime69. Toutefois, à partir de 1869 et pendant les cent années suivantes, le parlement

fédéral s’est écarté de cette position en laissant la possibilité de mise en liberté dépendre entièrement du pouvoir discrétionnaire des juges de paix70. Ce n’est qu’en 1972, avec la

réforme de la loi sur la détention provisoire que le parlement fédéral reconsidère législativement la mise en liberté comme un droit71. Finalement, relativement aux objectifs

poursuivis par la détention provisoire par le droit anglais et, par la suite, le droit canadien, il faut savoir que, jusqu’au milieu du 20e siècle, il n’en existe qu’un, celui-ci étant de

s’assurer de la présence de l’inculpé à son procès72. Par la suite, avec l’arrêt Phillips73, les droits anglais et canadien adoptent comme nouvel objectif celui de la prévention du crime74.

2) Les objectifs

Autant en France qu’au Canada, la détention provisoire, pour être permise, doit servir à atteindre un ou plusieurs objectifs légaux.

a) En France

Tout d’abord, les objectifs légaux de la détention provisoire en France sont nombreux. Dans tous les cas, la détention provisoire doit être l’unique moyen d’atteindre un ou plusieurs des objectifs énoncés dans la loi75. Ces objectifs sont les suivants :

conserver la preuve ou les indices matériels, empêcher toute pression sur les témoins, les victimes, et leur famille, empêcher une concertation frauduleuse entre la personne en question et ses coauteurs ou ses complices, protéger cette personne, garantir le maintien de

69 Trotter, supra note 40 à la p 6. 70 Ibid à la p 7.

71 Ibid à la p 7. 72 Ibid à la p 123.

73 R v Phillips, (1947) 32 Cr App R 47 (CCA). 74 Trotter, supra note 40 à la p 123.

(20)

11

la personne à la disposition de la justice, mettre fin à l’infraction ou prévenir la récidive et finalement, mettre fin au trouble causé à l’ordre public76.

b) Au Canada

Quant à la détention provisoire au Canada, plusieurs objectifs légaux sont également prévus et doivent exister pour justifier l’utilisation d’une telle mesure. À cet effet, le Code

criminel, en son article 515, prévoit que la détention provisoire du prévenu est nécessaire

dans trois cas seulement : pour assurer sa présence au tribunal, pour assurer la protection ou la sécurité du public ou encore pour « ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice »77.

Problématique

Autant la mise sous garde que la garde à vue constituent de graves atteintes à la liberté d’une personne. Ce qui est le cas pour ces mesures l’est également pour la détention provisoire, mais de surcroît, l’utilisation de cette dernière n’est pas sans incidence sur la présomption d’innocence. En droit canadien, l’arrêt Toronto Star a reconnu que les possibilités d’acquittement diminuent lorsqu’une personne est sujette à une détention provisoire en plus de causer des stigmates importants à cette personne, et ce, même si ultimement la personne est déclarée innocente78. À cet effet, Béliveau et Vauclair affirment

que la remise en liberté d’une personne avant procès évite de punir celle-ci avant qu’un jugement sur sa culpabilité soit rendu79. En France, l’atteinte à la présomption d’innocence

par le fait de la détention provisoire est souvent perçue comme un mal nécessaire lorsque l’intérêt de la Justice prévaut et c’est le fait qu’elle ne soit permise que dans des cas précis prévus par la loi qui justifie qu’il existerait un juste équilibre entre ces deux intérêts80.

Puisque toutes ces différentes mesures de détention semblent à première vue porter atteinte à des intérêts similaires, il convient de se demander si les objectifs poursuivis par ces différentes mesures sont également similaires. Plus précisément, – et cela constitue la

76 Art 144 para 1-7 C proc pén.

77 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 515 (10) a)-c).

78 Toronto Star Newspapers Ltd. c Canada, 2010 CSC 21 aux para 10-14, [2010] 1 RCS 722. 79 Béliveau et Vauclair, supra note 14 au para 1858.

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12

problématique principale à laquelle cette étude se voue à répondre – on peut se demander dans quelle mesure les objectifs poursuivis par les modes de détention auxquels peut être soumise une personne suspectée d’avoir commis une infraction ou poursuivie pour une infraction au Canada sont différents de ceux poursuivis en France.

Intérêt du sujet

L’intérêt du sujet est évident à plusieurs égards, soit relativement à la différence théorique de systèmes procéduraux, le contexte législatif particulier dans lequel la France se trouve et enfin, l’évolution récente que connaissent toutes ces mesures de détention.

En tout premier lieu, l’intérêt pour celle-ci est motivé par la différence théorique entre les systèmes procéduraux français et canadien. À cet effet, théoriquement, il est possible d’opposer deux types de systèmes procéduraux, soit le système accusatoire et le système inquisitoire. Une procédure accusatoire peut être définie comme suit :

La procédure accusatoire – la plus ancienne historiquement à cause de l’absence d’État dans les vieilles civilisations – confère le rôle essentiel aux parties et concède au juge tout au plus un rôle d’arbitre. Ce sont les parties qui lancent la procédure, la victime au premier chef et, par extension, un citoyen quelconque et enfin le ministère public. Ce sont les parties – l’accusé et l’accusateur – qui recherchent les preuves et les présentent au juge qui, témoin neutre et impassible, observe le tournoi qui se déroule devant lui et en tire une décision en se fondant sur un système de preuves légales et non pas sur son intime conviction81.

Quant à la procédure inquisitoire, celle-ci peut être définie comme suit :

La procédure inquisitoire place au contraire le juge au premier plan. Il peut se saisir lui-même aussi bien que l’être pour une partie. Il recherche activement les preuves, le juge d’instruction apparaissant comme le meilleur symbole de l’inquisitoire. Les parties ont un rôle effacé, pouvant tout au plus proposer des mesures d’investigation au juge. Bref, la procédure est non contradictoire, ce qui va même jusqu’à autoriser le jugement en l’absence de l’accusé82.

81 Pierre Béliveau et Jean Pradel, La justice pénale dans les droits canadien et français : Étude comparée d’un

système accusatoire et d’un système inquisitoire, 2e éd, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc., 2007

[Béliveau et Pradel] aux pp 1-2.

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13

Toutefois, l’analyse des systèmes législatifs français et canadien amène à conclure qu’aucun des deux systèmes législatifs n’adopte un type de procédure à l’état pur. En revanche, il est possible d’affirmer que la procédure pénale au Canada - dont elle tire ses origines du droit anglais - est davantage une procédure de type accusatoire83. La France, quant à elle, a eu une procédure accusatoire jusqu’au 12e

siècle, avant de la rejeter complètement sous l’influence de l’Église pour finalement, à la suite de la Révolution française, la reprendre et adopter ultimement une procédure de type mixte, soit inquisitoire à l’instruction et accusatoire lors de la phase décisionnelle84.

Outre cette différence de systèmes procéduraux, le choix de la France comme sujet de comparaison avec le système législatif canadien devient d’autant plus intéressant lorsqu’on considère le fait que le contexte législatif de la France est beaucoup plus complexe que celui du Canada, le législateur français ne pouvant faire fi des exigences du droit européen. En effet, la France est notamment partie à la Convention de sauvegarde des Droits de

l’Homme et des Libertés fondamentales85 (ci-après Convention EDH) dont la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) assure le respect86. Son article 5

prévoit que « [t]oute personne a droit à la liberté et à la sûreté » 87. L’article prévoit en outre six cas dans lesquels une personne peut être privée de sa liberté, soit les paragraphes a) à f) de ce même premier paragraphe88 et dont le paragraphe c) est celui s’appliquant à la

garde à vue et à la détention provisoire89. De plus, deux autres garanties sont prévues à cet

article relativement à la détention, soit celle de pouvoir être traduit « devant un juge ou un

autre magistrat habilité à exercer des fonctions judiciaires » 90 et celle de pouvoir «

83Béliveau et Pradel, supra note 80 à la p 23. 84 Ibid à la p. 23.

85 Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 4 novembre 1950, 213

RTNU 221 (entrée en vigueur : 3 septembre 1953) [Convention EDH].

86 Jacques Buisson et Serge Guinchard, Procédure pénale, 10e éd, Paris, LexisNexis, 2014 [Guinchard] à la p

310.

87 Convention EDH, supra note 84, art 5 para 1. 88 Ibid, art 5 para 1 a)-f).

89 Guinchard, supra note 85 à la p 310.

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14

introduire un recours devant un tribunal » 91 afin que ce dernier statue sur la légalité de la détention92.

Ce contexte législatif emporte pour conséquence que, même à l’heure actuelle, la conformité des mécanismes de détention français avec les exigences du droit européen est, à quelques égards, remise en doute par la doctrine française, préoccupation qui n’est toutefois pas partagée par le gouvernement français93. En effet, bien que la CEDH n’ait pu

condamner la France en raison de circonstances nouvelles survenues au cours de cette affaire, l’arrêt Medvedyev94 du 10 juillet 2008 statut clairement à l’effet que les membres du parquet ne sont pas des magistrats indépendants et impartiaux au sens de la jurisprudence de la CEDH sur le paragraphe 3 de l’article 5 de la Convention EDH95 malgré le fait que ceux-ci exercent dans les faits le contrôle sur le garde à vue96. D’ailleurs, l’arrêt Moulin c/

France97 du 23 novembre 2010 confirme cette position98. Bien que la Loi no 2011-392 du

14 janvier 201199 refonde, peu de temps après, le régime de la garde à vue, celle-ci maintient ce contrôle exercé par le procureur de la République – soit un membre du parquet – exposant ainsi la France à de nouvelles condamnations potentielles par la CEDH100. En

outre, le régime de la garde à vue en France ne respecterait pas l’exigence du paragraphe 4 de l’article 5 de la Convention EDH101 puisqu’il n’est pas possible pour un tel détenu d’exercer un recours pour faire contrôler par une autorité judiciaire une garde à vue en cours irrégulière102.

Du côté de la détention provisoire, celle-ci, depuis 2000, respecterait les exigences de la convention européenne103. En effet, avant 2000, c’est le juge d’instruction qui est chargé

du contrôle de la détention provisoire et qui doit donc décider de l’opportunité de

91 Convention EDH, supra note 84, art 5 para 4. 92 Guinchard, supra note 85 à la p 312.

93 Ibid à la p 315.

94 Medvedyev et alii c France, no 3394/03, [2010] CEDH. 95 Convention EDH, supra note 84, art 5 para 3.

96 Guinchard, supra note 85 à la p 315.

97 Moulin c France, no 37104/06, [2011] CEDH. 98 Guinchard, supra note 85 à la p 316.

99 Loi no 2011-392 du 14 avril 2011, JO, 15 avril 2011.

100 Guinchard, supra note 85 à la p 316.

101 Convention EDH, supra note 84, art 5 para 4. 102 Guinchard, supra note 85 à la p 321. 103 Ibid.

(24)

15

ci104. Cette présumée absence de conformité est réglée avec la Loi no 2000-516 du 15 juin

2000 qui crée alors le « juge des libertés et de la détention », nouvelle autorité judiciaire

exclusivement compétente pour statuer sur l’opportunité de placer une personne en détention provisoire ou bien sur celle de la prolonger105.

Le dernier intérêt pour cette recherche est peut-être le plus important, soit le fait que ces deux États aient connu une importante évolution législative de ces divers mécanismes de détention.

En France, cette évolution est relativement récente autant pour la garde à vue que pour la détention provisoire. Au sujet de la garde à vue, l’utilisation de ce mécanisme de contrainte connaît une explosion substantielle au cours des années 2000, passant en nombre de 336 718 en 2001 à 792 293 en 2009106. À cet effet, il est bon de noter que parmi ce

nombre en 2009, 174 244 d’entre elles sont reliées à des infractions du Code de la route107. De plus, avant les années 2000, le régime de la garde à vue ne satisfait pas, selon plusieurs auteurs, autant aux exigences de la Convention EDH108 qu’aux exigences constitutionnelles en raison de l’insuffisance de son cadre juridique qui notamment au regard du droit à l’assistance d’un avocat, ne prévoit depuis 1993 qu’un entretien avec celui-ci d’une durée de trente minutes109. À partir de 2000, il existe une volonté législative de diminuer le

nombre de gardes à vue en rappelant à l’article préliminaire du Code de procédure

pénale110 les exigences constitutionnelles et conventionnelles de nécessité et de proportionnalité pour chaque mesure de contrainte111. Ensuite, le législateur, avec la Loi no

2011-392 du 14 avril 2011112, réforme à nouveau son régime, notamment en imposant au

procureur de la République de contrôler cette garde à vue, l’obligeant ainsi à apprécier la nécessité de cette mesure autant au moment du placement de la personne en garde à vue qu’au moment d’une possible prolongation de celle-ci113. Finalement, une dernière réforme

104 Guinchard, supra note 85 à la p 317. 105 Ibid.

106 Ibid à la p 582. 107 Ibid à la p 582.

108 Convention EDH, supra note 84. 109 Guinchard, supra note 85 à la p 582. 110 Art préliminaire para 3 al 4 C proc pén. 111 Guinchard, supra note 85 à la p 584.

112 Loi no 2011-392 du 14 avril 2011, JO, 15 avril 2011.

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16

législative a lieu au sujet de la garde à vue avec la Loi no 2014-535 du 27 mai 2014114 qui transposa la directive no 2012/13/UE115 de l’Union européenne du 22 mai 2012 qui a pour objet de rendre plus effectif le droit à l’information d’une personne dans le cadre de procédures pénales116 , notamment par la remise obligatoire par un officier de police

judiciaire d’un document énonçant les droits de la personne soumise à une mesure privative de liberté117.

Quant à la détention provisoire, tel qu’affirmé précédemment, celle-ci était autrefois appelée « détention préventive » puisque la liberté provisoire n’était admise qu’exceptionnellement118. Toutefois, en ce temps, les auteurs doctrinaux sont nombreux à

critiquer cette détention en alléguant qu’il serait préférable qu’elle soit l’exception plutôt que la règle générale119. À partir de 1970, le législateur répond à ces critiques en substituant

le terme de « détention provisoire » à celui de « détention préventive »120. Par la suite, tel

qu’il en a été fait mention précédemment, le législateur de 2000 enlève la compétence du juge d’instruction pour juger de l’opportunité de la détention provisoire en attribuant cette compétence exclusivement à un nouveau magistrat qu’il dénomme le « juge des libertés et de la détention »121. En outre, afin de souligner son caractère exceptionnel, l’article 137,

modifié par la Loi no2009-1436 du 24 novembre 2009122, ajoute comme mesure de contrainte la « surveillance électronique » afin d’augmenter le nombre de mécanismes législatifs possibles d’être imposés avant d’avoir recours à la détention provisoire123. Il est

bon de mentionner que l’utilisation de la détention provisoire comme mécanisme est à la baisse en France depuis 1984, passant de 57 219 placements précédés d’une condamnation à 30 531 en 2011124.

114 Loi no 2014-535 du 27 mai 2014, JO, 28 mai 2014.

115 CE, Directive 2012/13/CE du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures

pénales, [2012] JO, L142 aux pp 1 à 10.

116 Guinchard, supra note 85 à la p 583. 117 Art 803-6 C proc pén.

118 Jacques Leroy, supra note 60 à la p 452. 119 Ibid.

120 Ibid.

121 Ibid à la p 453.

122 Loi no2009-1436 du 24 novembre 2009, JO, 25 novembre 2009, art 71.

123 Art 137 al 3 C proc pén.

124 France, Commission de suivi de la détention provisoire, Rapport annuel, 2013, en ligne :

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17

Au Canada, les réformes législatives ont été moins nombreuses, mais non pas moins importantes que celles connues en France. En effet, au début des années 70, le système de mise sous garde connait une importante évolution législative permettant notamment d’éviter la mise sous garde dans certains cas en conférant aux agents de la paix un pouvoir discrétionnaire de remise en liberté après arrestation125. Mise à part cette réforme,

l’évolution législative dont l’impact est aussi grand pour la mise sous garde que pour la détention provisoire est l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés 126 en 1982127. En effet, celle-ci contient, dans ses articles 7 à 14, une quantité importante de

diverses garanties s’appliquant à la procédure pénale. Dans le cadre de notre étude, les plus importantes sont notamment : le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité128, le droit à

l’assistance d’un avocat et de faire contrôler sa détention129, le droit « de ne pas être privé

sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable » 130 et le

droit à la protection contre tout traitement cruel et inusité131. D’une part, ces garanties, à la

suite de l’adoption de la Charte, ont pour effet d’attribuer une valeur constitutionnelle à plusieurs principes fondamentaux qui, avant son adoption, sont déjà prévus par la Common

Law132. D’autre part, l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés133 a eu pour

effet de donner naissance à une quantité importante de décisions qui ont modifié substantiellement la procédure pénale134. Un exemple est le paragraphe e) de l’article 11135

de celle-ci qui offre une double garantie protégeant à la fois la liberté d’une personne et son droit à un cautionnement raisonnable et qui a eu pour conséquence d’influencer de façon importante le régime général de la mise en liberté provisoire136. À cet effet, la notion de

« juste cause » justifiant qu’une personne soit privée de sa liberté fait couler beaucoup d’encre de la part des tribunaux depuis l’adoption de la Charte137. Cette notion donne

125 Trotter, supra note 40 aux pp 61-62

126 Charte canadienne des droits et libertés, supra note 4. 127 Trotter, supra note 40 aux pp 17, 18, 59, 60.

128 Charte canadienne des droits et libertés, supra note 4, art 7. 129 Ibid, art 10.

130 Ibid, art 11 e). 131 Ibid, art 12.

132 Béliveau et Pradel, supra note 80 à la p 15. 133 Charte canadienne, supra note 4.

134 Béliveau et Vauclair, supra note 14 aux para 1851-1852. 135 Charte canadienne, supra note 4, art 11 e).

136 Béliveau et Vauclair, supra note 14 au para 1852. 137 Ibid aux para 1877-1878.

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notamment lieu en 1992 à une déclaration d’inconstitutionnalité de l’ancienne version de l’article 515 (10) b) du Code criminel qui faisait référence « l’intérêt public » comme juste cause138. Cette décision amène alors le législateur canadien à réformer cet article pour

abroger ce qui est inconstitutionnel et ajouter un troisième cas où la détention provisoire est justifiée, soit quand la « détention est nécessaire pour ne pas miner la confiance du public envers l’administration de la justice compte tenu de toutes les circonstances »139.

L’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés140 marque donc un tournant important dans l’évolution du système législatif canadien. D’un point de vue statistique toutefois, il est intéressant de noter que le placement en détention provisoire est à la hausse, passant de 7 392 placements en 2001 à 13 600 en 2010141. En outre, alors que les personnes

en détention provisoire représentent 40% de la population carcérale en 2000, elles en représentent 58% en 2010142. La situation au Canada à cet égard est donc à l’opposé de

celle en France.

Questions de recherche et hypothèse

C’est donc pour toutes ces diverses raisons qu’il apparait pertinent de faire une telle recherche. Afin de bien répondre à la problématique principale, soit la différence d’objectifs entre ces différentes mesures de détention, il sera nécessaire de répondre à quelques questions.

La première est de se demander quels sont les motifs justifiant l’utilisation de ces mécanismes, leur prolongation et leur fin. Puisqu’on peut affirmer que ces motifs sont intrinsèquement liés aux objectifs poursuivis par ces mesures de détention, ces derniers seront donc mis en évidence par le biais de cette analyse.

En deuxième lieu, il s’agit de se demander quelles garanties sont en cause dans le cadre de ces différentes mesures de détention. Plus précisément, il s’agit de s’attarder aux

138 R c Morales, [1992] 3 RCS 711 à la p 749.

139 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 515 (10) c) ; Béliveau et Vauclair, supra note 14 à la p 848. 140 Charte canadienne, supra note 4.

141 Canada, Statistique Canada, Tendance de l’utilisation de la détention provisoire au Canada, par Donna

Calverley et Lindsay Porter, en ligne : <www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2011001/article/11440/c-g/desc/desc01-fra.htm>.

142 Canada, Statistique Canada, Tendance de l’utilisation de la détention provisoire au Canada, par Donna

Calverley et Lindsay Porter, en ligne : <www.statcan.gc.ca/pub/85-002-x/2011001/article/11440-fra.htm> à la p 7.

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garanties juridiques qui ont une incidence sur la portée de la poursuite des objectifs de ces modes de détention. Une analyse exhaustive de toutes les garanties juridiques n’est donc pas pertinente aux fins de cette étude.

Quant à l’hypothèse de départ, celle-ci est que les objectifs poursuivis par les moyens de détention avant jugement français sont plus nombreux que ceux poursuivis au Canada et que la poursuite de ces objectifs est plus importante en raison du caractère permissif des garanties juridiques en cause en France.

Méthodologie

Afin de mener à terme cette recherche, la méthode utilisée afin de répondre à ces questions en sera une de droit comparé.

Annonce du plan

La première partie porte sur les mesures de détention relevant des pouvoirs de la police. Celle-ci est divisée en deux, la première sous-partie traitant des mesures de détention possibles à l’extérieur des locaux de police alors que la deuxième se consacre à l’étude des mesures de détention se déroulant dans les locaux de police. À l’occasion de cette première sous-partie, il sera fait une courte étude des pouvoirs d’arrestation en France et au Canada ainsi qu’une analyse du cas particulier de la détention pour fins d’enquête au Canada. La raison pour laquelle ce type de détention est étudié est qu’il a un certain caractère d’originalité, ne trouvant pas d’équivalent en droit français. La deuxième sous-partie, quant à elle, portera sur une analyse comparative entre la mise sous garde et la garde à vue. À l’occasion de cette dernière étude, seront examinés les motifs justifiant l’utilisation de ces modes de détention d’une part, ainsi que les garanties juridiques pertinentes pour la poursuite de ces objectifs d’autre part.

La deuxième partie de cette analyse comparative a comme sujet la détention provisoire au Canada et en France. Encore ici, cette analyse se divise en deux sous-parties, la première portant sur les motifs justifiant son utilisation et la deuxième analysant la portée des garanties juridiques pertinentes aux fins de cette étude. Ne seront toutefois pas traités le contrôle judiciaire ainsi que l’assignation à résidence avec surveillance électronique sauf à

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20

titre accessoire. La raison en est que, tel qu’il est mentionné précédemment, ces mesures sont beaucoup moins contraignantes que les autres mesures étudiées dans la cadre de cette étude et donc, pour des fins de concision, l’analyse comparative ne porte que sur les mesures les plus importantes en termes d’atteinte au droit à la liberté.

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21

Tel qu’abordé plus tôt, la première partie de cette analyse se concentre sur les principales mesures de détention relevant des pouvoirs de police de chaque État alors que la deuxième se consacre aux principales mesures de détention qui relèvent du pouvoir judiciaire.

I)

Les mesures de détention relevant des pouvoirs de la police

Cette première partie est divisée en deux sous-parties. La première se consacre aux principales mesures de détention qui ont lieu en tout autre lieu que dans les locaux de police. Dans celle-ci, il est question dans un premier temps d’une analyse sommaire du pouvoir d’arrestation des policiers comme moyen de coercition commun aux deux États. Ensuite, il est traité d’un cas particulier de détention au Canada, soit la détention pour fins d’enquête. La deuxième sous-partie traite quant à elle des mesures de détention qui ont lieu dans les locaux de police. Plus précisément, il y est étudié la garde à vue en France et la mise sous garde au Canada. La garde à vue est classée dans cette partie-ci bien que, tel que l’affirment les auteurs Frédéric Desportes et Laurence Lazerges-Cousquer, il soit théoriquement possible qu’elle ait lieu à tout autre endroit où se trouve la personne143. La

raison est qu’en pratique, la garde à vue a lieu dans les locaux de police ou de gendarmerie et les dispositions relatives à la garde à vue y font référence144. Un exemple de ces

dispositions est l’article 41 du Code de procédure pénale qui prévoit l’obligation pour le procureur de la République de visiter les locaux de garde à vue au moins une fois par année145. Ces dernières sont les mesures de détention imposées par la police qui sont les

plus importantes dans ces deux États. L’importance de ces mesures particulières est justifiée ici par l’atteinte substantielle aux droits et libertés des personnes qui subissent ces types de détention, notamment en raison de leur durée respective.

143 Frédéric Desportes, supra note 30 au para 2523. 144 Ibid.

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22

A) Les mesures de détention à l’extérieur des locaux de police

Dans cette partie, sera abordé en premier lieu le pouvoir d’arrestation en France et au Canada afin de pouvoir introduire par la suite un moyen de détention propre au Canada, soit la détention pour fins d’enquête.

1) L’arrestation comme moyen de coercition commun aux deux États

Afin d’introduire le propos subséquent sur la « détention aux fins d’enquête au Canada », il est nécessaire de traiter brièvement de l’arrestation en France et au Canada afin de bien comprendre le fonctionnement de la procédure pénale dans ces deux États. En outre, l’étude qui est faite du pouvoir d’arrestation en droit canadien est un peu plus approfondie puisque cela sert notre propos ultérieur dans cette recherche sur la « mise sous garde » au Canada, l’arrestation étant une étape préalable à celle-ci.

a) Le pouvoir d’arrestation en France

Tout d’abord, l’article 73 du Code de procédure pénale146 est celui qui encadre principalement le pouvoir d’arrestation en droit français147 . Celui-ci précise que

l’arrestation n’est possible qu’en cas de crime ou délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement148. Le Code de procédure pénale définit le crime et le délit flagrant

comme étant celui :

[…] qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi

crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit149.

La jurisprudence ajoute en outre que la situation de flagrance est caractérisée dès lors que les officiers de police judiciaire constatent l’existence d’indices apparents d’un comportement délictueux répondant aux critères de l’article 53 du Code de procédure

146 Art 73 C proc pén.

147 Encyclopédie juridique Dalloz : répertoire de droit pénal et de procédure pénale, « Arrestation » par

Coralie Ambroise-Castérot au para 13.

148 Art 73 C proc pén. 149 Ibid, art 53 al 1.

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pénale150. L’arrestation n’est donc possible qu’en cas de flagrance, ce pouvoir ne pouvant être exercé dans le cadre d’une enquête préliminaire. L’enquête préliminaire, quant à elle, est l’enquête qu’un officier de police judiciaire peut entreprendre lorsque les circonstances de l’enquête de flagrance ne sont pas réunies151. La qualité d’officier de police judiciaire

n’est pas dévolue à l’ensemble de ce qui constitue la force publique. En effet, seules les personnes visées à l’article 16 du Code de procédure pénale font partie de cette catégorie152. Il est précisé à l’article 17 que les officiers de police judiciaire peuvent

requérir l’aide de la force publique dans l’exécution de leurs fonctions153.

Pour revenir sur le pouvoir d’arrestation, l’article 73 prévoit que ce pouvoir d’appréhension de la personne est dévolu à « toute personne »154 et cette dernière doit

conduire la personne appréhendée devant « l’officier de police judiciaire le plus proche »155.

En plus de ce pouvoir d’arrestation prévu à l’article 73, le Code de procédure pénale prévoit plusieurs mandats ayant pour but, entre autres, de faire arrêter la personne qui en fait l’objet et qui est soupçonnée d’avoir commis une infraction. Ces mandats émis par une autorité judiciaire sont : le mandat de recherche156, le mandat d’amener157, le mandat

d’arrêt158 et le mandat d’arrêt européen159. En ce qui a trait au niveau de suspicion relatif à

la commission d’une infraction, alors que le mandat de recherche exige l’existence d’ « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner »160 que la personne a commis ou a tenté de

commettre une infraction, les mandats de recherche, d’amener et d’arrêt exigent un niveau de suspicion supérieur161. Quant au mandat d’arrêt européen, le niveau de suspicion est

150 Cass crim, 6 février 1997, Bull crim no 49, 157, no 96-84.018 ; Cass crim, 23 octobre 1991, (1991) Bull

crim no 371, 922, no 90-85.321.

151 Jacques Leroy, supra note 60 à la p 86. 152 Art 16 C proc pén. 153 Ibid, art 17 al 3. 154 Ibid, art 73 al 1. 155 Ibid. 156 Ibid, art 77-4. 157 Ibid, art 126. 158 Ibid, art 131. 159 Ibid, art 695-12. 160 Ibid. 161 Ibid, art 122 al 2,3.

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