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Protection contre l’auto-incrimination

B) Les garanties

2) Protection contre l’auto-incrimination

Il convient dans cette partie de traiter des principales protections empêchant l’individu en détention de s’auto-incriminer en France et au Canada.

2.1) En France

Conformément à l’article 727-1 du Code de procédure pénale, les conversations téléphoniques d’une personne détenue avec son avocat ne peuvent être écoutées ni interrompues641. Toutefois, dans tous les autres cas, les conversations téléphoniques

peuvent faire l’objet d’une écoute sur autorisation du procureur de la République642.

En outre, les conversations entre la personne détenue et son avocat sont sujettes à la protection du secret professionnel de l’avocat643. Il sera donc possible de faire écarter

un élément de preuve obtenu en violation de celui-ci644.

Quant au principe de loyauté de la preuve dont il est fait mention dans la partie concernant la protection contre l’auto-incrimination durant la garde à vue, il serait étonnant que celui-ci trouve application645. En effet, ce qui constitue le procédé

640 Loi constitutionnelle de 1867 (R-U), 30 & 31 Vict, c 3, reproduite dans LRC1985, annexe II, no 5, à l’art

92 para 6.

641 Art 727-1 al 1 C proc pén. 642 Ibid.

643 Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques,

JO, 29 janvier 1972 106 à l’art 66-5.

644 Cass com, 14 septembre 2010, no 09-16.347. 645 Renucci, supra note 441.

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déloyal à l’occasion d’une sonorisation d’un local de garde à vue est le fait qu’il y ait conjugaison de deux actes d’investigation, la garde à vue en constituant déjà un646. La

détention provisoire, elle, constitue pour sa part une mesure de sûreté647. Ainsi, il est

possible de recourir à la mesure de sonorisation prévue par l’article 706-96 du Code

de procédure pénale648 dans le parloir d’une maison d’arrêt649.

Finalement, bien qu’il soit possible pour un officier de police judiciaire de recevoir un permis de visite650, ceux-ci ne peuvent pas, durant l’instruction, procéder

à l’interrogatoire et à l’audition d’une personne sous détention provisoire651. Cette

interdiction emporte comme conséquence le fait qu’ils ne peuvent pas recevoir des déclarations spontanées de la part de la personne mise en examen652. Ainsi, à

l’occasion de l’instruction, les pouvoirs d’enquête des officiers de police judiciaire se trouvent considérablement limités, l’interrogatoire de la personne mise en examen devant être fait par le juge d’instruction en présence de l’avocat de la personne détenue653.

2.2) Au Canada

L’étendue de la protection contre l’auto-incrimination au Canada dans le cas d’une personne mise en détention provisoire est assez similaire. En effet, tout comme le droit français, le droit canadien protège la confidentialité des communications entre le client et son avocat, leur écoute pouvant constituer une fouille abusive au sens de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés654655. L’admission en preuve

de telles écoutes peut être écartée conformément à l’article 24 (2) de cette même

646 Renucci, supra note 441. 647 Ibid.

648 Art 706-96 C proc pén.

649 Cass crim, 1er mars 2006, (2006) Bull crim no 59, 226, no 05-87.251. 650 Art 57-8-8 C proc pén.

651 Ibid, arts 114 al 1, 152 al 2.

652 Cass crim, 5 mars 2013, (2013) Bull crim no 56, no 12-87.087. 653 Art 114 al 1 et 152 al 2 C proc pén.

654 Charte canadienne, supra note 4, art 8.

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charte656 en vertu du « privilège du client quant à l’inadmissibilité en preuve de ces

communications »657.

Toutefois, en ce qui a trait aux communications de la personne détenue avec toute autre personne, il est possible de déposer celles-ci en preuve lorsque l’interception et le dépôt en preuve sont faits conformément à la loi658. Ainsi, l’interception des

communications téléphoniques d’une personne détenue nécessite une autorisation judiciaire659. Un exemple dans la jurisprudence de cette possibilité est l’arrêt Nygaard

de la Cour suprême du Canada où, dans les faits, la police intercepte les conversations téléphoniques de la personne sous détention provisoire avec d’autres personnes660.

Dans cet arrêt, l’objet de ces communications est de fabriquer une fausse défense d’alibi661.

En ce qui a trait aux pouvoirs d’investigation des policiers lorsque la personne est en détention provisoire, tout comme le droit français, il existe plusieurs limitations à ceux-ci662. En effet, une fois que la détention provisoire de la personne est ordonnée,

le pouvoir général d’enquête des policiers permettant d’interroger cette personne sans son consentement prend fin663. Les policiers n’ont alors pas le droit d’interroger la

personne sans son consentement et cette dernière peut refuser d’être interrogée ou encore accepter, mais sous condition que son avocat soit présent664. Les policiers ne

pourront donc tenter de convaincre cette personne de ne pas avoir recours à son droit de garder le silence665. En outre, bien que les policiers puissent interroger cette

personne à l’endroit où elle est détenue, ils ne peuvent unilatéralement demander que cette personne soit libérée afin qu’elle soit sous la garde des policiers durant cet interrogatoire666. Finalement, tout comme à l’occasion d’une garde à vue, la règle des

confessions est encore applicable durant la période de détention provisoire afin de

656 Charte canadienne, supra note 4, art 24 (2).

657 R c Robillard, 2000 CanLII 6756 au para 32 (QC CA). 658 Code criminel, LRC 1985, c C-46, arts 186 (1), 189 (5). 659 Ibid, art 185 (1).

660 R c Nygaard, [1989] 2 RCS 1074 aux pp 1090 et 1091. 661 Ibid.

662 Béliveau et Vauclair, supra note 14 au para 1871. 663 R v Daunt, 2005 CanLII 34 au para 143 (YK SC). 664 Ibid.

665 Ibid.

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savoir si une déclaration à une personne en autorité est faite de façon libre et volontaire667.

Bien que la protection du droit français ne soit pas en tout point similaire à celle offerte en droit canadien, il est possible de constater les similitudes quant à la protection offerte aux communications entre la personne détenue et son avocat et l’absence de protection quant aux communications entre la personne détenue et toute autre personne du moment que leur interception est faite conformément à la loi. En outre, bien qu’encore une fois il n’y ait pas similitude parfaite, les pouvoirs d’enquête des policiers sont considérablement limités dans les deux cas lorsqu’une personne fait l’objet d’une détention provisoire. Il n’existe donc pas de différence majeure entre la protection contre l’auto-incrimination existante en France et celle au Canada.

3) Les garanties juridiques portant sur la durée raisonnable d’une détention