• Aucun résultat trouvé

L’arrestation comme moyen de coercition commun aux deux États

A) Les mesures de détention à l’extérieur des locaux de police

1) L’arrestation comme moyen de coercition commun aux deux États

Afin d’introduire le propos subséquent sur la « détention aux fins d’enquête au Canada », il est nécessaire de traiter brièvement de l’arrestation en France et au Canada afin de bien comprendre le fonctionnement de la procédure pénale dans ces deux États. En outre, l’étude qui est faite du pouvoir d’arrestation en droit canadien est un peu plus approfondie puisque cela sert notre propos ultérieur dans cette recherche sur la « mise sous garde » au Canada, l’arrestation étant une étape préalable à celle-ci.

a) Le pouvoir d’arrestation en France

Tout d’abord, l’article 73 du Code de procédure pénale146 est celui qui encadre principalement le pouvoir d’arrestation en droit français147 . Celui-ci précise que

l’arrestation n’est possible qu’en cas de crime ou délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement148. Le Code de procédure pénale définit le crime et le délit flagrant

comme étant celui :

[…] qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre. Il y a aussi

crime ou délit flagrant lorsque, dans un temps très voisin de l’action, la personne soupçonnée est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession d’objets, ou présente des traces ou indices, laissant penser qu’elle a participé au crime ou au délit149.

La jurisprudence ajoute en outre que la situation de flagrance est caractérisée dès lors que les officiers de police judiciaire constatent l’existence d’indices apparents d’un comportement délictueux répondant aux critères de l’article 53 du Code de procédure

146 Art 73 C proc pén.

147 Encyclopédie juridique Dalloz : répertoire de droit pénal et de procédure pénale, « Arrestation » par

Coralie Ambroise-Castérot au para 13.

148 Art 73 C proc pén. 149 Ibid, art 53 al 1.

23

pénale150. L’arrestation n’est donc possible qu’en cas de flagrance, ce pouvoir ne pouvant être exercé dans le cadre d’une enquête préliminaire. L’enquête préliminaire, quant à elle, est l’enquête qu’un officier de police judiciaire peut entreprendre lorsque les circonstances de l’enquête de flagrance ne sont pas réunies151. La qualité d’officier de police judiciaire

n’est pas dévolue à l’ensemble de ce qui constitue la force publique. En effet, seules les personnes visées à l’article 16 du Code de procédure pénale font partie de cette catégorie152. Il est précisé à l’article 17 que les officiers de police judiciaire peuvent

requérir l’aide de la force publique dans l’exécution de leurs fonctions153.

Pour revenir sur le pouvoir d’arrestation, l’article 73 prévoit que ce pouvoir d’appréhension de la personne est dévolu à « toute personne »154 et cette dernière doit

conduire la personne appréhendée devant « l’officier de police judiciaire le plus proche »155.

En plus de ce pouvoir d’arrestation prévu à l’article 73, le Code de procédure pénale prévoit plusieurs mandats ayant pour but, entre autres, de faire arrêter la personne qui en fait l’objet et qui est soupçonnée d’avoir commis une infraction. Ces mandats émis par une autorité judiciaire sont : le mandat de recherche156, le mandat d’amener157, le mandat

d’arrêt158 et le mandat d’arrêt européen159. En ce qui a trait au niveau de suspicion relatif à

la commission d’une infraction, alors que le mandat de recherche exige l’existence d’ « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner »160 que la personne a commis ou a tenté de

commettre une infraction, les mandats de recherche, d’amener et d’arrêt exigent un niveau de suspicion supérieur161. Quant au mandat d’arrêt européen, le niveau de suspicion est

150 Cass crim, 6 février 1997, Bull crim no 49, 157, no 96-84.018 ; Cass crim, 23 octobre 1991, (1991) Bull

crim no 371, 922, no 90-85.321.

151 Jacques Leroy, supra note 60 à la p 86. 152 Art 16 C proc pén. 153 Ibid, art 17 al 3. 154 Ibid, art 73 al 1. 155 Ibid. 156 Ibid, art 77-4. 157 Ibid, art 126. 158 Ibid, art 131. 159 Ibid, art 695-12. 160 Ibid. 161 Ibid, art 122 al 2,3.

24

défini par l’État qui recherche l’individu, soit l’État d’émission, aux fins d’une poursuite pénale162.

b) Le pouvoir d’arrestation au Canada

Il existe plusieurs cas de figure permettant une arrestation. En effet, l’arrestation d’une personne peut aussi bien être effectuée avec un mandat émis par un juge de paix ou bien sans mandat163. La différence réside toutefois ici dans le fait qu’une arrestation avec

mandat sera décidée par un juge de paix puisque c’est celui-ci qui a le pouvoir d’émettre un tel mandat alors que, dans le cas d’une arrestation sans mandat, cette décision sera prise par toute personne, y compris un agent de la paix164.

Par contre, les types d’infractions qui sont sujets à une arrestation varient selon qu’elle est effectuée avec ou sans mandat. En effet, l’article 504 du Code criminel prévoit qu’une dénonciation devant un juge de paix ne peut être faite que pour les actes criminels, les infractions qui ne sont punissables que par voie sommaire étant écartées165. Quant à

l’arrestation sans mandat, il est prévu au paragraphe premier de l’article 495 du Code

criminel l’étendue du pouvoir d’un agent de la paix166. Ainsi, celle-ci est possible dans tous

les cas lorsque l’agent de la paix trouve la personne en train de commettre une infraction criminelle167. Toutefois, lorsque l’arrestation n’est fondée que sur des motifs raisonnables

de croire en la commission d’une infraction, celle-ci est limitée aux actes criminels, écartant les cas d’infractions qui ne sont punissables que sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire168 – infraction de gravité moindre en droit canadien169. En outre, le

Code prévoit une autre restriction aux arrestations sans mandat au deuxième paragraphe de l’article 495 en établissant que dans tous les cas – soit lorsque l’agent de la paix appréhende une personne qui est en train de commettre l’infraction ou lorsque l’arrestation n’est fondée que sur des motifs raisonnables de croire en la commission d’un acte criminel -les

162 Art 695-11 al 1 C proc pén.

163 Code criminel, LRC 1985, c C-46, arts 495, 507 (1) b). 164 Ibid, arts 494, 495, 511 (1) c).

165 Ibid, art 504. 166 Ibid, art 495 (1). 167 Ibid, art 495 (1) b). 168 Ibid, art 495 (1) a).

169 Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon, Traité de droit pénal canadien, 4e éd refondue et

25

infractions visées à l’article 553, les infractions pouvant être poursuivies autant en tant qu’actes criminels que sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et les infractions punies sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire ne peuvent donner lieu à une telle arrestation en principe170. Il est toutefois prévu que, dans le cas de ces trois

derniers types d’infractions, l’agent de la paix peut procéder tout de même à l’arrestation lorsque celle-ci est nécessaire soit pour protéger l’intérêt public, ce qui comprend notamment la nécessité d’identifier l’individu, de conserver la preuve et de prévenir la récidive ou soit encore pour s’assurer de la présence de la personne devant le tribunal171. De

plus, il est prévu que si l’agent de la paix procède tout de même à l’arrestation dans le cas de ces trois types d’infractions, lorsqu’elle est faite conformément au pouvoir de l’agent de la paix prévu au paragraphe premier de l’article 495 du Code criminel, il est présumé agir légalement en vertu du Code ou de toute autre loi fédérale172. L’illégalité de l’arrestation ne

pourra être invoquée que dans le cadre d’une procédure en vertu du droit provincial173.

Quant au critère de persuasion de la commission d’une infraction, lorsque celle-ci n’est pas constatée directement par un agent de la paix, la loi se réfère au critère de « motifs raisonnables » de croire en la commission d’un acte criminel174. Il est également parfois fait

référence dans la jurisprudence aux « motifs raisonnables et probables de croire en la commission d’une infraction » renvoyant tout de même au même critère de persuasion175.

Le plus haut tribunal du pays, dans l’arrêt Storrey176, n’a pas mentionné explicitement que,

pour s’assurer de la légalité d’une arrestation au sens de l’article 9 de la Charte canadienne

des droits et libertés177, celle-ci doive obligatoirement s’appuyer sur des motifs raisonnables, la Cour n’en faisant alors pas une exigence constitutionnelle178. Toutefois, il

reste que, pour qu’une arrestation sans mandat soit conforme à l’article 495 (1) a) du Code

criminel, celle-ci doit être fondée sur des motifs raisonnables179. Elle ne peut donc pas être

170 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 495 (2) a)-c). 171 Ibid, art 495 (2) d), e).

172 Ibid, art 495 (3) a).

173 Béliveau et Vauclair, supra note 14 au para 1699. 174 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 595 (1) a).

175 R c MacKenzie, 2013 CSC 50 au para 38, [2013] 3 RCS 250. 176 R c Storrey, [1990] 1 RCS 241.

177 Charte canadienne, supra note 4, art 9.

178 Béliveau et Vauclair, supra note 14 au para 1705. 179 Code criminel, LRC 1985, c C-46, art 495 (1) a).

26

fondée sur de simples soupçons180. La Cour suprême a par ailleurs affirmé que le test est à

la fois subjectif et objectif, de sorte qu’en plus du fait que les motifs soient objectivement raisonnables, l’agent de la paix doit croire en ces motifs181. Ces motifs raisonnables doivent

finalement satisfaire à un degré minimum de fiabilité, les déclarations anonymes et le ouï- dire, sans être irrecevables, nécessitant généralement la corroboration de ceux-ci par un autre fait182.