• Aucun résultat trouvé

Les perceptions d'aînés atteints d'un trouble neurocognitif dégénératif et vivant à domicile : regard sur leur expérience selon une perspective centrée sur les forces

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les perceptions d'aînés atteints d'un trouble neurocognitif dégénératif et vivant à domicile : regard sur leur expérience selon une perspective centrée sur les forces"

Copied!
201
0
0

Texte intégral

(1)

Les perceptions d’aînés atteints d’un trouble

neurocognitif dégénératif et vivant à domicile : regard

sur leur expérience selon une perspective centrée sur

les forces

Mémoire

Karelle Bouchard

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

(2)
(3)

iii

Résumé

Les troubles neurocognitifs atteignent environ 35,6 millions d‟individus dans le monde (Alzheimer‟s Disease International, 2009). Ces personnes sont généralement perçues comme des sujets à être étudiés, les chercheurs négligeant du même coup les perceptions de ceux qui en sont atteints. Si l‟avancée de la maladie modifie vraisemblablement l‟expérience, les impacts et les symptômes, il n'en demeure pas moins que la progression est parfois lente. Conséquemment, la vulnérabilité engendrée par la maladie ne doit pas occulter les aptitudes toujours présentes chez ces personnes. Cette recherche explore le phénomène subjectif de l‟expérience globale de la maladie au regard des perceptions, des attentes et des sentiments des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif vivant à domicile. Dès lors, les résultats de ce mémoire proposent de mettre en lumière la manière dont ils se valorisent ainsi que les aptitudes présentes malgré les pertes engendrés par la maladie selon la perspective centrée sur les forces.

(4)
(5)

v

Abstract

Neurocognitive disorders currently affect approximately 35.6 million people worldwide (Alzheimer's Disease International, 2009). According to researchers, these affected people are generally perceived as study subjects, causing their own perceptions to be neglected. It is likely the experience, impacts, and symptoms of the disease will be altered during its evolution; nevertheless the progression remains slow. Consequently, the vulnerability caused by the illness should not outshine the skills and abilities the individuals retain. This research explores the subjective phenomenon of the global experience of the disease in terms of perceptions, expectations and feelings elders living at home experience while affected by a neurocognitive disorder. Therefore, the results of this study propose to highlight the manner in which these people value themselves and their preserved skills despite the losses caused by the disease, from a strength-focused perspective.

(6)
(7)

vii

Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT ... V TABLE DES MATIÈRES ... VII REMERCIEMENTS ... XV

L’INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE, LA RECENSION DES ÉCRITS ET LA PERTINENCE DE LA RECHERCHE ... 3

L’OBJET D’ÉTUDE : LES TROUBLES NEUROCOGNITIFS ... 3

1.1 LA FRÉQUENCE DU PHÉNOMÈNE : PRÉVALENCE DU TROUBLE NEUROCOGNITIF ... 7

1.2 LA RECENSION DES ÉCRITS ... 8

1.3 1.3.1 Les conséquences de la maladie et ce qu’elles représentent pour la personne atteinte ... 8

1.3.2 Les réactions des aînés atteints d’un trouble neurocognitif aux conséquences de la maladie . 12 1.3.3 Les désirs et les besoins des personnes atteintes par rapport à ces conséquences ... 14

DES PRATIQUES NOVATRICES ... 15

1.4 L’IDENTIFICATION DE LIMITES MÉTHODOLOGIQUES DANS LES ÉTUDES CONSULTÉES ... 18

1.5 LA PERTINENCE SCIENTIFIQUE ET SOCIALE DE PRODUIRE DES CONNAISSANCES SUR LE SUJET ... 19

1.6 CHAPITRE 2 : LE CADRE CONCEPTUEL ... 21

LA POSTURE ÉPISTÉMOLOGIQUE... 21

2.1 2.2 LA PERSPECTIVE THÉORIQUE... 22

FIGURE 1 : Création de niches habilitantes ... 24

FIGURE 2 : La théorie des forces et les caractéristiques d’un individu dont le pouvoir d’agir a été mis de l’avant ... 27

FIGURE 3 : La théorie des forces et les caractéristiques d’un individu opprimé ... 28

2.3 UNE DÉFINITION DES CONCEPTS CLÉS À L’ÉTUDE ... 28

CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE ... 33

L’APPROCHE PRIVILÉGIÉE ET LE TYPE DE RECHERCHE ... 33

3.1 LA POPULATION À L’ÉTUDE ... 34

3.2 L’ÉCHANTILLONNAGE ... 35

3.3 LE RECRUTEMENT DES PARTICIPANTS ... 35

3.4 LA COLLECTE DES DONNÉES ET LE DÉROULEMENT DES ENTREVUES ... 38

3.5 L’ANALYSE DES DONNÉES ... 41

3.6 LES CONSIDÉRATIONS ÉTHIQUES ... 43

3.7 CHAPITRE 4 : LA PRÉSENTATION ET L’INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 46

LES RÉACTIONS À L’ANNONCE DU DIAGNOSTIC ... 48

4.1 L’APPARTENANCE AU MILIEU DE VIE ... 51

4.2 4.2.1 La description positive des lieux : milieux sécurisants et sentiment d’appartenance ... 52

4.2.2 Adapter le milieu de vie ... 53

LES ACTIVITÉS DE LA VIE DOMESTIQUE (AVD) : DE LA NÉCESSITÉ D’ADAPTATION À L’IMPORTANCE DE DEMEURER UTILE 55 4.3 4.3.1 La répartition et le réaménagement des tâches ... 55

4.3.2 L’aide pour les activités de la vie domestique ... 57

4.3.2.1 L’aide familiale ... 58

4.3.2.2 L’aide rémunérée ... 58

SE REDÉFINIR DANS LA MALADIE : LES MULTIPLES FACETTES DE L’ADAPTATION AUX CHANGEMENTS ... 59

4.4 4.4.1 La résistance... 61

(8)

viii

4.4.3 Les stratégies mnémoniques et les exercices de mémoire ... 66

LE MODÈLE DES FORCES : LES FORCES INDIVIDUELLES ... 70

4.5 4.5.1 Les aspirations ... 70

4.5.2 Les compétences ... 72

LE MODÈLE DES FORCES : LES FORCES DU MILIEU ... 74

4.6 4.6.1 Les relations sociales : une variable importante dans l’expérience de la maladie ... 75

4.6.1.1 Le soutien des amis et de la famille ... 75

4.6.1.2 La relation conjugale ... 78

4.6.2 Les ressources ... 80

4.6.2.1 Le rôle des pharmaciens de quartier dans l’expérience de la maladie ... 80

4.6.2.2 La Société Alzheimer de Québec : un soutien concret à travers la maladie ... 81

4.6.2.3 Le Centre de jour de Charlesbourg : un soutien aux liens sociaux ... 85

4.6.2.4 Le centre de santé et de services sociaux (CSSS) ... 87

4.6.2.5 Les autres organismes présents dans l’accompagnement d’ainés vivant avec un trouble neurocognitif ... 88

4.6.3 Les possibilités de participation au-delà de la maladie ... 89

LA PARTICIPATION SOCIALE : DÉCLINAISON DE CONTACTS SOCIAUX, DE SENTIMENTS DE FIERTÉ, D’UTILITÉ ET DE 4.7 DIVERTISSEMENTS ... 90

4.7.1 Les activités actuelles ... 90

4.7.1.2 La poursuite des activités : une constance de la personnalité dans la maladie ... 91

4.7.1.3 Les nouvelles activités ... 95

4.7.2 Les activités désirées ... 97

4.7.3 Entretenir des relations interpersonnelles ... 99

4.7.3.2 Rencontrer des gens (créer des liens) ... 99

4.7.3.3 La valorisation par un rôle dans un groupe ... 99

4.7.4 L’accompagnement et encouragement d’un proche ... 100

4.7.5 La flexibilité du milieu ... 101

4.8 LES CONSÉQUENCES NÉGATIVES LIÉES À L’EXPÉRIENCE DE LA MALADIE ... 103

4.8.1 Les pertes liées à l’évolution de la maladie. ... 104

4.8.2 La modification des habitudes et des loisirs ... 106

4.8.3 Les impacts sur la relation conjugale ... 109

4.8.4 Les réactions négatives de l’entourage ... 110

4.8.5 Les sentiments (ou émotions) négatifs découlant de l’interaction entre les conséquences de la maladie et la réaction de l’entourage ... 112

4.9 LES CONTRAINTES NE DÉCOULANT PAS DE LA MALADIE ... 114

4.9.1 Les problèmes de santé concurrents ... 114

4.9.2 La méconnaissance des services ... 116

4.9.3 Les conflits familiaux et la pauvreté du réseau social ... 117

4.9.4 Les problèmes de santé d’un autre membre de la famille ... 118

4.9.5 La modification des activités liées à des changements dans l’entourage ... 119

4.10 LES BESOINS DES PERSONNES VIVANT AVEC LA MALADIE ... 120

4.10.1 Le besoin d’entrer en contact avec autrui ... 120

4.10.2 Le besoin de demeurer engagé dans les responsabilités familiales ... 121

4.10.3 Le besoin d’être guidé dans les étapes de la maladie ... 122

4.10.4 Le besoin de trouver des stratégies adéquates (aide-mémoire, gestion du stress) ... 122

4.10.5 Le besoin de sécurité... 123

4.10.6 Le besoin de soutien ... 123

4.11 LE DISCOURS DE L’AIDANT : LES PERCEPTIONS DU PROCHE LORS DE LA PREMIÈRE ENTREVUE ... 125

4.11.1 La perception des besoins de l’aidé ... 125

4.11.1.2 Le besoin de structure ... 126

4.11.1.3 Le besoin d'encouragement pour demeurer actif ... 126

4.11.1.4 Le besoin de faire des exercices pour la mémoire ... 126

4.11.1.5 Le besoin de rencontrer des gens... 127

(9)

ix

4.11.1.7 Le besoin de vivre dans le présent ... 128

4.11.2 La perception de la maladie ... 128

4.11.3 Les réactions aux conséquences de la maladie ... 130

4.11.3.2 Les changements dans l'attitude et le comportement de l’aidant... 130

4.11.3.3 La résistance chez l’aidant ... 131

4.11.4 La perception des forces de l'aidé et le respect de son autonomie ... 132

4.11.5 La présence et l’absence de soutien à l’aidant ... 133

4.11.6 L’épuisement de l’aidant ... 134

4.11.7 Le soutien à d’autres personnes que l’aidée ayant un trouble neurocognitif ... 135

LA CONCLUSION ...137

LES FAITS SAILLANTS ... 137

5.1 LES RECOMMANDATIONS POUR L’INTERVENTION... 145

5.2 LES PISTES POUR LES RECHERCHES FUTURES ... 148

5.3 LES PRINCIPALES LIMITES ET FORCES DE L’ÉTUDE ... 149

5.4 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...153

ANNEXE A : FEUILLET D’INFORMATION ...164

ANNEXE B : FORMULAIRE DE CONSENTEMENT ...166

ANNEXE C : SCHÉMA D’ENTREVUE ...167

ANNEXE D : RÉSUMÉ DU PROTOCOLE DE RECHERCHE ...174

ANNEXE E : FEUILLET D’INFORMATION DESTINÉ AU RECRUTEMENT ...177

(10)
(11)

xi

Liste des tableaux

Tableau 1. Les mots et autres termes clés utilisés lors de la démarche documentaire... 3

Tableau 2. Les principaux postulats du modèle axé sur les forces ... 23

Tableau 3. Niches naturelles ou créées ... 26

Tableau 4. Les caractéristiques des participants ... 46

Tableau 5. Revenu du ménage et niveau de scolarité ... 47

(12)
(13)

xiii

Liste des figures

FIGURE 1 : Création de niches habilitantes ... 24 FIGURE 2 : La théorie des forces et les caractéristiques d’un individu dont le pouvoir d’agir a été mis de l’avant ... 27 FIGURE 3 : La théorie des forces et les caractéristiques d’un individu opprimé ... 28

(14)
(15)

xv

Remerciements

Réaliser un projet tel que celui du programme de maîtrise ne peut être rendu possible sans le soutien de nos proches. La présence très précieuse de plusieurs personnes mérite d‟être soulignée : je vous dois la réussite de ce projet et ces quelques mots sont bien peu, mais sincères.

D‟abord, un merci sincère à l‟intention de chacune des personnes qui m‟ont ouvert leur porte et qui se sont confiées à moi. Vos expériences sont le cœur de ce projet. J‟espère que vos témoignages pourront contribuer à l‟amélioration des connaissances de l‟expérience de cette maladie et éventuellement, l‟amélioration des services.

Merci à madame Sylvie Turgeon du Centre de jour de Charlesbourg ainsi que mesdames Lucie Trépanier et Anne Couture de la Société Alzheimer de Québec qui ont cru en ce projet et qui m‟ont permis de rencontrer des gens de leur milieu respectif.

Je ne peux passer sous silence l‟importance de ma famille et de mes amis. Merci à mes amis (un clin d‟œil à celles qui se sont présentées quand je n‟en cherchais pas) de m‟avoir aidée à garder un équilibre mental. Merci à mes parents de m‟avoir appris la persévérance, la ténacité et la curiosité d‟esprit dont j‟ai eu besoin pour mener à bien ce projet. À ma maman, merci pour ton aide tellement précieuse lorsque mon propre rôle de maman et celui d‟étudiante était si difficile à combiner! Merci à ma belle-maman pour ce bel exemple au quotidien d‟une valeur si importante au service social : le non-jugement. Merci ma sœur de m‟avoir écouté à travers les hauts et les bas, mais tout simplement pour tout ce que tu es et représentes pour moi.

Merci à mon amoureux qui est devenu mon époux au courant de cette aventure. D‟une manière exceptionnelle, tu crois en moi quand j‟oublie de le faire moi-même. Merci pour ton écoute et ton soutien inconditionnel, mais surtout pour tous les sacrifices que tu as faits avec moi pour rendre ce rêve possible. Je ne peux passer sous silence l‟arrivée de notre fils, qui sans le savoir, m‟a tellement appris à travers la fin de ce parcours. Je t‟aime turbo!

(16)

xvi

Je tiens sincèrement à remercier spécialement Myreille St-Onge et Andrée Sévigny. Les mots me manquent pour vous remercier à la hauteur du soutien constant que vous m‟avez offert. Myreille, je demeurerai toujours impressionnée par votre grande honnêteté, vos connaissances infinies et votre disponibilité sans limites. Andrée, ta grande générosité marquera à jamais celle que je deviens. Merci d‟être si inspirante et accueillante. À toutes les deux, merci pour votre compréhension dans cette aventure à travers laquelle se sont ajoutées de nombreuses variables imprévues au départ!

Finalement, j‟aimerais adresser un énorme merci spécialement à l‟Institut sur le vieillissement et la participation sociale des aînés (IVPSA), à l‟Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes conjugaux du Québec (OTSTCFQ) et aux Fonds Nicolas et Suzanne-Zay pour leur soutien financier.

(17)

1

L’INTRODUCTION

Les troubles neurocognitifs sont généralement perçus et définis selon une perspective fortement influencée par le modèle biomédical (Bender et Cheston, 1997; Gillies, 2000). Par ailleurs, une majorité des études sur le sujet dans le domaine social s‟intéresse à l‟état des besoins ainsi qu‟à la pression exercée sur celui ou celle qui prodigue les soins plutôt que sur l‟aidé (Cohen, 1991; Proctor, 2001; Clare, 2002; Cox, 2007; Roest, Meiland, Maroccini, Comijs, Jonker et Dröes, 2007). En ce sens, les écrits consultés suggèrent implicitement une victimisation de l‟aidant* qui apparait alors comme oublié par le système. Cela tend essentiellement à marginaliser les individus atteints de la maladie, les présentant comme un poids ou un «fardeau»†, et invalidant du même coup leurs opinions. Cette même perception négative de la maladie s‟applique par ailleurs au vieillissement en général. Cet avancé en âge apparait culturellement comme « une période dédiée au repos ou [encore] marquée par le retrait social » (Raymond, Gagné, Sévigny et Tourigny, 2008 : 3). L‟aîné atteint d‟un trouble neurocognitif subit alors cette double contrainte et perd potentiellement une chance de maintenir un certain degré d‟autonomie : une autonomie de corps, mais aussi d‟esprit (Cohen, 1991; Cox, 2007). Dans l‟optique d‟améliorer les connaissances concernant le vécu des personnes par rapport à cette maladie, s‟intéresser à ceux qui en sont eux-mêmes touchés est un incontournable. L‟essence d‟un tel projet vise à percevoir l‟individu, qu‟il soit atteint de ce trouble ou non, comme un être à part entière. Il vise à le considérer comme partie prenante de la solution de son soutien à domicile, et non pas comme le problème. Cette philosophie permet ainsi aux réflexions dans ce domaine de se distancier «d‟une gestion purement médicale et comportementale des symptômes de la maladie» (Vézina, Cappeliez et Landreville, 2007 : 187). Le but de cette recherche est donc d‟explorer le phénomène subjectif de l‟expérience globale de la maladie d‟Alzheimer ou d‟autres affections apparentées au regard des perceptions, des attentes et des sentiments des aînés qui en sont atteints et qui vivent toujours à domicile.

* Malgré l‟utilisation du terme au masculin, il importe ici de mentionner la surreprésentation de femmes ainsi

que de conjointes, parfois elles-mêmes âgées et vulnérables, qui assument la responsabilité du proche malade. (Arcand et Hébert, 2007).

La notion du « fardeau » de l‟aidant est répandue dans les écrits scientifiques. Toutefois, plusieurs études

stipulent que l‟aidant influence lui-même « sa perception du fardeau » (Salmon, Wojjtasik, Lekeu et al, 2009 : 10). Plus encore, nous sommes d‟avis que cette notion plutôt péjorative présente les aidés comme un poids.

(18)

2

Le présent mémoire se décline en cinq chapitres. Dans le premier chapitre, l‟état des connaissances dans le domaine de la recherche sociale quant à l‟expérience générale des troubles neurocognitifs est exploré. L‟objet d‟étude y sera davantage défini ainsi que la pertinence scientifique et sociale de produire une recherche sur le thème des aînés vivant à domicile avec un trouble neurocognitif à un stade débutant. Seront aussi abordées les pratiques novatrices auprès des individus vivant avec un trouble neurocognitif tel que l‟Alzheimer. Subséquemment, le second chapitre présente le cadre conceptuel qui balise ce projet de recherche. La posture épistémologique et la perspective théorique dans lesquelles l‟étude s‟inscrit seront abordées. Ce chapitre propose aussi de définir les termes clés de ce mémoire afin de favoriser la compréhension des concepts utilisés. Le troisième chapitre propose une description de la méthodologie utilisée : contexte du projet de recherche et approche mise de l‟avant, population à l‟étude, recrutement et collecte des données. Il sera aussi question des considérations éthiques qui sont incontournables dans le cadre d‟un projet qui vise à inclure des participants vivant avec un trouble neurocognitif. Le quatrième chapitre présente les résultats de la recherche. Ces derniers seront par ailleurs interprétés au courant de la présentation en concordance avec la perspective théorique définie au chapitre précédent. Le dernier chapitre fait quant à lui office de conclusion en mettant de l‟avant un résumé synthèse, des pistes de recherche ainsi que des propositions en matière d‟intervention.

(19)

3

CHAPITRE 1 : LA PROBLÉMATIQUE, LA RECENSION DES

ÉCRITS ET LA PERTINENCE DE LA RECHERCHE

Ce chapitre présente essentiellement l‟état des connaissances quant à l‟expérience générale des troubles neurocognitifs, permettant ultimement de définir l‟objet d‟étude. Conséquemment, l‟état des connaissances présenté à travers la recension des écrits met en relief la pertinence scientifique et sociale de produire une recherche qualitative sur le thème des aînés vivant à domicile avec un trouble neurocognitif. Par ailleurs, le tableau 1 résume les mots clés utilisés (parfois anglais et parfois français) à travers neuf banques de données lors de la démarche documentaire : Ageline, Érudit, Francis, Medline, Psycinfo, Repères, Social Sciences Full Text, Social Work Abstracts, Sociological Abstracts.

Tableau 1.

Les mots et autres termes clés utilisés lors de la démarche documentaire

Mots clés Autres termes associés lors de la recherche

Aîné Personne âgée Elder Elderly Senior Aging Démence Cognitive impairment Dementia Maladie

d‟Alzheimer

Early-stage dementia

Alzheimer‟s disease

Domicile Old ages homes Milieu de vie naturel Domicile conventionnel Home care services Services

Environnement Community Living in the

community Living alone

Community

care Caregivers Support

Besoins Need Want Demand Needs

assessment

Subjective needs

Information needs

Perte Perte d‟autonomie Loss Social loss Impairment Disability

Perception Expérience Perception Services user perspective Subjective experience Self-concept

Participation sociale Contacts sociaux Engagement social Bénévolat Interaction social Social integration Social networks

Autres Qualitative Prevalence rates

Prevalence

ratio Prevalence Psychosocial

Psychosocial factors

L’objet d’étude : les troubles neurocognitifs 1.1

Généralement présentés sous l‟appellation démence, les troubles neurocognitifs sont caractérisés par une détérioration progressive et irréversible du fonctionnement cérébral (MacQuarrie, 2001; Durand et Barlow, 2002; Société Alzheimer du Canada, 2004). Pour

(20)

4

différentes raisons, le terme démence sera volontairement mis de côté dans le cadre de ce mémoire, bien qu‟il soit majoritairement présent dans les études consultées. En concordance avec la nouvelle classification de la plus récente version du Diagnostic and

Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-5), « Dementia is subsumed under the newly

named entity major neurocognitive disorder, although the term dementia is not precluded from use in the etiological subtypes in which the term is standard » (American Psychiatric Association, 2013: 591). Cette nouvelle classification suggère donc l‟utilisation du terme

trouble neurocognitif. C‟est aussi dans le respect de la philosophie de la Société Alzheimer

de Québec qui a le souci de l‟impact des mots utilisés pour décrire les personnes vivant avec la maladie. Dès lors, nous utiliserons les termes atteintes neurocognitives ou maladie neurocognitive de manière interchangeable avec le terme trouble neurocognitif.

Les troubles neurocognitifs ont d‟abord pour caractéristique d‟apparaitre à un âge relativement avancé (American Psychiatric Association, 2013). Bien que les aînés ne soient pas les seuls à expérimenter cette maladie, ce diagnostic est majoritairement établi auprès de la population des plus de 65 ans (Steeman, Dierckx de Casterlé, Godderis, Grypdonck, 2005; Statistique Canada, 2006). La vieillesse est toutefois un fait subjectif et la «non-homogénéité du groupe social qualifié d‟aînés» doit être considérée (Statistique Canada, 2006 : 26). Dès lors, il ne faut pas s‟y méprendre et croire que les troubles neurocognitifs sont facilement décelables au sein de cette population vieillissante. Le vieillissement dit normal comporte son lot de similitudes avec les atteintes neurocognitives et rend donc sa détection ardue (Bier, Desrosier et Gagnon, 2006). Jusqu‟à maintenant, le diagnostic définitif de la maladie est établi post mortem, ce qui n‟empêche toutefois pas le diagnostic probable du vivant de la personne (Arcand et Hébert, 2007).

Le nombre de personnes atteintes par la maladie d‟Alzheimer et d‟autres affections connexes est actuellement en croissance et le vieillissement de la population n‟y est pas étranger (MacQuarrie, 2001; Durand et Barlow, 2002; Société Alzheimer du Canada, 2004; Statistique Canada, 2006). Cette mouvance démographique influence donc la nécessité d‟une évolution en matière de soins liés à une clientèle vieillissante (World Health Organisation, 2006). Cela explique d‟ailleurs partiellement le déplacement des soins

(21)

5 institutionnels, jusqu‟alors favorisés, vers le soutien à domicile comme solution de remplacement. À cet effet, la croyance populaire voulant qu‟une importante proportion de personnes âgées vive en institution est erronée. Les données de la politique québécoise Vieillir et vivre ensemble (2012) soulignent plutôt que 96,3% de la population âgée demeure à domicile, dont 87,6% dans un domicile qualifié de conventionnel et 8,7% dans une résidence privée avec services. Évidemment, ces données excluent les Centres d‟hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Néanmoins, la pression est grande pour que la population âgée ébranlée par des déficits cognitifs soit rapidement admise dans des endroits sécuritaires et protégés (Waugh, 2009). Dans ce contexte, l‟institutionnalisation apparait comme la solution à tous les maux et porte à croire que le soutien et le maintien dans la communauté ne sont pas aisément valorisés (Waugh, 2009). Or, l‟étude de la Canadian

Healthcare Association (2009) révèle qu‟une majorité d‟aînés, quelle que soit leur condition,

préfèrent recevoir leurs soins à domicile. Plus encore, l‟expérience de la maladie à domicile est bien différente de celle en institution, implicitement liée au fait que les capacités préservées sont plus élevées chez ceux vivant à domicile (Roest et al, 2007).

À la lumière de ces faits, l‟intérêt porté au domicile comme dimension de l‟étude est d‟autant plus justifié qu‟il s‟agit de l‟option la plus réaliste pour une population vieillissante, une option qui s‟intensifiera dans l‟avenir. Il est toutefois indéniable qu‟un soutien à domicile puisse être adapté à la réalité et à l‟expérience du vécu des personnes ayant une maladie dégénérative comme l‟Alzheimer par exemple. Dans l‟optique d‟assister les aînés atteints d‟un trouble neurocognitif, de nouvelles méthodes et interventions doivent être développées (Waugh, 2009). Cette nécessité est d‟autant plus criante pour ceux vivant seuls à domicile. À cet effet, Miranda-Castillo, Woods et Orell (2010) stipulent qu‟environ un tiers de la population atteinte de la maladie vivrait seul. Il est important, par ailleurs, de réfléchir à la place de cette population particulière au sein des communautés. Dans la perspective où la préférence des aînés en général est celle de demeurer à domicile, le respect de ce choix peut contribuer à l‟amélioration de leur qualité de vie (Waugh, 2009).

À notre connaissance, peu de recherches ont jusqu‟à maintenant considéré l‟aspect subjectif de l‟expérience d‟un trouble neurocognitif (Bender et Cheston, 1997; Gillies, 2000; Roest et al,

(22)

6

2007). Les contraintes de la maladie ainsi que le choix de demeurer à domicile situent couramment les aidants, dans les écrits scientifiques, comme la source idéale d‟informations. Les individus souffrant de cette maladie sont donc généralement perçus comme des sujets plutôt que comme des personnes pouvant être interrogées directement (Cotrell et Schulaz, 1993). Paradoxalement, les études effectuées sous l‟angle du modèle biomédical stipulent que la maladie n‟affecte pas uniformément les différentes fonctions cognitives et que certaines sont même préservées dans la maladie (Cohen, 1991; Jacquemin, 2009). La symptomatologie ainsi que l‟évolution de la maladie varient considérablement d‟un individu à l‟autre (Cohen, 1991; Durand et Barlow, 2002 ; Bier, Desrosiers et Gagnon, 2006 ; Salmon, 2009). Le postulat implicite voulant que les personnes vivent des symptômes et des besoins semblables a pour effet de limiter le nombre d‟interventions (Jacquemin, 2009). Néanmoins, cette hétérogénéité clinique a permis le développement des interventions centrées sur la personne et milite en faveur de la reconnaissance de l‟identité préservée des aînés souffrant d‟un trouble neurocognitif (Salmon, 2009; Vézina et Pelletier, 2009). Si l‟avancée de la maladie vient modifier l‟expérience, les impacts et les symptômes, il n‟en demeure pas moins que sa progression est parfois très lente. Ainsi, la vulnérabilité engendrée par la maladie ne doit pas occulter les aptitudes qui sont toujours présentes puisque ces personnes conservent des ressources ayant une valeur psychologique et sociale (Cohen, 1991; Brooker, 2007). Il importe aussi de considérer leur personnalité selon un continuum, bref une personnalité et des intérêts qui ne s‟estompent pas avec la survenue de la maladie. Il va sans dire que plus un diagnostic est émis précocement, plus il est possible qu‟un nombre important de capacités soit préservé, permettant ainsi d‟entrevoir une vie autonome plus longue (Université de Liège, 2005; Salmon, 2009; Wojtasik, Lekeu, Quittre, Olivier, Adam et Salmon, 2009). Conséquemment, il est non seulement important, mais incontournable de considérer la perception des principaux concernés par leur propre situation de vie. En occultant leurs propos, il est difficile de croire que nos services répondent réellement à leurs besoins. Ceci nous mène à la question suivante : comment l‟expérience d‟un trouble neurocognitif tel que l‟Alzheimer et les besoins qui en découlent sont-ils perçus par les personnes âgées atteintes vivant à domicile? La réponse à cette question pourra éventuellement contribuer à ce que des interventions axées sur leurs besoins puissent être développées. La visée principale étant de donner la parole à ces aînés, leur discours sera davantage mis de l‟avant que celui des aidants, et ce, en fonction des quatre objectifs suivants :

(23)

7 1. Se centrer sur la personne et ses aptitudes;

2. Explorer le phénomène subjectif de l‟expérience globale au regard des perceptions, des attentes et des sentiments des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif et qui vivent toujours à domicile;

3. Mieux comprendre la manière dont ils valorisent leur propre vie au cours de la maladie;

4. Connaître les besoins d‟aînés vivant à domicile avec un trouble neurocognitif afin de mieux comprendre leur expérience.

La fréquence du phénomène : prévalence du trouble neurocognitif 1.2

Les statistiques concernant l‟évolution démographique révèlent que plus d‟un million de Québécois sont aujourd‟hui âgés de plus de 65 ans et que la population âgée ne cesse de s‟accroître (Direction de la recherche, de l‟évaluation et de la statistique du ministère de la Famille et des Aînés, 2012). D‟autre part, il est actuellement dénombré quelque 35,6 millions de personnes vivant avec la maladie d‟Alzheimer ou un autre trouble neurocognitif apparenté dans le monde (Alzheimer‟s Disease International, 2009) et cela tend à augmenter d‟environ 4,6 millions de personnes chaque année (Ferri, Prince, Brayne et al, 2005). Au Canada, c‟est 747 000 Canadiens qui vivent avec une atteinte neurocognitive dégénérative (Société Alzheimer du Canada, 2014). Or, ces statistiques ne recensent pas les individus qui en sont atteints, mais qui n‟ont pas reçu le diagnostic. Il importe de souligner que cette affection touche en plus grand nombre les aînés du quatrième âge ; soit ceux âgés de plus 85 ans (Durand et Barlow, 2002). Pour cette tranche d‟âge, les statistiques suggèrent qu‟une personne sur trois serait atteinte de la maladie (National Institute on Aging, 2007). Notons que l‟Alzheimer est le trouble neurocognitif le plus répandu (50 à 70% des cas), devant les troubles neurocognitifs vasculaires, les dégénérescences fronto-temporales, la maladie à corps de Lewy et la maladie Creutzfeldt-Jakob (Société Alzheimer du Canada, 2004). Malgré le fait que cette maladie se retrouve au quatrième rang des causes de mortalité dans les pays à revenu élevé (Organisation mondiale de la Santé, 2012), elle demeure toujours une maladie méconnue.

(24)

8

La recension des écrits 1.3

Les prochaines sections ont pour objectif de présenter l‟état des connaissances actuelles entourant l‟expérience des personnes atteintes de la maladie d‟Alzheimer ou d‟affections connexes. Cette section s‟inspire de l‟article de Holst et Hallberg (2003) dans la division et la présentation des différentes catégories de résultats qui seront les suivantes : les conséquences de la maladie pour la personne atteinte ainsi que ce qu‟elles représentent sur le quotidien, leurs réactions à ces conséquences et enfin leurs désirs et besoins suivant ces conséquences. Notons que chacune de ces catégories est élaborée à partir du vécu expérientiel d‟aînés atteints de la maladie, tel que rapporté par diverses études. Il est aussi essentiel de souligner que ces sous-sections ne sont pas mutuellement exclusives et qu‟elles peuvent s‟entrecroiser ou parfois s‟imbriquer les unes dans les autres.

1.3.1 Les conséquences de la maladie et ce qu’elles représentent pour la personne atteinte

Les conséquences induites par la maladie prennent une multitude de formes et la progression des déficits en modifie l‟expérience, les impacts et les symptômes (Société Alzheimer du Canada, 2004). Or, ce qui se démarque en matière de conséquences est sans contredit le nombre important de pertes qui sont associées à l‟évolution de la maladie (Aggarwal, Vass, Minardi, Ward, Garfield et Cybyk, 2003; Roest et al, 2007). Inspirées par la méthode générique d‟évaluation multidimensionnelle du Health-Related Quality of Life (HRQL), les trois catégories où l‟on rencontre des conséquences sont les suivantes : 1) la vie quotidienne, 2) le bien-être et la perception de soi, 3) les relations interpersonnelles et la participation sociale.

Plusieurs aînés vivant avec un trouble neurocognitif rapportent des difficultés perçues en lien avec les différentes pertes d‟autonomie et de contrôle sur la vie

quotidienne et par ricochet sur le soutien dont ils requièrent (MacQuarrie, 2005). Bien que

la dépendance liée à la maladie soit initialement limitée, ce besoin de l‟autre progresse inévitablement jusqu‟à devenir assez restreignant (Cox, 2007). Or, l‟aide ne peut se traduire de n‟importe quelle façon et doit respecter l‟identité, les intérêts et les besoins de ceux vivant avec la maladie. Ce faisant, le quotidien peut s‟avérer difficile si l‟aidé se sent plus

(25)

9 souvent dirigé que soutenu (Clare et Shakespear, 2004). Cette relation aidant-aidé est en constante évolution suivant les fluctuations de la maladie. Aussi, cette interinfluence ne peut être passée sous silence :

La maladie d‟Alzheimer touche [la personne], mais son vécu est indissociable de celui de ses proches, parmi lesquels on identifie un aidant principal, mais aussi des aidants informels et d‟autres professionnels. […] La qualité de vie des uns influence celle des autres. (Salmon, Wojtasik, Lekeu et al, 2009 :46)

Selon le point de vue des aidés, ce soutien reçu au quotidien est toutefois une conséquence primaire, c‟est-à-dire une résultante incontournable de l‟évolution de la maladie (Holst et Hallberg, 2003). Bref, un soutien dans une tentative de vivre normalement (Holst et Hallberg, 2003). Quoi qu‟il en soit, différentes études rapportent que la perception de cette expérience est généralement positive (Smith, Murray, Banerjee et al, 2005). Le soutien offert par les proches est donc perçu comme étant acceptable dans la mesure où cet accompagnement respecte certaines balises (Smith et al, 2005). Relativement aux activités de la vie domestique, il est intéressant de noter le décalage entre la perception des aidés et celle des aidants. Contrairement à la perception généralement positive rapportée par ceux subissant la maladie, les différents aidants questionnés sur le sujet décrivent une situation beaucoup plus négative des limitations et des impacts sur le quotidien (Smith et al, 2005). Cela pourrait potentiellement refléter la difficulté de certains aidants à distinguer leurs propres frustrations de celles de la personne atteinte ou encore d‟un manque de « perspicacité » devant la situation (Aggarwal et al, 2003; Smith et al, 2005). Ce fossé entre les perceptions défend la nécessité de considérer plus attentivement le vécu subjectif des aidés. Il est possible par contre que certains aînés minimisent leurs difficultés comme moyen de gérer les émotions trop fortes liées aux pertes qui accompagnent cette maladie (Smith et al, 2005). Cela sera d‟ailleurs abordé plus loin (section 4.4.1).

En ce qui a trait au bien-être et à la perception de soi, une majorité d‟aînés vivant avec une atteinte neurocognitive tendent à considérer leur situation et leurs déficits comme

(26)

10

partie prenante du vieillissement normal (Smith et al, 2005). Ce positivisme ne permet toutefois pas d‟éviter la vaste gamme d‟émotions négatives à travers lesquelles ils voyageront : tristesse, peur, culpabilité, colère, etc. (MacQuarrie, 2005). Durant cette période de transition suivant l‟annonce du diagnostic, les personnes atteintes devront incorporer la maladie à leur vie (Cohen, Kennedy et Eirdorfer, 1985). Forcément, « la progression de la maladie va déterminer l‟état du bien-être » (Salmon, Wojtasik, Lekeu et al, 2009 : 9). L‟expérience de la maladie se lie tranquillement au fait de devenir étranger à sa propre vie (Holst et Hallberg, 2003). L‟état de la mémoire qui se dégrade rend parfois ardue une perception positive de soi-même et requiert une bataille constante afin de la préserver (Holst et Hallberg, 2003). N‟en demeure pas moins que plusieurs participants eux-mêmes atteints utilisent des expressions foncièrement positives lorsqu‟ils s‟expriment sur l‟état de l‟ensemble de leur vie (Smith et al, 2005). Il convient toutefois de souligner que cette étude s‟adressait principalement à des aînés atteints en stade débutant. Conséquemment, il est inévitable que plus la maladie progresse, plus les pertes s‟accumulent et plus la dépendance s‟accentue. Cette progression laisse des traces parfois profondes sur la personnalité, le taux de dépression, la vie sociale et la dignité pour ne nommer que celles-là (Cotrel et Schulz, 1993; Bender et Cheston, 1997; MacQuarrie, 2001; Aggarwal et al, 2003 ; Holst et Hallberg, 2003).

Cette trace profonde sur la vie sociale est incontournable et c‟est ce qui explique l‟importance de la prochaine catégorie de conséquences, soit les relations

interpersonnelles et la participation sociale. Toutes les pertes mentionnées plus haut

entraînent une diminution de l‟estime de soi en raison d‟une difficulté d‟interagir avec l‟environnement (Gillies, 2000; Aggarwal et al, 2003). En ce sens, plusieurs thèmes à connotation négative ressortent dans l‟expérience sociale de la maladie : difficultés à entrer en contact avec les autres, sentiment d‟étrangeté par rapport à sa propre vie et distanciation des activités qui suscitaient autrefois un intérêt (Holst et Hallberg, 2003). Pourtant, l‟activité est centrale en vue de promouvoir et de maintenir le bien-être des personnes atteintes d‟un déficit neurocognitif (Brooker et Wooley, 2007). C‟est d‟ailleurs pour cette raison que la perception de soi et les relations interpersonnelles sont interreliées. Dans l‟optique qu‟elles poursuivent ou reprennent des activités plaisantes, les personnes âgées

(27)

11 pourraient bénéficier d‟une intégration au sein de différentes niches habilitantes (Jacquemin, 2009). Le concept de niche réfère au modèle des forces et sera discuté plus loin et ce, en lien avec la perspective théorique. En quelques mots, ce qui est entendu ici par niche habilitante, c‟est la création de milieux de qualité permettant à ces individus d‟être engagés socialement, mais aussi de s‟épanouir. L‟intention serait de permettre aux participants de jouer un rôle positif et plus valorisant dans leur milieu (Jacquemin, 2009). Une dame appréciant particulièrement faire la cuisine pourrait par exemple concocter des gâteaux pour les fêtes de quartier organisées par le centre communautaire. En ce sens, l‟activité présente une valeur thérapeutique, un moyen d‟améliorer la qualité de vie, de générer de l‟estime de soi et de maintenir un rôle dans sa vie et sa communauté (Marshall et Hutchinson, 2001; Brooker et Wooley, 2007). L‟étude d‟Aggarwal et al. (2003) permet toutefois de constater que même l‟entourage proximal réussit difficilement à garder un contact avec l‟aîné atteint d‟un trouble neurocognitif. Vraisemblablement, la tolérance fait parfois défaut au sein des communautés devant une telle maladie dégénérative (Waugh, 2009). Bien qu‟une évolution de l‟image de la maladie soit nécessaire, « la maladie d‟Alzheimer en particulier est devenue une étiquette se rapportant à un délabrement sénile» (Salmon, Wojtasik, Lekeu et al, 2009 : 9). En somme, cette étiquette participe à la diminution des possibilités d‟entrer en contact avec la société, entrainant du même coup un affaiblissement de l‟estime de soi (Gillies, 2000; Aggarwal et al, 2003; Cox, 2007). Or, il s‟agit d‟une situation empreinte d‟émotions et l‟influence de la maladie sur les contacts et les relations est difficile à accepter pour plusieurs personnes atteintes (Aggarwal, 2003; MacQuarrie, 2005). On peut constater que la maladie n‟a pas pour impact direct de limiter les relations, mais cette limite se fait plutôt par le truchement de l‟environnement. À cet effet, la relation de couple ne fait pas exception et les difficultés engendrées par la maladie, pour le couple, sont majoritairement liées à des problèmes de communication (Clare et Shakespear, 2004). Ce sentiment d‟étrangeté nommé plus haut est essentiel à saisir puisqu‟il est en partie attribuable à la difficulté de maintenir de l‟intérêt pour certaines activités (Holst et Hallberg, 2003). Néanmoins, Holst et Hallberg (2003) affirment que lorsqu‟un participant de leur étude quitte une activité par manque d‟intérêt, il se dit aussi satisfait puisque cela lui enlève un certain poids. La question qui se pose est donc la suivante : comment aider et soutenir les aînés atteints d‟une maladie dégénérative telle que

(28)

12

l‟Alzheimer à demeurer actifs et engagés dans leur vie et leur communauté, bref, à participer socialement? Hypothétiquement, mieux comprendre l‟expérience de la maladie selon le point de vue de différents aînés atteints permettra d‟apporter un nouvel éclairage.

1.3.2 Les réactions des aînés atteints d’un trouble neurocognitif aux conséquences de la maladie

Concrètement, les aînés qui perçoivent leur maladie et ses conséquences comme une facette du vieillissement normal ont tendance à l‟affronter plus facilement (Smith et al, 2005). Inversement, ceux qui entrevoient le diagnostic d‟un trouble neurocognitif de façon foncièrement négative seraient plus enclins à vivre une dépression (Wojtasik et al, 2009). Évidemment, les phases de réactions suivant l‟annonce du diagnostic diffèrent selon les auteurs (Steeman, Dierckx de Casterlé, Gedderis et Grypdonck, 2005). Quoi qu‟il en soit, le déni fait irrémédiablement partie de ces différentes étapes tout comme le questionnement, la colère et la maturation (Cohen, Kennedy et Eisdorfer, 1985). Selon Waugh (2009), ce déni serait d‟ailleurs plus important chez les personnes demeurant seules à domicile. Plus encore, elles tendraient à demander moins d‟aide en comparaison avec ceux cohabitant avec un aidant (Waugh, 2009). Conséquemment, il est possible de présupposer que ces individus vivant seuls sont potentiellement moins confrontés à leurs déficits, ayant moins l‟occasion d‟échanger avec un proche. Selon Pratt et Wilkinson (2003), les bouleversements et la détresse ressentis par rapport à la maladie ne découlent pas inévitablement de réactions psychologiques individuelles, mais proviennent plutôt du contexte social.

L‟aspect de la résistance par rapport à la maladie apparaît pour plusieurs chercheurs comme un fait incontournable (Gillies, 2000; Marzanski, 2000; Clare, 2002; MacQuarrie, 2005). En questionnant les participants sur leur expérience de la maladie, MacQuarrie (2005) soulève un mode différent de compréhension des réactions suivant les conséquences de la maladie : un mouvement vacillant entre l‟acceptation et le déni. Ce déni se manifeste plutôt comme une forme localisée de résistance, un contrepoids aux difficultés (MacQuarrie, 2005). Cette résistance à la maladie se présente donc comme une force et comme une opportunité de nommer les symptômes de façon différente afin d‟en faire

(29)

13 ressortir des éléments positifs (MacQuarrie, 2005). Cela s‟articule donc selon trois modes respectifs : ne pas vouloir connaître, recontextualiser les connaissances, c‟est-à-dire le fait de minimaliser les impacts des symptômes ou encore de les normaliser, et la construction d‟une influence personnelle par rapport aux pertes. Malgré les apparences paradoxales de ce concept, cette résistance permet aux individus atteints d‟un trouble neurocognitif de se garder une place dans leur monde (MacQuarrie, 2005). Ce besoin de résister illustre bien que l‟expérience de la maladie peut être difficile. Quoi qu‟il en soit, cela démontre aussi que le déni n‟est potentiellement pas un simple mécanisme de défense, mais plutôt une manière d‟intégrer et de comprendre sa maladie pour se reconstruire. Questionnés et écoutés à travers ce dit paradoxe, les participants s‟expriment de manière éloquente sur leur maladie.

The paradox was that people in the early stages of Alzheimer‟s disease demonstrated a variety of ways they acknowledged their disease, even when they would not use the term Alzheimer‟s disease to categorize their

experiences (MacQuarrie, 2004: 437).

Par ailleurs, ce besoin de résister et de se réinventer est conséquent avec les résultats rapportés par différentes études. Certains aînés atteints nomment explicitement avoir recours à l‟évitement tandis que l‟utilisation d‟expressions vagues et générales est implicitement mentionnée par rapport aux situations chargées en émotion (Gillies, 2000). Confrontés aux difficultés associées à la maladie, plusieurs tentent de normaliser l‟expérience en rationalisant leur vécu (Gillies, 2000). Cela permet ainsi de favoriser le rehaussement de l‟estime de soi, et les stratégies d‟adaptation au stress revêtent toute leur importance dans ce contexte (Clare, 2002). Cette résistance à la maladie peut aussi se manifester à travers le désir d‟apprendre de nouvelles choses et de prendre un contrôle sur sa vie. Des telles interventions sont d‟ailleurs développées afin d‟appuyer les aînés vivant avec un déficit neurocognitif, mais aussi leurs proches, à reprendre un contrôle sur certaines sphères de leur vie (Graff, Vernooij-Dassen, Thijssen, Dekker, Hoefnagels et OldeRikkert, 2007).

(30)

14

1.3.3 Les désirs et les besoins des personnes atteintes par rapport à ces conséquences

Selon la méta-analyse de Roest et al. (2007) basée sur 34 recherches, peu d‟études accordent de l‟importance aux besoins ressentis par les personnes âgées vivant avec un trouble neurocognitif dégénératif. Ce faisant, la liste de celles consultées n‟est pas exhaustive puisqu‟à notre connaissance, il en existe peu. Elle permet toutefois de rendre compte du nombre important de besoins qui sont témoignés : besoin d‟être guidé dans les étapes de la maladie et par rapport aux difficultés liées à la médication, besoin de ne pas être stigmatisé, besoin d‟entrer en contact avec autrui et de s‟engager dans diverses activités, besoin de recevoir du soutien afin de trouver des stratégies de gestion du stress adéquates, besoin de garder une place dans leur vie pour la spiritualité, etc. (Roest et al, 2007). Certains besoins semblent prédominer, tels que ceux d‟être informé, être impliqué au quotidien dans les décisions ainsi qu‟être rassuré (Marzanski, 2000; Proctor, 2001; Aggarwal et al, 2003 ; Smith et al, 2005). Aussi, les besoins évoqués par des individus vivant toujours à domicile sont majoritairement associés au bien-être (Roest et al, 2007).

L‟incertitude et l‟angoisse liées au soin et à la progression de la maladie sont grandes et pourraient potentiellement être palliées par une meilleure transmission de l‟information (Aggarwal et al, 2003). À cet effet, plusieurs participants à l‟étude de Marzanski (2000) mentionnent qu‟ils préféreraient être mieux informés de cette progression et connaître ce qui leur arrive avec plus de transparence. Le soutien aux changements psychologiques induits par la maladie est d‟ailleurs un des besoins primaires selon Cohen, Kennedy et Eirdorfer (1985). Conséquemment, le désir de pouvoir faire des choix et d‟accéder, en certaines occasions, à plus d‟indépendance est nommé par les participants (Cohen, 1991; Aggarwal et al, 2003). Ils considèrent donc généralement manquer d‟informations, mais aussi de possibilités pour s‟exprimer et ventiler face à la maladie, et ce, sans confrontation devant les pertes (Marzanski, 2000; Roest et al, 2007). Malgré la colère et la confusion, ils ressentent le besoin d‟être soutenus et acceptés dans des contextes positifs (Proctor, 2001 ; Roest et al, 2007). Fait intéressant, les deux tiers des participants à l‟étude de Marzanski (2000) rapportent n‟avoir jamais pu parler de leur maladie avec qui que ce soit. Le sentiment de recevoir de l‟information d‟une manière insultante, que ce soit par le médecin ou par la famille, est aussi mentionné (Marzanski, 2000; Halst et Hallberg, 2003). Au-delà

(31)

15 des pertes, Marzanski (2000) conclut que chacun devrait être approché individuellement afin que ses désirs soient mieux respectés, mais il faut aussi avoir la patience d‟attendre la réponse (Cohen et al, 1985).

Or, cela témoigne de la nécessité d‟écouter l‟expression de leurs divers besoins, mais aussi de faire en sorte qu‟ils soient consultés dans la prise de décision. Ce besoin se représente donc par celui de «demeurer autant que possible un membre actif et influant de son milieu de vie, au-delà des pertes multiples associées à la maladie» (Vézina et Pelletier, 2009 : 99). Aussi, le fait d‟être actifs socialement, action que l‟on nomme « participation sociale », a déjà démontré de nombreux effets positifs sur la santé des aînés en général. En ce sens, la participation sociale « offre des possibilités de donner du sens à sa vie, de développer des appartenances et d‟exercer un rôle social à une étape de la vie, la vieillesse » (Raymond, Gagné, Sévigny et Tourigny, 2008 : V). Encore faut-il que ce type d‟activités et d‟engagement soit disponible et accessible au sein des communautés. On peut donc se demander pourquoi y-a-t-il si peu d‟actions entreprises afin de stimuler l‟engagement des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif?

Des pratiques novatrices 1.4

L‟amélioration de la qualité de vie est sans contredit une visée incontournable dans l‟intervention auprès des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif. C‟est dans cette optique qu‟a été développée la revalidation cognitive, aussi appelée réhabilitation cognitive ou rééducation. Ce concept provient du travail de réhabilitation de la mémoire initialement réalisé auprès des personnes ayant subi des lésions cérébrales (Nomura, Makimoto, Kato et al, 2009). Le point de départ de la revalidation cognitive est la réhabilitation ou le maintien des fonctions cognitives (Nomura, Makimoto, Kato et al, 2009). Toutefois, les impacts visés sont nombreux ; entre autres de permettre aux individus d‟interagir avec leur environnement et de reprendre des activités plaisantes (Vanachter, 2005; Jacquemin, 2009 ; Mythe-Alzheimer, 2010-a). L‟intention derrière cet accompagnement est de parvenir à l‟amélioration de l‟autonomie et de la qualité de vie en sollicitant les capacités préservées des participants (Université de Liège, Presse et communication, 2005 ; Jacquemin, 2009;

(32)

16

Wojtasik et al, 2009). Tout en améliorant et en stabilisant la mémoire et l‟orientation, la revalidation permet de diminuer l‟apathie et d‟optimiser le fonctionnement psychologique et social de la personne (Université de Liège, Presse et communication, 2005 ; Vanachter, 2005 ; Dorenlot, 2006 ; Mythe-Alzheimer, 2010). De la sorte, une institutionnalisation parfois imminente peut se voir retardée par l‟amélioration du fonctionnement quotidien.

Les proches sont aussi sollicités par ce programme qui a pour ambition de les aider à comprendre les déficits de celui ou celle qui les vit (Wojtasik, et al, 2009). De ce fait, une diminution de la charge émotionnelle a été constatée auprès de l‟entourage lors de l‟utilisation de cette méthode (Salmon, 2009 ; Vanachter, 2005). Il ne s‟agit toutefois pas d‟acharnement utopique en vue d‟une entière autonomie, cette autonomie n‟étant plus possible (Jacquemin, 2009). Il s‟agit plutôt de parvenir à explorer les activités de la vie quotidienne ou domestique qui sont problématiques et mettre en place des stratégies d‟optimisation afin de permettre de réduire la dépendance aux autres (Wojtasik et al, 2009). Aussi, une prise en charge psychosociale structurée, intensive et spécialisée, ajoutée à la médication, ouvre à la possibilité d‟apprendre ou de réapprendre certaines activités, voire même de pratiquer un nouveau passe-temps (Université de Liège, Presse et communication, 2005; Wojtasik, Lekeu, Quittre et al, 2009). Cette prise en charge prendra la forme de courtes sessions de moins d‟une heure, chaque semaine. Comme les exercices doivent être répétés régulièrement dans la semaine, l‟entourage doit appuyer et poursuivre la démarche afin que celle-ci puisse être transférable vers le domicile (Wojtasik et al, 2009).

Une recherche japonaise très inspirante, basée sur le « programme d‟intervention participatif et communautaire destiné à des personnes présentant une démence légère et leurs proches », a d‟ailleurs démontré l‟impact positif de la revalidation sur la vie de ces derniers (Mythe-Alzheimer, 2010-b : 2). Ayant constaté le manque d‟intervention, mais aussi de recherche auprès des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif léger, Nomura et ses collaborateurs (2009) ont voulu vérifier s‟ils pouvaient soutenir les participants de leur programme en favorisant une reprise du pouvoir d‟agir. Un des principaux objectifs de ce programme vise à accroître, à moyen terme, l‟intégration des personnes vivant avec la maladie dans la communauté (Nomura, Makimoto et Kato, 2009). Dans ce contexte, ce

(33)

17 n‟est pas uniquement la réhabilitation cognitive qui permet d‟améliorer l‟intégration en communauté, mais bien une combinaison d‟interventions. Comme pour tous les programmes de revalidation, beaucoup d‟efforts sont déployés afin d‟améliorer les habiletés cognitives. Toutefois, le programme basé sur une période de cinq ans évolue selon trois cycles d‟interventions : redonner du pouvoir d‟agir sur le plan individuel, du groupe et enfin de la communauté (Nomura et al, 2009). En d‟autres termes, il s‟agit d‟un premier cycle où l‟intervention cognitive vise à optimiser la réalisation des activités de la vie quotidienne et domestique, un deuxième cycle avec une intervention de groupe afin de stimuler et encourager les relations sociales et enfin, une intervention auprès des participants, mais aussi de la communauté, en vue d‟accroître leur implication dans leur milieu (Nomura, et al, 2009). Fait intéressant, au terme de ce programme, deux des participants sont devenus porte-parole et sont intervenus auprès des autorités locales afin de solliciter du financement pour de nouvelles initiatives à venir dans la communauté (Mythe-Alzheimer, 2010-b, Nomura, et al, 2009).

L‟Australie a, quant à elle, choisi de se doter d‟un programme particulier et concret afin de soutenir les aînés souffrant d‟un trouble neurocognitif à la suite de la constatation du nombre important de cette clientèle vivant seule (Moriarty et Webb, 2000). Il s‟agit donc d‟«un Modèle holistique pour vivre positivement avec la maladie», l‟objectif étant de soutenir le choix de demeurer à domicile des individus ayant une atteinte neurocognitive. (Waugh, 2009 : 207, traduction libre). Les craintes et la gestion du risque sont généralement ce qui oriente rapidement ces personnes vers des unités de soins spécialisés tels que les CHSLD. Dans le cas du Dementia Monitoring Program and Community, le choix est plutôt d‟accepter la gestion du risque qui est engendré par le choix d‟un individu atteint de la maladie de demeurer à son domicile. Conséquemment, informations, conseils et assistance seront à leur disposition, tout comme les services habituels de soins personnels, soutien au transport ou encore aide pour les activités de la vie quotidienne et domestique (Waugh, 2009). C‟est donc un modèle qui a la particularité de voir cette maladie comme le résultat de l‟interaction de différentes influences et dans lesquelles la personne atteinte se trouve au centre (Waugh, 2009). Ce modèle représente en soi une pratique intéressante et novatrice puisque cela sous-tend le postulat que ces individus ont

(34)

18

encore la capacité de faire des choix, dont celui du domicile. Malheureusement, Waugh (2009) ne présente pas à travers ses résultats de recherche les perceptions des principaux concernés, soit les aînés vivant eux-mêmes avec la maladie. Par ailleurs, ce programme ne semble pas s‟intéresser à ceux atteints à un stade débutant de la maladie.

Au Québec, les stratégies d‟intervention ainsi que le fonctionnement actuel des institutions permettent peu ce type d‟initiative. Néanmoins, il importe de souligner l‟apport des centres de jour affiliés aux CHSLD à ce type d‟intervention. À titre d‟exemple, les ateliers-concepts les Pinceaux d‟Or sont une initiative hors du commun permettant d‟allier les rencontres sociales, l‟apprentissage d‟une nouvelle habileté et le partage du vécu des participants (Paquet, Sévigny et Tourigny, 2011). À notre connaissance, il existe peu d‟initiatives québécoises, voire canadiennes, dans le domaine des interventions psychosociales ciblant les aînés atteints d‟un trouble neurocognitif et vivant à domicile telles que la revalidation cognitive. Il va sans dire que les contributions d‟un tel programme effectué dans la communauté seraient probablement fort intéressantes. Cela pourrait potentiellement soutenir l‟insertion de ces individus dans la communauté, leur permettre de se créer un réseau ou de le conserver. Il serait envisageable que les interventions préconisées soient directement liées à la vie en communauté et que les apprentissages soient quant à eux d‟ordre social. Il pourrait devenir intéressant de se concentrer sur des passe-temps qui s‟effectuent en groupe plutôt que sur des activités solitaires. Par exemple, un individu pourrait, avec des aides externes et des techniques d‟apprentissage, devenir réceptionniste une journée par semaine dans un organisme communautaire. En fait, l‟objectif serait simplement de favoriser l‟apprentissage de tâches qui donnent lieu à des contacts et qui favorisent la vie sociale.

L’identification de limites méthodologiques dans les études consultées 1.5

Bien que les limites méthodologiques n‟aient pas été abordées précédemment, elles sont présentes et varient considérablement d‟une étude à l‟autre. L‟étude de MacQuarrie (2001) permet toutefois un bon topo des principaux biais et difficultés rencontrées pour une recherche ciblant l‟expérience subjective des aînés atteint d‟un trouble neurocognitif.

(35)

19 D‟abord, elle soulève l‟importance du taux de refus provenant des aidants qui se disent déjà beaucoup sollicités par les besoins du proche, empêchant l‟accès à de nombreux informateurs (MacQuarrie, 2001). Il est aussi à noter que l‟évolution de la maladie peut brimer les aptitudes à la communication (MacQuarrie, 2001). On peut toutefois penser que cette difficulté sera moins présente chez les participants atteints à des stades débutants de la maladie. Or, cela devient une limite puisque cela signifie que les études s‟intéressant à l‟expérience de la maladie sont centrées sur les participants ayant préservé une aptitude à la communication. Par ailleurs, l‟importante variation de l‟expérience et la fluctuation des déficits chez les participants atteints d‟un trouble neurocognitif à corps de Lewy‡ rend parfois l‟interprétation des résultats difficiles. Notons aussi que l‟accès à un échantillon d‟individus ayant reçu un diagnostic de la maladie rend la tâche complexe. C‟est d‟ailleurs un défi dans la majorité des recherches élaborées à partir du vécu d‟individus atteints d‟un trouble neurocognitif (MacQuarrie, 2001). Enfin, la méta-analyse de Roest et collaborateurs (2007) rapporte le manque de précision sur les caractéristiques pouvant influencer les besoins tels que l‟âge, le sexe, la gravité de la maladie, les contacts sociaux ou encore le revenu.

La pertinence scientifique et sociale de produire des connaissances sur le sujet 1.6

Selon la méta-analyse de Roest et ses collaborateurs (2007), au cours des 20 dernières années, seulement cinq des 34 recherches recensées se sont concentrées sur l‟étude subjective du vécu de la maladie sans que la perception des aidants n‟y soit incluse. Ces auteurs ont recensé des publications concernant spécifiquement l‟état subjectif des besoins des aînés qui en sont atteints dans plusieurs pays à travers le monde : États-Unis, Canada, Angleterre, Japon, Finlande, Suisse, France, Irlande, etc. (Roest et al, 2007).

La présente recherche vise justement à explorer cette expérience subjective par l‟intermédiaire des aînés atteints d‟un trouble neurocognitif tel que l‟Alzheimer. Aussi, la considération spécifique de la notion de domicile ne fait qu‟augmenter la rareté des

Le groupe des troubles neurocognitifs à corps de Lewy se classe deuxième en ce qui a trait à la cause la plus

fréquente du trouble chez l‟adulte (Robillard, 2007) : «L‟élément central différenciateur pour la démence à corps de Lewy demeure les fluctuations cognitives qui peuvent montrer des cycles de minutes, heures ou jours» (Robillard, 2007 : 290).

(36)

20

productions scientifiques ayant considéré les individus vivant avec la maladie. À cet effet, Roest et al. (2007) suggèrent que de nouvelles études sur les aînés atteints d‟un trouble neurocognitif et vivant à domicile soient produites. Cet avis est partagé par d‟autres auteurs qui estiment que mieux connaître l‟expérience subjective de la maladie est un enjeu incontournable pour de futures recherches afin de saisir, entre autres, la manière dont ils valorisent leur propre vie au cours de la maladie (Cohen, 1991; Cotrell et Schulz, 1993; MacQuarrie, 2001; Holst et Hallberg, 2003). Selon Cox (2007), des efforts méritent d‟être déployés afin de conduire des recherches non pas sur les individus atteints, mais avec ceux-ci. Par définition, le « respect et la dignité de la personne humaine » et la « croyance aux capacités et potentialités » sont deux des valeurs centrales au travail social (Brodeur et Berteau, 2007). Conséquemment, une telle étude dans le domaine du service social se devrait de donner la parole à ces aînés.

Améliorer la compréhension de l‟expérience pourrait aussi éventuellement alléger le

fardeau des aidants en transférant les efforts sur des besoins réels plutôt qu‟interprétés. Cette

hypothèse s‟appuie d‟ailleurs sur le fossé parfois important qui existe entre la perception des aidés et celle de leur aidant. L‟angle de prise de cette recherche est donc d‟être centré sur la personne, ses aptitudes ainsi que ses besoins. L‟objectif d‟ordre social est de connaître pour mieux comprendre le vécu et ensuite permettre l‟amélioration de l‟autonomie autant que possible, facilitant potentiellement leur condition de vie à domicile (Cox, 2007). Cette perspective ouvre aussi sur la possibilité d‟entrevoir des solutions et de considérer les capacités des individus sans simplement miser sur le problème (Brooker, 2007). Dès lors, le prochain chapitre propose une posture épistémologique ainsi qu‟une perspective théorique compatible avec cette intention de mieux comprendre le vécu des personnes âgées en début d‟évolution d‟un trouble neurocognitif tout en misant sur les solutions et les capacités.

(37)

21

CHAPITRE 2 : LE CADRE CONCEPTUEL

Ce chapitre a pour objectif de présenter le déroulement du projet de recherche et la manière dont il a été conduit. D‟abord, il sera question de la posture épistémologique et de la perspective théorique dans lesquelles l‟étude s‟inscrit. Seront ensuite définis les concepts clés de l‟étude afin de favoriser leur compréhension.

La posture épistémologique 2.1

Ce projet de recherche s‟inscrit dans le paradigme constructivisme. Si ce paradigme est l‟une des postures épistémologiques dominantes actuellement au sein des sciences sociales, Rockmore (2007) affirme que sa naissance remonte aussi loin qu‟au 17e siècle. Dès lors, les écoles de pensée constructivistes sont nombreuses. On compte parmi elles le constructivisme trivial, radical, social, culturel et critique. Toutefois, la dimension sociale n‟a été ajoutée au constructivisme que bien plus tard. On accorde d‟ailleurs la mise en relief de cet aspect à Vygotsky qui, suivant l‟analyse purement cognitive de Piaget, a fait naître entre autres la notion de zone proximale de développement* (Vygotsky, 1978). Ce faisant, il est ardu de pouvoir définir de façon consensuelle ce qu‟est le constructivisme. On peut toutefois affirmer qu‟il permet «la compréhension de l‟interprétation du monde [de la personne]», ce qui d‟ailleurs est en soi un objectif central du service social (Scott, 1989 :3). Selon Muchielli (2005), les solutions d‟un problème vécu doivent provenir de l‟expérience subjective des personnes directement concernées; l‟expert étant celui qui vit la situation et non pas le chercheur devant lui. Conséquemment, il s‟agit d‟une posture qui accorde une place importante à la subjectivité, considérant que la perception est le fruit de celui qui regarde (Guba et Lincoln, 1994). C‟est dont dire que « l‟existence d‟un problème social dépend de l‟existence des groupes qui définissent une condition comme problématique » (Mayer et Ouellet, 2000). Selon Guba et Lincoln (1994), il n‟y a pas de construction qui soit bonne ou mauvaise, vraie ou fausse. De ce fait, le constructivisme s‟arrime adéquatement à ce projet qui cherche non pas à trouver une réalité, mais plutôt à explorer le point de vue subjectif de participants. L‟aspect subjectif est par ailleurs central à ce mémoire qui cherche à mieux comprendre l‟expérience des troubles neurocognitifs selon le discours de ceux qui en sont atteints. Cela

* La zone proximale de développement fait référence à l‟espace se situant entre ce qu‟un enfant peut faire seul

et ce qu‟il doit réaliser en compagnie d‟une personne plus experte que lui (Laval, 2002). Essentiellement, cette théorie souligne l‟importance de l‟environnement et des interactions sociales dans l‟apprentissage.

Figure

FIGURE 1 : C RÉATION DE NICHES HABILITANTES
FIGURE 2 : L A THÉORIE DES FORCES ET LES CARACTÉRISTIQUES D ’ UN INDIVIDU DONT  LE POUVOIR D ’ AGIR A ÉTÉ MIS DE L ’ AVANT
FIGURE 3 : L A THÉORIE DES FORCES ET LES CARACTÉRISTIQUES D ’ UN INDIVIDU  OPPRIMÉ

Références

Documents relatifs

Les hommes victimes de violence conjugale peuvent ressentir de la culpabilité et un sentiment d’échec à demander de l’aide parce qu’ils n’ont pas réussi à résoudre

Si vous vivez de la violence psychologique ou économique, ou si vous êtes victime de.. négligence, demandez de

Ils sont ensuite émis sans vitesse par la source S, puis accélérés par un champ électrostatique uniforme qui règne entre S et P tel que.. U sp

Chez OKNOPLAST, chaque produit répond à une philosophie unique : Offrir le plus haut niveau de qualité et d’esthétique afin de répondre à l’exigence d’un marché toujours

Quand vous avez fait votre marché, cliquez sur le bouton Appliquer, Framakey lance le processus de téléchargement-installation après avoir au préalable vérifier la capacité de

Avec ce nouveau service accessible directement sur votre Freebox 24/24h, achetez et regardez instantanément les plus grands chefs-d’œuvre d’animation des Studios Disney

Comme vous vous en rendrez compte en regardant la vidéo des vœux 2022, nous avons mis en place des réa- lisations et nous nourrissons des projets pour tous les habitants quels

On va t’en parler ; en bien ou en mal dans les premiers temps, mais la chose est certaine : ta peluche deviendra un sujet de conversation, surtout si elle est originale!.