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CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

4.11 L E DISCOURS DE L ’ AIDANT : LES PERCEPTIONS DU PROCHE LORS DE LA PREMIÈRE ENTREVUE

4.11.1 La perception des besoins de l’aidé

La perception des besoins de la personne vivant avec la maladie est parfois différente selon la perspective de la personne atteinte ou son aidant. Dans cette étude, les aidants ont nommé davantage de besoins pour leur proche que ne l‟ont fait les principaux concernés : besoin de structure, besoin d‟encouragement pour demeurer actif, besoin de s‟exprimer sur

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la maladie, besoin de sécurité, besoin de faire des exercices pour la mémoire, besoin de rencontrer des gens, besoin de s‟adapter à un nouveau milieu et le besoin de vivre dans le présent.

4.11.1.2 Le besoin de structure

Quelques aidants sont d‟avis que le proche vivant avec la maladie bénéficie d‟un quotidien structuré qui lui évite les surprises. Cette structure permet de diminuer les éléments anxiogènes et facilite l‟adaptation :

Ce que je peux rajouter à ce que vient de dire [ma femme], c‟est qu‟elle a besoin d‟une vie très structurée. Très encadrée. Il y a des limites à ne pas aller. Puis elle ne les franchit pas ces limites-là. Parce que dès qu‟on change un peu la façon d‟agir et de réagir, de faire, ça contrarie. Ah oui, comme de voyager […]. On ne fera pas le voyage demain matin. […] [Pour ma femme] c‟est, c‟est trop compliqué. Trop difficile. Déjà pour quelqu‟un de normal c‟est difficile les aéroports, les fouilles. C‟est assez stressant (A1).

4.11.1.3 Le besoin d'encouragement pour demeurer actif

Selon les propos de certains aidants, leur proche vivant avec un déficit neurocognitif a besoin d‟être encouragé pour s‟impliquer et être actif socialement. En certaines situations, cette perception est un moteur pour la personne atteinte de la maladie. C'est le cas lorsque les encouragements de l‟aidant sont faits sans jugement ni exagération : « J‟ai essayé de le stimuler un petit peu et puis là il commence à reprendre goût depuis qu‟on est ici. Je pense qu‟il est plus paisible, qu‟il est plus calme » (A6).

4.11.1.4 Le besoin de faire des exercices pour la mémoire

Certains aidants considèrent l'importance d'accompagner le proche dans l'apprentissage de stratégies mnémoniques. Ils rapportent ainsi la nécessité de faire des exercices pour la mémoire. Dans certains cas, cette approche encourage l'aidé à demeurer actif sur ce plan et à trouver des stratégies : « Parce que le temps qu‟il [lit le journal], je suis sûre que c‟est un bon exercice. Même si tu ne retiens pas tout, le minimum que tu vas retenir c‟est un exercice de mémoire. Tu es mieux de lire que de ne rien faire du tout » (A6).

127 Toutefois, une vigilance est nécessaire de la part des aidants. L‟encouragement aux exercices de mémoire peut être est une bonne chose, mais il faut éviter de mettre une trop grande pression sur l'individu atteint d'un trouble neurocognitif. Malgré les bonnes intentions, la récurrence des questions pourrait être dévalorisante pour l‟aidé et ajouter au stress de l‟adaptation dans la maladie :

A10 : C‟est pour ça que j‟essaie d‟aller chercher à la faire creuser. Tu sais des fois, on peut arriver puis dire : chemise bleue, cheveux coupés puis souliers blancs. Là les questions que je lui pose, après quand on a fini de jaser une grosse heure, je lui demande, qu‟est-ce que je t‟ai posé comme question? C‟est pour qu‟elle s‟en rappelle ou je lui demande, quelle date on est aujourd‟hui?

P10 : Tu le sais, le 5 mars. A10 : La journée.

P10 : On est jeudi.

A10 : Pas pire, quelle année? P10 : 2012

A10 : C‟est bon. Moi je lui dis : « Si tu n‟es pas sûr, regarde le journal. Tu ne peux pas avoir mieux que ça ». On essaie de se trouver une méthode.

4.11.1.5 Le besoin de rencontrer des gens

La majorité des participants vivant avec un trouble neurocognitif ont nommé l‟importance pour eux d‟aller à la rencontre d‟autres personnes. Les aidants ont aussi rappelé ce besoin :

A : Mais c‟est ça, là-bas c‟est le fun par exemple au centre de jour, parce que c‟est comme une première expérience pour toi dans toute ta vie. Bah, toute ta vie! Tu es toute jeune là, mais tu sais. Voir justement des gens de l‟externe. P : J‟ai été cinq ans pensionnaire.

A : Ouais. Mais voir des gens de l‟externe, puis voir qu‟il y a des gens qui sont comme toi. Puis justement qu‟il peut avoir des suivis puis qu‟ils peuvent être malades. C‟est plaisant de voir des gens de l‟externe [de la famille]. Socialiser un peu (A7).

4.11.1.6 Le besoin de s'adapter aux nouveaux milieux

Ce besoin d‟adaptation à de nouveaux milieux se présente principalement pour les gens qui bénéficient de service de répit ou de d‟hébergement temporaire : « Comme à l‟hébergement là-bas, le personnel est très gentil quand même. Les employés qui sont là autour de lui. Mais comme je vous dis, c‟est de l‟adaptation aussi probablement » (A8). Il

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s‟agit donc pour l‟aidant de souligner le temps nécessaire à son proche pour s‟habituer à cette nouveauté dans son quotidien.

4.11.1.7 Le besoin de vivre dans le présent

Ce discours d'urgence de vivre dans le présent est plusieurs fois souligné par les aidants. Il s‟agit de vivre dans le moment présent, et de l‟apprécier, plutôt que de se projeter dans le futur. Ce besoin n‟est pas attribué uniquement à l‟aidé, mais aussi à l‟aidant :

A1 : [C‟est] 24h à la fois. Jour après jour. On fait notre journée aujourd‟hui. Bien, essayons de la faire bien, puis demain, garde, alors voilà. C‟est comme ça moi. […] C‟est 24h à la fois. Il peut y avoir des projets, des rêves.

P1 : [Chéri], ça m‟a aidé aussi ce que tu dis. Oui, oui.

A1 : Non non, ça, ça c‟est. On parle. C‟est notre mode de vie et je trouve qu‟il est important dans ce que vit ma femme. On met tous ces éléments-là de notre côté pour se créer un cocooning. On est bien, on a un toit, on a trois repas par jour, on a une voiture.

En définitive, les résultats sont cohérents avec ceux d‟études antérieures (Aggarwal et al, 2003; Smith et al, 2005). C‟est-à-dire que la liste des besoins nommés par la personne vivant avec la maladie est différente de ce que l‟aidant considère comme étant un besoin important. Le besoin d‟exercer la mémoire et celui de rencontrer des gens sont toutefois perçus par les deux parties. Puisque le discours des aidants s‟est fait en présence de la personne atteinte, il est possible que cette dernière fût généralement en accord avec les propos de son aidant. Or, cela ne peut être confirmé. Malgré cela, le discours des aidants n‟a pas traduit le besoin des personnes vivant avec la maladie de demeurer impliquées dans le quotidien, d‟être soutenues ou guidées dans la maladie. Les aidants ont plutôt fait ressortir des éléments qui, à certains égards, les rejoignaient aussi, en particulier l‟importance accordée au besoin de structure et celui de vivre dans le présent.