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CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

4.7.1 Les activités actuelles

4.7.1.2 La poursuite des activités : une constance de la personnalité dans la maladie

Cette catégorie témoigne de la constance de la personnalité dans la maladie. Pour certains, la poursuite des activités, c‟est aussi la poursuite d‟une vie normale :

C‟est sûr qu‟il y avait une espèce de stress à ce moment-là et puis bon […] Maintenant, les choses je les fais normalement. Je vais marcher quand il fait beau, comme je faisais avant. J‟ai repris les mêmes habitudes que j‟avais avant. Aller déjeuner, même si je n‟ai pas de copines. J‟ai des bonnes amies autour de moi aussi, mais bon elles sont occupées. Elles travaillent et moi je ne travaille plus, […] mais je suis capable d‟aller déjeuner toute seule (P1).

Cette participante nous rappelle l‟importance d‟un réseau soutenant et présent dans la poursuite des activités. Cependant, elle nous rappelle aussi son indépendance et sa capacité à accomplir de nombreuses choses sans aide, comme marcher ou aller au restaurant. De ce fait, l‟arrivée de la maladie n‟occulte pas l‟autonomie de cette femme qui demeure encore pleine d‟aptitudes et présente un vif intérêt à demeurer active.

Être actif peut aussi être un aspect positif d‟adaptation à la maladie, permettant ainsi d‟apprivoiser les changements. La pratique d‟une activité, comme un sport par exemple, peut avoir pour conséquence l‟impression du temps qui passe plus rapidement, comme le témoigne l‟aidant de cette participante :

A3 : Mais là on dirait qu‟elle s‟occupe plus. J‟ai l‟impression qu‟elle trouve les journées moins longues

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P3 : Bien là je marche! I : Vous marchez?

A3 : Des fois on va marcher ensemble. P3 : Ça aide ça quand tu marches.

Le sport (principalement la marche et le vélo) est une des activités les plus fréquemment rapportées par les participants. Il peut être pratiqué seul ou en compagnie de quelqu‟un.

P5 : J‟ai de la misère à rester assis. Lire le journal, ça c‟est correct. Un coup qu‟il est lu, après ça, l‟hiver c‟est les bottes puis aller, on marche! Je ne suis pas capable de rester à la maison à ne rien faire. Ça ne marche pas.

I : Avez-vous toujours été comme ça?

P5 : Pas mal ouais. (Rires) […] Non, je n‟aime pas être assis à rien faire. J‟aime ça moi quand ça bouge ou s‟il y a de la visite, bien là c‟est l‟fun […] Je trouve que je suis assez actif. Je marche beaucoup. Il y a du monde qui me dit : « Tu marches en maudit! » Bien regarde, on a rien que ça à faire. Je n‟ai pas de visite chez nous. J‟ai des frères et des sœurs, mais il n‟y a personne qui vient nous voir. Nous autres on va les voir.

Cet extrait nous permet justement de considérer l‟intérêt à prendre en compte les activités individuelles. Effectivement, monsieur aimerait recevoir plus de visites, voir plus des gens. Bref, entrer en contact. Aussi, aller à l‟extérieur et marcher est sa manière de briser sa solitude et de provoquer des rencontres. Pour d‟autres, la marche est aussi un prélude à la méditation :

Le journal quand il est là, je descends et je vais le chercher. Je prends les nouvelles. Après ça c‟est la méditation. Je ne sais pas trop comment appeler ça, mais je suis dehors. Quand il fait beau, même quand il pleut, même l‟hiver, ce sont mes marches dans le quartier (P6).

Dans tous les cas, la marche demeure une activité privilégiée et MacQuarrie (2005) la présente même comme une forme de résistance, c‟est-à-dire la construction d‟une influence personnelle devant les pertes, elle intègre la marche (activité qui revenait régulièrement dans le discours de ses participants) aux fiertés dans le présent. Le sport peut aussi être adapté afin de répondre aux changements, peu importe si le changement découle de la maladie ou encore se manifeste suivant de la fatigue ou le vieillissement : « Puis l‟été,

93 j‟ai un bicycle électrique aussi. Oui. Un beau bicycle électrique. Et puis, j‟me promène en bicycle l‟été » (P4).

Une activité privilégiée par les participants est de se rencontrer entre amis ou en famille autour d‟un repas : « Une activité qu‟on aime, si on peut appeler ça une activité, on aime beaucoup recevoir et être reçu […] Puis aller au restaurant aussi » (P3). Une autre participante rapporte :

I : Au quotidien, est-ce qu‟il y a des choses qui font que vous vous sentez bien ? […]

P1 : Bien moi c‟est les petits bonheurs comme on fait, comme je vous ai dit. Je m‟en vais toute seule déjeuner le matin, parler à mes copines. Il y a toujours quelque chose qui bouge, ça bouge tout le temps.

Dans ce cas-ci, il est question d‟entrer en contact avec des proches, mais aussi d‟être dans des endroits animés, comme les restaurants ou les magasins (autre activité privilégiée par certains). Dans la même optique, des participants nous rapportent leur intérêt pour la danse : « [Aujourd‟hui], il y avait la danse. Puis la danse, on en a une fois par mois. Pis là ça adonné que c‟est aujourd‟hui » (P4).

La lecture, bien qu‟étant principalement une activité individuelle, revient régulièrement dans le discours des participants. Évidemment, ceux qui vont peu à l‟extérieur de leur domicile ont tout de même à leur disposition la possibilité de faire de la lecture. Cette activité est donc présente dans la vie de pratiquement tous les participants. Dans son cas, cette participante a dû s‟adapter aux changements découlant de la maladie :

P1 : Bien j‟ai recommencé un petit peu [la lecture]. […] Un petit peu. Mais, avant ce n‟est pas parce que je ne voulais pas le faire. Je veux. Mais c‟est le temps. C‟est le temps, puis j‟ai des moments un peu de fatigue.

A1 : C‟est-à-dire que ça te prend plus de temps maintenant. P1 : Et voilà.

Celui-ci rapporte la lecture comme une activité dont il ne peut pas se passer :

I : Parlant de lecture, je crois que c‟est important pour vous la lecture du journal.

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P6 : Ça me le prend […] Ça fait justement me faire descendre. J‟y vais en descendant les escaliers et je remonte à pied aussi, pour aller chercher le journal et le courrier quand il y en a. C‟est peut-être la seule activité et l‟épicerie.

Essentiellement, la lecture se présente comme une activité individuelle pendant laquelle il n‟y a pas de contact avec les autres. Cependant, elle peut aussi engendrer des échanges à travers le partage d‟une passion commune. Le prochain extrait présente une mère et sa fille pour qui cette passion commune les encourage à se rendre ensemble à la bibliothèque, à développer une nouvelle activité et à rencontrer d‟autres gens :

A7 : On va voir le monsieur à bibliothèque jouer du piano.

P7 : Et oui, il y a un monsieur qui joue du piano [dans sa localité]. […], à la bibliothèque, ça oui. C‟est vrai, la bibliothèque est à côté. […]

A7 : Il va jouer un peu, c‟est du bénévolat lui […] P7 : Il est très, très gentil. Puis les gens l‟aiment aussi.

La lecture permet par ailleurs aux participants de demeurer ancrés socialement. Plus encore, certains participants démontrent à travers la lecture leur esprit critique encore bien présent:

A8 : […] Tu lis ton journal. P8 : Ah oui.

I : Vous aimez ça lire le journal? […]

P8 : Ah ouais, on essaye. C‟est des menteries pareil!

I : C‟est des menteries? Bien ça dépend le journal de qui vous lisez. (Rires) P8 : (Rire) Non, c‟est vrai! Ce n‟est pas toujours vrai ce qu‟ils disent non plus dans la gazette. On prend ce qui fait notre affaire puis c‟est tout.

Ces extraits sont de bons exemples des interactions que peut engendrer ce type d‟activité. Le tricot est une autre activité individuelle qui peut être dédiée au partage et permettre, éventuellement, de belles rencontres :

I : […] Puis tantôt vous m‟avez parlé de tricot. Ç‟est quelque chose que vous aimez faire?

P9 : Oui […] Assez souvent oui, je tricote pour le plaisir de tricoter. Ce n‟est pas pour moi, ce n‟est pas pour nous autres […].

A9 : Elle fait des petits bas de bébé parce que mes filles ont eu des petits bébés. Elle en a fait, elle s‟est souvenue comment en faire des petits.

95 Il ne faut cependant pas négliger les activités artistiques qui ne sont pas toujours réalisées avec une visée sociale. Quoi qu‟il en soit, elles sont une occasion de divertissement pour la personne atteinte d‟un trouble neurocognitif comme l‟Alzheimer offrant une possibilité de mettre à profit ses aptitudes. Bref, une occasion pour la personne d‟être fière d‟elle-même et de se sentir bien à travers ce qu‟elle accomplit :

Après ça, où est-ce que je suis bien? Quand je tricote, assise devant la télévision. Des fois je prends ma machine à coudre, ma surjeteuse. Je m‟amuse à faire des réparations sur du linge. Je m‟amuse, c‟est ma salle. Je fais des peintures. Quand je peins, je suis bien parce que t‟oublies tout. Je fais du dessin aussi, je suis bien (P10).

Les implications à caractère religieux (de manière organisée ou non) ont aussi été rapportées :

Comme [le groupe à caractère religieux] dont je t‟ai parlé. Bien je l'ai parti dans ma paroisse. Je n‟étais pas toute seule par exemple. Je l‟ai parti avec une autre. Puis des fois il disait que c‟était moi la présidente. Présidente là, bien je ne suis pas toute seule présidente parce que j‟ai dit : « Tu es plus présidente que moi ». […] Non, tu sais, pour ne pas prendre toute la place. (P2).

Finalement, l‟implication bénévole est aussi une activité pouvant être poursuivie : A9 : Elle est bénévole pour faire de la couture chez quelqu‟un dans [une école de danse]. […] ma mère est là toutes les semaines pour faire de la couture. Elle va continuer à y aller, même aujourd‟hui elle est supposée y aller cet après-midi pour faire un petit peu de couture. […]

I : Vous êtes bénévole depuis longtemps?

P9 : Oui. Ah ça fait des années […] 20 ans comme il faut.