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CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

4.6.2 Les ressources

4.6.2.2 La Société Alzheimer de Québec : un soutien concret à travers la maladie

D‟entrée de jeu, il est important de rappeler qu‟une majorité des participants rencontrés ont été recrutés en collaboration avec la Société Alzheimer. Les participants ont découvert l‟organisme de plusieurs façons : par le truchement d‟un membre de la famille, d‟une infirmière ou d‟un médecin :

A1 : La première personne c‟était une infirmière […]. P1 : C‟est à toi, oui c‟est toi qui m‟en as parlé.

A1 : Elle m‟avait dit : […] Il y a cette association.

Je l‟ai connu, parce que vous devez connaître ma belle-sœur. […] Elle est bénévole pour l‟Alzheimer. Quand il y a des grosses choses, elle y va. Comme tu vois, elle m‟a donné un crayon. Elle m‟a donné un crayon d‟Alzheimer (P2).

Dans certains cas, c‟est l‟aidant (en occurrence le conjoint) qui a pris contact avec l‟organisme. Néanmoins, la majorité des participants ont rapporté avoir eux-mêmes contacté l‟organisme :

C‟est moi qui ai appelé. J‟ai pris contact avec eux autres parce que ma belle- sœur m‟a parlé qu‟elle était bénévole là pour eux autres. […] Bon, bien je connaissais ça. Puis là, bien quand que l‟hôpital m‟a envoyé, bien j‟ai dit : « Je vais aller là ». (P2).

Plusieurs ont parlé de l‟importance de l‟accessibilité à l‟organisme. Ils ont aussi mentionné la rapidité dans la prise de contact comme le rappelle cette aidante :

Ça été rapide. Moi, j‟ai téléphoné au printemps là […]. Puis là, les ateliers étaient terminés. Puis elle a dit : on va commencer un autre groupe en octobre. Pis, ils m‟ont téléphoné. Mais non, ça été quand même assez rapide (A5).

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La Société Alzheimer de Québec est nommée par plusieurs participants comme étant une source de bien-être : « Le groupe qu‟on était […] Je trouve que c‟est important. Ça fait du bien […] Ça m‟a fait beaucoup de bien ça » (A1). En ce sens, une participante vivant seule parle de son appréciation de ses rencontres avec le Groupe de parole : « Bien oui, j‟ai aimé ça, parce que ça nous permet d‟évoluer, puis de communiquer » (P2). Pour cette dame seule, le soutien offert par la Société d‟Alzheimer lui permet valider ses interrogations et ses réactions :

Comme l‟autre jour, je suis allée avec une de mes amies voir une personne qui était âgée puis je lui disais que je fais de l‟Alzheimer. Elle dit : « Ne dis pas ça ». Pourquoi ne pas dire ça? J‟ai dit : « Si j‟avais le cancer du cœur, je le dirais. […] »! […] Alors j‟ai appelé. Il y a un numéro de téléphone si tu veux parler à quelqu‟un. Puis j‟ai appelé la dame [de la Société Alzheimer]. J‟ai dit : « La personne m‟a dit de ne pas dire ça. Je suis sourde, mais j‟ai besoin de parler moi ». [Puis elle m‟a] dit : « Oui, c‟est normal. Elle était dans les patates ». […] C‟est drôle qu‟elle soit dans les patates. Elle n‟a pas coutume parce qu‟elle est bien compétente (P2).

Le fait de pouvoir communiquer revient régulièrement dans les propos des participants. Tout comme la possibilité de côtoyer des gens qui vivent des expériences semblables : « On est très bien avec eux autres puis j‟aime ça aller là. Comme quand ils font les réunions. On parle avec du monde comme nous autres » (P4). Plus tard dans la rencontre, ce même participant ajoute ceci : « Puis on raconte sa peine et sa misère. Puis ça nous stimule beaucoup. J‟apprécie ça beaucoup » (P4).

D‟autres racontent quant à eux différentes formes d‟aide qu‟ils ont reçu, allant du soutien dans la prise de la médication aux interventions pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement d‟un appareil auditif :

La dame [du groupe de parole] m‟avait suggéré de préparer tranquillement mes médicaments, je les ai pour le mois. […] Alors c‟est eux qui m‟ont donné des bonnes idées. Puis tu vois maintenant j‟ai mon petit truc, chaque mois. Chaque bonbon est mis dans sa petite boîte (rires). Et puis, sur le coup je disais, je suis capable encore. Pis [mon mari] a dit : « […] si on te [le] suggère, c‟est que ça doit être bon » (P1).

83 aussi soulignée à plusieurs reprises. C‟est l‟occasion pour l‟aidant de socialiser. Il s‟agit à ce moment pour les aidants d‟une opportunité de mieux comprendre la maladie et une occasion pour lui de se créer un réseau :

A1 : Mais quand on a fait les premières démarches, quand on a visité la fondation ici Alzheimer. On est allé aux réunions. Elle de son côté, moi de mon côté.

P1 : [Mon mari] y va aussi. A1 : Pour savoir, connaître et … P1 : Pour comprendre!

Puis [mon conjoint] aussi il aime ça. Je ne pensais pas qu‟il aimerait ça. […] Un moment donné, quand elle l‟a appelé puis là il a décidé qu‟il y allait. Puis il y va, à toutes. Il a rencontré des amis (P3).

Bien qu‟il soit aisé d‟affirmer que les participants sont généralement très satisfaits de leurs contacts avec cet organisme, il importe de souligner le discours de deux participants qui rapportent des éléments moins appréciés lors des rencontres avec le groupe de parole. Ceci fait principalement référence à une perception de décalage entre le participant et les autres personnes présentes au groupe. Le prochain extrait présente un participant qui estime que son déficit cognitif est moins avancé que celui des autres participants du groupe :

P5 : […] je crois que je ne suis pas aussi, comment que j‟pourrais dire ça? [Je crois que je ne suis pas autant] affecté que les autres, parce qu‟il y en avait d‟autres qui l‟étaient beaucoup plus […]

I : Quand vous dites ça, vous parlez du groupe de parole de la Société Alzheimer?

P5 : Ouais, ouais. Mais par rapport à eux autres là, je trouve que moi je n‟étais pas tout à fait dans la même gang. Parce que je les écoutais parler. Puis il me semble qu‟ils avaient l‟air à avoir plus de troubles que moi j‟en avais. Moi je suis capable de sortir, je suis capable de conduire l‟auto. Je suis capable d‟aller à Québec. Pas de problème.

Son discours renforce indirectement l‟idée selon laquelle, pour bien profiter de ces rencontres, le participant doit être prêt à faire face à ses difficultés devant un groupe. Conséquemment, tous les participants au groupe de parole de la Société Alzheimer en étaient à des stades débutants de la maladie. Malgré cela, les défis peuvent différer. Rappelons que l'expérience de personnes vivant avec un trouble neurocognitif ne se définit pas selon une trajectoire unique et le caractère évolutif de la maladie ne signifie pas une

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évolution à la même vitesse. Plus encore, de nombreuses études ont souligné la variance dans la symptomatologie d‟un individu à l‟autre (Cohen, 1991; Durand et Barlow, 2002 ; Bier, Desrosiers et Gagnon, 2006 ; Salmon, 2009). Reprenons en ce sens les propos de Jacquemin (2009) qui souligne que ce postulat implicite voulant que les personnes vivent des symptômes, et par le fait même des besoins semblables, a justement pour effet de limiter les interventions leur étant destinées. En conséquence, il peut être ardu de mettre sur pied un groupe de discussion formé de personnes ayant exactement les mêmes atteintes dans la maladie et le même degré de détresse. Bien que la majorité des participants n‟aient pas souligné cette différence, il est possible de constater que pour certains, l‟évolution de la maladie fait une différence dans l‟appréciation d‟un tel groupe. La conjointe d‟un participant le souligne d‟ailleurs dans cet extrait :

P6 : [J‟ai participé au groupe de parole], mais je ne peux pas dire que je l‟ai apprécié. […]

A6 : Peut-être qu‟il n‟était pas tout à fait rendu là. Peut-être que c‟était prématuré un petit peu.

Il est donc question de cette évolution de symptômes, mais aussi, implicitement, de l‟acceptation de la maladie. Cela fait référence au désir (ou non) de discuter et d‟anticiper les difficultés à venir. Encore une fois, la conjointe de ce participant souligne cet état de fait :

C‟est un petit peu comme moi aussi. J‟ai ressenti un peu ça. J‟entendais des choses qui sont vraiment difficiles à entendre. Des conjointes ou des conjoints qui étaient là et que c‟était vraiment difficile. La personne était très avancée dans la maladie. Je revenais ici, je me rappelle, je venais chercher [mon mari] et je l‟embrassais. […] Je suis contente on n‟est pas là. Ça me faisait peur plus que d‟autre chose. […] Mais en même temps, peut-être que ça nous aide aussi. Moi j‟ai de la difficulté à nourrir cette idée-là. Je ne veux pas nourrir cette idée-là. Si ça arrive, on traversera la rivière. Mais je n‟arrive pas à visualiser, je ne visualise pas ça du tout. Quand j‟allais là, forcément j‟entendais et bon, c‟était bon parce que je savais que si jamais ça arrive je peux avoir accès à telle aide. […] Un moment donné je me suis rendu compte que, Dieu merci, c‟était peut-être un peu prématuré. […] Moi je ne ressens pas le besoin du tout d‟aller à la Société Alzheimer tant que [mon mari] sera dans cet état-là. Parce que ça va me démoraliser plus que d‟autre chose (A5).

Cette réflexion, ainsi que le passé professionnel de ce participant, l‟incite à rechercher une implication différente que celle de la participation à un groupe de discussions. Une

85 implication de type bénévole plutôt que celle proposée pourrait peut-être lui permettre de mieux s‟épanouir en mettant de l‟avant ses forces toujours présentes. Il le mentionnera d‟ailleurs lui-même à plusieurs reprises lors des rencontres :

Je vais vous dire quelque chose qui vient me chercher moi. Oui je me verrais au centre, ou n‟importe où ailleurs comme intervenant, oui. Faisant partie de l‟Alzheimer, du groupe, comme praticien […] [Si on me disait] : « Ça te tenterais-tu […] ? On aurait besoin de toi, si tu veux bien ». Être intervenant, je te dirais oui, mais je n‟ai pas fait la demande puis j‟imagine la réponse. Puis elle va être négative. Ils n‟en ont pas besoin […] (P6).

C‟est parce que ça ne me tente pas de me considérer comme ceux que j‟ai connus quand j‟étais leur aidant. J‟ai le besoin d‟être aidé pis c‟est comme si je refusais d‟être à ce stade-là. Mais c‟est un peu ça parce que si je ne suis plus, même si je lis, je ne suis plus à l‟affut. Isolé comme on est ici, je suis isolé des centres actifs, de l‟activité (P6).

Ces extraits portent à croire que ce participant ne sait pas où se situer dans les services existants : « Moi je suis trop passif. J‟attends trop d‟eux autres ou je ne suis pas assez avancé pour décider que je m‟en vais là » (P6). On peut supposer que ce participant ne serait pas en mesure d‟agir à titre d‟animateur principal d‟un groupe. Néanmoins, l‟intérêt manifesté par celui-ci incite à se questionner sur la manière dont pourraient s‟impliquer des individus vivant avec l‟Alzheimer et qui désirent être intégrés à un groupe, sans en être bénéficiaire. Par ailleurs, cela fait écho aux groupes d‟entraide, tels que les Alcooliques Anonymes, où des individus vivant différentes problématiques accompagnent leurs pairs. Or, nous sommes conscients que ce n‟est peut-être pas la majorité des personnes atteintes d‟un trouble neurocognitif qui désirent ou encore sont en mesure de faire un tel accompagnement. Toutefois, il est possible de croire que cette approche pourrait exister et répondre aux besoins de certains. Il s‟agit d‟un excellent exemple de niche habilitante pour ce participant. Un mariage parfait entre ses forces et celles présentes dans le milieu.