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CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE

4.2.2 Adapter le milieu de vie

L‟adaptation du milieu de vie est parfois incontournable pour permettre à la personne de demeurer le plus longtemps possible dans sa résidence. Le milieu de vie subit alors des changements afin que la personne soit en mesure de poursuivre différentes tâches. Dans le cadre de ce projet, une seule des personnes rencontrées avait effectuée des modifications à son domicile. Aussi, ces changements nous ont été rapportés par son conjoint :

Son lit, j‟ai mis un support pour son bras pour quand elle veut se lever. Elle se prend après ça. Je l‟organise pas mal, pour qu‟elle soit bien. Ils sont venus ici

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des gens [du CSSS] pis ils ont regardé l‟endroit pour que ce soit sécuritaire, pis à date c‟est ben correct (A10).

Pour certains, l‟adaptation du milieu de vie passe par un déménagement. Cela peut se percevoir comme étant une manière de prendre le contrôle sur le quotidien. Il n‟est toutefois pas question ici de déménager dans un Centre d‟hébergement de soins de longue durée (CHSLD). Trois participants avaient récemment choisi de déménager : soit dans un nouvel appartement afin de se rapprocher d‟un endroit qu‟ils convoitaient ou encore pour aller vivre dans une résidence offrant des services. Aucun ne nomme directement le déménagement comme étant une conséquence de la maladie. Néanmoins, ils mentionnent tous des avantages ainsi que des facilitateurs que ce changement amène dans leur quotidien :

Pour l‟entretien et pour la paix […]. On n‟avait pas de stationnement. Ici, tu pèses sur un piton la porte s‟ouvre, tu rentres ton auto c‟est chauffé. […] Pour nous c‟est, je n‟en reviens pas encore. Un changement, mais dans le bon sens, dans le très bon sens. […] Ça fait partie de la fin de vie, dans le sens, il me reste 25 ans encore, mais si j‟ai la vie active. J‟ai adoré ça aussi c‟est ce que vous faisiez, à 30 ans. Mais aujourd‟hui, en tout cas, sur ce plan-là je ne m‟ennuie pas de rien (P6).

Le milieu de vie est un endroit important pour les participants. Il n‟est donc pas surprenant que plusieurs le considère comme étant un endroit sécurisant. L‟étude de la Canadian Healthcare Association (2009) le souligne, les aînés, quelle que soit leur condition, préfèrent recevoir leurs soins à domicile. Cela se reflète d‟ailleurs dans le discours des participants qui sont nombreux à craindre l‟évolution de la maladie, qui est parfois associée au déménagement en CHSLD. Ce thème sera abordé plus loin lorsqu‟il sera question des conséquences négatives de la maladie. Finalement, il est possible d‟affirmer qu‟un milieu de vie positif et sécurisant permet de mieux s‟adapter à la maladie. Cela s‟ajoute à l‟importance d‟être attentif aux discours et aux besoins nommés par les personnes vivants avec un trouble neurocognitif.

55 Les activités de la vie domestique (AVD) : de la nécessité d’adaptation à 4.3

l’importance de demeurer utile

Les activités de la vie domestique (AVD) sont l‟ensemble des tâches accomplies chaque jour par une personne et qui concernent sa vie à l'intérieur et autour de son foyer (entretien ménager par exemple). Ce thème s‟impose de lui-même puisque les pertes encourues par la maladie ont forcément un impact sur les AVD des participants. Il s‟agit d‟ailleurs d‟un sujet abondement discuté par les participants et sur lequel ils ont peu de difficultés à s‟exprimer.

4.3.1 La répartition et le réaménagement des tâches

L‟arrivée de la maladie peut entraîner, ou non, une modification dans la répartition des tâches au sein d‟un couple ou d‟une famille. Une personne vivant seule pourrait aussi décider de réaménager ses tâches, par exemple en demandant de l‟aide extérieure. La répartition des tâches, tout comme le réaménagement, dépend évidemment de l'état d‟avancement de la maladie. Ces modifications qui sont parfois nécessaires découlent généralement des pertes subites suivant l‟avancement de la maladie. Ces pertes peuvent rejoindre plusieurs sphères du quotidien comme nous le verrons plus loin dans ce chapitre. Conséquemment, les changements qui ont trait aux habiletés en cuisine sont fréquemment rapportés par les participants :

A3 : Là le gros changement ici, c‟est moi qui est rendu le chef cuisinier. P3 : Ah oui, c‟est vrai! Lui, il cuisine maintenant. Moi j‟ai de la misère à cuisiner. Parce que moi, c‟est le côté droit qui est atteint.

Le réaménagement des tâches a aussi pour fonction de permettre à la personne vivant avec un trouble neurocognitif de demeurer active en exécutant les tâches qu‟elle est toujours capable de faire. Il s‟agit d‟un aspect important dans la vie de ces personnes qui ressentent toujours le besoin d‟être utile. Cette situation peut alors générer des négociations où parfois, la personne désire continuer à contribuer malgré son atteinte cognitive :

P6 : […] [Ce serait] intéressant pour [ma conjointe] si, quand elle arrive, fatiguée, elle les a faits ses 8 heures de travail, dans un milieu pas facile. C‟est de la finance eux autres. Ça serait dont le fun si elle arrivait le repas fait […]. Ça serait plus agréable. J‟aimerais ça la responsabilité de ne pas faire d‟efforts. Je pourrais en faire plus qu‟actuellement. Il faudrait qu‟un soir par semaine, le lundi soir, mardi soir, on fasse un menu.

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P6 : Mais pourquoi toi? C‟est ça!

A6: Non, mais si je te sortais des recettes tu les ferais? P6 : Oui.

A6: Ça serait peut-être un peu plus long qu‟avant, mais tu les ferais. P6 : Oui, c‟est ça, c‟est exactement ça.

À cet effet, il est intéressant de noter que pratiquement tous les participants rencontrés présentent cet intérêt à demeurer actifs et utiles en participant aux tâches domestiques :

Bah oui, ça ce n‟est pas compliqué. Quand c‟est le temps de manger, je suis capable de mettre la nappe et les assiettes puis tout le kit. Après ça je vais chercher les mets, je les mets sur la table. Quand ma femme n‟est pas là. Ou bien, si elle est là, des fois elle s‟occupe d‟un autre chaudron alors j‟en prends un pis je l‟amène […] (P5).

I : Est-ce qu‟il y a des choses qui font que vous vous sentez fière, qui vous rendent fière?

P2 : Me rendre fière? Bien, quand j‟ai fait mon ménage, je suis contente.

Plus encore, le fonctionnement existant dans la maisonnée avant la maladie n‟est pas étrangé à l‟importance des bouleversements qui pourront être engendrés par ces changements dans la vie quotidienne. Ces changements concernent les nouvelles difficultés des participants à exécuter différentes tâches telles que la cuisine, le lavage ou toutes formes d‟entretien de la maison. Ainsi, plus la personne atteinte était responsable de cette tâche, plus le bouleversement peut être grand :

Parce que le lavage des fois, il dit : « Il faut descendre en bas, c‟est en bas ». [Le conjoint de madame préfère qu‟elle ne se rende pas au sous-sol, car il craint qu‟elle ne chute]. Je dis : « Je vais t‟aider à démêler le linge ». C‟est normal les premières fois, il mettait des choses pas ensemble comme les bas […]. Je lui explique tout ça. Là il n‟est pas pire. Cette semaine il est moins pire. […] Parce que quand il a pris sa retraite, il n‟avait jamais rien fait dans la maison. Rien, rien! […] De l‟entretien de la maison je faisais le ménage, toute. Là et bien, malgré tout, il est pris pour le faire (P10).

Ces changements peuvent aussi générer certaines frustrations pour la personne qui voit les tâches être exécutées autrement qu‟elle ne le désirerait :

Pour améliorer quelque chose, faire le ménage, faire le grand ménage. […] Imagine-toi que ça fait six ans qu‟on est ici, il n‟a jamais fait le grand

57 ménage. Moi je fais mes gardes robes, Je vais faire les tiroirs. Laver tout ça, ça fait six ans. J‟ai dit : « il va falloir appeler quelqu‟un pour le faire ». Ah je suis capable de faire ça. Capable de faire ça, s‟il ne s‟assoyait pas tout le temps l‟après-midi (P10).

Ces difficultés peuvent aussi se refléter dans le désir d‟aider dans la maisonnée comme on le faisait auparavant, comme pour cet homme chez qui les tâches ne peuvent plus être réalisées de la même manière :

Oui il y a plus de bas que de hauts. […] De l‟aide? Oui ma femme elle aide beaucoup, mais des fois on ne se comprend pas ensemble. Des fois je dis une affaire pis elle, elle n‟est pas d‟accord. Il faut discuter. […] [On n‟a pas d‟aide]. On habite seuls. Hier elle trouvait que les planches de toilettes étaient sales alors il a fallu que je les démanche et elle les lave. Je les ai défaites, elle les a lavées et je les ai remis. C‟est pour ça que ça me tanne, je ne suis pas vite. J‟étais accoutumé moi (P8).

Malgré ces discussions, il peut subsister des perceptions différentes quant à la répartition des tâches. Dans le cas d‟un participant, la seconde rencontre en l‟absence de l‟aidant lui permet de s‟exprimer quant à ses impressions sur les tâches dans la maison. La semaine précédente, l'aidante mentionnait plutôt le peu d'aide apporté par son conjoint :

P5 : Peut-être pour d‟autres c‟est, ça changé. Mais pour moi non. Parce que ça fait longtemps que, quand c‟était le temps de laver les planchers là, c‟est moi qui prends ça pis je m‟en occupe. Pis je les frotte, pis je les lave. [Ma conjointe] n‟est pas obligée de me dire : « Fais ça aujourd‟hui là ». Je le vois là. Mais de moins en moins. J‟en vois moins (rires). Un petit peu moins. Mais là, je me force.

I : Ok. Pourquoi dites-vous que vous en voyez moins, que vous voulez dire par là?

P5 : C‟est comme si j‟oublie un moment donner. Tu sais, je clique, je ne clique pas là cette journée-là. Que je ne feel pas, quelque chose. Pis, c‟est là que ça se passe. Et là un moment donné, bon ok [je me dis] : « C‟est vrai, je voulais faire le plancher ». Alors je pars, je vais chercher la chaudière, la moppe pis tout le kit puis je pars.