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Les usages sociaux du djembé au Québec : construction locale d'un patrimoine culturel immatériel mondial

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Les usages sociaux du djembé au Québec

Construction locale d’un patrimoine culturel

immatériel mondial

Thèse

Monique Provost

Doctorat en ethnologie et patrimoine

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

(2)
(3)

III

Résumé

Cette thèse s’inscrit dans le domaine des études ethnologiques portant sur les mouvements transnationaux des patrimoines culturels immatériels. Elle traite de l’appropriation du djembé, un tambour mandingue de l’Afrique de l’Ouest, par la société québécoise. À partir d’une approche multidisciplinaire qui met à contribution l’ethnologie, l’histoire et l’ethnomusicologie, cette thèse contribue aux connaissances sur les pratiques musicales du Québec et aux recherches qui visent à comprendre comment se construisent les nouveaux patrimoines culturels immatériels locaux en contexte de mondialisation. L’historiographie transnationale du tambour révèle les processus de recontextualisation du djembé et ceux de l’adaptation québécoise de ses répertoires et techniques de jeu mandingues. Puis, une généalogie des pratiques du tambour frappé à la main démontre comment les percussionnistes locaux contribuent au développement du système-monde de ces traditions percussives. Enfin, l’ethnographie des pratiques et l’enquête orale menée auprès des praticiens du djembé en contexte de loisir révèlent que cette activité culturelle, au-delà du fait musical, est l’expression d’une forme de « corporéité sociale », soit la construction de nouveaux corps sociomusicaux éphémères. Il apparaît clairement que synchroniser les corps agissants pour produire collectivement le rythme tambouriné requiert une présence exacerbée des praticiens au groupe, et que cette activité percussive, qui mobilise l’ensemble des fonctions cognitives, est utilisée pour différentes fonctions sociales autres que musicales. En effet, l’expérience du collectif par la synchronisation corporelle, obtenue par la pratique du djembé, est utilisée pour évacuer le stress lorsqu’elle est pratiquée comme loisir, pour régénérer l’esprit d’équipe sur les lieux de travail dans une forme d’activité culturelle nouvelle nommée teambuilding (mobilisation d’équipe), pour motiver les jeunes afin qu’ils persévèrent dans leurs études scolaires au sein des écoles primaires et secondaires, et finalement, pour explorer de nouveaux canaux de communication avec les enfants autistes ou présentant des troubles de comportement à l’école.

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V

Abstract

This thesis is part of that field of ethnological studies which concerns the transnational movements of the intangible cultural heritage. It deals with the appropriation of the djembé, a West African drum, by Quebec society. Beginning with a multidisciplinary approach which draws on ethnology, history and ethnomusicology, this thesis adds to our knowledge regarding music making in Quebec and to the research which seeks to understand how new forms of intangible cultural heritage are created at the local level within a global context. The study of the transnational migration of the drum tells the story its evolution, along with the recontextualization and the adaptation of playing styles and the transformations of its Mandinka repertoire in Quebec. Following is a Quebec genealogy relating to the manner in which the drum, beaten by hand, illustrates the global nature of traditions linked by percussive rhythms. Lastly, the ethnography of these practices and the oral research carried out in conjunction with recreational djembé players demonstrate that this cultural activity is, first and foremost, the expression of a form of “social corporeality,” that is, the construction of, new, albeit transitory, socio-musical entities. Synchronizing the bodies engaged in producing the beat and the rhythm requires as well developing a mind set so as to build a heightened presence of belonging to the group. Furthermore, this drumming activity appears at various social events in addition to those focusing on music. The potential, found in djembé playing, to create a collective experience through the synchronizing of bodies is used for relieving stress in recreational contexts, for teambuilding in the workplace, for motivating youth to persevere in their studies at both primary and secondary levels and, last but not least, in opening new channels for communication with autistic children or those showing behavioural problems at school.

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VII

Table des matières

RÉSUMÉ ... III 

ABSTRACT ... V 

TABLE DES MATIÈRES ... VII 

LISTE DES TABLEAUX ... XI 

TABLE DES ILLUSTRATIONS ... XIII 

REMERCIEMENT ... XVII 

INTRODUCTION : PRÉSENTATION DU SUJET ET MÉTHODOLOGIE ... 1 

ÉTAT DES RECHERCHES SUR LE SUJET ... 5 

PROBLÉMATIQUE ... 14  MÉTHODOLOGIE ... 17  MODÈLE ETHNOGRAPHIQUE ... 17  LES NIVEAUX DU MODÈLE ... 18  LES SOURCES ... 23  LE CORPUS ETHNOGRAPHIQUE... 23 

L’ENQUÊTE ORALE AUPRÈS DES ÉTUDIANTS EN DJEMBÉ ... 27 

PRÉSENTATION DES INFORMATEURS DE L’ENQUÊTE ORALE ... 29 

LA COLLECTE DE DONNÉES FILMÉES; AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS ... 29 

LA MÉTHODE DU « PLAY-BACK » FILMIQUE ... 31 

OBSERVATION AUX TAMTAMS DU MONT-ROYAL ... 32 

LES ENTREVUES ... 33 

RÉCITS DE VIES MUSICIENNES ... 33 

BRÈVE PRÉSENTATION DES MUSICIENS ... 36 

ENTREVUES AVEC LES FABRICANTS DE DJEMBÉS ... 39 

LES SOURCES ÉCRITES ET MÉDIATIQUESET LA VALIDATION DES SOURCES ORALES ... 41 

LES ARCHIVES DE RADIO-CANADA ... 43 

LA VIDÉOGRAPHIE ... 43 

YOUTUBE ... 44 

LES STATISTIQUES ... 45 

LIMITES DE LA RECHERCHE ... 45 

PLAN DE LA THÈSE ... 46 

1  LE DJEMBÉ : DESCRIPTION, HISTOIRE, CULTURE ET SAUVEGARDE ... 51 

1.1  DESCRIPTION ORGANOLOGIQUE ... 51 

LES DUNNUNS ... 52 

TECHNIQUE DE FRAPPEDU DJEMBÉ ET DES DUNNUNS ... 53 

1.2  HISTOIRE DU MANDÉ ET CULTURE TRADITIONNELLE DU TAMBOUR ... 54 

1.2.1  L’EMPIRE MANDINGUE ET L’ÉPOPÉE DE SUNJATA KEITA ... 54 

1.2.2  LE DJEMBÉ TRADITIONNEL DANS LA CULTURE MANDINGUE ... 58 

LE STATUT DU MUSICIEN DANS LA SOCIÉTÉ MANDINGUE ... 58 

LA MUSIQUE DES CHASSEURS... 61 

LE DJELI ... 62 

LES PERCUSSIONNISTES ... 62 

1.3  DE TRADITION FONCTIONNELLE À FOLKLORISATION : LES RUPTURES PATRIMONIALES ... 63 

1.3.1  L’ALPHABÉTISATION DANS LE RÉGIME COLONIAL ... 63 

1.3.2  LES TERRITOIRES À DÉTERMINATION COLONIALE ... 66 

1.4  LE MODÈLE CULTUREL DE LA « TRADITION BALLET » EN AFRIQUE DE L’OUEST... 69 

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VIII

1.4.2  MAMADY KEITA ... 70 

1.4.3  L’IMPACT DE LA « TRADITION BALLET » EN AFRIQUE DE L’OUEST ... 72 

ENTRE TRADITION ET VIRTUOSITÉ : L’HISTOIRE DE CHEIKH ANTA ... 73 

1.4.4  LE PARADOXEDES GRANDS MAÎTRES DU DJEMBÉ ... 78 

1.5  CONCLUSION ... 81 

2  HISTOIRE DU DJEMBÉ AU QUÉBEC ... 87 

2.1  CONGAS ET BONGOS : LE CONTEXTE DES MUSIQUES LATINES EN AMÉRIQUE DU NORD ... 87 

2.1.1  MIGRATION DES PERCUSSIONS LATINES DES ÉTATS-UNIS VERS LE QUÉBEC ... 89 

2.1.2  BRÈVE HISTOIRE DU DJEMBÉ AUX ÉTATS-UNIS ... 95 

2.1.3  LA RELATION DES AFRO-AMÉRICAINS AVEC LES GRANDS MAÎTRES ... 101 

2.2  HISTOIRE DU DJEMBÉ AU QUÉBEC : LA GENÈSE ... 105 

2.2.1  MICHEL SÉGUIN : SUR LES TRACES DU PREMIER DJEMBÉ AFRICAIN AU QUÉBEC ... 105 

2.2.2  LA SUPERFRANCOFÊTE DE 1974 ... 113 

LE QUEBEC ET L’AFRIQUE FRANCOPHONE EN SPECTACLE ... 116 

2.3  LES AFRICAINS AU QUÉBEC ... 118 

2.3.1  L’IMMIGRATION AFRICAINE : CHIFFRES ET LOIS ... 119 

2.3.2  CONVERTIR OU COMPRENDRE L’AFRIQUE : LES ARCHIVES DE RADIO-CANADA ... 121 

2.3.3  LES BALLETS AFRICAINS, UN SCANDALE À MONTRÉAL ... 122 

2.4  APPORT DES AFRICAINS AUX PRATIQUES DU DJEMBÉ DU QUÉBEC ... 124 

2.4.1  LES LIEUX DU TAMBOUR, PLACE DE RENCONTRE INTERCULTURELLE ... 124 

2.4.2  L’ORGANISATION DES AFRICAINS À MONTRÉAL : SE MONTRER AFRICAIN ... 127 

2.4.3  PREMIER SPECTACLE :DJEMBEKAN ... 132 

2.5  PRÉSENTATION DES AFRICAINS PIONNIERSDU DJEMBÉ ... 133 

2.5.1  YAYA DIALLO (MALI) ... 133 

2.5.2  DAVID THIAW (SÉNÉGAL) ... 145 

2.5.3  IBRAHIM GAYE (SÉNÉGAL) ... 150 

2.6  CONCLUSION ... 152 

3  DYNAMIQUE D’ACQUISITION DES SAVOIRS AFRICAINS ... 157 

3.1  LES PIONNIERS QUÉBÉCOIS DU DJEMBÉ –STRATÉGIES D’ACQUISITION DES PRATIQUES ... 158 

3.1.1  DANIEL BELLEGARDE ... 158 

3.1.2  FRANCINE MARTEL ... 162 

DEBUT DES APPRENTISSAGES TRANSNATIONAUX ... 165 

3.1.3  GEORGES RODRIGUEZ : LE TAMBOUR HAÏTIEN ... 169 

LES NOIRS JOUENT MIEUX DU TAMBOUR ... 174 

LE METISSAGE PERCUSSIF EN CONTEXTE QUEBECOIS ... 175 

3.2  LES PERCUSSIONS LATINES ... 176 

3.2.1  PERCUSSIONS BRÉSILIENNES ET PERCUSSIONS CUBAINES ... 177 

3.2.2  PIERRE CORMIER, SPECIALISTE EN PERCUSSIONS CUBAINES ... 178 

3.2.3  ANDRE MARTIN, PERCUSSIONS CUBAINES ET LATINES ... 182 

3.2.4  LUC BOIVIN, GENERALISTE ... 185 

LA TENSION ENTRE TRADITION ET AUTHENTICITE ... 188 

3.3  PIONNIERS IMMIGRANTS DES PERCUSSIONS CUBAINES ET BRÉSILIENNES ... 191 

3.3.1  LAZARO RENÉ,FRANK ASCASO ET VOVÔ ORLANDO MACEDO CONCEÇÃO ... 191 

3.3.2  VOVÔ (ORLANDO MACEDO CONCEÇÃO) ... 194 

3.4  ANALYSE –VERS L’INSTAURATION D’UN SYSTÈME-MONDE DES TRADITIONS DU TAMBOUR .. 198 

4  LA FABRICATION QUÉBÉCOISE DU DJEMBÉ AFRICAIN ... 217 

4.1  LES PREMIERS DJEMBÉS FABRIQUÉS AU QUÉBEC ... 217 

(9)

IX

4.3  LE QUÉBEC, PLAQUE TOURNANTE DE LA DIFFUSION DU DJEMBÉ EN AMÉRIQUE DU NORD ... 221 

4.4  L’ÉTUDE COMPARATIVE : LA CULTURE MATÉRIELLE DU DJEMBÉ ... 224 

4.5  TECHNOGRAPHIE COMPARATIVE DES TECHNIQUES DE FABRICATION ... 229 

4.5.1  UN BON DJEMBÉ OU L’IDÉALTYPE SONORE DU FABRICANT ... 229 

4.6  ÉTUDE COMPARATIVE DES TECHNIQUES DE FABRICATION :AFRIQUE/QUÉBEC ... 231 

4.6.1  KRIBÉ SANOU TAILLEUR DE DJEMBÉ DU BURKINA FASO ... 234 

4.6.2  MICHEL OUELLET ET LES PERCUSSIONS MOPERC ... 236 

L’IDÉE DES LATTES DE BOIS : L’INNOVATION REMPLACE LA TRANSMISSION ... 237 

4.7  COMPARAISON DES CHAINES OPÉRATOIRES DE FABRICATION ... 239 

4.7.1  CHAINE OPÉRATOIRE ILLUSTRÉE DE KRIBÉ SANOU ... 248 

4.7.2  CHAINE OPÉRATOIRE ILLUSTRÉE MICHEL OUELLET ... 249 

4.8  ANALYSE ... 250 

5  LES PRATIQUES POPULAIRES DU DJEMBÉ ... 259 

5.1  LES TAMTAMS DU MONT-ROYAL : SCHISMES ENTRE PROFESSIONNELS ET AMATEURS ... 260 

5.1.1  NAISSANCE D’UNE TRADITION QUÉBÉCOISE ... 260 

5.1.2  PREMIERE RUPTURE ENTRE PRATIQUES SAVANTES ET POPULAIRES DU TAMBOUR .. 266 

5.1.3  LE RETOUR DES ÉRUDITS : LES FILS SÉGUIN PRENNENT LA RELÈVE ... 267 

5.1.4  LES TAMTAMS DU MONT-ROYAL, UNE PRATIQUE POUR TOUS ... 269 

5.2  ETHNOGRAPHIE DES ÉCOLES DE DJEMBÉ ... 271 

5.2.1  PRÉSENTATION DES ÉCOLES DE DJEMBÉ ... 271 

5.2.2  LES OUTILS PÉDAGOGIQUES DÉVELOPPÉS PAR MAMADY KEITA ... 275 

LE LIVRE THÉORIQUE DE MAMADY KEITA ... 278 

LES DVD DE MAMADY KEITA : PRÉSENTATION ... 281 

5.2.3  DESCRIPTION DES COURS DE DJEMBÉ AU QUÉBEC ... 286 

DISPOSITION SPATIALE D’UN COURS ET MODALITÉS DE TENUE DU TAMBOUR ... 286 

STRUCTURE FORMELLE STANDARD DU COURS DE DJEMBÉ ... 287 

5.2.4  PÉDAGOGIE DE L’ENSEIGNEMENT DU DJEMBÉ ... 288 

PARAMÈTRES SONORES ET CONDUITES MOTRICES ... 289 

5.3  ÉLÉMENTS D’ANALYSE DE L’ETHNOGRAPHIE ... 291 

5.3.1  EXPLICATION VERSUS IMPRÉGNATION ... 291 

5.3.2  LES PROFESSEURS : TRADITIONALISTES OU ANIMATEURS ... 292 

5.3.3  LA MÉTAPHORE POUR MIEUX TRANSMETTRE ... 295 

5.3.4  LA PLACE DE L’AUTHENTIQUE ... 298 

5.4  CONCLUSION ... 300 

6  LES USAGES SOCIAUX DU DJEMBÉ ... 307 

6.1  RAPPEL DU CORPUS DE L’ENQUÊTE ORALE ET MÉTHODOLOGIE ... 309 

6.2  L’HYPOTHÈSE DU GOÛT POUR L’EXOTISME ... 310 

6.2.1  L’EXOTISME AFRICAIN ... 311 

6.2.2  ACCEPTATION ET REJET : UN PROCESSUS DE MÉTISSAGE ... 317 

6.2.3  LA RAISON PRAGMATIQUEPOUR JOUER DU DJEMBÉ ... 322 

6.3  LE JEU DU DJEMBÉ COMME PRODUCTEUR DE SOCIALITÉ ... 326 

6.3.1  LA THÈSE DE LA CORPORÉITÉ SOCIALE ... 328 

6.3.2  LE RYTHME COMME OPÉRATEUR DE SOCIALITÉ : ANALYSE THÉORIQUE ... 329 

6.4  LES DIFFÉRENTES PRATIQUES DU TAMBOUR POUR CRÉER LE COLLECTIF ... 336 

6.4.1  SAMAJAM : LES NOUVELLES PRATIQUES DU TAMBOUR ... 338 

RÉCIT DE VIE DE LOUIS BELLEMARE ... 339 

6.4.2  LE TEAMBUILDING ... 347 

CONTEXTE DES TEAMBUILDINGS ... 347 

ETHNOGRAPHIE ET ANALYSE INTÉGRÉE D’UN TEAMBUILDING ... 348 

(10)

X

CONCLUSION ... 355 

BIBLIOGRAPHIE ... 363 

(11)

XI

Liste des tableaux

Tableau 1 - Modèle ethnographique de Timothy Rice ...18 

Tableau 2 - Tableau des entrevues dans les écoles de djembé ...27 

Tableau 3 - Musiciens interviewés pour reconstituer l’histoire orale du djembé ...39 

Tableau 4 - Sources d’apprentissages des pionniers québécois du tambour frappé à la main ... 207 

Tableau 5 - Tableau comparatif des chaines opératoires ... 240 

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XIII

Table des illustrations

Figure 1 - Revue Fameq, Vol 21, No1, 2006 © Fameq ...2 

Figure 2 - Teambuilding animé par Samajam, photo extraite du site http ://www.samajam.com/ ...3 

Figure 3 - Tamtams du Mont-Royal © Monique Provost 07-2012 ...32 

Figure 4 - Tamtams du Mont-Royal 2 © Monique Provost 07-2012 ...33 

Figure 5 - Djembé en bois de goni ©Kribé Sanou ...51 

Figure 6 - Grelots séké-séké photo ©OkDjembé ...52 

Figure 7 - Dunnuns ©OkDjembé ...52 

Figure 8 - Dunnuns et cloche ©OkDjembé ...53 

Figure 9 - Sidikiba Coulibaly ©Vincent Zanetti ...61 

Figure 10 - Carte de répartition des groupes ethniques mandingues Copyright ©ARTHEOS ...67 

Figure 11 - Pearl Primus dans Fanga, 1959, ...95 

Figure 12 - Katherine Dunham, Tropical Revue 1943, Source : Encyclopédie Britanica ...96 

Figure 13 - Pochette du disque Drums of Passion d’Olatunji, producteur Mickey Hart,1988 ...99 

Figure 14 - Michel Séguin Montréal 2013 © Monique Provost ... 106 

Figure 15 - Emballage de préparation à crêpes de la ... 107 

Figure 16 - Manches à frill ... 108 

Figure 17 - Ville Émard Blues Band, avec la permission de Copyright © ProgQuebec... 110 

Figure 18 - Yaya Diallo par Monique Provost Kentucky 2012 ... 133 

Figure 19 - Album Nangapé, Yaya Diallo, 1980, Onzou Record ... 144 

Figure 20- -Daniel Bellegarde © Monique Provost ... 158 

Figure 21 - Takadja Dossier de Presse de Francine Martel 1994 ... 162 

Figure 22 - Georges Rodriguez, Montréal 2013 © Monique Provost ... 169 

Figure 23 - Album Rada publié en 1993 © Georges Rodriquez ... 171 

Figure 24 - Alexandre Daudé propriétaire de Nassom-Afritude © Monique Provost ... 221 

Figure 25 - Pilon et mortier autorisé ©SARL ADOUNA PERCUSSIONS ... 231 

Figure 26 - Kribé Sanou ©Kribé Sanou ... 234 

Figure 27 - Michel Ouellet à l’atelier de fabrication Moperc, ©Monique Provost ... 236 

Figure 28 - Djembé de fabrication Moperc ... 237 

Figure 29 - Pied de djembé sculpté par Kribé Sanou ©Kribé Sanou ... 245 

Figure 30 - Prospère, un artisan qui travail avec Alexandre Daudé ... 246 

Figure 31 - Kribé Sanou forgeant ses outils ©Kribé Sanou ... 247 

Figure 32 - Djembé fabriqué chez Moperc ... 247 

Figure 33 - Djembé fabriqué par Kribé Sanou ... 247 

(14)

XIV

Figure 35 - Photomontage chaine opératoire Michel Ouellet ©Monique Provost ... 249 

Figure 36 - Tamtams du Mont-Royal © Frédéric Dussault ... 259 

Figure 37 - Figure 25 - Tamtams du Mont-Royal © Frédéric Dussault ... 260 

Figure 38 - Mamady Keita à droite et Steeve Gagné à gauche ... 275 

Figure 39 - Logo de l’école Tamtam Mandingue ... 276 

Figure 40 - Etrait du livre Keita et Billmeier 1999 ... 280 

Figure 41 - Toro, extrait du DVD 1 Keita ... 282 

Figure 42 - Extrait de : Les Rythmes du Mandeng Vol 1-2-3-4 Fonti Musicali ... 283 

Figure 43 - Extrait de : Les Rythmes du Mandeng Vol 1-2-3-4 Fonti Musicali ... 283 

Figure 44 - Extrait de : Les Rythmes du Mandeng Vol 1-2-3-4 Fonti Musicali ... 284 

Figure 45 - Local des cours d’OkDjembé ©Steeve Gagné ... 286 

Figure 46 - Ceinture pour maintenir le tambour - Spectacle 2012 OkDjembé ©Steeve Gagné ... 287 

Figure 47 - Louis Bellemare, Montréal 2013 par Monique Provost ... 339 

Figure 48 - Teambuilding par Samajam ©Samajam ... 347 

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XV

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XVII

Remerciement

Cette thèse a été réalisée dans le cadre du programme de doctorat en ethnologie et patrimoine à l’Université Laval. Mes remerciements vont en premier lieu à mon directeur de thèse Laurier Turgeon qui a favorisé grandement mon évolution en tant que chercheure, qui m’a soutenu tout au long de mon cheminement et qui a toujours su où trouver le financement indispensable à la poursuite de cette recherche. Mes remerciements vont également à la Faculté de Lettres, le Département des Sciences historiques de l’Université Laval et tout spécialement à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique pour le soutien financier accordé. Ma gratitude est grande envers Monique Desroches qui a guidé mes premiers pas en matière de recherche scientifique dans le cadre de ma maîtrise à l’Université de Montréal et qui a participé au jury de la présente thèse. Je remercie aussi Habib Saïdi et Gérald Côté d'avoir fait l'évaluation critique de ma thèse, ainsi qu’Anne-Marie Desdouits pour avoir présidé avec une main de maître ma soutenance. Je remercie tous les informateurs qui ont contribué à la recherche. Ils m’ont accordé leur confiance et ont fait le don généreux de leurs histoires personnelles. Les informateurs clés, Yaya Diallo, Louis Bellemare, Michel Ouellet, Michel Séguin et Geoges Rodriguez ont vraiment pris le temps de tout expliquer et même de réexpliquer encore et encore. Chacune des rencontres avec les pionniers de la percussion frappée à la main a été vécue comme un privilège, je parle ici des : Francine Martel, Lazaro René, Daniel Bellegarde, Luc Boivin, Hans Longpré, Jeremy Dunlop, Joé Armando, Robert Lépine, Nasyr Al Kabyr, Pierre Cormier, André Martin, André Dupuis, Marc Séguin, Paul Séguin. Les mêmes remerciements sont adressés aux professeurs de percussions qui m’ont accueillie dans leurs cours de djembé : Steeve Gagné à l’école Ok Djembé, Luc Boivin à l’école Métissage, Louis Bellemare à l’école Samajam et Robert Lépine chez Afrique en Mouvement. Je suis reconnaissante à la quarantaine d’étudiants que j’ai interviewés et côtoyés pendant ces cours de djembé. Pour m’avoir montré comment on fabrique un djembé, merci à Michel Ouellet de Moperc et à Kribou Sanou en direct du Burkina Faso.

Finalement, cette thèse n’aurait jamais atteint sa forme ultime sans le soutien moral inflexible de ma sœur Danielle et de mes amis : Andrée, Sylvie, Patrick, et de mes voisins Richard, Sébastien.

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1

INTRODUCTION : PRÉSENTATION DU SUJET ET MÉTHODOLOGIE

Au fil des quatre dernières décennies, le djembé1 est devenu au Québec un objet culturel familier. On le voit dans les spectacles musicaux et dansés, et certains percussionnistes professionnels québécois, reconnus à l’échelle nationale et internationale, sont des spécialistes de la pratique de ce tambour et de son répertoire mandingue. Plusieurs d’entre eux s’appliquent à pérenniser ce patrimoine percussif de l’Afrique de l’Ouest transmis à l’origine par ceux qu’on nomme les Grands Maîtres africains du djembé. Au Québec, au nombre de ces érudits mondialement appréciés, Mamady Keita et Famodou Konaté sont généralement cités par les praticiens comme point de repère culturel africain. Mais dans cet espace social des arts de la scène, certains percussionnistes québécois, moins portés par le souci de la préservation de la tradition, utilisent le djembé pour ses caractéristiques sonores. Sans s’imposer de restrictions de styles ou d’usages musicaux, ils intègrent le djembé comme un élément percussif dans leurs prestations musicales. Les professionnels du djembé œuvrent aussi dans le domaine du loisir culturel et il existe au Québec plusieurs écoles de percussions où des activités percussives destinées au divertissement, à la culture et au bien-être personnel sont offertes à l’ensemble de la population. Ce type d’activité, destiné au grand public, nous amène à comprendre que le djembé dans la collectivité québécoise s’adresse aux usages professionnels et aux usages « populaires »2. En effet, il n’est pas seulement réservé à une élite de praticiens auxquels la société attribut le statut de spécialiste, c’est un de ces objets musicaux susceptibles de se retrouver dans chaque foyer et qui plus est, aux mains de chaque membre de la famille.

Une autre illustration des pratiques populaires du djembé au Québec est cette manifestation collective qui a lieu à Montréal : les Tamtams du Mont-Royal. Depuis le milieu des années 1970, la pratique du tambour est célébrée de façon singulière sur la place publique tous les dimanches de beau temps, du printemps jusqu’à l’automne. De plus, c’est une des rares pratiques populaires du XXIe siècle gratuites, non organisées, et qui s’inscrivent dans la durée sur trois générations. Le

1 Le djembé d’origine mandingue est un tambour creusé dans un tronc d’arbre, recouvert d’une peau d’animal, une peau de chèvre la plupart du temps, qu’on frappe à la main. C’est un élément important du patrimoine culturel immatériel mandingue de l’Afrique de l’Ouest.

2 J’utilise populaire au sens entendu dans le dictionnaire Antidote : « Qui concerne le peuple » aussi « Folklorique et traditionnel » et encore mieux « Qui est connu et apprécié par le plus grand nombre ».

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2

rendez-vous hebdomadaire crée des rassemblements dont le nombre habituel de plusieurs centaines de participants s’élève parfois jusqu’à un millier de personnes. Une foule bigarrée, composée d’amateurs de musique, de promeneurs, de touristes, d’artisans venus là pour vendre leurs produits et même d’étudiants de l’école du cirque qui exhibent leurs savoirs faire, qui reflète parfaitement l’univers cosmopolite montréalais. Ce n’est pas l’espace qui manque à la montagne3 et aux Tamtams du Mont-Royal, dispersés ça et là, en marge de l’attroupement qui créé l’évènement, majoritairement formé d’amateurs de djembé, de danseurs trémousseurs et de badauds voyeurs et immobiles hypnotisés par le spectacle, on retrouve de petits attroupements de gens qui jouent d’autres types de rythmes et de percussions. On y entend, par exemple, la darbouka arabe, les congas et timbales latins, j’ai même vu un petit groupe de Réuonnais qui jouait du maloya4, avec leur « raloba » et leur tambour « rouleur »5. Aux Tamtams du Mont-Royal, chacun s’approprie à sa façon un petit bout de montagne et un petit bout de ce temps collectif du dimanche après midi. C’est un des très rares instants, où, dans la métropole montréalaise, il est permis de frapper sur un tambour dehors et en public. Occasionnellement, les professionnels — des érudits qui se démarquent par leurs connaissances dites plus performantes, voire authentiques — intègrent la masse humaine pour prendre un bain de foule et parfois diriger le rythme. Dans ce lieu québécois, mais surtout montréalais, du tamtam, ce qui prime pour une majorité, c’est « d’en être » plus que d’être bon.

Antérieurement associé aux « fumeux de pot » qui se réunissaient au Mont-Royal durant les années 1980, le djembé est devenu, dans plusieurs milieux structurants de la société québécoise, un opérateur social. D’abord, dans les écoles publiques

3 À Montréal, quand on parle du Mont-Royal, on dit : « À la montagne » 4 Style de musique traditionnelle de l’île de La Réunion.

5 Le raloba fait partie de la famille des hochets, et le rouleur des tambours à membrane que l’on chevauche et dont le son est varié avec la pression du pied, en plus d’être frappé par les mains. (Pour plus d’informations, voir le livre de Françoise Dumas Champion, Le mariage des cultures de l’île de la Réunion, Karthala, 2008)

Figure 1 - Revue Fameq, Vol 21, No1, 2006 ©

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3 québécoises, le djembé est à la fois outil pédagogique et objet de médiation culturelle. En effet, dans plusieurs écoles des niveaux primaire et secondaire, les professeurs de musique intègrent le djembé au nombre des percussions qu’ils utilisent pour mettre en œuvre le programme d’enseignement développé par le Ministère de l’Éducation du Québec. De même, dans ce contexte institutionnel scolaire, la matérialité africaine apparente de l’instrument sert de prétexte pour transmettre quelques valeurs interculturelles. Enfin, depuis 2010, grâce à des initiatives concertées entre les secteurs public et privé, des projets spéciaux d’intervention en milieu scolaire sont mis en oeuvre pour combattre la propension des jeunes des milieux moins favorisés à abandonner leurs études. Ces projets, qui visent le développement de la persévérance scolaire, mobilisent l’ensemble des membres de l’école. Autant les professeurs que les étudiants participent de façon hebdomadaire au montage d’un spectacle de fin d’année dont le principal élément est le jeu du djembé. Intégrés au milieu de vie de l’école, de façon transversale, dans chaque matière du programme scolaire, les apprentissages spécifiques du tambour deviennent des outils pédagogiques. Les projets de persévérance scolaire créent chez les jeunes un sentiment d’appartenance à l’institution, et par ricochet, stimulent leur goût de fréquenter l’école. En somme, nombre d’enfants québécois du XXIe siècle sont imprégnés de cette nouvelle pratique populaire et grandissent avec le djembé, comme nos ancêtres ont grandi avec le violon et l’accordéon.

Par ailleurs, le djembé n’est pas seulement employé de façons ludique, artistique ou pédagogique. C’est un objet musical également utilisé pour des activités visant à développer les compétences du « savoir-être collectif » par des exercices visant à stimuler la mobilisation d’équipes que l’on nomme couramment, en utilisant le terme anglais, des teambuilding. Cette dernière forme

d’expression du djembé est d’autant plus intéressante qu’elle transporte le tambour africain dans les milieux corporatifs, au sein des groupes d’employés dont le nombre varie de trente à plusieurs

Figure 2 - Teambuilding animé par Samajam, photo extraite du site http ://www.samajam.com/ ©Samajam

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centaines de participants, de tous niveaux hiérarchiques, de la haute direction au préposé à l’entretien.

Ces différents usages du djembé par la population sont révélateurs de l’importance sociale de cette percussion au Québec. La popularité du tambour n’échappe pas aux administrateurs gouvernementaux. Parfois, ils en font un usage symbolique pour communiquer leurs messages à la population et l’idée de la pratique populaire du djembé est utilisée comme un élément identitaire dans certaines promotions locales commanditées par le gouvernement. En effet, j’ai aperçu le djembé, à quelques reprises, parmi les éléments culturels choisis pour des annonces télévisuelles produites par le gouvernement du Québec. Étonnamment, ces publicités utilisaient le djembé avec l'objectif d’interpeller l’appartenance à la culture locale. Par exemple, en 2008, dans un message destiné à promouvoir le tourisme local des Québécois dans les Laurentides, on montrait une jeune adolescente jouant du djembé au bord du feu, en pleine activité de camping familial. Plus récente, et encore plus surprenante, est cette publicité de la Ville de Québec annonçant l’édition 2011 de son célèbre Carnaval de Québec. On y aperçoit au nombre des attractions locales, montrées par des images en rafales, des mains qui frappent sur un djembé.

Mais d’où proviennent tous ces djembés? Les photos exposées précédemment montrent des activités qui requièrent parfois l’usage simultané d’une centaine de ces tambours africains. Pour répondre à cette question, j’ai contacté les magasins d’instruments de musique et cette démarche m’a permis de découvrir que l’approvisionnement du Québec en djembé se fait de deux façons. D’une part, il y a les importateurs qui font du commerce de masse. Ils entretiennent des relations commerciales avec l’Afrique et font aussi fabriquer des djembés de moins bonne qualité, en Indonésie, destinés aux usages non professionnels. D’autre part, il y a des facteurs de tambours au Québec, des artisans québécois renommés qui ont réinventé le djembé à leur façon. D’ailleurs, dans cette thèse il sera question de l’un d’entre eux, Michel Ouellet, qui est un des plus importants fabricants québécois. L’artisan a créé sa propre gamme de produits qui porte le nom de Moperc. Le fabricant a acquis une expertise et une renommée qui lui permettent d’exporter ses produits vers différents pays, dont les États-Unis, Cuba et la France.

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5 Comme je viens de le démontrer, les espaces sociaux québécois au sein desquels cette percussion d’origine mandingue est présente sont multiples. Les constats exposés précédemment sont autant d’arguments qui justifient l’orientation de cette recherche vers un principe directeur, soit : la volonté de comprendre et de théoriser les usages sociaux du djembé au Québec. Dans ce sillon, sachant que le djembé et ses pratiques constituent un patrimoine culturel immatériel mandingue, plusieurs questions s’imposent. Que reste-t-il du fait patrimonial africain en sol québécois? Clairement inscrit dans les processus de mondialisation des cultures, dont ceux des contacts transnationaux entre le Québec et l’Afrique, est-ce par l’immigration ou par la commercialisation des marchandises que le djembé est arrivé au Québec? Finalement, est-il possible de trouver « un » sens social commun aux divers usages de ce tambour et de ses pratiques au Québec?

État des recherches sur le sujet

Jusqu’à maintenant, la pratique du djembé en sol québécois n’a pas fait l’objet de recherches scientifiques par d’autres chercheurs. L’exploration du sujet a commencé avec mes travaux de maîtrise en ethnomusicologie à l’Université de Montréal en 2008-2009. L’enquête de terrain, menée dans deux écoles de percussions : Afrique en Mouvement et Samajam, visait à faire l’étude des pratiques du djembé dans les milieux populaires montréalais. Si je parle de milieux populaires ici, c’est parce que les activités percussives qui se déroulent dans ces écoles ont pour objectif le loisir et non la formation professionnelle des percussionnistes. Dans cette recherche qui avait pour finalité l'obtention du diplôme de maîtrise, j’ai effectué l’analyse des répertoires et des techniques de jeu percussif transmis dans ces deux écoles de djembé, et je me suis aussi intéressée à la connaissance des participants à propos des origines culturelles du djembé. Ces recherches préalables aux travaux de la thèse ont démontré l’existence d’un lien dynamique entre le contenu culturel véhiculé par les Grands Maîtres d’Afrique de l’Ouest et les enseignements du djembé au Québec. L’un de ces érudits africains, Mamady Keita, au moment de ma recherche en 2008 et 2009, était cité par les professeurs de djembé comme étant « la » référence à « la » tradition africaine. Ses enseignements constituaient le lieu de « la pertinence culturelle » mandingue. Enfin, j’ai aussi constaté que si chacune des deux écoles s’était approprié les mêmes ressources culturelles africaines, elles les véhiculaient de façons différentes. Afrique en Mouvement favorisait la pratique

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du djembé d'inspiration traditionnelle africaine, alors que Samajam instrumentalisait ces mêmes ressources culturelles pour leur attribuer de nouveaux usages et sens sociaux.

Les écrits scientifiques sur le djembé africain

Dans la littérature scientifique, j’ai répertorié trois auteurs/percussionnistes qui traitent du djembé en Afrique de l’Ouest, dans son état actuel de modernité, les ethnomusicologues Éric Charry et Rainer Polak et l’historien Vincent Zanetti. Celui-ci a écrit plusieurs articles au sujet du djembé et des maîtres-percussionnistes mandingues pour la revue Cahiers d’ethnomusicologie. En plus de ces auteurs avérés, une thèse de doctorat rédigée par Vera Flaig traite de la transmission des pratiques du djembé par les Grands Maîtres, à l’extérieur de l’Afrique et au sein des stages de djembé qu’ils organisent en Guinée Conakry.

Les écrits ethnomusicologiques qui portent sur le djembé, ses pratiques et sur l’usage des répertoires mandingues sélectionnés pour cette recherche sont le résultat de travaux effectués durant la période d’intensification du processus de mondialisation du djembé, soit : de 1980 à environ 2008. Ils offrent l’avantage d’un regard double : celui de l’ancien, du traditionnel, en transition vers le moderne. Plus encore, les études approfondies des chercheurs, qui résultent de leur « temps long » vécu sur ce terrain, témoignent de l’impact sur la culture africaine de la mondialisation du djembé. À cet effet, Éric Charry, après plusieurs années passées sur les territoires où vivent les ethnies de la culture mandingue, a publié en 2000 une substantielle monographie qui porte sur les cultures musicales du Mandé. Son étude savamment descriptive et analytique traite des thèmes de l’histoire de l’Empire mandingue et de la tradition musicale des chasseurs et des

djelis : sorte de musiciens-historiens aussi nommés griots dans plusieurs cultures africaines. Cet

ouvrage est utile pour ma thèse, parce qu’il comporte un important chapitre qui traite de la percussion mandingue et du djembé dans son contexte traditionnel. Il a servi de point de départ, dans cette thèse, pour comprendre les changements majeurs qui surviennent en Afrique dans le sillage de la mondialisation des pratiques du djembé.

Rainer Polak, également ethnomusicologue, témoigne lui aussi de cette période riche en changements pour les pays de l’Afrique de l’Ouest. Il a choisi « l’immersion »6 participante, qui

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7 l’a amené à devenir lui-même « djembefola7 » (percussionniste professionnel) au Mali. Dans une démarche fondamentalement musicologique, il analyse la subtilité du jeu percussif africain. Pour en illustrer et en expliquer la complexité polyrythmique et performancielle8, Polak a inventé une technique d’analyse : le microtiming9. Il cherche ainsi à capter « le groove », l’art de la variation

africaine, afin de la représenter par une notation musicale. La collecte et l’analyse de ces variations impromptues constituent un des plus grands défis pour les ethnomusicologues dans une Afrique de tradition orale10. Polak explique :

Playing with microtiming is a remarkable feature of musical rhythm in the western Sudan. Both African and Western musicians and musicologists have time and again wondered at the capability of Malian, Senegambian or Guinean Drummers to excitingly place notes on, next to, apart from, or in between expected points of time. [...] African and other dance-oriented music is often inflected according to regular and constant patterns. Jenbe Drummers, in particular, make extensive use of a limited number of sophisticated inflection patterns to enrich their playing in a specific manner. (Polak 1998)

Dans le sillon de sa présence soutenue sur le terrain (surtout au Mali), Polak a écrit plusieurs articles sur les changements sociaux affectant les pratiques du djembé en Afrique. L’un d’entre eux porte le titre évocateur de Drumming for Money and Respect. The commercialisation of Traditional

Celebration Music in Bamako (Polak 2005). L’article explique que la nouvelle économie locale

repose sur la mise en scène et la commercialisation de la pratique du tambour, réinvestissant d’un nouveau sens le jeu des djembefolas traditionnels : celui d’une activité commerciale.

Vincent Zanetti (1990, 1999, 2005), un musicien-chercheur intégré aux lieux musicaux de l’Afrique de l’Ouest, fréquente et enquête auprès des principaux médiateurs internationaux : les

7 Joueur de djembé en langue malinké

8 Performancielle : Terme utiliser pour englober l’ensemble des gestes effectués par le musicien pour une prestation musicale.

9 Rainer POLAK, 1997, Jenbe Music in Bamako Microtiming as Formal Model and Performance Practice, Bayreuth. Rainer, POLAK, 1997 : Zeit, Bewegung und Pulsation. Theorie relevante Aspekte der Jenbe-Musik, in : Jahrbuch für musikalische Volks- und Völkerkunde 16 : 59-69; and a paper held at the 42th Annual Conference of the Society for Ethnomusicology in Pittsburgh in October 1997 entitled "Some Relations between Micro-Timing, Meter and Performance in Jenbe Drum Ensemble Playing".

10 Le travail de Shima Arom avec la technique dite du play-back est un autre exemple de l’usage ethnologique de cette musicologie comparée. Il n’est pas question d’une transcription qui donne une image fidèle et tangible de la réalité acoustique : « [...] la transcription doit avant tout rendre compte de la musique telle qu’elle se fait, telle qu’elle est pensée, et non pas seulement de son résultat sonore. » (Dehoux, Fernando, Le Bomin, Marandola, 1997)

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Grands Maîtres du djembé. Les témoignages qu’il capte sur le vif, ses recherches ethnographiques et leurs analyses représentent une contribution d’autant plus pertinente pour ma recherche que je n’ai pas eu la chance de me rendre personnellement en Afrique. Quoi qu’il en soit, mon sujet de recherche porte sur la culture du djembé au Québec, le manquement créé par cette absence de voyage au lieu d’origine du djembé n’est pas déterminant dans la résolution de la problématique qui se veut « locale ». De fait, les articles de Zanetti, traitant eux aussi des processus de changement qui surviennent dans le sillon de ce phénomène encore peu et mal connu de la mondialisation du djembé, sont venus étayés mes réflexions théoriques à propos de la relation maîtres-élèves qu’entretiennent les Grands-Maîtres avec leurs apprentis.

Le sujet de l’enseignement du djembé hors de l’Afrique par les Grands-Maîtres a fait l’objet d’une thèse par Vera Flaig en 2010. Ces travaux de recherche, qui analysent les cours et stages de djembé organisés et pensés par et avec les Grands Maîtres à l’attention de ceux qui ne sont pas Africains, se rapprochent davantage de mon projet. Dans sa globalité, la thèse porte sur le phénomène de la diffusion du djembé par Mamady Keita et Famodou Konaté dans certains pays d’Europe, en Amérique du Nord et lors des stages de djembé donnés en Guinée. Comme son titre l’exprime :

The Politics of Representation and Transmission in the Globalisation of Guinea’s Djembe, Vera

Flaig démontre une suite logique entre la vie artistico-politique des artistes guinéens à l’époque de la République de Guinée de Sékou Touré et leurs activités de transmission culturelle récentes mondialisées.

Pour ma part, ce qui m'intéresse dans la thèse de Vera Flaig, ce n’est pas tant la résonnance politique du fait culturelle démontrée par la chercheure que son approche de la problématique de la mondialisation des cultures. En effet, les travaux de Flaig s’inscrivent dans un courant théorique anthropologique récent, né de la curiosité des chercheurs quant aux processus inédits de construction culturelle émergeant des contextes mondialisés. J’ai été particulièrement interpellée par cette question des contruits culturels qui résultent des contacts interculturels d’un ordre nouveau. En effet, les contacts entre porteurs de cultures diverses s’effectuent à travers des communications souvent virtuelles, technologiques ou éphémères ou encore touristiques, comme dans le cas des stages de djembé en Afrique de l’Ouest.

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9 Parmi ces anthropologues qui ont contribué aux théories de l’anthropologie des cultures mondialisées, Flaig s’est inspirée de Veit Erlmann. Le chercheur, construisant sa théorie à partir de l’idée des « communautés d’affinités » de Benedict Anderson(1993), propose le concept de « global imagination ». Pour Erlmann, le registre des rencontres interculturelles, autrefois mue par l’esprit de conquête, serait aujourd’hui modelé par ces subjectivités modernes que sont les communautés d’intérêts.

Music Modernity and the Global Imagination advances the notion that the new global reality marks a critical moment in the history of the world's cultures that engages Westerners and non-Westerners in complex, multiply mirrored ways. The making of modern subjectivities in Africa and the West was not determined by mutually opposite positions : of conqueror and conquered, of master and servant. Rather it was determined by an articulation of interests, languages, styles, and images. It is this articulation that I call the global imagination. (Erlmann 1999 : 3)

En plus de l’idée de global imagination d’Erlmann, Vera Flaig appuie son analyse théorique des relations humaines mondialisées sur les théories d’Appadurai. Ce qui l’interpelle particulièrement dans les travaux du chercheur, c’est qu’il considère l’imagination elle-même comme lieu de la pratique sociale.

The image, the imagined, the imaginary - these are all terms that direct us to something critical and new in global cultural processes : the imagination as social practice[…] the imagination has become an organized field of social practices, a form of work (in the sense of both labor and culturally organized practice), a form of negotiation between sites of agency (individuals) and globally defined fields of possibility.[…].The imagination is now central to all forms of agency, is itself a social fact, and is the key component of the new global order (Appadurai 1996 : 31)

Dans la généalogie des concepts d’Erlmann et d’Appadurai, Flaig construit son cadre théorique en proposant l’idée d’une co-construction de la culture du djembé à partir de cultures locales imaginées :

It is my goal to extend Appadurai's use of "imaginary" as a form of negotiation between sites of agency, and Erlmann's theory of global imagination into a different realm of cross-cultural musical transmission. In order to do this I am looking at the drumming workshop (the main sites of transmission) as an intercultural space of transmission. Within this space a new cultural product is continually being created through a negotiation between African musicians and their Western students. (Flaig 2010 :63)

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Comme on l’a vu précédemment, ce courant théorique, dont s’inspirent Véra Flaig et plusieurs anthropologues de la mondialisation, a pour émule le concept de communautés d’affinités développé par Bénédict Anderson (1993). Dans le parcours théorique de Flaig, ce concept de « communauté » lui sert à délimiter l’objet d’étude anthropologique, c'est-à-dire : le groupe social mis à l'étude. Pour parvenir à un tel résultat, la chercheure choisit de faire abstraction du fait que les participants ciblés par l'étude sont issus de cultures d’origines diverses, en d'autres mots, que les participants proviennent de différents pays sur la planète et qu'ils appartiennent à différents groupes sociaux, ethnies et nations.

En fin de compte, pour faire l’étude de cette culture globalisée du djembé, Flaig invite le fait interculturel dans l’analyse en l’appréhendant comme la résultante des rencontres entre les diverses subjectivités des participants. La pratique du djembé, ainsi expliquée, est la résultante des imaginaires partagés. Pour construire son analyse, elle utilise comme opérateur intellectuel structurant le concept d’ethnoscape d’Appadurai. The cultural ethnoscape created by these

djembefolas and their students worldwide is not grounded in a shared race or ethnicity but a cultural/musical practice that they have created as a global community (p.38). Dans cet ordre

d’idées, les pratiques du djembé mises à l’étude prennent place dans les lieux physiques séminaux de ces nouvelles formes culturelles : les stages de djembé. Selon Flaig : « It is within this space of

transmission that cross-cultural negotiations of a globally-imagined culture take place »

(Flaig 2010 : p. 36).

Par ailleurs, ces réflexions et choix épistémologiques amènent Vera Flaig à cette fort intéressante théorie de la portabilité des cultures : Together, djembefolas and their students have created a

portable culture which, while it is based upon the practices of a particular ethnic group from a particular geographical place, does not need that place or ethnic group to flourish (p.38).

Toutefois, l’ajout de ce postulat à sa théorie d’une société et d’une culture globalement imaginées m’apparaît comme une faiblesse théorique. C’est celle d’utiliser un concept théorique né d’une anthropologie traditionnelle, celui « d’interculturel », pour ensuite évoquer à la fois ce phénomène culturel et son contraire. En effet, pourquoi faire abstraction de l’origine culturelle des informateurs et de l’origine africaine du djembé pour ensuite interpeller le fait que ce soit bel et bien une pratique appartenant à un groupe ethnique dans un territoire géographique donné. De plus, puisque la culture

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11 est portable en soi, c’est qu’elle existe physiquement dans la matière au-delà des imaginaires des communautés d’affinités.

Les travaux de Vera Flaig m’ont amené à prendre position relativement au fait mondialisé de mon objet d’étude le djembé d’origine mandingue au Québec. D’abord, la position épistémologique de la chercheure m’inspire certaines objections. Je m’interroge sur le fait d’appréhender la problématique nouvelle de la mobilité des cultures traditionnelles à l’aide d’un concept anthropologique ancien, celui de l’interculturalité en faisant fit de la généalogie de ses fondements théoriques. En effet, le concept d’interculturalité, utilisé pour signifier l’étude des contacts et des croisements entre cultures différentes, s’inscrit dans une longue tradition anthropologique11. Des chercheurs tels que Franz Boas (1858-1942), Melville Herskovits (1895-1963), Ruth Benedict (1887-1948), Margareth Meads (1901-1978), et Claude Lévi-Strauss (1908-2009) ont proposé tour à tour des théories d’acculturation, de transnationalisation et de bricolage culturel. Sans oublier qu’au cours de la dernière décennie, Jean-Loup Amselle (2001), sans pour autant faire l’économie d’une prise de position face au concept d’interculturalité de ceux qui étaient là avant lui, propose le concept de « branchement » poussant encore plus loin la réflexion sur les contacts transnationaux dans cette ère de globalisation des cultures.

De toute évidence, dans ces théories fondées sur les idées de cultures imaginées ou de communautés d’intérêts, le concept d’interculturel ne réfère pas à la rencontre entre cultures originaires, ethniques, nationales ou territorialisées. Et, loin des théories culturalistes ou nationalistes, le concept de culture qui permet cette articulation théorique est appréhendé comme la résultante d’un processus de subjectivation qui émerge d’individualités, voire du goût, de l’intérêt de chaque individu pour la pratique du djembé mandingue. Par conséquent, à partir de quel concept de culture l’interculturel opère-t-il ici? On nous propose qu’une culture puisse naître des transactions qui résultent de la rencontre des « subjectivités » reléguant la diversité observable et indispensable au concept fondamental de l’interculturel à celui de la diversité des imaginaires individuels. Plus encore, le lieu de rencontre : le territoire, l’espace où se construit « une » culture globale, là où se déroule la relation interculturelle, est circonscrit par une substance difficile à

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cerner, celle de « l’intérêt » (ou de l’affinité) subjectivé par un ensemble d’individus qui ont grandi et vivent dans des sociétés culturellement différentes.

Je ne rejette pas l’idée des communautés d’affinités lancée par Benedict Anderson, non plus l’idée de cultures globales ou de sociétés globales et je trouve la pensée d’une portabilité des cultures une piste de réflexion riche. Mais soyons claire, l’idée que la culture soit constamment recréée à partir des rencontres interculturelles est née d’une tradition scientifique, et bien que les recherches de Flaig s’inscrivent dans un courant théorique novateur, il aurait été intéressant que ses travaux prennent une position critique face aux travaux antérieurs puisque la thèse se réclame d’une nouvelle forme d’interculturalisme. Dans cet ordre d’idées, je cite par exemple les travaux de Laurier Turgeon dans lesquels le chercheur inscrit ses pensées dans le courant novateur des

Patrimoines métissés (2003). Il défend son angle d’approche après avoir fait une rétrospective

exhaustive des concepts de métissage et d’interculturel. En effet, l’idée de l’apparition de nouvelles formes culturelles dans les contextes de contacts entre cultures différentes a été pensée par ces nombreux chercheurs nommés précédemment et c’est à partir de leurs recherches que s’est construite l’idée même d’interculturalité. Un ancrage, même limité, dans la lignée de ceux qui réfléchissent depuis un demi-siècle sur les phénomènes interculturels aurait contribué par l’ajout de ce regard sur la mondialisation, à faire évoluer les théories de ce domaine d’étude.

Tout en m’inspirant de cette riche étude de Flaig, j’ai choisi de prendre une autre posture théorique et de me situer sur un autre terrain. Plutôt que d’ancrer mon cadre théorique dans le registre des imaginaires globaux ou transnationaux abstrait et difficile à saisir pleinement, j’ai choisi le concret de la recherche historique et de l’étude ethnographique des faits et gestes des acteurs sociaux « d’une localité donnée » : le Québec. Je souhaite donc inscrire ma réflexion dans l’étude des expériences interculturelles observables plutôt que dans l’étude des symboliques et des imaginaires12 au sens d’Appadurai (1990) et d’Erlman (1999). L’échange interculturel constitue une relation dynamique et un processus humain vivant. L’expression énonce elle-même la présence

12 Ceci étant dit, je ne dénigre pas pour autant cette approche dont l’objet est celui des symboliques issus des imaginaires des individus de la planète. J’invite le lecteur à prendre en compte que le terme imaginaire utilisé dans cette section de la thèse fait référence au contexte théorique cité précédemment énoncé par Ajun Appadurai et Veit Erlamann, et qu’il ne s’agit pas du seul terme « imaginaire » utilisé comme adjectif dans la langue française : « Qui relève du domaine de l’imagination; qui n’existe pas dans la réalité. » (Dictionnaire Antidote)

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13 de deux ou plusieurs cultures unies dans une étroite interaction, l’un se construisant par rapport à l’autre. Faut-il encore les identifier. La pratique construit l’imaginaire tout autant que l’imaginaire construit la pratique. La relation entre la pensée (l’imaginaire) et le monde matériel n’est donc pas univoque, mais dialectique, plurielle et évolutive. Reprenant les travaux de Pierre Bourdieu (1980), les anthropologues anglais Daniel Miller (1987, 1998) et Christopher Tilley (1994, 2006) ont développé la notion de « l’objectification », c’est-à-dire le processus par lequel l’idée d’un individu ou d’un groupe d’individus se concrétise dans une forme matérielle et dans les pratiques culturelles. Ils n’ont pas hésité à remettre en question le rationalisme de Descartes selon lequel l’esprit domine toujours la matière et la forme matérielle est prédéfinie dans un schéma mental avant d’être réalisée concrètement. Plutôt que de précéder la forme, l’idée se construit en même temps qu’elle, dans un va-et-vient perpétuel entre l’abstraction de la pensée et la matérialité de l’objet ou de la pratique culturelle. L’une nourrit l’autre et se fait donc constitutive de l’autre. Par exemple, dans son étude de la fabrication de paniers, Tim Ingold (2000) observe que le vannier n’a pas une représentation mentale précise de l’objet qu’il veut fabriquer, mais plutôt des compétences et un savoir-faire qui orientent son engagement avec la matière. La taille, la nature et la qualité de l’osier participeront aussi à la détermination de la forme. Le vannier compose avec la matière, travaille les matériaux en fonction des contraintes rencontrées. Chaque étape de la fabrication détermine les étapes successives. La forme émerge de cet engagement, du processus même de fabrication plutôt que de la seule pensée de l’artisan. Cette approche phénoménologique, qui met l’accent sur l’expérience concrète, peut aussi éclairer la relation entre les instruments de musique et les sons produits ou encore la relation entre des répertoires musicaux différents. Ce processus dialectique entre cognition et construction de l’objet ou du répertoire musical n’est pas limité uniquement au moment de la création; il se poursuit à travers les différents usages que l’on en fait (Miller 1987).

En terminant la revue des écrits sur le sujet, je citerai deux mémoires de maîtrise récents qui confirment l’intérêt grandissant de la recherche sur la mondialisation du djembé. Il y a d’abord celui de C. David B. Casteal, Break the Circle : The migration and return of the jembe (2010), un ouvrage universitaire publié sur ProQuest. Inspiré des travaux de Rainer Polak, Casteal tente de démontrer l’impact de l’occidentalisation du djembé sur les pratiques de cet instrument en Afrique. Le sujet est pertinent, et on ne peut qu’espérer que plus de travaux de recherche soient effectués sur ce phénomène important que j’aborde moi-même dans un des chapitres de cette thèse. Je

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propose d’envisager l’hypothèse d’une africanisation de l’Occident dans le cas de la mondialisation du djembé, plus qu’une occidentalisation de l’Afrique. C’est une question à explorer. Le travail de Casteal a cependant le défaut majeur de s’appuyer sur un seul informateur, Famoudou Konaté. Malgré toute la crédibilité du grand maître Konaté, le travail de Casteal aurait bénéficié de plus de crédibilité si ce dernier avait effectué plusieurs entrevues et mis en œuvre un processus d’itération des données.

Un autre chercheur s’est risqué sur le chemin de l’anthropologie de la mondialisation du djembé. Il s’agit de Pascal Gaudet (2007), un Québécois, lui aussi percussionniste du djembé. Son approche confirme une tendance chez les anthropologues à étudier les processus de mondialisation comme des « entités » autonomes, des « microsociétés » sans racines culturelles, qui fonctionnent dans l’abstraction des imaginaires. Cette approche révèle l’absence d’une étude approfondie des relations interculturelles dans les lieux de réception, l’absence d’études sur les impacts de cette mondialisation sur la culture mandingue en Afrique de l’Ouest, là où se déroulent les stages qui font l’objet d’étude de Gaudet et de Flaig.

Problématique

Je désire faire l’étude du djembé au Québec en tant qu’une pratique africaine appropriée par les Québécois, et inscrire cette recherche dans ces initiatives novatrices : faire l’étude locale d’un phénomène globalisé. Je considère, dans ma problématique, que la pratique du djembé africain est soumise à une dynamique d’interconnectivité constante entre le local et le global. En effet, les passeurs internationaux de la culture mandingue du djembé, les Grands Maîtres, ont des écoles dans toutes les grandes villes du monde et Internet favorise le flot continu des communications et par le fait même la transmission des savoirs faire de ces maîtres. De plus, grâce aux transports aériens, les apprentis n’hésitent pas à voyager en Afrique pour s’alimenter directement à la source culturelle. Et puis, il y a les technologies d’enregistrement, les supports vidéo et audio, de même que l’enregistrement des cours par les étudiants, prolongent la présence des Maîtres en leur octroyant une forme d’ubiquité. L’innovation de cette recherche est de démontrer que l’emprunt culturel, qui résulte des processus de la mondialisation des cultures, est un phénomène culturel observable et mesurable depuis son contexte local d’appropriation. Mon hypothèse est que le

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15 Québec, plein de ressources humaines créatives, n’est pas subordonné aux pratiques mondialisées, mais que cette société « localise » plutôt le global. Pour en faire la démonstration, je répondrai à cette question : quelle est l’histoire et quels sont les usages sociaux du djembé au Québec?

Les scientifiques qui font l’analyse des processus qui mondialisent la culture tendent à se positionner selon deux grandes écoles de pensées. D’un côté, il y a ceux qui perçoivent l’homogénéisation13, celle d’une globalisation capitaliste dominatrice provenant des uns et s’imposant en prédatrice aux autres, une mondialisation subie. À cet égard, on brandit le spectre d’une sorte de drainage de toutes traditions et généalogies identitaires au profit d’un œcuménisme culturel (Hannerz 1992 : 218) d’intérêt capitaliste, une tendance qui aurait dans le cas du Québec l’effet d’évacuer l’autodétermination d’un peuple qui a tant travaillé pour l’obtenir.

À l’opposé, il y a ceux qui observent que la mondialisation n’empêche en rien l’expression des singularités culturelles au sein des localités. Dans cette orientation, on retrouve des études portant sur la circulation des objets en contexte de mondialisation (Appadurai 2000 : 27-47; Featherstone, 1995 : 6-13; Howes, 1996), qui démontrent plutôt les faits et processus de changement des cultures, alors que des mécanismes d’appropriation et d’adaptation entrent en action afin d’inscrire un caractère nouveau aux objets et aux pratiques culturelles, en leur attribuant de nouveaux usages et de nouvelles fonctions identitaires. Cette deuxième approche est celle que j’ai choisie. Dans cette histoire singulière du djembé au Québec, quels sont les sens et usages sociaux que cette société a attribués à l’objet, à ses pratiques et répertoires mandingues appropriés? Quel rôle joue l’Afrique de l’Ouest dans le paysage culturel québécois du djembé? Analysés sous l’angle des transferts interculturels, les processus de mondialisation font partie intégrante des éléments du contexte culturel québécois et de son environnement (Ingold 2000). Devant les deux façons de penser la mondialisation (globale et locale), on serait porté à conclure qu’en tant que processus concret d’action, la globalité homogénéise alors que la localité singularise en absorbant la diversité qui la traverse. Pour ma part, je choisis l’hypothèse de la singularisation par des processus de recréation qui remodèlent l’objet et les pratiques appropriées, afin de répondre aux besoins fonctionnels de la société.

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Une telle hypothèse m’amène à étudier concrètement le djembé en tant qu’une pratique culturelle africaine appropriée par les Québécois, et ce, sous l’angle d’un patrimoine culturel en transit et en devenir. Dans mon cadre théorique, la transformation de l’objet tambour et l’adaptation de ses pratiques africaines ne seront pas considérées comme une forme de perte ou de culture inventée (Amselle 1990; Turgeon 2003; Gruzinski 1999). En effet, l’appréhension du phénomène à partir d’un concept de culture dynamique, toujours en changement, évitera d’interpréter comme une forme de dégénérescence culturelle les adaptations québécoises des pratiques et de l’objet lui-même le djembé. L’origine africaine du tambour est le point de départ certes, mais non pas un point de perfection ou un critère d’authenticité.

À cet effet, Laurier Turgeon (2003) parle de « décentrer le patrimoine », de ne pas appréhender les objets et les pratiques culturelles comme des données pour lesquelles le moindre changement constitue une détérioration ou une perte d’authenticité. D’ailleurs, l’analyse des changements, des transferts et des métissages culturels du point de vue de leur dégradation placerait la chercheure que je suis dans une position de départ impliquant que son objet d’étude soit figé. Selon Amselle (1990), le concept de culture figée est le fondement d’une « raison ethnologique », laquelle, s’inscrivant dans l’anthropologie culturaliste, appréhende la culture comme des isolats, ne pouvant concevoir le mélange entre cultures que du seul point de vue de la dégradation : « Les cultures ne sont pas situées une à côté de l’autre […] sans portes et sans fenêtres » nous dit Amselle; « elles prennent place dans un ensemble mouvant, qui est lui-même un champ structuré de relations » (Amselle 1990 : 55). D’ailleurs, l’histoire nous enseigne que notre présent est l’héritage d’une longue lignée de métissages. Et Gruzinski (1999), par ses réflexions et analyses historiques sur la « pensée métisse », nous invite à ne pas attribuer au seul fait de la mondialisation et du postmodernisme, le phénomène des mélanges culturels de notre temps puisque ce procédé a de tout temps existé. Finalement, c’est une chose de dire que les éléments et les êtres se mélange, il en est une autre de comprendre comment ces mélanges s’opèrent (Gruzinski 2001). Cet énoncé traduit bien l’objectif de cette étude, j’espère démontrer, par l’étude des usages du djembé au Québec, par quelle alchimie les cultures québécoises et d’Afrique de l’Ouest se mélangent dans ce contexte de mondialisation.

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Méthodologie

L’environnement socioculturel complexe du Québec combiné au fait que les données sur le sujet traité dans cette thèse sont inexistantes ont motivé mon choix de la recherche fondamentale empirique et multidisciplinaire. En effet, la société Québecoise se caractérise par son multiculturalisme, son interculturalisme et sa dynamique d’adaption continue à son environnement, celui de la mondialisation. Comprendre un phénomène culturel par l’étude des usages sociaux d’une société qui possède de tels caractéritiques nécessite une approche méthodologique flexible, ouverte, qui ratisse large. Afin de maintenir l’ordre dans la démarche, pour construire le corpus de cette recherche j’ai choisi des approches qui ont en commun les mêmes fondements théoriques, ceux de l’ethnologie. J’ai questionné mon sujet selon trois angles fréquemment utilisés dans cette discipline : approches historiques, ethnographiques et techniques.

Pour extraire du terrain les données pertinentes à cette recherche, sous ces différents angles, je me suis inspiré des fondements méthodologiques et théoriques de plusieurs chercheurs clés des différentes pratiques ethnologiques dont Marcel Mauss, Clifford Geertz, Alan P. Merriam, André Leroi-Gourhan et de certains de leurs héritiers dont Pierre Lemonnier, Jean-Loup Amselle, Arjun Appadurai et Jean-Pierre Warnier. Mais, pour cadrer l’ensemble de la démarche méthodologique j’ai choisi un modèle ethnographique englobant : le modèle ethnographique de Timothy Rice. Sa méthodologie a la qualité de proposer un cadre structurant tout en étant perméable aux sous-approches méthodologiques suceptibles de nourrir la recherche. La raison de cette perméabilité, c’est son ancrage dans les fondements traditionnels de l’ethnologie dont les questions théoriques sont universelles aux disciplines sœurs. La méthode ethnographique de Rice offre la flexibilité nécessaire à la construction en amalgame des approches voisines plus contemporainnes. Ici, dans le cas des usages sociaux du djembé au Québec, il s’agit de l’ethnomusicologie, de l’anthropologie, de l’ethnologie de l’objet ou la culture matérielle, de l’ethnologie historique ainsi que de l’ethnologie des techniques matérielles et immatérielles du point de vue praxéologique.

Modèle ethnographique

Voici comment le modèle ethnographique de Timothy Rice se prête complètement à l’approche multidisciplinaire choisie pour cette thèse. Rice propose d’appliquer le modèle de Clifford Geertz

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présenté dans The Interpretation of Culture (1973)14, qui comporte trois niveaux : le construit historique, le maintien social ou les institutions, et l’expérience ou la création individuelle, aux trois niveaux du modèle d’Allan P. Merriam dans « The anthropology of music »15 c’est à dire : « sound, concept, behavior ». Le tableau ci-dessous illustre bien ce modèle ethnographique.

Ainsi, pour chaque niveau du modèle de Merriam, Rice pose les questions de Geertz, c’est-à-dire : « how do people, historically construct, socially maintain et individually create or experience

music : « sound, concept, and behavior ». En français on dira : comment les gens, construisent-ils

historiquement, maintiennent-ils socialement et créent-ils individuellement la musique. Et selon la théorie de Merriam, la musique sera étudiée sous trois angles : les sons, les concepts et les comportements.

Les niveaux du modèle

Historique

L’utilisation du modèle de Rice me conduit à faire l’étude des pratiques du djembé en tant que forme construite historiquement au Québec, afin de découvrir les processus de changement dans le temps, ainsi que les processus de recréation des répertoires, des modes de production des sons, des

14 Clifford GEERTZ, The interpretation of culture, N.Y. Basic Books, 1973, pp. 363-364.

15 Alan P.MERRIAM, The anthropology of Music, Evanston, H, Nothwestern University Press, 1964. Tableau 1 - Modèle ethnographique de Timothy Rice

How do people?

Timothy Rice, « Toward the Remodeling of Ethnomusicology » dans Ethnomusicology, Society for Ethnomusicology. Vol. 31, No.3, pp. 469-488. (1987)

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19 stratégies d’écoute et de participation des auditeurs. Aux dimensions des sons, des concepts et des créations individuelles j’ai ajouté celle de l’objet, le tambour. L’approche synchronique est également complémentaire à l’approche diachronique, elle permet de cibler les étapes de transformation dans leurs contextes sociaux, politiques et culturels. L’une et l’autre de ces approches historiques mettent en exergue l’aspect dynamique de la tradition jamais explorée auparavant entre l’Afrique et le Québec, des transferts interculturels et des relations impliquées dans l’histoire, autant du point de vue local que transnational.

La période historique visée pour l’étude du djembé au Québec est celle qui va des années 1970 jusqu’en 2014. Puisque le djembé est un transfert de l’Afrique vers le Québec, l’historique du tambour lui-même sera aussi exposé. De plus, le contexte qui couvre la période de décolonisation et des mouvements de solidarité internationale de la Francophonie sera aussi pris en compte. Par ailleurs, le recoupement des informations entre différents informateurs pointe vers des événements phares tels que l’Expo 67, la Superfrancofête de 1974, la présence sur les ondes radio du premier

single de musique africaine, « Yamakneh »16 par le groupe Toubabou ainsi que la présence du conga17 en Amérique du Nord. L’analyse de ces événements contextualise l’arrivée du djembé au Québec en contre-jour des grands changements mondiaux qui survenaient à cette époque. Les données historiques concernant le niveau des « sons », des « concepts » et des « modes de production » ont été collectées à partir des entrevues lors de mes enquêtes orales.

16 Enregistrée sur le disque Le Blé et le Mil, (live) Toubabou, ProgQuébec, 1974. 17 Conga est utilisé au masculin au Québec. Voir l’annexe A pour une illustration.

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Maintien social

Le maintien social nous amène à comprendre la façon dont la musique et la sémantique sociale de l’objet d’étude sont soutenues, encouragées et altérées par les institutions. J’entends ici par institutions les formes de structures sociales établies par la loi ou les coutumes18, par exemple : les gouvernements, l’enseignement public, les formes d’arts et de spectacles, les modèles économiques. L’étude de ces processus permet aussi de cerner les systèmes de croyances et de valeurs en présence, ainsi que l’écologie, l’économie du tambour et le patronage de la musique. Ce niveau d’analyse donne accès à la structure sociale de la musique : le rôle et statut social des musiciens, les aspects de la censure, le contexte de performance, les conventions, etc. La gouvernance peut aussi avoir un impact sur la musique. Par exemple, le gouvernement québécois est manifestement impliqué dans l’implantation des pratiques africaines traditionnelles du djembé au Québec, par ses programmes d’aide au perfectionnement des artistes québécois. Plusieurs musiciens professionnels spécialisés en musique africaine et en djembé, dont Francine Martel et Daniel Bellegarde, ont bénéficié de bourses gouvernementales à partir des années 1980, pour étudier en Afrique et aux États-Unis.

On peut aussi considérer le maintien social du point de vue des écoles de djembé. La fermeture de plusieurs écoles de percussions entre 2012 et 2013 et l’invention de nouvelles formes de pratiques percussives comme le teambuilding dans les entreprises démontrent l’importance du maintien social de cette pratique culturelle. Il s’agit d’un aspect de la recherche qui a tout à voir avec les systèmes de pérennisation qui annonce peut-être la naissance des nouveaux patrimoines. Durant les événements du djembé, je me demande quelles sont les pressions collectives pour le maintien des comportements musicaux. Quelle est la place de l’Africain comme autochtone de sa culture au sein des collectivités-écoles québécoises?

Individuellement, créée et expérimentée

Ce niveau de recherche et d’analyse permet de comprendre l’importance et le rôle des individus dans le fait social musical. Il donne aussi accès à l’unicité d’un groupe ou d’une société. On cherche l’organisation cognitive, les processus de création qui émergent de l’expérience musicale. En ce qui concerne cette recherche, c’est par les initiatives d’un ensemble d’individus que se sont

Figure

Figure 1  - Revue Fameq, Vol 21, No1, 2006 ©  Fameq
Figure 2 - Teambuilding animé par Samajam, photo extraite du site http ://www.samajam.com/
Tableau 1 - Modèle ethnographique de Timothy Rice
Tableau 2 - Tableau des entrevues dans les écoles de djembé Montréal   Directeur/trices  Professeurs  Relevés
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