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Principaux messages

Le protectionnisme semble de nouveau être ascendant dans certains pays développés, tandis que les pays en développement appliquent de plus en plus des mesures

de protection de leur commerce contre d’autres pays en développement.

Le commerce avec les pays à économie de marché émergents, notamment avec la Chine, l’Inde, le Brésil et la Turquie, a diversifié le commerce de l’Afrique, l’éloignant d’une excessive dépendance à l’égard des marchés habituels. Cependant, ce commerce se concentre dans les exportations des produits de l’industrie extractive et il ne suffira pas à lui seul pour soutenir l’industrialisation africaine qui, au contraire, doit valoriser les possibilités du commerce intra-africain.

Celui-ci contribue beaucoup plus à la croissance des exportations de produits à forte valeur ajoutée et industriels de l’Afrique que ne le fait le commerce de l’Afrique dans tout autre marché.

Recommandations

Les pays africains devraient exploiter le ralentissement apparent de la création des méga-accords commerciaux régionaux et profiter de ce répit pour créer une ZLEC forte et unifiée qui sera mieux placée pour résoudre à l’avenir les problèmes commerciaux.

La ZLEC devrait donc se présenter comme une plateforme permettant de solidifier la position de l’Afrique sur les nouvelles questions commerciales telles que le commerce électronique, les micro, petites et moyennes entreprises, la réglementation intérieure des services et la facilitation des investissements.

L’Afrique devrait agir pour que la politique commerciale du Royaume-Uni après le Brexit et son aide publique au développement liée au commerce renforcent vraiment l’intégration continentale, notamment la ZLEC. Pareillement, l’Afrique devrait envisager d’utiliser l’occasion du Brexit pour rouvrir les débats sur les accords de partenariat économique pour mieux défendre les intérêts commerciaux du continent.

Les dirigeants africains devraient utiliser l’occasion du Brexit pour s’assurer que les projets d’intégration en Afrique, notamment la ZLEC, tiennent bien compte des pièges potentiels de l’intégration et soient à même de remédier à leurs causes profondes, notamment la crainte, dans la population, d’une perte de souveraineté.

Les dirigeants africains devraient également conclure l’accord de la ZLEC et pousser l’intégration continentale de façon que l’Afrique puisse aborder d’un front unique

les États-Unis au lendemain de la suppression de l’AGOA.

Cela permettra de s’assurer que telle ou telle zone de libre-échange avec des pays consentants, comme dans le cadre de l’actuelle stratégie appliquée par les États-Unis, ne compromet pas l’intégration continentale.

Chapitre 10 : La deuxième phase des négociations – concurrence, droits de propriété intellectuelle et commerce électronique

Principales constatations

La deuxième phase des négociations de la ZLEC devrait aborder la concurrence et les droits de propriété intellectuelle, et il sera possible aussi de traiter les questions relatives au commerce électronique et à l’économie numérique. Ces négociations devraient commencer uniquement après l’achèvement des négociations relatives aux biens et services.

Les pays africains sont diversement affectés par les pratiques anti-concurrentielles, de sorte qu’une démarche régionale est nécessaire pour faire face aux problèmes soulevés par les cartels transfrontaliers, fusions, acquisitions et abus. La législation nationale de la concurrence a une compétence « territoriale » et ne peut donc pas résoudre les pratiques transfrontières contraires à la concurrence. La ZLEC peut être le cadre d’un examen de ces questions. À cet effet, elle pourra s’inspirer de la méthode suivie par le COMESA pour le règlement de difficultés liées aux questions de concurrence transfrontalière..

Sur le plan de la forme comme du fond, les échecs essuyés concernant les questions de propriété intellectuelle expliquent la réticence manifestée à l’égard des accords commerciaux, notamment l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’OMC et l’expérience précoce de la CAE à ce sujet.

En Afrique, l’innovation est différente car elle est surtout le fait du secteur informel et a lieu en l’absence même d’institutions efficaces de défense des droits de propriété intellectuelle : l’inclusion de cette question dans la ZLEC doit en tenir compte. Historiquement, les formes de protection de la propriété intellectuelle ne peuvent s’implanter en l’absence d’institutions robustes de défense de ces droits ; les institutions risquent d’être mal adaptées au contexte africain où l’industrie

fonctionne avec succès sans législation de la propriété intellectuelle.

Le commerce électronique et la montée en puissance de l’économie numérique entraînent des bouleversements dans les secteurs économiques habituels, avec l’émergence de produits et services numériques nouveaux. L’ampleur de ce processus est considérable et retentira sur le commerce et l’industrialisation de l’Afrique.

Recommandations

Un cadre devrait être défini pour appliquer toute décision d’élaborer une législation et une politique de la concurrence dans le cadre des négociations de la ZLEC.

À cet égard, les politiques et les législations qui existent aux niveaux national et régional doivent être prises en compte.

La ZLEC est l’occasion de combler des lacunes et de renforcer la législation existante aux niveaux intérieur et régional. Elle devrait aider les pays qui n’ont pas de législation de la concurrence à en adopter une, en conformité avec une méthode convenue dans le cadre du continent.

Les États membres de la ZLEC doivent adopter des mesures relatives aux enjeux spécifiques et prioritaires suivants :

• Se mettre d’accord sur un objectif commun de la politique de la concurrence dans le cadre de la ZLEC;

• Définir et interpréter les dispositions de la législation actuelle de la concurrence, repérer les lacunes dans chacune des méthodes appliquées et trouver un moyen de rationaliser les systèmes dans le cadre d’une législation de la concurrence ;

• Définir d’autres paramètres ou d’autres domaines du droit qui seront nécessaires pour faciliter l’application d’une législation de la concurrence à l’échelle de la ZLEC, formuler les principaux éléments de cette législation et les synchroniser avec la démarche choisie pour permettre une application sans heurt ;

• Obtenir la coopération des divers États membres et de leurs organismes ;

• Rationaliser les principales questions de droit public international, régional et national qui pourraient retentir sur la légalité d’un régime de la concurrence de la ZLEC ;

• Prêter attention aux questions de protection du consommateur, les distinguer de celles de la concurrence et se demander comment faire face à la diversité des législations et dispositifs institutionnels dans ce contexte.

Un protocole de coopération à l’application de la législation et de la politique de la concurrence dans le cadre de la ZLEC devrait être établi pour faciliter l’application des dispositions relatives à la concurrence.

Un accord concernant la propriété intellectuelle dans le cadre de la ZLEC doit surmonter plusieurs obstacles, liés notamment au chevauchement de plusieurs organisations sous-régionales de défense des droits de propriété intellectuelle, à la multiplicité des questions de propriété intellectuelle dans les CER et à leur absence d’adéquation avec l’ensemble des objectifs de développement du continent. L’accord à prévoir devrait prendre en compte la réticence manifestée à l’égard de l’inclusion des questions de propriété intellectuelle dans les accords de libre-échange. Pour cela, il faut examiner les exigences particulières de l’innovation en Afrique en appliquant des principes de fond et de forme appropriés.

Sur les questions de forme, un accord de la ZLEC portant sur la propriété intellectuelle devrait être négocié, tandis que sur les questions de fond, un accord de cette nature devrait aborder les problèmes qui se posent expressément en Afrique à cet égard.

Une stratégie africaine du numérique industriel devrait chercher à valoriser les possibilités qu’offrira l’économie numérique et à résoudre les difficultés qu’elle suscitera.

La ZLEC devrait être le cadre tout indiqué pour définir une position commune sur les règles du commerce électronique et pour établir un marché intégré des entreprises numériques proprement africaines.

Chapitre 1

Introduction

La création d’une zone de libre-échange continentale (ZLEC) est une étape majeure dans la longue marche vers l’intégration africaine. Comme prévu dans le Traité portant création de la Communauté économique africaine (communément appelé Traité d’Abuja), entré en vigueur en 1994, le processus d’intégration a pour point culminant l’avènement de la Communauté économique africaine. Le chapitre 2 fait le point sur l’intégration économique de l’Afrique.

La ZLEC vise à libéraliser les échanges entre les pays sur toute l’étendue du continent et à faire fond sur les succès considérables déjà obtenus au sein des communautés économiques régionales (CER). Ce faisant, la ZLEC devrait faciliter les échanges intra-africains, favoriser des chaînes de valeur régionales propices à l’intégration dans l’économie mondiale, ainsi que dynamiser l’industrialisation, la compétitivité et l’innovation, contribuant ainsi au progrès et au développement socio-économiques de l’Afrique. Ces questions ont été évoquées dans plusieurs éditions précédentes de l’État de l’intégration régionale en Afrique, notamment la cinquième (ARIA V), dans laquelle a été exposée la raison d’être de la ZLEC.

L’approche développementiste de la ZLEC est solidement ancrée dans les réalités de l’économie politique et les défis du développement de l’Afrique.

Tout accord commercial doit refléter une combinaison de considérations générales en matière de d’économie politique, que sous-tendent des principes tels que la géométrie variable, la flexibilité ainsi qu’un traitement spécial et différencié. Ces principes se traduisent généralement par des modalités telles que les exceptions et les exclusions, le calendrier d’exécution des engagements, les mesures correctives commerciales, etc.

Initiative ambitieuse concernant le deuxième continent le plus important du monde, la ZLEC comprend les 55 États membres de l’Union africaine et les huit CER reconnues par celle-ci, qui disposent de nombreux cadres juridiques de libéralisation des échanges, auxquels s’ajoute une initiative tripartite d’intégration régionale concernant trois des CER. Le défi qu’il convient

à présent de relever consiste à faire en sorte qu’ambition rime avec mise en œuvre. Pour emprunter une formule utilisée par Nkosazana Dlamini-Zuma, ancienne Présidente de la Commission de l’Union africaine, lors d’une réunion tenue le 6 octobre 2014, « je ne crois pas que l’Afrique manque de politiques. Ce qui nous reste à faire c’est de les appliquer et je pense que c’est là que le bât blesse ». Le réalisme commande que l’on ait une compréhension aiguë de l’économie politique de l’intégration et des conséquences de la mise en œuvre de réformes commerciales. C’est pourquoi le chapitre 3 porte sur l’économie politique de la ZLEC, offrant une approche conceptuelle permettant d’en saisir le sens.

La ZLEC sera plus qu’un accord traditionnel de libre-échange et comprendra plusieurs éléments d’un marché unique. Le champ de l’accord sur la ZLEC (évoqué au chapitre 4) englobe le commerce des biens et services, l’investissement, les droits de propriété intellectuelle et la politique de concurrence

; en revanche, un accord traditionnel de libre-échange n’exigerait que l’élimination des tarifs et des quotas sur le commerce des marchandises. Les normes et les règlements concernant les services, par exemple, sont généralement harmonisés lorsqu’est créé un marché unique. L’inclusion des services dans les négociations, en plus du commerce des marchandises, revient à reconnaître que pour les chaînes de valeur du XXIe siècle les services jouent un rôle crucial dans la production des marchandises échangées. Le secteur des services contribue déjà pour une part substantielle à la production de la plupart des économies africaines.

La ZLEC constitue également le premier projet phare dans le cadre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine et une initiative majeure qui peut permettre à l’Afrique de faire fond sur les progrès déjà accomplis pour atteindre plusieurs objectifs de développement durable, notamment l’élimination de la pauvreté (objectif 1), la sécurité alimentaire (objectif 2), l’égalité des sexes (objectif 5), l’énergie propre et bon marché (objectif 7), les emplois décents et la croissance économique (objectif 8), l’industrie, l’innovation et l’infrastructure (objectif 9), la réduction des inégalités (objectif 10), une attitude responsable en matière de consommation et de

production (objectif 12), l’action pour le climat (objectif 13), la paix, la justice et des institutions fortes (objectif 16) et des partenariats pour la réalisation des objectifs (objectif 17). La communauté internationale doit se concentrer sur l’objectif 1 en honorant son engagement selon lequel « nul ne sera laissé pour compte… en commençant par ceux qui sont en queue de peloton ».

Le chapitre 5 s’appesantit sur cet engagement et met en exergue le rôle de la ZLEC en tant que moyen d’éliminer la pauvreté. Il montre comment différents pays aux configurations économiques variées peuvent bénéficier de la ZLEC et de ses effets redistributifs au niveau infranational et au sein des groupes vulnérables. Il est essentiel que les avantages de la ZLEC soient partagés de façon équitable sur tout le continent (une approche doublement gagnante).

Le projet d’accord sur la ZLEC progresse parallèlement à l’application du Plan d’action pour l’intensification du commerce intra-africain, qui vise à desserrer les contraintes et à résoudre les problèmes du commerce intra-africain dans le cadre de sept groupes thématiques prioritaires : politique commerciale, facilitation des échanges, capacités productives, infrastructure liée au commerce, financement du commerce, information commerciale et intégration des marchés des facteurs. L’application effective du Plan d’action sera d’importance décisive pour réduire au minimum les difficultés et porter au maximum les gains de la libéralisation des droits de douane et faire ainsi en sorte que toutes les entreprises africaines et tous les pays africains puissent bien profiter de la ZLEC. Il est tout aussi important de se pencher sur le contenu de l’accord, notamment les dispositions sur les barrières non tarifaires, les services, l’investissement, la libre circulation des personnes, les mesures correctives commerciales, le suivi et l’évaluation. Tant les mesures d’accompagnement du Plan d’action que le contenu de l’accord sur la ZLEC sont examinés au chapitre 6, qui passe en revue les politiques jugées cruciales pour faire de la ZLEC une approche doublement gagnante.

Le financement de la ZLEC fait l’objet du chapitre 7.

On y présente un cadre d’analyse des coûts de mise en œuvre, y compris les coûts d’ajustement structurel, tant pour le secteur privé que pour le secteur public.

La mobilisation des ressources intérieures et l’aide au développement sont également examinés en tant que mécanismes de financement de cette initiative.

Au cœur de la ZLEC, se trouve une approche développementiste qui reconnaît la nécessité, d’une part, de libéraliser le commerce et, d’autre part, d’accroître les capacités de production et de promouvoir la transformation. Non seulement cette approche est peu conventionnelle, mais elle laisse délibérément de côté de nombreux aspects du calendrier soigneusement défini de la progression du Traité d’Abuja vers la Communauté économique africaine. Pour poser le cadre juridique de l’accord sur la ZLEC, une des solutions serait un amendement au Traité d’Abuja, qui aurait pour effet d’actualiser ce dernier et de réorienter sa mise en œuvre vers l’enjeu du moment, à savoir l’avènement de la ZLEC. Ces questions sont évoquées dans le chapitre 8, qui passe en revue les questions relatives à la gouvernance du commerce, notamment le rôle des CER au niveau régional et les partenariats stratégiques public-privé au niveau national.

Le chapitre 9 replace la ZLEC dans le contexte d’un monde en mutation. Alors que l’Afrique a placé le « régionalisme développementiste » au cœur de sa stratégie de croissance et de transformation structurelle, les tendances mondiales actuelles illustrent un scepticisme croissant à l’égard de l’intégration régionale et des accords commerciaux. Aussi est-il crucial que l’Afrique ne renonce pas aux engagements qu’elle a pris de mettre en œuvre, grâce à la ZLEC, la libéralisation du commerce à l’échelle continentale et les réformes structurelles qui vont avec. Le commerce reste un moteur important de la productivité, de la croissance et du progrès social.

C’est aussi un outil important pour mettre en œuvre et financer le programme de développement de l’Afrique.

Toutefois, les préoccupations que suscite actuellement la répartition inéquitable des avantages du commerce exigent que l’on s’efforce de mettre en place une ZLEC progressiste et favorable aux pauvres (comme on le verra aux chapitres 5 et 6). Cet aspect est important dans un monde marqué à la fois par les récents bouleversements tectoniques ayant secoué plusieurs grands partenaires commerciaux internationaux et par une stagnation des négociations commerciales multilatérales.

Enfin, le chapitre 10 se projette déjà dans la deuxième phase des négociations sur la ZLEC et passe en revue les principaux enjeux en ce qui concerne l’élaboration d’une politique de concurrence et de régimes de droits de propriété intellectuelle qui soient propices

au développement. Il expose également les raisons justifiant l’inclusion du commerce électronique dans la deuxième phase des négociations, au vu de la numérisation rapide des économies modernes.

Chapitre 2

L’État de l’intégration régionale en