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tarifaires et incidence des flexibilités dans les différents pays

Les pertes agrégées de recettes tarifaires sont modestes par rapport aux gains de bien-être, mais cette agrégation masque une hétérogénéité significative entre pays. Ici, nous évaluons l’incidence des pertes de recettes tarifaires au niveau des pays en utilisant un modèle d’équilibre partiel simple et trois scénarios : une libéralisation totale, dans laquelle les tarifs sont complètement éliminés sur toutes les importations

intra-africaines, une liste d’exclusions de 1 % et une liste d’exclusions de 5 %.

Les listes d’exclusions sont modélisées afin que, pour chaque pays, les premiers 1 ou 5  % des lignes tarifaires entraînant les recettes douanières les plus élevées (équivalant à 52 ou 104 différents produits, respectivement, du niveau de détail 6 du Système harmonisé (HS6)) soient exclus de la libéralisation.

Cela permet une forme d’exclusion de produits plus efficace que celle qui est modélisée dans le paragraphe précédent, dans lequel c’est le secteur le plus protégé qui a été exclu. Ce faisant, on obtient une approximation de la répartition des listes d’exclusions, bien que dans la pratique leur application varie.

Le modèle offre une perspective d’équilibre partiel à court terme. Il se compose de trois parties  : une élimination «  choc  » des droits de douane sur le commerce intra-africain  ; un effet de substitution qui fait que les produits précédemment importés sont remplacés par de nouveaux produits africains exempts de droits de douane ; et un effet sur la demande, qui fait qu’un produit devenu moins cher est davantage demandé2. L’avantage d’un tel modèle est de générer des résultats qui démontrent l’incidence immédiate sur les recettes tarifaires à court terme. Il nous permet également d’introduire les effets du détournement du commerce et de la création d’échanges, ce qui aide à analyser les changements très spécifiques apportés au calendrier de libéralisation de chaque pays et à évaluer de manière détaillée les listes d’exclusions. L’encadré 5.1 résume les mérites et les défauts de cette approche de modélisation par rapport à ceux du modèle d’équilibre général calculable (EGC) présenté plus haut.

Le modèle EGC peut être considéré comme étant approprié pour estimer les incidences à moyen ou long terme et les conséquences de l’interaction de nombreux secteurs ou celles des ajustements macroéconomiques.

Le modèle EP est précieux lorsque ces conséquences sont à court terme et très détaillées. Avec ce modèle, les résultats dépendent également de moins d’hypothèses et les données sont disponibles pour presque tous les pays africains. L’approche EP s’avère utile pour comparer entre pays africains les estimations de l’incidence immédiate sur les pertes de recettes tarifaires.

Les résultats montrent la part des pertes de recettes tarifaires dans le montant total des recettes tarifaires

pour chaque pays. Ils varient d’un pays à l’autre, selon la composition des importations et le profil tarifaire (figure 5.1). Les pays ayant des tarifs douaniers initiaux élevés sur les échanges intra-africains et ayant de gros volumes d’importations intra-africaines essuient les pertes les plus lourdes, en particulier la République démocratique du Congo, Sao Tomé-et-Principe et le Zimbabwe, où le manque à gagner dû à la libéralisation des importations africaines dépasse les 20 % du total des recettes tarifaires.

Les importations de la République démocratique du Congo viennent en grande partie d’Afrique du Sud et de Zambie, qui n’ont pas encore libéralisé le commerce dans le cadre de l’accord de libre-échange de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Il en va de même pour le Zimbabwe, où 99 % des recettes tarifaires sont perdues sur les importations en provenance des pays de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU). Si l’Accord de libre-échange de la SADC était appliqué dans ces pays, l’impact de la ZLEC serait moindre. À Sao Tomé-et-Principe, 97 % des pertes de recettes tarifaires portent sur les combustibles minéraux en provenance d’Angola.

Le pouvoir des listes d’exclusions est également démontré. Même avec une liste d’exclusions de 1  %, ce qui équivaut à 52 produits, les pertes de recettes tarifaires pour la République démocratique du Congo passent de 36  % à 15  %. Le taux moyen des pertes de recettes tarifaires pour tous les pays passerait de 8 % à seulement 1 %, si chaque pays appliquait avec une efficacité totale une liste d’exclusions de 1  % pour protéger les recettes tarifaires. Avec une liste d’exclusions de 5  %, les recettes tarifaires tombent à 0,3 % pour le pays moyen.

L’efficacité exceptionnelle des listes d’exclusions dans ce contexte est due à la nature particulièrement concentrée du commerce intra-africain  : 1  % des lignes tarifaires correspond à 74 % des importations africaines pour le pays africain moyen. Par exemple, Sao Tomé-et-Principe importe un total de seulement 26 lignes de produits provenant d’autres pays africains, sur un total possible de 5 205 lignes. En excluant même un seul produit lié aux carburants minéraux, ce pays peut protéger 97 % de ses recettes tarifaires sur des importations africaines.

D’autres exemples sont éloquents. Au Cameroun, 50 % des pertes de recettes tarifaires sont dues uniquement

à la libéralisation des importations de pétrole africain, principalement en provenance du Nigéria. Pour la République centrafricaine, les 10 premiers produits

représentent 47 % de toutes les importations africaines.

Pour la Gambie, les deux premiers produits - le ciment Encadré 5.1

Modélisation des pertes de recettes tarifaires grâce aux modèles d’équilibre partiel et d’équilibre général calculable

Deux grands types de modèles économiques sont utilisés pour évaluer les implications des accords commerciaux : les modèles d’équilibre partiel (EP) et les modèles d’équilibre général calculable (EGC). Chaque approche offre une perspective différente, avec ses propres avantages et limites. Une combinaison des deux permet d’obtenir l’évaluation la plus complète des effets de la libéralisation du commerce.

Niveau de détail pour le modèle

EP  : peut fournir des résultats très détaillés, pour chaque produit et pour chaque pays dont les données sont disponibles. Les exigences en matière de données sont moins strictes pour le modèle EP que pour le modèle EGC.

EGC : exige un degré d’agrégation, à la fois pour les produits regroupés dans des catégories plus larges et entre les pays, en particulier lorsque l’analyse comprend des pays pour lesquels les données techniques requises, comme les matrices de comptabilité sociale, ne sont pas disponibles. La modélisation EGC des pays africains comprend généralement des agrégations telles que « Reste de l’Afrique de l’Ouest » et « Reste de l’Afrique centrale », par exemple.

Interaction entre secteurs

PE : exclut les effets d’équilibre général tels que l’ajustement au sein des entreprises, des secteurs et des ménages, ainsi qu’entre eux. Il représente donc une perspective à court terme de l’incidence immédiate des accords commerciaux.

EGC : représente mieux l’horizon à moyen ou long terme dans lequel s’inscrit l’action des entreprises et des ménages visant à ajuster pleinement leurs modes de production et de consommation en réponse aux variations des prix domestiques et internationaux. Le capital et le travail peuvent également passer d’un secteur à l’autre, et les ménages peuvent ajuster leurs habitudes de consommation en réponse aux changements de prix et de revenus.

Ajustements macroéconomiques

EP : représente l’impact immédiat à court terme de la libéralisation du commerce et ne modélise pas les ajustements macroéconomiques, tels que les variations du taux de change, ni ne rend compte de leur impact.

EGC  : peut inclure des macro-agrégats à long terme tels que la croissance économique, l’investissement et les variations du taux de change.

Modèle s’appuyant sur des hypothèses ou des données 

EP  : repose sur relativement peu d’hypothèses, ses résultats étant en grande partie fonction des données sur lesquelles il s’appuie.

EGC : un nombre relativement important d’hypothèses sont nécessaires pour produire des résultats avec le modèle EGC (par exemple, les questions de savoir si les salaires ou le chômage s’adaptent au marché du travail ou si l’épargne ou la dette s’adaptent au marché des capitaux) et diverses élasticités déterminant la réactivité des différentes valeurs aux différents chocs.

Le modèle EGC peut être considéré comme étant approprié pour estimer les incidences à moyen ou long terme et les conséquences de l’interaction de nombreux secteurs ou celles des ajustements macroéconomiques. Le modèle EP est précieux lorsque ces conséquences sont à court terme et très détaillées. Avec ce modèle, les résultats dépendent également de moins d’hypothèses et les données sont disponibles pour presque tous les pays africains. L’approche EP s’avère utile pour comparer entre pays africains les estimations de l’incidence immédiate sur les pertes de recettes tarifaires.

Portland et l’extrait de malt -représentent 28  % de l’ensemble de ses importations africaines.

La capacité des listes d’exclusions à limiter les pertes de recettes tarifaires est considérable. Dans la pratique,

les listes d’exclusions visent à atteindre des objectifs autres que la simple protection tarifaire, comme le maintien de la protection des industries naissantes et la sécurité alimentaire, de sorte que les résultats indiquent le plafond de l’efficacité de ces listes.

Figure 5.1

Pertes de recettes tarifaires selon les différents scénarios de flexibilité

0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40%

-République démocratique du Congo, 2015 Sao Tomé-et-Principe, 2015 Zimbabwe, 2015 République centrafricaine, 2015 Comores, 2015 Cameroun, 2014 Malawi, 2015 Gambie, 2012 Angola, 2015 Mali, 2015 Mauritanie, 2015 Ghana, 2013 Mozambique, 2014 Guinée, 2012 Sierra Leone, 2006 Burkina Faso, 2015 Seychelles, 2015 Gabon, 2015 Moyenne République du Congo, 2014 Guinée-Bissau, 2014 Tchad, 2015 Érythrée, 2006 Burundi, 2015 Côte d’ivoire, 2015 Sénégal, 2015 Guinée équatoriale, 2007 Ouganda, 2015 Éthiopie, 2015 Niger, 2015 Djibouti, 2014 Rwanda, 2015 République-Unie de Tanzanie, 2015 Togo, 2015 Algérie, 2015 Nigéria, 2015 Kenya, 2015 Cabo Verde, 2015 Maroc, 2015 Bénin, 2015 Zambie, 2013 Tunisie, 2015 Liberia, 2014 Soudan, 2013 SACU, 2015 Madagascar, 2014 Maurice, 2015 Égypte, 2015 Libye, 2006

Pertes de recettes tarifaires (en % du montant total des recettes tarifaires) Libéralisation totale Liste d’exclusions de 1 % Liste d’exclusions de 5 %

Note : Les résultats découlent du modèle d’équilibre partiel décrit plus haut. Les données exigent que les pays de la SACU, qui forment une union douanière pleinement efficace, soient présentés en tant qu’entité unique.

Source  : Calculs de la CEA sur la base l’ensemble de données CEPII-BACI pour les flux commerciaux 2015 et des données tarifaires du Centre du commerce international concernant la date spécifiée pour chaque pays.

Néanmoins, les résultats sont puissants. Même avec une liste d’exclusions de 1 %, le pays africain moyen pourrait faire passer les pertes de recettes tarifaires induites par la ZLEC de 8 à 1 % des recettes totales. Cela s’explique par la forte concentration des flux commerciaux intra-africains et par le fait que, pour de nombreux pays, les échanges intra-africains sont déjà pour l’essentiel libéralisés par les accords de libre-échange des communautés économiques régionales (CER).

Les négociateurs doivent faire preuve de prudence quant à la taille des listes d’exclusions négociées dans le cadre de la ZLEC afin que des listes d’exclusions excessivement libérales n’érodent pas la valeur et les avantages de la libéralisation du commerce dans le cadre de la zone de libre-échange. On pourrait, par exemple, y parvenir en incluant une clause «  anti-concentration  », dans laquelle le nombre des lignes tarifaires pouvant être exclues dans chaque chapitre du Système harmonisé (HS) serait limité ou prévoir des listes d’exclusion « à double qualification », qui seraient utilisées pour tenir compte, au plus, d’un pourcentage spécifié de la valeur du commerce intra-africain, plutôt que du nombre de lignes tarifaires.

Toutefois, là où les listes d’exclusions peuvent être d’une grande utilité, c’est en contribuant à égaliser les effets de la ZLEC sur les recettes tarifaires. Cela est important si l’on veut que la ZLEC soit une solution doublement gagnante permettant qu’aucun pays ne soit indûment menacé par des pertes de recettes tarifaires. Les pays qui pourraient essuyer les pertes les plus lourdes, comme la République démocratique du Congo, pourraient se voir donner plus de latitude pour établir des listes d’exclusions plus fournies et susceptibles de les aider à supporter les coûts de ce manque à gagner.