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Xuanquan ou le 1er témoignage d’occupation de la région de Dunhuang

Une réflexion sur la chronologie des évènements historiques

A. Xuanquan ou le 1er témoignage d’occupation de la région de Dunhuang

Parmi les nombreux sites d’habitats fortifiés découverts dans le Hexi, celui de Xuanquan permet justement de suivre le développement de la région de Dunhuang lorsque celle-ci est administrée par Jiuquan. D’une superficie totale de 22 500m², il est situé au nord de la chaîne de montagne Sanwei (三危山) et au sud du désert de Xishawo (西沙窩), entre les oasis de Dunhuang et de Guazhou392. Il se trouve fortifié par une enceinte construite en brique crue et recouverte d’un enduit. Deux tours de section carrée (7x7 m) bâties au nord-est et sud-est forment une saillie dans le mur. Le site comprend deux principaux espaces : au nord-sud-est, la partie interne comprend douze pièces rectangulaires (9x4 m, occupées vraisemblablement par les hauts gradés. Dans la partie ouest, un autre ensemble de pièces (3x3 m) servait peut-être de quartier général. L’enceinte s’ouvre au sud sur les écuries protégées par un mur en brique de taille plus modeste. Au nord-est, deux bâtiments fortifiés abritaient très probablement le grenier et le poste de garde pour les soldats chargés de surveiller la route que l’on distingue encore à une dizaine de mètres au nord du site. Les résultats de cinq campagnes de fouilles permettent de déterminer plusieurs phases d’occupation et de construction (fig.30 et 31)393.

392 Voir carte n°1 en annexe pour emplacement des Sanwei.

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D’après le matériel découvert, les principaux espaces à l'intérieur de l'enceinte (quartiers nord-ouest, sud-ouest et sud-est), l’enclos fortifié, la construction de deux tours d’angles, les écuries et le grenier sont érigés dès les règnes de Wudi (entre 111 et 90 av. J.-C.) et Zhaodi (entre 87 à 74 av. J.-C.). Puis, le site prend une importance grandissante jusqu’au début du Ier siècle apr. J.-C., avec notamment le règne de Wang Mang de la dynastie des Xin. De nouvelles salles sont aménagées autour de deux grandes cours ouvertes qui correspondent aux deux entrées du site. Xuanquan demeure, jusqu’au IIIe siècle, un relais important expliquant l’ajout, sous la dynastie des Jin (265-420) et celle des Wei (386-535) d’une tour d’observation construite au sud-ouest dans la partie intra-muros du site fortifié394.

Xuanquan est décrit comme un relais (zhi 置) dans les rapports de fouilles395. Plusieurs relais postaux ponctuent les routes principales dans le Hexi. Ils servent aux cavaliers et aux coureurs qui transportent le courrier. Dans la plupart des cas, ces bastions fortifiés sont des postes militaires avancés qui surveillent les routes centrales des commanderies impériales. Mais à la différence des autres sites de même type, celui-ci est daté de 111 av. J.-C., soit à une date où les commanderies de Jiuquan et de Zhangye commencent à peine à se mettre en place396.

Fixer à 111 av. J.-C. ce point d’ancrage dans l’ouest du Hexi est une théorie basée uniquement sur la découverte d’une fiche remontant à cette époque, plus précisément de la sixième année de l’ère Yuanding, sous le règne de l’empereur Wu. Ajoutons au passage que c’est une date qui n’a pas été remise en cause dans l’ensemble des travaux portant sur ce site397. Les scientifiques Japonais, méfiants, précisent que cette découverte est unique et ne correspond pas obligatoirement à un début d’existence pour un site archéologique398. Il existe d’autres fiches datées du règne de l’empereur Wu : deux de la période Taishi (太始三年, 太 始年), soit en 94-93 av. J.-C., et quatre de la période Zhenghe (徵和元年, 徵和二年, 徵和三 年 [2 fiches]), soit de 92 à 90 av. J.-C. Ainsi, presque vingt années séparent les périodes

394 À propos de l’architecture militaire de Xuanquan, il faut se reporter aux études japonaises (beaucoup plus précises que les travaux chinois) avec en particulier : Chai Shengfang : 2001, p. 17-28 ; Kiyoshi : 2005, p. 99-129 et Itaru : 2005, p. 43-49.

395 Dans les documents Han, les termes yi (驛), ting (亭), zhuan (傳) et zhi (置) désignent différents types de relais sur les routes du Hexi. Voir Li Bingcheng : 2011b ; Lien : 2015. Un relais est très souvent suivi de l’un de ces termes. Xuanquan est ainsi désigné sous la forme « relais de Xuanquan » (Xuanquan zhi 懸泉置).

396 Voir Sanft : 2008-2009, p. 126-208 ; Ma Zhiquan : 2011, p. 45-51. 397 Chai : 2001, p. 20.

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Yuanding à Taichi399. Le cas isolé de cette fiche, faisant remonter les premières fondations de la garnison de Xuanquan à 111 av. J.-C., nécessite toute notre attention. Sur une fiche au contenu assez confus, on trouve la mention suivante :

……孝武皇帝元鼎六年九月辛巳下、凡六百一十一字。廏令。400

[...] la sixième année de l’ère Yuanding de l'empereur Wu au neuvième mois au jour 12 Xinsi, chacun des 611 caractères [ont été copiés]. Directeur des étables401.

Bien que la fiche soit très incomplète, la partie traduite ici, rappelant le nombre de caractères, est une évidente référence à la copie d’un édit ou d’un décret impérial. Ce document ayant pour sujet principal les laissez-passer aux frontières pour les envoyés Han, est bien daté de 111 av. J.-C., sous le règne de Wudi. Toutefois, la fiche en elle-même ne comporte pas de dates spécifiques, ce qui ouvre un large doute sur cette datation402.

Cette fiche (87-89C : 9) fut découverte entre 1987 et 1989403. Les objets portant le numéro (87-89C), souvent fragmentaires, furent mis au jour à divers endroits du site. De sorte, une fiche isolée dont le contenu n’est qu’une copie d’un édit antérieur, ne peut en aucun cas prouver que Xuanquan remonte dans son histoire à la date d’émission de cet édit. Hu Pingsheng et Zhang Defang, dans la première analyse publiée de ce document, indiquent justement que les dates ne correspondent pas à celles de l’édit404. Pourtant cette mise en garde,

399 Zhang Defang et Hao Shusheng : 2009, p. 38.

400 DHXQSC : 2001, p. 4-5 ; Hou Xudong [En ligne] : 2007 (actif au 09/11/2016). Voici le début de cette fiche : «馬以節,若使用傳信,及將兵吏邊言變□以驚聞,獻□寫駕者匹將以……以除候,其以教令及……». Hu Pingsheng et Zhang Defang considèrent également que le sens de ce texte n’est pas clair (DHXQSC : 2001, p. 5). Disons simplemnt qu‘il est question de l’envoi d’un courrier (impérial?) adressé aux quatre généraux du Hexi. 401 Il s’agit en outre du responsable des lois que régissent les écuries dans l’empire des Han (jiulü 廄侓) (HS : 19A/734 ; 16/606). C’est de toute évidence un fonctionnaire de la capitale impériale et non du relais de Xuanquan (DHXQSC : 2001, p. 5). On trouvera une explication détaillée de ce document dans Rao Zongyi et Li Junming : 1995, p. 1-2. À Zhanjiashan, plusieurs documents mentionnent ce titre (voir Barbieri-Low et Yates : 2016, vol.2, p. 1013-1014). Le caractère « ling » peut également être comprit comme « ordonnance », un terme fréquemment utilisé dans les textes d’édits, de décrets et de lois.

402 DHXQSC, op. cit. C’est exactement le même raisonnement que l’on peut appliquer pour l’un des manuscrits chinois découverts sur le site Loulan par Hedin en 1901. En effet, le manuscrit Conrady 16.1 porte la date de 252 apr. J.-C., alors que l’ensemble du fonds est daté entre 264 et 342 (Lin Meicun : 1985, p. 61). Dès lors, cette date ne fut pas remise en cause (Lin Meicun, ibid., p. 4). Pourtant, une lecture plus approfondie démontrera qu’il s’agit en fait de la date d’un édit impérial et non celle de la mise par écrit du manuscrit. On trouvera d’ailleurs l’usage du terme « édit » (zhao 詔). Je tiens à remercier ici Éric Trombert pour m’avoir signalé ce parallèle très intéressant avec la fiche découverte à Xuanquan.

403 Aucun des travaux n’explique en détails la provenance exacte de cette fiche. Ibid., p. 2. 404 Ibid., p. 4.

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proposée à la suite du texte, ne fut presque jamais suivie puisque l’on continue, depuis la découverte de cette fiche, à rester sur cette datation405.

Parmi les autres objets récupérés avec ce document, furent exhumées plusieurs fiches sur bois enregistrées sous le même numéro406. Ces dernières contiennent des éléments de datation. En voici une liste (non exhaustive) :

N° de la fiche Règne Nom d’ère

(87-89C : 3) Xuandi (73 – 49 av. J.-C.) Yuankang (63 av. J.-C.) (87-89C : 59) Shenjue (60 av. J.-C.) (87-89C : 7) Shenjue (58 av. J.-C.) (87-89C : 10) Ganlu (52 av. J.-C.) (87-89C : 23) Wufeng (55 av. J.-C.)

(87-89C : 69) Yuandi (48-33 av. J.-C.) Chuyuan (47 av. J.-C.) (87-89C : 25) Chengdi (32-7 av. J.-C.) Heping (25 av. J.-C.)

Tableau 1 : Fiches découvertes lors de la prospection du site de Xuanquan entre 1987 et 1989

Sur les quelques fiches comportant une datation, le tableau 1 présente celles ayant été publiées dans un ouvrage scientifique. L’intervalle chronologique est tout à fait cohérent puisque nous nous situons entre 63 et 25 av. J.-C., avec une forte majorité de fiches datées du temps de l’empereur Xuandi. Présentées ici dans un ordre chronologique, ces fiches sont toutes bien éloignées de la date de 111 av. J.-C., fixée pour la fiche (87-89C : 9).

À l’évidence, l’association entre le contenu de ces fiches et celui de la fiche datée de 111 av. J.-C. prouve qu’il est impossible de dater Xuanquan de façon aussi peu convaincante. Néanmoins, cela ne prouve pas non plus que la garnison ne remonte pas à cette période.

La découverte à Xuanquan de l’« Edit des ordonnances mensuelles pour les quatre saisons en cinquante articles » (Zhaoshu sishi yueling wushitiao 詔書四時月令五十條), daté de l’an 5 et rédigé sur le mur sud de la pièce F26, illustre un exemple parfaitement à propos. Non seulement les lignes 6, 95 et 97 nous informent sur le parcours d’un édit officiel

405 Il suffit pour cela de consulter l’ouvrage de Rao Zongyi et Li Junming. La fiche est considérée comme la seconde plus ancienne fiche découverte du Gansu. (Rao Zongyi et Li Junming : 1995, p. 1-2).

406 Terme plus approprié que « excavé » dans ce contexte précis. Les objets sont récupérés sur le site sans une logique de prospection effectuée par secteurs. On ne peut donc savoir le lieu de découverte de chacun des nombreux objets mobiles portant le nom (87-89C).

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jusqu’aux frontières ouest, mais elles permettent également de connaitre le délai précis de sa transmission407. En se basant sur trois fiches de Juyan, Zhang Junmin estime qu’un tel édit fut transmis de la capitale à Xuanquan en 8 jours environ408. Toutefois, Huang Ren’er pense que ce délai serait plus proche des 4 mois409. Comme l’a démontré George Sanft dans une traduction annotée de cet édit, il faut compter environ trois mois pour que celui-ci ne parvienne à Dunhuang, depuis Chang’an410.

Les quelques mois d’intervalle entre la première diffusion de l’édit et son arrivée dans la garnison de Xuanquan illustrent bien sa rapidité d’exécution. Si la fiche (87-89C : 9) a connu un délai similaire, la date de 111 av. J.-C. pourrait tout à fait correspondre aux premières années de Xuanquan, bien que nous n’ayons aucun moyen de savoir de quand date l’édit.

Ainsi, bien que la date de 111 av. J.-C. puisse être remise en cause, les nombreux exemples d’édits découverts sur plusieurs sites archéologiques du Hexi confirment, comme le Sishi yueling, que leurs applications sont régulièrement immédiates et rapides. Généralement assez courts, les édits parcourant les garnisons militaires aux frontières du nord-ouest ont une application pratique. Un document officiel, rédigé sur un support lisse avec une écriture soignée et servant de référence pour les officiers des frontières, est un écrit rare notamment connu à travers des sources transmises411. L’édit apparait plus généralement sous forme de courrier express pour une application directe. Ainsi, huit fiches de Juyan – complètent et assemblées par Oba Osamu – traitent de sujets divers comme des ordres, un arrêt des activités militaires, la tenue d’un rituel en 61 av. J.-C., le curage de puits, etc.412

Un courrier complet exhumé à Jianshui Jinguan (A33), rédigé sur dix lattes (30 cm de long) et étudié par Loewe est d’une importance capitale pour notre propos413. En effet, son étude confirme les problèmes de chronologie entre la publication officielle de l’édit impérial et sa copie pour une application pratique aux frontières.

407 Sanft : 2008-2009, ligne 6 (p. 178) : « Transmission au bureau des hauts fonctionnaires de la capitale (9 juin, 5 av. J.-C.) », ligne 95 et 96 (p. 187) : « Transmission aux commanderies (13 juin, 5 av. J.-C.) », ligne 97 (p.188) : « Transmission à la commanderie de Dunhuang (12 Septembre, 5 av. J.-C.) ».

408 Zhang Junmin : 2001, p. 183–84. 409 Huang Ren’er : 2002, p. 27–30. 410 Sanft : 2008-2009, p. 125-208. 411 SJ : 18/963; HS: 16/607.

412 Le détail des ces fiches est donné dans Oba Osamu : 1982, p. 235-245. Plusieurs autres exemples de ce type de document furent exhumés à différents endroits dans le Gansu. 412 Loewe en dressa une liste exhaustive dans Loewe : 2004, p. 528-530.

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Découverte à Jianshui Jinguan (肩水金關) (A33), la fiche ne contient pas de données chronologiques mais fait ouvertement référence à un épisode historique, daté de 36 av. J.-C. dans le Hanshu, concernant la campagne militaire du protectorat général Gan Yanshou contre le Xiongnu Zhi Zhi414. Dans l’étude de cette fiche, Michael Loewe met en garde le lecteur sur la datation d’une fiche en référence à un édit ou un décret impérial. La dite fiche faisant référence à cette conquête militaire pourrait tout aussi bien « […] dériver d’un document plus récent, authentiquement compilé dans le but de justifier les actions militaires et diplomatiques, faisant référence à de plus anciens épisodes historiques concernant les relations étrangères. »415. Ce dernier propose alors une seconde alternative : « Ce document, desquelles ces fiches sont une copie, pourrait tout à fait être issu de la première moitié du Ier siècle de notre ère, ayant été délibérément produit afin de soutenir la ligne de conduite de Gan Yanshou et de Chen Tang en 36 av. J.-C. et ayant été reconnu comme un faux par les auteurs du Hanshu »416. Plus loin, l’auteur argumente la date de 36 av. J.-C. en expliquant que la présence de ces documents à Juyan « […] mène à la supposition qu’ils forment une partie du décret délivré pour une application locale, et le sujet en cause suggère un décret qui envisageait une activité militaire ; dans ces circonstances les associations avec les évènements de 36 av. J.-C. ne demeurent pas impossibles »417. Ces arguments témoignent d’un besoin d’exactitude entre les données chronologiques et les événements qui sont reliés.

Alertons sur les termes employés dans la fiche de Xuanquan. Celle-ci ne contient pas les termes Zhao (詔), Ce (策) ou Zhi (制)418. Ces derniers apparaissent pourtant dans la majorité des autres exemples de document impériaux sur bois découverts sur les sites du Gansu419. Selon le document, le Hanshu explique qu’en l’absence d’une autorité émanant du gouvernement central, les officiers servant dans les forces militaires locales pouvaient rédiger

414 HS : 94B/3795 et 70/3009 ; Loewe : 2000, p. 726-727. 415 Loewe : 1967, vol.2, p.246.

416 Ibid. 417 Ibid.

418 Loewe reconnait, comme Oba Osamu, que cette terminologie n’apparait pas toujours claire dans le vocabulaire administratif constaté dans le nord-ouest (Loewe : 1986, p. 305). Des éclaircissements sont apportés par Barbieri-Low et Yates : 2016, p. 430.

419 C’est le cas pour une dépêche (xi 檄), rédigée par l’empereur Wudi peu de temps avant son décès est adressée à Liu Fuling 劉弗陵 – ayant Zhaodi pour nom de règne (87-74 av. J.-C.) – héritier au trône (fiche présentée dans Gansu sheng wenwu gongzuodui et Gansu sheng bowuguan : 1984, p. 15-33). Dans le fonds Juyan, on citera également les fiches suivantes : JYHJ : 16.11 concernant la circulation des wuzhu (Lao Gan : 1949, 304) ; 303.8 sur l’ordre de ramener la tête décapitée du roi de Loulan en 77 av. J.-C. (Lao Gan : 1949, 10 ; Hulsewé : 1957, p. 7). D’autres exemples sont donnés dans Loewe : 1967, vol.2, p. 228. Plus récemment, et concernant le fonds Xuanquan, on consultera aussi Zhang Junmin : 2013, p. 55-61.

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un faux décret impérial, nécessaire pour la mobilisation d’un certain nombre de soldats420. La fiche de Xuanquan ne permet pas de prouver cela. Toutefois, il est possible d’émettre l’hypothèse que l’édit en question, n’apparaissant pas à notre connaissance dans les sources transmises421, pourrait correspondre à une copie d’un texte local émanant d’une des grandes structures Han dans le Hexi ou, comme nous le supposons dans la traduction proposée, du responsable des étables (de la capitale ?) (jiuling ; 廏令). Cette théorie nous permettrait de nous rapprocher des débuts de Xuanquan : si la date de copie de cet édit remonte bien à 111 av. J.-C., le site en lui-même peut tout à fait avoir précédé cette fiche. Pour découvrir le début de l’existence d’une garnison, une fiche sur bois ne constitue pas une preuve fondamentale. Toutes les installations militaires de cette région précèdent la mise en œuvre de toute forme de communication stable.

Rien ne nous permet en effet de considérer que cette garnison soit antérieure à la proclamation de cet édit, ceci étant les preuves témoignant de l’apparition de Xuanquan avant 111 av. J.-C. s’amoindrissent au fur et à mesure de notre argumentation. Outre le fait que le nom de Xuanquan soit inconnu des sources transmises de l’époque des Han422, aucune fiche sur bois d’autres sites du Hexi ne semble indiquer la présence de cette garnison avant cette date423. De plus manquent également les données d’ordre naturel et architectural qui disparaissent avec le temps. Les premières constructions de Xuanquan ont subi de nombreux travaux de réparation et de restauration. Une étude minutieuse des couches d’enduits permettrat sans doute de connaitre les premiers états de constructions de la garnison424. Nous

420 Quelques exemples sous le règne de Wudi sont attestés dans le Hanshu (HS : 66/2886 et HS : 68/2932). 421 La forme des décrets copiés sur des fiches est abrégée. Du reste, il n’y a pas d’équivalence au travers du Sikuquanshu.

422 Le nom de Xuanquan n’apparait dans les sources transmises qu’au cinquième siècle de notre ère. Dans le « Printemps et automnes des seize royaumes » (Shiliuguo chunqiu 十六國春秋), Cui Hong (崔鴻) (496-525) relate la légende du général Han Li Guangli (décédé en 88 av. J.-C.), qui au retour de sa conquête du Ferghana serait arrivé sur le site de Xuanquan et aurait planté son épée dans le sol faisant jaillir une fontaine capable de sauver son armée d’une forte déshydratation (Li Jifu : 40.13b–14a; Shiliuguo chunqiu : 81.3a). Cette eau coule toujours à 2 km du site, dans les montagnes. Le nom de Xuanquan, que nous pouvons traduire par « source suspendue », trouve son origine dans cette source d’eau.

423 Pour les fiches faisant références à Xuanquan dans d’autres sites du Hexi voir : Gansu sheng wenwu kaogu yanjiusuo : 1991, fiche 2.268 (nos. 1290, 1295A, 1297,1301, 1312) et fiche 2.269 (no. 1313) ; Pour les fiches de Juyan, voir Zhongguo shehui kexueyuan kaogu yanjiusuo : 1980), p. 217 (no. 312.10B).

424 C’est un fait qui apparait de plus en plus important dans les fouilles en Asie centrale et permet de mieux connaitre la durée d’un état construit et habité. Ainsi à Termez, dans le cadre de la mission archéologique en Bactriane du Nord (MAFOUZ, ENS/UMR 8546) en Ouzbékistan (Sourkhan Darya), nous faisons usage de l’étude minutieuse de l’enduit sur le bâtiment A afin de connaitre la succession chronologique des différentes constructions et restaurations (Leriche : 1986a, p.61-82). Je dois à Pierre Leriche, mon directeur de fouille à Termez, cette constatation.

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avons bien des données matérielles (équipement militaire, objets de la vie quotidienne, etc.) découvertes à 20 cm sous le sol, qui remonteraient, selon les archéologues, aux règnes des empereurs Zhao et Wu425. Toutefois compte tenu de notre argumentation et des preuves présentées, il reste peu probable d’attester d’une occupation en 111 av. J.-C.

En somme, en 111 av. J.-C., le lieu-dit de Xuanquan est encore loin de figurer dans la commanderie Han de Dunhuang et d’être protégé par une barrière défensive au nord, le long de la rivière Shule. Certes, près d’une quarante d’année plus tard toute cette grande plaine centrale reliant les oasis actuelles de Dunhuang et de Guazhou dans la région actuelle du Gansu sera alors distribuée en districts qui engloberont des garnisons militaires bien spécifiques. C’est à cette période qu’apparaitront des lignes défensives au nord pour sécuriser les accès à la commanderie et aussi pour fixer ces limites.

En 111 av. J.-C., tout ceci n’est pas encore en place et Xuanquan, si elle existe,