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Une réflexion sur la chronologie des évènements historiques

B. Les chevaux à sueur de sang

Dans le monde antique, le cheval est la base de la puissance d’un état et de sa survie451. Le peuple qui élève et détient les chevaux, qui possède étalons et juments des meilleurs races, rapides et résistants, dispose d’un atout considérable. À l’inverse, un Empire qui se trouve dépourvu de cet atout, doit tout faire pour s’en procurer.

Dans les sources historiques Han, la place accordée aux efforts du gouvernement chinois pour se procurer des chevaux est significative. Cela vaut pour toute la suite de l’histoire prémoderne de la Chine, empire toujours menacé par des agresseurs, eux-mêmes éleveurs de chevaux, et dont la force reposait sur leur cavalerie. Pays d’agriculteurs pauvre en pâturages, la Chine ne sera en effet jamais un pays qui excellera dans l’élevage de chevaux. Ils seront toujours dans la nécessité d’en importer des peuples voisins du nord452. Durant la dynastie des Han, suivant le développement des relations diplomatiques avec les peuples et royaumes du Xiyu, l’empereur importera de façon exponentielle des chevaux. Toutefois, avant que le Hexi ne soit annexé à l’Empire, la cavalerie Han était déjà capable de rivaliser avec celle des Xiongnu. Selon le Shiji et le Hanshu, on compte plus de 800 000 chevaux utilisés pour la conquete du Dayuan453. Avant les expéditions vers l’ouest, l’Empire disposait principalement d’un cheval à grosse tête et à poils longs en hiver, dont les sabots s’usaient vite, inapte à la montagne et aux longs trajets. Or, on rapporta à la cour impériale (grâce aux rapports de Zhang Qian notamment) qu’à Dayuan les chevaux avaient des sabots très durs qui ne s’usaient que très peu. C’est tout le contraire en Chine. Les sabots ne tenaient pas longtemps, il fallait laisser un long laps de temps de repos pour que le pied du cheval se remette de l’usure des trajets454.

Il fallait donc un contingent de chevaux bien plus considérable afin d’assurer les missions lointaines, ce qui impactait sur le coût de la guerre455. Depuis 119 av. J.-C., lorsque les campagnes contre les Xiongnu sont pour un temps terminées, on avait abattu plusieurs milliers de chevaux chinois. C’est alors que peu à peu, grâce au développement des échanges

451 Xénophon : 1950 ; Vigneron : 1968 ; Spence : 1993 ; Gardeisen : 2005.

452 On trouvera des réflexions interessantes sur ce sujet dans Creel : 1965, p.647-672 ; Courtot-Thibault : 1989 et, récemment, une thèse de Xiang Wan : 2013.

453 Un chiffre qu’il s’agit d’interpréter comme ordre de grandeur et non comme chiffre réel des effectifs de chevaux engagés par l’armée Han depuis le début des conflits jusqu’à 104 av. J.-C. Un tableau très commode, basé sur les données de ces textes Han, et publié par Chang Chun-Shu, permet de connaitre le nombre approximatif de chevaux utilisés durant les guerres Han-Xiongnu au Ier siècle av. J.-C. Voir Chang : 2007, vol. 1, p. 173.

454 Gao Rong : 2008, p.2. 455 Loewe : 2009, p. 79-80.

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avec le Hexi, les Wusun deviennent les principaux fournisseurs en chevaux pour l’empire Han. Il y eu d’abord la mission de Zhang Qian en 115 av. J.-C. Malgré le refus des Wusun pour regagner le Gansu, leurs relations avec les Han se développent et se renforcent. Pendant plusieurs années, le Kunmo avait fait parvenir plusieurs milliers de chevaux, ce qui avait permis aux Han de constituer une excellente cavalerie. Mais ce ne pouvait durer qu’un temps car malgré ces renforts de chevaux, les campagnes menées depuis, dans le Hexi, le Xiyu mais aussi dans le cadre des expansions conduites aux frontières nord-est, sud-est et sud-ouest de l’Empire456, ont causés une réduction progressive mais sévère d’étalons Han. Ainsi, dans les dernières années du IIe siècle av. J.-C., si excellents que fussent les chevaux des Wusun, la guerre pressait et il fallait reconstituer une nouvelle cavalerie Han. C’est alors que les chevaux de Dayuan sont de plus en plus convoités par l’Empire.

C. Première campagne militaire vers le Dayuan (104-103 av. J.-C.)

Durant ces deux missions vers l’ouest, Zhang Qian avait déjà rapporté de beaux chevaux Wusun457, puis, du royaume de Dayuan (associé à la vallée du Ferghana), de la luzerne458 et de la vigne459. C’est là qu’il fit de grands éloges sur leurs chevaux, éloges qui seront confirmés par les ambassadeurs succéssifs460 (fig.32).

On rapporte que leurs sabots ne s’usent pas. Ils sont plus grands et plus résistants que les chevaux habituels de l’armée chinoise, peuvent porter des cavaliers lourdement armés, aller « 1 000 li par jour », ont une « double colonne vertébrale », c’est-à-dire en fait deux

456 Mentionnons, à titre d’exemple, les avancées Han vers la péninsule coréenne menées depuis 127. Celles-ci eurent pour résultat la formation de quatre commanderies impériales. Sur les dates, le contexte de fondation, les objectifs Han dans la volonté d’installer une administration au nord-est, on renverra à l’excellent ouvrage publié récemment sur ce sujet et qui semble être le premier travail en langue occidental dans lequel sont intégrés les résultats des travaux de fouilles menées en Corée et publiées en coréen (Byington : 2013). On pourrait bien-sûr parler des avancées militaires dans le sud de l’Empire, notamment au Vietnam. Ces différentes expansions sont des causes directes d’une pénurie de chevaux. (Gernet : 1964, p. 158-172 ; Loewe : 1978, p. 152-179).

457 SJ : 123/3172-3178.

458 Medicago sativa, la luzerne est la reine des plantes fourragères. 459 Pour le raisin venu de Dayuan, voir Trombert : 2001, p. 293-294.

460 On rapporte ainsi que « Le roi du royaume de Dayuan réside dans la ville de Guishan. Elle est éloignée de 20 550 li de Chang’an. On y compte 60 000 familles dont 30 000 habitants et 60 000 soldats. [On y trouve les fonctionnaires suivants :] le député du roi et le roi de Fu-kuo. A l’est, [Dayuan] est distante de 4 031 li du protectorat général, de 1 510 li de la ville de Peijian du [royaume] de Kangju et, au sud-ouest, de 690 li des Da Yuezhi. Le territoire, le climat, les biens et les us et coutumes sont communs à ceux des Da Yuezhi et de Anxi. Au Dayuan, à gauche comme à droite [à l’est comme à l’ouest] le raisin est utilisé pour faire du vin. Les plus fortunés peuvent conserver jusqu’à plus de 10 000 shi [boisseaux]. Dans certains cas, durant une longue période de conservation, [la qualité] de ces [barils/tonneaux ?] peut durer plusieurs dizaines d’années sans que cela ne pourrisse. La coutume est d’apprécier le vin tandis que les chevaux apprécient la luzerne. A Dayuan, les habitants vivent dans plus de 70 villes. On y trouve de très beaux chevaux [parmi lesquels] les chevaux à sueur de sang. On rapporte que leurs progénitures sont issues des chevax célestes » (HS : 96a/3894-3896).

rangées pour le c’est po Jusqu’e royaum Dayuan « Lor accom Le ro armé Les e à mor Li G [L’off 461 SJ : 12 462 Terme 463 HS : 9 de muscle cavalier… ourquoi on l n 104 av. J me. En échan n changea de rsque Zhang mpagné de m oi prit le par ées Han ne p envoyés Han rt s’accapar Guangli de p ffensive contr 23/3170 ; HS e en référence 96A/3895. – Partie II : s, de part e Ils ont une les appelle é J.-C., on en nge de soie e politique e g Qian mentio mille [objets] rti de dire q pourraient les eurent des p rant ainsi leu prendre une re Dayuan] d : 6/202, 61/26 à l’une des pr : Fondation et d’autre de particularit également « nvoya plusie eries, on ob et refusa de onna à l’emp ] en or et d’u que les Han

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on, plus con une sueur ro anxuema ; commercer u’un jour, l an : voya un émi hevaux de Da Dayuan] et q t pas à les do aquer et les m le général Er attaquer Da »463. note 211. 26 | P a g e nfortable ougeâtre, 汗血馬)461. avec ce le roi de issaire ayuan. ue les onner. mettre rshi462 ayuan.

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En totalité, l’offensive (rythmée par de longues périodes de préparations) durera quatre années, entre 104 et 101 av. J.-C. La nomination de Li Guangli fut motivée par une envie de donner une marque de faveur envers sa sœur Li Furen (李夫人) et épouse de l’empereur Wudi464. Li Guangli constitua donc une armée de 20 000 soldats (étoffée selon l’usage, de délinquants, de réprouvés, de marchands et de criminels) ainsi que 6 000 nomades alliés venant du bassin du Tarim. Ainsi en 104 av. J.-C., Li Guangli part en réalité avec une armée composée de chinois de catégories dites « non essentiel ». Sans doute fallait-il qu’il fasse ses preuves sur le champ de bataille pour que l’empereur lui assigne plus d’hommes, mais ce n’est qu’une hypothèse basée sur les marques de faveurs dont il bénéficia en tant que frère de Li Furen.

L’objectif fixé fut de conquérir la ville d’Ershi (貳師) où les chevaux étaient les plus nombreux selon les rapports de l’époque465. Cette première expédition est extrêmement éprouvante. Li Guangli, ayant reçu le titre de « Général de l’armée chargé de conquérir Ershi » (ershi jiangjun 貳師將軍) pour cette mission militaire, part du centre du Hexi, probablement des bases militaires de Jiuquan et de Dunhuang pour s’engager dans le Lop-Nor. Durant son avancée le long de la route nord, les cités-états ne souhaitent pas apporter leurs aides fermant ainsi leurs portent et empêchant les armées de se ravitailler en eau et en nourriture. À l’exception de quelques victoires, en majorité, le bilan est désastreux. L’armée, épuisée, se réduit à tel point qu’ils ne sont que quelques milliers à peine en arrivant au Dayuan. La première ville de Dayuan, Yuchen (玉晨), fut bien trop bien défendue pour permettre aux Han de l’emporter. Ils sont repoussés à chaque assaut. Face à un nouvel échec, les généraux décident de ne pas s’aventurer plus loin et de revenir au plus vite sur le Hexi, que seuls 4 000 des 100 000 soldats au départ de cette expédition parviennent à atteindre. Un extrait du Shiji, narrant l’expédition de Li Guangli, est tout à fait primordial pour comprendre la position qu’avait Dunhuang entre 104-103 av. J.-C :

« Le général envoya un rapport [à l’empereur] : « La route a été longue et nous avons souvent manqué de nourriture ; ainsi les soldats se souciaent de la faim et non de la guerre. Les soldats

464 SJ : 109/2877 puis 110/2917. Voir également HS : 123/3174. La biographie de ce général est exposées dans Loewe : 1995, p. 220-223.

465 L’emplacement exact de la cité d’Ershi n’est pas connu. On tend à la situer dans la vallée du Ferghana mais sans toutefois pouvoir connaitre l’emplacement précis. Elle sera identifiée avec la ville médiévale de Sutrishna, près de Uratepe, située entre Khojend et Samarkand (Chavannes : 1906, p. 153 ; Tarn : 1951, p. 309, Pulleyblank : 1966, p. 26-27 ; Hulsewé et Loewe : 1979, p. 76, note 41). Une autre hypothèse, plus récente, l’identifie avec le site antique de Mingtepe, accolée à la ville actuelle de Makhamat, dans la région d’Andijan (Gorbunova : 1986, p. 56-58 ; Matbabaev et Abdoulaev : 2011 ; Zhang Defang : 2015a, p. 13-18).

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n’étaient [désormais] pas assez nombreux pour attaquer Dayuan. Ils souaitaient en outre déserter, [c’est pourquoi] il était préférable de partir et de nous retourner ». Le fils du ciel ayant pris connaissance de ce rapport rentra dans une grande colère. Il envoya un émissaire pour bloquer la passe de Yumen, que si les militaires [de son armée] oseraient [franchir Yumen] ils seraient immédiatement décapités ! Terrorisé, le général Ershi demeura à Dunhuang »466.

Le nom de « Yumen » désigne un toponyme situé dans la commanderie de Jiuquan, soit très à l’est de Dunhuang467. C’est à cet endroit que la Passe de Jade (Yumenguan 玉門關) est localisée à cette époque, comme le démontre Edouard Chavannes468 :

« Où se trouvait cette fameuse Passe de Jade ? D’après les fiches du site T.XIV, il semble bien que dès l’an 94 av. J.-C. (cf. le N°305), elle se soit trouvée à l’endroit occupé par cette station, un peu à l’ouest du 94° degré de longitude (et donc à l’ouest de la ville de Dunhuang). Cependant, un texte tendrait à prouver que, peu d’années auparavant, la grande muraille ne s'étendait pas aussi loin vers l'Occident ; nous savons en effet que, en 103 av. J.-C., lorsque Li Kouang-li revint avec les débris de son armée après sa première et infructueuse expédition contre le pays de Ta-yuan, l'empereur, furieux de cet échec lui interdit de repasser la porte du Jade en menaçant de la peine de mort tous les soldats qui tenteraient de la franchir ; Li Kouang-li s'arrêta donc à Touen-houang. Ce témoignage donne à entendre que, en 103 av. J.-C., la porte du Jade, et, par conséquent l'extrémité de la grande muraille, étaient encore à l'est de Touen-houang. » 469

Chavannes avait vu juste. Dans ce passage du Shiji, Dunhuang n’est pas encore intégré à l’Empire. Il s’agit alors d’un poste avancé de Jiuquan qui n’est même pas encore considéré comme faisant partie du territoire conquis par les Han. En effet, a en étant à l’ouest de la Passe de Jade, nous ne sommes pas, comme cela est très clairement indiqué dans le Shiji¸ « dans les frontières de l’Empire »470.

D. Seconde campagne vers le Dayuan (102-101 av. J.-C.)

En 103 av. J.-C., Li Guangli réside donc à Dunhuang – il faut penser au territoire situé dans les environs de la ville de Dunhuang même, à l’ouest de la Passe de Jade telle qu’elle se trouvait initialement au niveau de Jiuquan – et tente de convaincre l’empereur de l’autoriser à

466 SJ : 61/2699.

467 Près de 250 km à l’est environ.

468 Le Hanshu, reprenant cet extrait modifie d’ailleurs le toponyme. Il change « Yumen » pour « Yumenguan » (HS : 61/2699).

469 Chavannes : 1913, p. vi.

470 Cette thèse est suivie, dans une grande majorité, des travaux publiés sur ce sujet. On verra par exemple : Lao Gan : 1960, p.56-58 ; Wu Rengxiang : 1982, p. 28 ou encore Pan Fajun et Pan Jinghu : 2006, p. 10-13.

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lancer une seconde expédition. Il lui promet, qu’avec une véritable force militaire, les cités-états du bassin du Tarim viendront à craindre les Han, que l’armée atteindra le Dayuan, qu’ils parviendront à défier et à vaincre. À la cour, les ministres s’efforcent de faire entendre raison à l’empereur, lui demandant de ne pas accorder une nouvelle expédition et de se concentrer plutôt sur les Xiongnu471. Compte tenu de l’intérêt stratégique de la mission vers le Dayuan pour le gain de nouveaux chevaux, pour le contrôle des biens circulant via la route nord et pour laver l’affront sur l’empire, Wudi décide malgré tout d’accorder cette seconde mission en fournissant à Li Guangli 60 000 soldats, 100 000 bœufs, 30 000 chevaux et 10 000 ânes, chameaux et mules472.

En 102 av. J.-C., après une année de préparation à Dunhuang, l’armée du Général Ershi est désormais prête pour lancer sa seconde expédition punitive contre Dayuan. Afin d’éviter les mêmes risques d’opposition des cités du Tarim et les risques de manque de provisions, Li Guangli divise l’armée en sept colonnes. Alors qu’il prend la route nord, mille

soldats conduits par le colonel Wang Shensheng (王申生校尉) empruntent la route sud 473. Le

général Li Ling (李陵將軍) est à Dunhuang lorsque les premières colonnes sont déjà dans le Tarim, formant ainsi une chaîne militaire sans faille474. Prenant conscience de la force de frappe de l’armée Han et des dangers qu’elles encourent de s’opposer à elle, les cités du Tarim se soumettent et ouvrent leurs portes. Malgré les pertes Han (la moitié des effectifs décède ou déserte l’armée), le contingent militaire est suffisant pour franchir les montagnes et parvenir au Dayuan. Li Guangli contourne Yuchen afin d’atteindre par surprise la cité de Ershi. Après plus de quarante jours de siège, les nobles de Dayuan décapitent leur roi et présentent sa tête au général Han, dans l’optique de trouver une solution diplomatique à cette affaire. Les négociations aboutirent à l’envoi de 3 000 chevaux à sueur de sang. L’armée Han, satisfaite de cette solution, et craignant une riposte de la Sogdiane, rentre donc vers l’empire. L’armée de Li Guangli atteint Dunhuang à la fin de l’été 101 av.J.-C475.

Le bilan de cette expédition est questionnable. Si c’était pour les chevaux, le résultat est bien maigre par rapport aux pertes humaines qu’engendra cette mission punitive vers l’ouest. Si les chiffres sont exacts, parmi les 3 000 chevaux, moins de 1 000 parvinrent à la cour des Han, cela était bien insuffisant pour équiper la cavalerie. Il convient néanmoins de

471 SJ : 61/2700-2701 472 SJ : 123/3177.

473 Loewe, op. cit., p. 551. 474 Ibid., p. 225.

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noter qu’à la suite de cette conquête et de la « suprématie » de l’effet qu’eu l’armée Han au sein des royaumes du nord-ouest, l’empire continua à recevoir des chevaux du royaume de Dayuan476.

Faut-il donc considérer qu’une telle mission avait pour objet de ramener des chevaux à la cour ou alors y avait-il un autre objectif, plus officieux ? Plusieurs éléments nous permettent de déterminer les missions annexes, bien plus importantes que celle considérées comme étant principale :

¾ Contrôler la route centrale du Tarim

Il s’agissait en premier lieu d’initier une première phase de domination sur les cités-états,

indépendantes de l’Asie centrale. Entre 108-107 av. J.-C., les Han, sous le commandement de Zhao Ponu 趙破奴將 « celui qui harasse les esclaves », étaient déjà parvenus à conquérir une première fois, et certainement pas la dernière, Loulan et Turfan (Gushi 姑師) deux cités-oasis situés le long des routes centrales et médianes depuis Dunhuang477. Avec la mission de 102-101 av. J.-C., l’Empire entend prendre le contrôle, symbolique et réel, de ces voies de communication. La seconde expédition marqua la fin des rivalités entre les cités-états et les Han pendant quelques années ; les cités-états se mettaient sous la protection des Han face aux Xiongnu mais aussi pour contenir les rivalités entre les cités478. C’est à ce moment que le contrôle réel sur les routes commerciales, dites « de la soie », commence à se mettre en place479. C’est une source de richesse pour l’empire Han480.

476 SJ : 123/3179-3180. 477 HS : 96B/3876-3877.

478 Tant que le protectorat général Han n’aura pas été installé dans cette région du Xinjiang, délogeant le « bureau des esclaves » des Xiongnu, c’est-à-dire en 60 av. J.-C., la rivalité dans le contrôle des cités-états du Tarim ne sera jamais vraiment achevée. Jusqu’à cette date, ce sont des périodes de trêves auxquelles se succèdent des périodes de conquêtes (une excellente synthèse sur ce point est proposée par Yin Qing : 2007). Par exemple, entre 108 et 70 av. J.-C., les Han et les Xiongnu conquièrent et reconquièrent tour à tour du royaume de Jushi. Voir Yu Ying-shih : 1967, p. 92-133 ; Maillard : 1983, p. 25-52 ; Zhang Guangda : 1998, p. 13-36. 479 Contrairement à Zurcher, qui propose un « grand bond en avant » dans l’essor économique des oasis du Tarim depuis la présence chinoise (Zurcher : 1990, 173-188), la présence chinoise dans les affaires commerciales n’est que partielle dans la plupart de ces cités (Trombert : 2011, p. 67-123). C’est le cas pour le royaume de Jingjue (精絕). Voir Bertrand : 2012, p. 37-49.

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¾ « Cartographier les Xiongnu » (Tuzhi Xiongnu 圖制匈奴)481

Dans les dernières années du IIe siècle av. J.-C., si la force Xiongnu était certes affaiblie par les ripostes Han, leur suprématie sur les territoires du nord et du nord-ouest demeurait très solide. Ainsi, en 102 av. J.-C., Jiuquan et de Zhangye sont à nouveaux prises pour