• Aucun résultat trouvé

Méthodologies pour l’étude de la commanderie Han de Dunhuang

A. Les histoires dynastiques

2. L’apport des manuscrits médiévaux de Dunhuang

Notre présentation des sources primaires et secondaires chinoises doit inclure certains des manuscrits découverts dans la grotte bouddhique n°17 de Mogao114. Ces textes ont fait la célébrité de Dunhuang, devenu au début de l’époque médiévale, l’un des plus grands centres monastiques en Chine. Plusieurs milliers de documents hétéroclites datés du Ve au début du XIe siècle de notre ère furent peu à peu déposés dans cette grotte (scellée entre 1002 et 1035) ;

112 Chen Kewei : 1992, vol. 2, p. 143. Sur Dunhuang, consulter Da Qing Yi Tong Zhi (ci-après DQYTZ) : 113. 113 Ci-après DSFY. Nous connaissons pour ce texte une appellation plus ancienne : « Notes importantes sur les traités de géographie des vingt-et-une histoires dynastiques (Ershijishi fangyu jiyao 二十一史方輿紀要) » (Chen Bingcai : 1989, p. 211 ; Zhao Yongfu : 1992, p. 193-194).

114Sur les documents (manuscrtis, imprimés sur papier et près de 300 bannières de soie) de grotte 17 de Mogao , mentionnons les travaux suivants : Pelliot : 1920-1924 ; Gernet : 1956 ; Soymié : 1979 ; Kalinowski : 2003 ; Trombert : 1995, 2005 ; Rong Xinjiang : 2013, p. 56-64 ; Drège : 2014.

– Partie I : Les sources : Entre textes et vestiges –

44 | P a g e

ils furent étudiés par les explorateurs115 occidentaux, Japonais puis Chinois durant la première moitié du XXe siècle116. Certains d’entre ceux ramenés par Aurel Stein117 et le sinologue Paul Pelliot118 (1878-1945), retiendront une grande importance dans le cadre de ce travail. Quelle est la nature de ces ouvrages et pourquoi les mentionner ici ?

Au sein de ce très large corpus, on trouve quelques traités de géographie qui dressent – à côté des descriptions topographiques – une géographie administrative et physique de la région de Dunhuang depuis la dynastie des Han jusqu’à la fin des Tang119. Alors que les historiens et géographes officiels sont tenus à simplifier les notices de géographie pour couvrir l’ensemble d’un territoire impérial, les descriptions faites dans ces manuscrits sont appliquées directement à un territoire précis, celui qu’occupent les régions actuelles de Dunhuang et de Guazhou. Le (ou les) auteur(s) de chacun de ces rouleaux connaissent les lieux qu’ils décrivent, ils les ont peut-être même visités. Présentons dès à présent les manuscrits que nous utiliserons en priorité dans cette étude120.

115 Il importe de rappeler les teneurs du terme « explorateur » dans ce contexte très particulier. Lorsque le géographe, topographe, photographe et archéologue Sven Hedin (1865-1959) et ses représentants, parviennent à Pékin en 1926 pour préparer une grande expédition de la région de l’Edsin Gol (sud de la Mongolie-Intérieure et nord du Gansu), le premier contrat stipulé qu’il menait une équipe « d’explorateurs ». Ce terme ayant offencé grandement les négotiateurs chinois, Sven Hedin retira celui-ci pour ne parler que de l’« Expédition Sino-Suédoise ». L’exploration des terres chinoises impliquait, selon les chinois, une certaine domination de l’occcident, une idée qui ne pouvait être accepté si peu de temps après la « Révolte des Boxers » (Yihetuan qiyi ; 义和团起义). Sur ces négociations avec les chinois et le contrat réalisé, voir Hedin et Bergman : 1943, vol., 1, p. 52-53.

116 Cette documentation – iconographique et textuelle – est actuellement conservée dans les plus grandes bibliothèques du monde entier et numérotée derrière l’initiale du nom de l’explorateur ayant rapporté la collection dans son pays. La présentation de chacun des fonds est clairement faite sur International Dunhuang Project [En ligne], (actif au 08/11/2016).

117 Les manuscrits dont le numéro est précédé de la lettre « S » sont ceux ramenés par Aurel Stein à Londres et actuellement conservés à la British Library. Ces manuscrits sont édités en 1957 par Lionel Giles dans Descriptive Catalogue of the Chinese Manuscripts from Tunhuang in the British Museum.

118 Les manuscrits précédés de la lettre « P » sont ceux ramenés par Paul Pelliot à Paris, actuellement conservés à la Bibliothèque Nationale de France, et publiés dans les différents volumes du Catalogue des manuscrits chinois de Touen-houang . Nous avons notamment consulté le volume 1 publié en 1970 (manuscrits n°2001-250).

119 Sur ces manuscrits et leur importance dans l’histoire de Dunhuang, voir Li Zhengyu : 1985, p. 71-171 ; puis Li Bingcheng : 1992, p. 87-90.

120 Pour une présentation exhaustive de l’ensemble des manuscrits de géographies de Mogao, voir Li Zhengyu : 1986 puis 1996 ainsi que Li Bingcheng, loc. cit.

– Partie I : Les sources : Entre textes et vestiges –

45 | P a g e

¾ Pelliot. 2005 : « Cartographie du bureau du haut commandement militaire de Shazhou

(Shazhou dudu fu tujing 沙州都督府圖經) »

Le manuscrit, conservé à la Bibliothèque Nationale de France, est composé d’environ 513 colonnes de caractères121. Mais il s’agit d’un seul et même texte dont la rédaction date de la première moitié de l’époque des Tang. Le (ou les) auteur(s) dresse(nt) une cartographie exhaustive de l’ensemble des unités administratives de la région de Dunhuang. L’évolution des districts y est présentée en indiquant les changements connus depuis la dynastie des Han. Il s’agit du plus exhaustif ouvrage de géographie dont nous avons connaissance pour l’histoire de la région.

¾ 散. 1700 : « Le territoire du district de Shouchang (Shouchangxian dijing 壽昌縣地 境) »

Ce manuscrit, daté de 945, à l’époque des Cinq Dynasties et découvert à Mogao, permet de connaitre la superficie du district de Shouchang (situé dans la partie sud-ouest de la région de Dunhuang) sous la dynastie des Tang (du VIe au IXe siècle)122. Les auteurs détaillent en partie son étendue, les distances séparant la capitale des principales zones géographiques (montagnes, lacs, rivières) 123 et les villes voisines (notamment Dunhuang) à l’époque des Tang124. On y trouve aussi une présentation de l’organisation administrative, de la répartition des cantons et des hameaux125.

¾ Or.8210 / Stein. 5448 / Stein.788 : « Notes sur Dunhuang (Dunhuang lu 敦煌錄) » Ce manuscrit anonyme et incomplet composé de 80 colonnes de caractères contient une mine d’informations sur la topographie antique dans la région de Dunhuang, durant la dynastie des Tang. Ramené à Londres par Stein, il est présenté et traduit par le sinologue Lionel Giles en 1914126.

121 Deux autres manuscrits (Pelliot.2695 et Pelliot : 5034) contiennent des données similaires voir identiques à celui-ci. Il est important néanmoins de les mentionner ici. Sur ce manuscrit, consulter Pelliot : 1916, p. 111-123 ; Gernet et Wu Chi-yu : 1970, p. 3-4.

122 Texte publié dans Xiang Da : 1979. Pour l’analyse annotée du texte, voir Wang Zhongluo : 1992, p. 1-6. 123 Li Zhengyu : 1989, p. 32-38 et 1993, p. 42-45 ; Li Zongjun : 2008, p. 22-29.

124 Wang Zhongluo, op. cit., p. 1-2 et p. 4. 125 Li Zhengyu, loc. cit.

– Partie I : Les sources : Entre textes et vestiges –

46 | P a g e

¾ Pelliot.2691 : « Copie de la cartographie illustrée du territoire contrôlé par « l’armée du

retour au devoir »127 de Shazhou » (Shazhou Guiyijun tujing lüechao 沙州歸義軍圖經

略抄) »

Ce manuscrit incomplet daté de 949 et composé de 23 colonnes traite de la géographie de la région de Dunhuang128. Sont décrits en détails le tracé des principaux cours d’eaux, la position et la hauteur des montagnes et les anciennes installations civiles et militaires construites dans la localité.

Tous ces manuscrits puisent en grande partie dans le Shazhou tujin compilé durant le règne de l’empereur Gaozong de la dynastie des Tang, puis augmenté durant celui de Xuanzong. Composé à l’origine de cinq juan, ce texte informe sur les districts de Dunhuang et de Shouchang. Le(s) auteur(s) renseigne(nt) sur les monts et les rivières, les canaux d’irrigations, les lacs, les relais postaux, les forts, les écoles, les temples ancestraux, les sites historiques. Cet ouvrage a été perdu. Il n’est plus connu, au début du XXe siècle, qu’au travers de citations dans d’autres ouvrages129.

Les manuscrits de Mogao comblent les parties manquantes des histoires dynastiques. Ils renseignent sur l’évolution des installations urbaines, religieuses et militaires dans cette région du Gansu depuis la dynastie des Han. Source d’information d’une grande valeur dont nous ferons usage à plusieurs reprises.