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Une réflexion sur la chronologie des évènements historiques

E. Effet boule de neige dans la fortification du Hexi

Quelles qu’en soient les raisons exactes, nous connaissons les conséquences qu’eurent ces deux campagnes militaires sur la consolidation de la fortification du Hexi :

« À la suite de la conquête du Dayuan (donc après 101 av. J.-C.), […] on installe un duwei486

de Jiuquan au site de Dunhuang et on établit des postes défensifs sur une ligne continue entre Dunhuang et le Lop-Nor. Une force de plusieurs centaines de soldats-laboureurs est envoyée à Luntou, mené par un fonctionnaire chargé de protéger les cultures et d’amasser les graines afin de subvenir aux besoins des envoyés Han quittant l’Empire » 487.

D’après ce passage, Dunhuang monte donc en importance. C’est un zhi devenu un duwei de Jiuquan. Toutefois, nous devons faire preuve d’extrême prudence puisque le « Dunhuangzhi Jiuquan duwei » ( 敦 煌 置 酒 泉 都 尉 ) n’est pas sans ambiguïté. Le commentateur Xu Guang (徐廣) (352-425) rédigea d’ailleurs deux notes à ce propos. Tout d’abord, il souligne qu’en fonction des éditions du Shiji, on ne trouve pas toujours le terme « zhi » (置) après Dunhuang. Il adresse ensuite la réflexion suivante :

一云『置都尉』。又云敦煌有淵泉縣,或者『酒』字當為『淵』字。

« Certains lisent « zhi duwei ». D’autres disent qu’à Dunhuang se trouve le district de Yuanquan, ou alors que le caractère « Jiu » correspond à celui de ‘‘Yuan’’488».

Xu Guang a raison de mettre en doute le passage du Shiji puisque pour « le duwei de Jiuquan de Dunhuangzhi » nous pourrions tout aussi proposer la traduction suivante : « le duwei de Jiuquan de Dunhuangzhi ». Jiuquan ne serait qu’un duwei de Dunhuang, un postulat qui va à l’encontre de l’ensemble des histoires dynastiques présentés ici et qui soulignent l’antériorité de Jiuquan sur Dunhuang. Ainsi, Xu Guang suppose que Jiuquan a dû être confondu avec Yuanquan, l’un des six districts établis au sein de la commanderie de Dunhuang et situé le plus à l’est de celle-ci. Toutefois, dans ce passage reconstitué Yuanquan ne serait pas un district mais un duwei ce qui donnerait : « Le duwei de Yuanquan de Dunhuangzhi ». Autour de 101 et 100 av. J.-C, Yuanquan serait alors le siège d’un commandement militaire de la commanderie de Dunhuang, celle-ci étant déjà reconnue

486 On traduira le terme « duwei » par « commandement militaire ». Dans l’administration Han, le duwei représente la plus haute unité militaire. Voir Kamada Shigeo : 1995, p. 198-203 pour une présentation générale de ce titre. Sur l’usage du duwei dans la commanderie de Zhangye voir Giele : 2002, p. 168-199. Pour la commanderie de Dunhuang, voir Ma Yong : 1981, p. 134-137 et Li Bingcheng : 1995, p. 93-96.

487 SJ : 123/3179. 488 SJ : 123/3179.

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comme telle. C’est un postulat que nous ne pouvons corroborer avec la documentation sur bois excavée dans le Gansu489.

En fonction de notre lecture, il peut donc s’avérer incorrect de considérer Dunhuang en tant que duwei de Jiuquan. Cela étant dit, on ne peut nier qu’à la suite de la conquête du Dayuan, Dunhuang sera dès lors chargé de veiller au maintien des lignes défensives construites jusqu’au Lop-Nor :

« La conquête du Dayuan par le général Li Guangli effraya les royaumes des Contrées occidentales , de nombreux émissaires vinrent offrir des cadeaux à l’empereur. Les Han envoyés dans les Contrées occidentales furent favorisés pour y obtenir des postes, en l’administrant directement, prolongeant ainsi depuis l’ouest de Dunhuang jusqu’au lac salé des postes défensifs »490.

Durant et à la suite de la campagne de Li Guangli, le limes Han progresse dans l’ouest de l’empire, de Dunhuang jusqu’au Lop-Nor pour atteindre Luntou. En reliant les différentes dates transmises concernant la fortification du Hexi, de nombreux travaux défensifs se déroulent entre la première et la dernière campagne de Li Guangli :

¾ Dans la région de Juyan :

o Le général Lu Bode路博德 (119-89 av. J.-C.), commandant en chef des arbalétriers est

envoyé en 102 av. J.-C. à Juyan pour établir un duwei et des fortifications autour de la future Juyan. Cela permettait de prévenir les raids Xiongnu depuis le nord du corridor durant la période de conquête du Dayuan491.

o Les passes de Jianshui Jinguan (肩水金關) et de Xuansuo guan (懸索官) dans la région de Juyan, sont toutes deux élevées, également après la conquête du Dayuan492. ¾ Dans la région de Dunhuang :

o Le déplacement de Yumenguan depuis Jiuquan vers l’ouest de Dunhuang, au site de Xiao Fangpan (D25 ; T.XIV)493.

Quelques explications sont nécessaires à ce sujet. Il ne faut pas confondre la « passe de Yumen » du nord-ouest de Dunhuang à la passe de « Yumen » située au sein de la

489 On sait que la commanderie de Dunhuang compte six districts et quatre duwei (Yumenguan, Yangguan, Zhongbu et Yihe). Les textes excavés ne font jamais référence à un duwei de Yuanquan ce qui nous empêche de corroborer la théorie de Xu Guang.

490 HS: 96/8373.

491 SJ: 110/2916 ; Lao Gan : 1960, vol. 2, p. 30 ; Jia Wenli : 2011, p. 58. Consulter la carte n°3 en annexe. 492 Gansu Jiandu baohu yanjiu zhongxin : 2011, p. 1-4; Tan Junfeng : 2014, p. 87-120.

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commanderie de Jiuquan. La différence est subtile mais clairement présentée dans les « Mémoires des Contrées occidentales » (Xiyuzhuan 西域傳) du Hanshu – première source à notre disposition à mentionner la « Passe de Jade », le Shiji n’y fait pas référence. Il y a d’abord cette conquête de Loulan et de Turfan, nous en avons brièvement parlé plus haut, survenue entre 108 et 107 av. J.-C. L’empereur Wu désire établir des contacts avec Da Yuan et des royaumes voisins. Installées le long de routes stratégiques de première importance pour atteindre ces cultures au-délà du Pamir, ces deux cités-états s’opposent activement à ces missions diplomatiques chinoises, sans doute pour ne pas perdre leurs statuts de monopoles commerciaux intermédiaires. En conséquent, Zhao Ponu conquiert une première fois ces deux cités fortifiées, ceci dans un but de « faire peur aux états [du Xiyu] tels que Wusun ou Dayuan »494. Conséquemment, la fortification de la partie centrale du Hexi est en plein essor (conservons exceptionnelement le texte chinois, du fait de l’importance de ce passage):

« 於是漢列亭障至玉門矣。 » 

« Les Han construisent une ligne de postes (de surveillances) et de forteresses jusqu’à Yumen. »495

Plusieurs commentateurs se sont heurtés à certaines subtilités dans à propos de ce déplacement496. Il n’est aucunement fait mention de « Passe » dans ce passage. Jiuquan demeure dés lors le dernier rempart Han à cette époque. Vient ensuite la campagne de Li Guangli. Entre temps, les Xiongnu s’étaient emparées à nouveau de Loulan et de Turfan. Rien d’anormal à cela. Les premières garnisons Han étant à Jiuquan, sont éloignées de quelques 650 km, comment auraient-ils pu maintenir leurs puissances sans renforts à proximité ? À mon sens, cette question fut sans doute posée dès lors que les Xiongnu avaient pu reprendre le contrôle des routes du Xiyu. L’appât des richesses de ces contrées se faisant de plus en plus fort, il convenait de déplacer Yumen pour installer peu à peu des garnisons jusqu’aux dunes de sable du Gobi, à l’ouest du Hexi. Mais il fallut attendre que Dunhuang devienne une base pour les campagnes de Li Guangli entre 104 et 101 av. J.-C. pour y parvenir :

« Après (la reprise de Loulan par les Xiongnu), le [général] Ershi attaqua Dayuan. Bien que les Xiongnu aient tenté d’intercepter [Li Guangli], les forces armées du [général] Ershi étaient telles que les Xiongnu n’aient eu le courage de la confronter. Ainsi, ils envoyèrent des cavaliers à Loulan afin de dénuer le passage aux derniers envoyés Han passant par là. À ce moment, Ren Wen [ayant le titre de]

494 HS : 96B/ 3876. 495 Ibid.

496 C’est notamment le cas de Hulsewé dans la traduction de ce chapitre du Hanshu. Il relie directement « Yumen » à la « Passe de Yumen » (Hulsewé : 1979, p. 87). Loewe ne fait pas cet amalgame (Loewe : 1995, p. 460).

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« Contrôleur des armées »497 est posté à la Passe de Yumen (ou Passe de Jade), couvrant l’arrière garde de l’armée du [générale] Ershi. Les prisionniers (Xiongnu ?) que fit [Ren Wen], il put faire l’analyse de la situation et effectuer ces rapports en accord avec leurs indications »498

.

La Passe de Jade telle qu’elle fut désormais située au nord-ouest de Dunhuang, sur la route médiane conduisant à Loulan, occupe une position beaucoup plus confortable pour les missions conduites sur cette cité-état. Le texte se poursuit justement par la soumission de Loulan. Certes, les Xiongnu tenteront de le reprendre mais les Han, désormais plus proches des affaires du Xiyu, pourront rivaliser avec l’hégémonie Xiongnu. Quant à la date durant laquelle cette passe est fondée, nous le savons également. Il s’agit de 102 av. J.-C., année durant laquelle Li Guangli est cantonné à Dunhuang et prépare sa seconde campagne en prenant en compte les leçons de son récent échec face à Dayuan. Rappelons qu’à ce moment son armée est interdite de franchir « Yumen » et, par extension, l’empire. Profitant de ce temps passé dans la partie occidentale du Hexi, nous pouvons supposer que le déplacement de la passe au nord-ouest se fait au moment même de son départ, soit à l’été 102 av. J.-C499.

o L’extension des murailles défensives et des tours de signaux entre Dunhuang et le Lop Nor500. En raccordant désormais cette précédente réflexion avec le texte du Shiji, il est tout naturel que les défenses autour de Dunhuang et allant jusqu’au Lac salé soient installées durant et à la suite de cette seconde campagne (entre 102 et dès 101 av. J.-C.) :

« Ainsi, depuis la place [forte] de Dunhuang de la commanderie de Jiuquan jusqu’au Lac Salé, on installe des postes de surveillances. Ainsi, [à Dunhuang] une centaine de soldats labourent les champs, les responsables de [Dunhuang] protègent les champs et amassent les graines qu’ils donnent aux émissaires se rendant au-délà des frontières »501.

C’est à peu de choses près le même texte que celui du Hanshu. Jiuquan est une commanderie ; Dunhuang est un « zhi » ou « place forte ». Suite à la conquête de Dayuan, les Han observent une politique d’occupation différente du Hexi. Ce n’est plus seulement une zone de passage mais un territoire intégré à l’Empire. L’occuper, le défendre et l’administrer est devenu primordial. On commence dès lors à consolider la partie occidentale du corridor.

497 Ren Wen prend le rôle de protecteur de la marche de Li Guangli. Pour employer un discours propre à l’armée, il « couvre ses arrières ». Pour son titre officiel « contrôleur des armées », nous suivons Loewe : 1967, vol.1, p. 304 ; Hulsewé : 1979, p. 87, note 103. Sur Ren Wen, voir SJ : 110/2917 et HS : 94A : 3877, puis Loewe : 1995, p. 460 pour une biographie.

498 HS : 96B/3876-3877. Nous sommes repartis du texte original pour effectuer cette traduction tout en s’aidant de celle de Hulsewé (Hulsewé : Ibid).

499 SJ : 123/3177.

500 SJ : 123/3179. Cette ligne de défense fut étudiée par Stein : 1921, vol. 2, p. 722-730. 501 SJ : ibid.

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Pendant le séjour de plus d’une année de Li Guangli et de son armée à Dunhuang (entre 103 et 102 av. J.-C.), c’est donc tout un nouveau territoire qui se trouve occupé par le contingent de la malheureuse première expédition. Par conséquent, on occupe et on développe les terres agricoles, on installe des postes de surveillance sur les routes… On sécurise la porte occidentale du Hexi et on fixe de nouvelles frontières vers l’ouest. Ce temps jouera un rôle nettement bénéfique pour le territoire de Dunhuang. C’est à la suite de cette conquête de Dayuan que l’on date le déplacement de Yumenguan vers le nord-ouest de Dunhuang502. Désormais, pour accéder à l’Empire, il faudra passer par cette passe. Le territoire de Dunhuang prend peu à peu forme, se préparant à devenir une commanderie. Les premières phases de colonisation sont désormais en place : on fortifie la zone en longeant la ligne défensive, on cultive les terres locales et on balise les voies de communication, comme cela est le cas avec Xuanquan.

Considérant les conséquences de cette conquête sur le développement de la partie occidentale du Hexi et donc de la région de Dunhuang, le corps scientifique s’accorde pour dater entre 101 et 100 av. J.-C., la fondation de la commanderie de Dunhuang503. Nonobstant ces importantes évolutions que nous connaissons grâce à cette riche documentation historique, tout l’ouest du Hexi continue toutefois à être administré par Jiuquan, englobant par conséquent la zone allant jusqu’à Yumenguan504. Dunhuang devient un poste avancé de Jiuquan mais n’est pas encore une commanderie505. Dans l’ultime section de ce chapitre, nous verrons que les plus anciens documents sur bois découverts dans l’ouest du Gansu attesteront le fonctionnement d’une structure militaire à Dunhuang mais la commanderie ne sera proclamée que plus tardivement.

502 On date à présent la construction de cette passe entre 100 et 92 av. J.-C. Voir Stein : 1921, vol. 2, p. 722-742; Li Bingcheng : 1998, p. 222-223; Wu Rengxiang : 2005; Li Yanyun et Bo Weicheng : 2006, p. 67-71.

503 La liste est assez longue. On citera Chang : 2007, vol. 1, p. 206-213 ; Li Bigncheng, op. cit., p. 31-35 ; Wu Rengxiang, op. cit., p. 17 ; Li Zhengyu : 2011, p. 23-29.

504 Lao Gan : op. cit., p. 40-52. 505 SJ: 123/3179.

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« Ce choix répondait d’abord à des considérations stratégiques. La région s’étendait au débouché de la principale route vers l’Ouest à partir de Dunhuang, la route médiane que nous avons étudiée précédemment. Cette route, servait de relais après la longue traversée du Gobi et [était] indispensable pour atteindre les pays lointains de l’ouest. Mais d’autres raisons décidèrent de cet emplacement, elles sont clairement exposées dans le fameux mémoire de Sang Hongyang qui jette les fondations d’un véritable programme de colonisation. »507

En 89-87 av. J.-C., Sang Hongyang propose un mode de développement de ces deux régions :

« A l’Est de l’ancienne Luntai se trouvent les pays de Jiezhi et de Quli qui sont tous également des Etats anciens. Les terres sont vastes et riches en eau et en végétation. […] Nous suggérons humblement que les conscrits de colonies agricoles soient envoyés à l’ancien Luntai et à l’Est et que trois postes de colonels soient créés pour assurer le contrôle de cette région ainsi divisée en trois secteurs. Chacun en fera le relevé topographique, creusera et exploitera rigoles et canaux, œuvrant au mieux pour [créer les conditions] d’une productivité céréalière optimale en fonction des saisons. [Les commanderies] de Zhangye et de Jiuquan détacheront des unités de cavalerie qui seront placées sous les ordres des colonels pour assurer des patrouilles, et, autant que la situation le permettra, des courriers à cheval assureront l’acheminement des informations. A mesure que le nombre de terres mises en valeur et irriguées augmentera, on construira une ligne orientée vers l’ouest constituée de postes fortifiés reliés par une muraille. Cela inspirera une crainte respectueuse aux pays occidentaux et favorisera le soutien [que nous entendons apporter] aux Wusun. »508

Le plan met en scène les commanderies de Zhangye et de Jiuquan mais pas celle de Dunhuang. Alors que l’on tend à considérer que Dunhuang est déjà une commanderie à la suite de la conquête du Dayuan509, ce passage remet en doute cette hypothèse. En effet, l’absence d’une mention à Dunhuang comme commanderie peut signifier que la région de Dunhuang ne possède pas, à cette date, les ressources administratives et humaines suffisantes pour assurer un tel projet510. Nous l’avons d’ailleurs constaté avec le passage cité plus haut du

507 Trombert : 2011, p. 80.

508 HS : 96B/3912. Nous reprenons la traduction de ce passage, récemment publiée par Trombert, op. cit., p. 80-81.

509 Li Zhengyu : 1985, p. 80-83 ; Shao Taixin : 1988, p. 42-43 ; Chang, op. cit., p. 205-206.

510 L’idée de Sang Hongyang venait en fait à un mauvais moment avec le décès de l’empereur Wu, le bilan catastrophique des finances de l’état impérial qui mena à un débat sur la « Dispute du monopole étatique du sel et du fer » dans lequel le Grand Secrétaire souligne que malgré le décès de l’empereur qu’il faut poursuivre les travaux de défense et d’occupation du grand ouest. Malgré les réserves des lettrés, Sang Hongyang justifiera ce monopole en expliquant que cela permet de « faire face aux dépenses exigées par la protection des frontières

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Shiji, seule « une centaine » de soldats labourent les champs et « accumulent les graines », efforts bien moindres comparer à ce qu’il faut accumuler et, surtout, produire pour une commanderie impériale.

Cela s’explique aussi par le fait qu’à cette date, lorsque Sang Hongyang propose ce plan à la cour impériale, nous n’avons pas une idée claire des limites du Hexi. Les efforts d’extension des fortifications depuis le Shule jusqu’au Lop-Nor et les tentatives de colonisations agricoles des régions du Tarim de Luntai et de Quli, sont le résultat d’une volonté d’intégrer au Hexi ces territoires. Nous supposons qu’entre la fin de la conquête du Dayuan et 87 av. J.-C., la commanderie de Jiuquan s’étendait encore jusqu’à la Passe de Jade tandis que le commandement militaire de Dunhuang demeurait un point avancé vers le nord-ouest ou plutôt un pont vers les oasis du Tarim. Car au-delà de la Passe de Jade, l’nord-ouest s’ouvre sur une étendue de sable et de lacs salés qu’il était encore bien ardu à délimiter dans l’espace511.

B. « Dunhuang » dans les plus anciennes fiches Han

Ne reste alors qu’un seul texte à disposition, le plus utilisé de tous puisqu’il s’agit de la première description administrative de la commanderie de Dunhuang. Il est tiré du « Traité de géographie administrative » du Hanshu :

敦煌郡,武 帝 後 元 年 分 酒 泉 置 。 正 西 關 外 有 白 龍 堆 沙 , 有 蒲 昌 海 。 莽 曰 敦 德 。 戶萬一千二百,口

三萬八千三百三十五。縣六:敦煌,中 部 都 尉 治 步 廣 候 官 。 杜 林 以 為 古 瓜 州 地 , 生 美 瓜 。 莽 曰 敦

德 。 冥安, 南 籍 端 水 出 南 羌 中 , 西 北 入 其 澤 , 溉 民 田 。 效穀, 淵泉, 廣至,宜 禾 都 尉 治 昆 侖障。莽曰廣桓。 龍勒。有 陽關、玉 門關,皆都尉治。氐置水出南羌中,東北入澤,溉民田。