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A) Les contextes

2) Les Wisigoths

Le royaume wisigoth est le premier grand royaume formé par le foedus de 4182. Certes les Francs étaient présents auparavant mais leur structuration n’était pas aussi claire et il faut attendre le milieu du Vème siècle pour que les Francs bâtissent des royaumes autonomes et puissants. Étonnamment, les individus travaillant avec les pouvoirs barbares sont rarement cités en poste auprès du roi3. La répartition des Romains dans le royaume de Toulouse souligne aussi l’organisation de ce dernier. Une administration se met en place pour structurer le royaume et lui permettre de prospérer sous l’autorité du roi.

Un sentiment « antiorthodoxe » s'observe particulièrement dans les relations qu'entretiennent Euric et Alaric II avec le clergé orthodoxe de leur royaume4. Ils défendent l’arianisme au détriment des orthodoxes qu'ils n'hésitent pas à rabrouer et combattre ou même exiler comme les évêques Volusianus5 et Quintianus6 lorsqu’ils les soupçonnent de trahison. Ces prétendues trahisons étant, dans le cas de Quintianus, provoquées par son envie de trahir le roi pour les Francs de Clovis, alors orthodoxes. Alaric II est dans un premier temps prompt à

2 Delaplace 2015, p. 155.

3 Le seul Romain dont on peut certifier la présence auprès d’Euric de manière constante est Leo. Sidon. Epist., VIII, 3.

4 Cassiod. Var., VIII, 24 ; Salv. Gub., VII, 9-10. 5 Greg. Tur. Franc., II, 26 ; Ruric. Epist., 65. 6 Greg. Tur. Franc., III, 2

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humilier ses sujets orthodoxes. Il change cependant rapidement de comportement devant la popularité des Francs dirigés par Clovis, un roi orthodoxe. L'arianisme des Wisigoths est un trait culturel essentiel de ce peuple. Ils l'affirment et le revendiquent. Deux doctrines religieuses chrétiennes s'affrontent et si les orthodoxes ont l'avantage du nombre, l'arianisme possède les faveurs du pouvoir.

Plusieurs épisodes violents marquent les relations entre clergé orthodoxe et pouvoir wisigoth pro-arien, au point où certains ont pu parler de persécutions sous la royauté d'Euric7. Le cas de Sidoine Apollinaire est intéressant : le natif de Lyon est exilé après la prise de Clermont par les Wisigoths d'Euric justement car il est un évêque orthodoxe ; il n'est pas exilé8 à cause d’un différend religieux mais parce que les évêques orthodoxes suivent la position de Rome et du pape ce qui est une opposition franche à l'autorité du roi. Le orthodoxie est le dernier symbole de la Rome impériale, d'un monde qu'Euric cherche à faire taire dans son royaume : c'est une opposition politique majeure que le souverain ne voulait tolérer.

Il est frappant de constater qu'il n'en fut pas toujours ainsi et qu'Euric s'inscrit à contre-courant par rapport aux relations qu'entretinrent les souverains wisigoths avec les autorités romaines et notamment les autorités ecclésiastiques9. D'Athaulf à Théodoric II, les rapports entre rois wisigoths et autorités romaines furent souvent bons une fois le foedus signé en 418, même si des conflits ont pu naître. Athaulf se marie à Galla Placidia cherchant ainsi à devenir un membre de la famille impériale. C'est Théodoric I qui est le fer de lance de la coalition menée par Aetius contre Attila aux champs catalauniques et Théodoric II est le meilleur

7 Quelques cas transparaissent dans les écrits de Grégoire de Tours, sans parler de l’exil d’évêques : Greg. Tur. Franc., II, 26.

8 Sidon. Epist., VIII, 3, 1 ; Prévot 1993, p. 253. 9 Cassiod. Var., VIII, 24 ; Salv. Gub., VII, 9-10.

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soutien de l'empereur Avitus qu'il aide à accéder au trône. Des conflits ont pu éclater comme le siège de Narbonne en 436-437, mais sur le temps long, les périodes où les Wisigoths combattent pour l’Empire sont bien plus nombreuses que celles de conflits10.

Ce dernier point permet de mettre en valeur un aspect fondamental du royaume wisigoth : c’est un territoire où il existe des conflits récurrents notamment avec les populations suèves, l’annexion définitive de la Galice n’ayant lieu qu’à la fin du VIème siècle11. Ceci implique une militarisation des institutions devant être capables de lutter et de réagir rapidement dans les territoires concernés. Sans minimiser les conflits ayant eu cours parmi les autres royaumes, le royaume wisigoth n’a que très rarement été en paix durant la période d’étude au vu des conflits avec les Suèves, les restes des populations vandales d’Andalousie, les Francs et les forces impériales. Cet état de fait rend les besoins militaires du royaume très importants et explique le recours aux Romains dans l’armée wisigothique12. Il explique également pourquoi les sources sont prolixes sur les militaires romains travaillant avec la cour de Toulouse.

Il a été affirmé en début de ce chapitre concernant les Wisigoths que les Romains les servant ne sont que rarement présents auprès du roi et cela peut s’expliquer par les besoins sur les territoires contrôlés par le souverain de Toulouse qui est, jusqu’à Vouillé en 507, le plus grand royaume barbare présent en Occident en superficie. Cet éclatement du territoire coupé en deux par les Pyrénées oblige les Wisigoths à déléguer au maximum les affaires civiles à des administrateurs, des comtes, qui disposent de larges marges de manœuvre. Ces comites civitatis se trouvent aussi nommés iudices in civitate13dans le Bréviaire

10 Petersen 2013, p 44.

11 Greg. Tur. Franc., VI, 43 ; Collins 2004, pp. 121-122. 12 Lebedynsky 2001, p. 88.

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d’Alaric. L’emploi du terme iudex est important car il implique des missions de justice en plus des missions administratives.

Ce sont les contraintes géographiques mais aussi géopolitiques qui ont façonné le royaume wisigoth. Entre conflits permanents et grande superficie, les Wisigoths ont dû faire preuve de pragmatisme pour continuer à contrôler leurs terres, transformant certaines institutions et fonctions romaines afin de mieux servir leurs intérêts.