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Point de vulnérabilité 4 : détournement des TICS en cas de mauvaise

1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

3.1 Seconde identification des points de vulnérabilité concernant la sécurité

3.1.4 Point de vulnérabilité 4 : détournement des TICS en cas de mauvaise

Comme nous l’avons décrit plus haut, un projet visant à la sécurisation des thérapies anticancéreuses et s’appuyant sur les TICS a vu le jour dans notre

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déployée, en remplacement de la check-list en papier qui assurait jusque-là la réconciliation entre patient, prescription et traitement au moment des administrations de traitement anticancéreux.

Intention louable, les concepteurs de l’application ont fourni avec l’outil un indicateur du suivi de l’utilisation.

Le problème avec cet indicateur, c’est qu’il s’est révélé trop simpliste pour dépister les problèmes de sécurité en lien avec le scanning. L’indicateur n’a non seulement pas permis de dépister le fait que la technologie n’avait pas été implémentée en considérant les processus et flux de travail infirmiers, ou workflows, mais de plus, a laissé penser au contraire que tout fonctionnait parfaitement en offrant, mois après mois, d’excellentes valeurs.

Le personnel soignant s’était en effet retrouvé devant le dilemme consistant à devoir obligatoirement utiliser la BCMA, alors que la technologie modifiait profondément les workflows. Ainsi, pour échapper au manque d’ergonomie de la solution informatique, une série de workarounds a été mise en place, c’est-à-dire pour rappel des stratégies de contournement du système électronique, permettant de continuer à effectuer les tâches comme auparavant.

Ce n’est que lors de notre étude visant à s’assurer du bon emploi de la technologie et de son adéquation avec les critères ergonomiques que la mésutilisation a été identifiée.

Dans cette partie de notre travail (page 187), la faiblesse de l’indicateur et par là-même de la TICS est démontrée en s’appuyant sur la description des workarounds mis en place par les équipes de soins. Nous discutons les dangers générés par ce mésusage et présentons les pistes que nous avons explorées pour éviter que ce type de problème ne se reproduise.

Chapitre 4

Développement d’une méthode structurée et basée sur l’ergonomie pour accompagner l’implémentation des technologies de

l’information dédiées au domaine de la santé

4.1 Introduction

Comme on l’a vu dans le premier chapitre de ce travail, les TICS font intégralement partie du paysage médical contemporain.

Leur arrivée ne se fait cependant pas sans impact sur le système, et il devient urgent de développer des méthodes d’évaluation afin de comprendre l’ampleur des changements qu’elles induisent.

C’est donc sur ceux qui côtoient les processus, qu’ils en soient gestionnaires ou utilisateurs directs, que peuvent reposer les tâches suivantes :

• Juger si la TICS sera efficace, sûre et d’un coût raisonnable dans son propre contexte de soin.

• Trouver la façon la plus acceptable possible de procéder aux implémentations, en préservant la sécurité du patient.

• Prévoir un suivi de l’utilisation de la TICS, à l’aide d’indicateurs.

• Discuter avec des développeurs informatiques de modifications à apporter.

Cependant, devant la nécessité de réaliser des études de leur système de travail, tous peuvent se retrouver circonspects, que ce soit le stakeholder réalisant l’acquisition d’une TICS pour son établissement, le professionnel confronté à l’informatisation sur son lieu de travail, ou celui qui pratique un bilan après des années d’utilisation. Lorsque l’on n’a pas la possibilité de contacter un spécialiste en ergonomie pour venir réaliser une étude de son système de travail, il faut alors se tourner vers la littérature.

Comme pharmaciens, par analogie avec les études cliniques, nous serions tentés d’évaluer les TICS comme un médicament ou une intervention médicale. Le gold standard est alors l’étude randomisée contrôlée en double aveugle. Mais la

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transposition d’une telle évaluation pour une TICS semble une chose presque impossible. C’est justement le propos de l’équipe britannique dont Cresswell fait partie (K. M. Cresswell, Blandford, and Sheikh 2017), lorsqu’elle cherche dans un article publié il y a quelques semaines à identifier une façon scientifique d’évaluer les TICS.

Heureusement pour notre travail, les auteurs arrivent à une conclusion similaire à la nôtre, c’est-à-dire que seule une évaluation complète à l’aide de l’ingénierie des HF&E peut faire parvenir à des résultats d’évaluation probants.

Si nous avons été enchantés de découvrir des éléments que nous avons également utilisés dans la méthode construite au fil des années, la publication récente de Cresswell pose encore et toujours le même problème. Même son article proposant une boîte à outil devant servir de cadre pour l’implémentation du e-prescribing n’offre pas de solution structurée et rapide d’analyse, accessible à un néophyte ou à un non spécialiste du domaine HF&E (K. Cresswell et al. 2014).

Professionnels issus du domaine médical et utilisateurs de TICS depuis plus de 10 ans, nous avons été confrontés aux mêmes types de questionnements ; c’est pourquoi nous avons souhaité développer puis tester une méthode accessible, rapide et structurée qui permet d’étudier les environnements professionnels, notamment à l’aide de critères ergonomiques, et de faciliter l’intégration des technologies.

La première partie du chapitre décrit pour remise en contexte notre lieu de travail afin de présenter les technologies auxquelles nous étions confrontés et les questions qui ont mené au développement de cette méthode. La seconde partie du chapitre présente les éléments qui la composent, l’ancrage bibliographique et méthodologique essentiel, ainsi que des astuces d’utilisation. Elle explique également comment passer d’observations de terrains à la restitution de solides résultats chiffrés.

Le chapitre suivant sera alors consacré à la démonstration de la méthode au travers de la présentation de résultats emblématiques.

4.2 Contexte de développement de la méthode

Depuis plus de 10 ans, l’informatisation des processus se développe au sein de l’hôpital universitaire qui reçoit nos patients. Ainsi, cet établissement de 2’000 lits s’est doté il y a une décennie déjà d’un dossier patient informatisé assorti de son module de prescription.

Plus particulièrement, comme on l’a expliqué auparavant, le service d’oncologie, la direction des systèmes d’information et la pharmacie se sont retrouvés autour du projet visant à implémenter des solutions électroniques pour sécuriser chacune des étapes menant de la prescription à l’administration de quelque 12’000

traitements anticancéreux par année (Figure 8 en page 45).

Nous nous sommes donc trouvés à un carrefour intéressant permettant de construire une méthode d’évaluation de TICS, à différentes étapes de leurs vies, et dans différents contextes hospitaliers : de la pharmacie centrale à l’unité de soin, avant même l’implémentation de la technologie, au moment de son introduction et lorsqu’elle est déjà utilisée en routine auprès de patients.

Pour développer la méthode, nous nous sommes appuyés sur des concepts de HF&E, dont nous exposons dans la partie suivante les éléments théoriques nécessaires à la compréhension de la démarche, ainsi que la bibliographie essentielle.

Comme pharmaciens des hôpitaux, nous n’étions honnêtement que peu outillés pour comprendre les notions de psychologie du travail et les cadres conceptuels des différentes théories ergonomiques. La construction de la boîte à outils ergonomiques fut dictée par le constat qu’il fallait des outils compréhensibles par le plus grand nombre d’utilisateurs, sans langage technique ; le temps d’appropriation des outils devait être modéré.

La littérature sur laquelle se base la méthode devait être accessible via des canaux classiques utilisés par les autres professionnels de l’hôpital (par exemple pubmed), ou ne nécessiter qu’un minimum d’achat de documentation supplémentaire, voire pas du tout (libre accès). Les résultats de l’application des outils devaient évidemment malgré tout apporter des éléments valides du point de vue ergonomique.

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Du point de vue temporel, la méthode a été développée par étapes, en fonction de l’avancement du projet et du déploiement institutionnel des TICS. Un premier pan a été réalisé à la fin de l’année 2008 – début 2009, puis de 2011 à 2014. Différents outils et techniques sont entrés ou ont quitté la méthode, d’autres qui semblaient prometteurs ont dû être largement réévalués en regard de leur efficacité, comme on le verra plus loin dans ce travail. Nous présentons ici la méthode dans sa version la plus aboutie, telle qu’elle a été utilisée et rôdée dans plusieurs systèmes de travail.

4.3 Présentation des éléments de la méthode et ancrage