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1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

1.1 Que sont les technologies de l’information dans le domaine de la santé ?

1.1.1 Définitions

Afin d’offrir une entrée en matière concernant les concepts qui nous ont occupés dans ce travail, on peut débuter la réflexion par la recherche d’une série de définitions qui font loi pour le domaine.

Ce n’est pas une démarche inutile : des experts des TICS (Debande 2011; Hersh and Williamson 2007) regrettent dans leurs articles qu’une multitude de qualificatifs et définitions – pas toujours comprises de façon identiques – fleurissent dans le domaine. On ne peut pas leur donner tort, traversant la littérature, on peut par exemple découvrir que le Electronic Medical Record du médecin japonais est l’Electronic Healh Record du médecin américain (Abraham, Nishihara, and Akiyama 2011). L’ancien directeur des systèmes d’informations des HUG, B. Debande, évoque pour exemple la définition du dossier du patient dans sa version électronique, un concept qui devrait pourtant sembler trivial. Comme il le souligne, il s’agit peut-être là de la marque d’une transition, une période de mutation dans la façon de gérer les informations relatives au patient.

Cherchant donc une source de définitions établies avec rigueur, offrant un certain consensus pour les scientifiques, libre à la consultation, et voulant dépasser la lecture des définitions d’un dictionnaire rédigé par des industriels (Healthcare Information and Management Systems Society. 2017), nous avons choisi de nous

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vocabulaire contrôlé de la US National Library of Medicine (NLM). Il sert ensuite pour l’indexation des articles de PubMed, et semble être là une source idéale pour trouver des définitions claires.

Chose appréciable, il offre également la date d’introduction du terme dans le thésaurus, ce qui permet de comprendre quand un sujet a commencé à être un motif de préoccupation dans la communauté scientifique utilisant le répertoire.

Ainsi, on y apprend que depuis 1993, les sciences de l’information couvrent le champ de théorie, connaissance et technologie qui se préoccupe de collecter les faits et chiffres (les données, les informations), ainsi que les processus et méthodes impliquant la manipulation de ceux-ci, leur stockage, leur dissémination, leur publication et leur extraction (US National Library of Medicine 1993).

On se trouve donc ici au croisement de différents domaines : la communication, la publication, l’organisation des données, et l’informatique qui offre un support aux processus.

Cette définition des sciences de l’information, appliquée au monde médical, se trouve sous le descripteur MeSH medical informatics : elles occupent ainsi le champ des sciences de l’information concerné par l’analyse et la dissémination de données médicales, au travers de l’utilisation d’ordinateurs appliquée à des aspects variés de la médecine et des soins médicaux (US National Library of Medicine 1987).

Quant au concept Health Information Technology (HIT), il s’agit du terme qui restreint le descripteur à la définition d’un système-expert complet, capable de fournir de l’information à ceux qui en ont besoin, pour prendre des décisions sûres à propos de la santé (2010). C’est à cette définition que nous nous référons lorsque nous parlons des TICS.

Dans ce contexte de relatif flou dans la nomenclature, ce qu’il nous paraît important de clarifier, c’est la différence entre l’utilisation de technologies pour automatiser, robotiser ou libérer l’humain de certaines tâches liées à la santé, et les TICS. Les TICS ne sont pas des ustensiles dont l’utilisation se fait à sens unique ; ce qui fait réellement l’essence d’une TICS, c’est qu’elle établit avec son utilisateur une réelle interaction, un interface homme-machine. Si celui-ci est réussi, l’humain acquiert alors une série de quasi superpouvoirs (Shneiderman et al. 2017)

Une pompe destinée à l’administration de médicament, qui est programmable par une infirmière, et qui a pour unique fonctionnalité de garantir un débit constant n’est pas selon nous une TICS. Ce qui fait d’un « bras digital » une TICS est le système-expert qui permet de gagner de la cognition supplémentaire. Il convient de ne pas confondre robotisation, automatisation d’un processus et soutien d’un processus par une TICS.

A ce titre, la revue du pharmacien et spécialiste des TICS S. Goundrey-Smith ne nous semble pas mettre suffisamment en lumière cette problématique (Goundrey-Smith 2014). Il présente ainsi un panorama des technologies présentes et opportunités futures dans le monde de la pharmacie communautaire, nuançant les bénéfices des TICS par les problèmes que les utilisateurs peuvent rencontrer, par exemple lorsque les technologies sont implémentées dans les contextes de soins sans préparation préalable des utilisateurs. Ceci pourrait tout à fait servir le propos de ce travail, mais l’article mêle des processus d’automatisation pure (robot distributeur de médicament) et des TICS (scanning de médicaments au lit du patient). Il nous semble dommage d’ajouter de la confusion au propos.

Cet aspect très large et la complexité du domaine couvert se retrouvent dans l’articulation du terme dans le répertoire Emtree® compilant cette fois-ci le vocabulaire contrôlé de recherche du portail d’indexation Embase®. Les TICS sont regroupées depuis 2002 sous le terme de medical informatics, qui comporte également les synonymes health informatics; medical data processing; medical informatics applications; medical informatics computing; medical information technology; public health informatics (Embase 2002).

La Figure 1 en page 8 ci-dessous offre une méta-vision de ce que sont les TICS : un art de fournir de l’information de teneur médicale aux humains à l’aide de moyens technologiques.

De façon pragmatique, ce vaste champ regroupe actuellement des moyens technologiques couvrant un large éventail de prestations dans le domaine médical, comme on le verra dans la section suivante.

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Pour refermer la partie dédiée aux thésaurus médicaux et leurs définitions, lorsque l’on reprend les dates d’apparition des MeSH, medical informatics fête, en quelque sorte, ses 30 ans. Voilà déjà 10 ans, le docteur David Blumenthal (Blumenthal and Glaser 2007) exhortait ses confrères à adopter les technologies taxées de nouvelles, même si les bénéfices n’en étaient pas encore évidents à ce moment. Il offrait alors un bref aperçu des TICS dont il jugeait les possibilités vertigineuses, l’évolution galopante, et se concentrant sur le dossier électronique du patient, il s’interrogeait sur la façon de les évaluer in situ de manière à en mesurer la réelle balance bénéfice-risque.

Pour en venir à des faits et technologies réellement contemporains, en 2016, 78% des Suisses entre 15 et 74 ans possédaient un smartphone. Côté médecins, en 2012, un sondage réalisé par O. Franko avait montré que 85% des médecins en possédaient un, dont 50% l’utilisaient pour leur pratique médicale quotidienne (Franko and Tirrell 2012).

Il y a alors fort à parier que côté Europe, en 2017, quasiment chaque médecin ou pharmacien possède dans l’une des poches de sa blouse blanche un smartphone de dernière génération, que certains confrères nous proposent même de garnir à l’aide des applications (les app) les plus utiles pour gagner en efficience professionnelle (Mille, Fontan, and Bedouch 2017).

Figure 1 Capture d'écran de l'articulation du terme "Medical Informatics"

dans la base de d’indexation Embase®

Si ce type d’outil est devenu d’une banalité affligeante dans nos quotidiens, il y a alors un paradoxe relativement amusant au fait que l’adjectif « nouvelles » s’accole encore aux TICS dans les éditoriaux médicaux britanniques de large lectorat (Abbasi 2017). Elles ne semblent pourtant plus si nouvelles que cela.

Etudiant ainsi le propos de l’éditorialiste et médecin Kamran Abbasi, le voilà offrant un bref aperçu des nouvelles TICS, dont il juge les possibilités vertigineuses, l’évolution galopante, et se concentrant sur les possibilités pour les études cliniques, il s’interroge également sur la façon de les évaluer in situ de manière à en mesurer la réelle balance bénéfice-risque.

Voilà un discours qui sonne avec l’impression d’un… déjà-lu.

Il y est fascinant de constater alors que si les TICS offrent années après années des possibilités qui défient l’imagination, elles restent toujours

« nouvelles », comme non maîtrisées ou domptées dans le quotidien médical, et leur évaluation reste problématique. Nous y reviendrons plus loin.

Afin d’offrir un peu de cette maîtrise qui semble faire défaut, nous nous proposons de réaliser dans la section suivante une présentation des TICS utilisées actuellement dans le quotidien hospitalier.

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