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1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

4.4 Eléments théoriques et bibliographiques essentiels

Constatant le déploiement de TICS au sein de notre établissement, nous avons donc cherché une façon d’éviter la survenue d’effets indésirables liés à ces technologies.

Suite à une présentation suivie au sein de notre hôpital (Bétrancourt 2007), nous avons alors contacté en 2008 les spécialistes du TECFA de l’Université de Genève, unité académique dont les travaux couvrent notamment les problèmes cognitifs rencontrés dans les apprentissages via des technologies, l’apprentissage collaboratif médié par des ordinateurs et sa communication. Ils nous ont offert une aide inestimable pour entrer dans le domaine des HF&E.

Nous avons alors lu de façon extensive la littérature accessible à des professionnels de la santé sans formation préalable en psychologie, et offrons ici les ouvrages et articles qui à notre sens devraient être consultés en priorité pour comprendre le domaine :

1. L’ouvrage de Ben Shneiderman, trouvé un après-midi de désœuvrement à la bibliothèque en 1999 (dans sa version de 1987 dont la couverture est présentée en vignette ci-contre), et dont la lecture a probablement influencé tout ce travail : Designing the User Interface: Strategies for Effective Human-Computer Interaction (Shneiderman et al. 2017).

2. L’indispensable Handbook of Human Factors and Ergonomics in Health Care and Patient Safety, récemment réédité en une seconde édition par Carayon (Pascale Carayon 2012).

3. L’article essentiel de Bentzi Karsh concernant croyances et sobres réalités autour des TICS (Karsh et al. 2010).

4. Les critères ergonomiques de Bastien et Scapin (Scapin and Bastien 1997; Bach and Scapin 2005), liste d’éléments pour pratiquer une évaluation ergonomique des interfaces hommes-machine, répertoriés dans l’Annexe 1.

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Ce formalisme terminologique est extrêmement utile pour discuter de problèmes concrets avec d’autres professionnels TICS. Ainsi, un commentaire de type « les couleurs des fenêtres de l’appli sont moches » risque d’être nettement moins bien perçu qu’un précis « question guidage, votre application présente des lacunes en termes de lisibilité et de groupement par le format; l’acceptabilité risque d’en souffrir ».

Ces critères doivent habiter l’esprit de celui qui pratique l’évaluation, à chaque étape de celle-ci, de la planification à la restitution des rapports ergonomiques, où ils seront traduits dans les cibles d’utilisabilité de Pelayo, comme on le verra plus loin.

5. L’article de Pelayo : Méthodes ergonomiques appliquées à une situation complexe : évaluation des fonctionnalités de prescription thérapeutiques d’un Système d’Information Clinique (Pelayo et al. 2004), dont nous avons adapté la structure du rapport ergonomique et repris la cible servant à offrir un aspect visuel rapide des évaluations d’utilisabilité.

6. L’ouvrage très accessible de Rabardel : Ergonomie, concepts et méthodes (Rabardel 2010).

7. L’ouvrage de Baccino : Mesure de l’utilisabilité des interfaces (Baccino, Bellino, and Colombi 2005).

8. Le travail de Verdier : TIC et groupes sociaux (Verdier 2007).

9. La page Google Scholar contenant les articles d’André Tricot, et son ouvrage réalisé sous sa direction conjointe avec Aline Chevalier concernant l’ergonomie des documents électroniques, ainsi que son ouvrage Apprentissage et documents numériques (Tricot 2017; Chevalier and Tricot 2008; Tricot 2007).

10. Les ressources de l’Agency for Healthcare Research and Quality U.S.

Department of Health and Human Services (U.S. Department of Health and Human Services 2016), et tout particulièrement les pages permettant d’apprendre à observer et dessiner des workflows (AHRQ 2017).

11. Le guide du WHO concernant les critères et la démarche HF&E (World Health Organization 2011).

12. Sur internet, l’International Ergonomics Association (IEA) (International Ergonomics Association 2016), et l’article de Wilson décrivant en détail

ce qu’est l’ergonomie (Wilson 2000).

13. Les campus virtuels des universités dont l’accès aux éléments pédagogiques est libre d’inscription et gratuit, comme celui du Massachussets Institute of Technology (MIT) offrant les cours de Miller 6.831 « User Interface Design and Implementation » (Miller 2011).

14. Pour les plus curieux, un ouvrage de psychologie généraliste, pour apprendre le vocabulaire de base et comprendre les cadres conceptuels (Gleitman, Gross, and Reisberg 2011).

Nous désirons ici brièvement décrire quelques-uns des aspects les plus marquants de cette littérature essentielle.

Pour mieux appréhender les applications de l’ergonomie au monde professionnel médical, nous trouvons extrêmement pertinente l’interprétation qu’en fait Carayon lorsqu’elle présente son modèle du système de travail (Pascale Carayon 2012). Nous l’avons donc adapté dans la Figure 11, en page 64, ci-dessous.

Ce modèle nous semble en effet particulièrement efficace pour appréhender l’ensemble des éléments interconnectés à considérer lors de l’évaluation d’une TICS, tout en se concentrant sur l’individu qui doit rester le centre du système. Cinq dimensions doivent ainsi être investiguées : l’individu, les tâches, l’environnement, l’organisation et les outils et technologies à étudier.

Carayon enchâsse ensuite ce modèle dans un contexte plus large et continu, le modèle SEIPS (Systems Engineering Initiative for Patient Safety) (Pascale Carayon, Xie, and Kianfar 2014) présenté dans la Figure 12, en page 65 :

• Le système de travail décrit comment un individu réalise une série de tâches, en utilisant des outils et technologies spécifiques, sous certaines conditions organisationnelles ;

• Celui-ci génère donc la matière des processus qui impliquent plusieurs individus, professionnels ou patient ;

• Ces processus créent des résultats pour le patient, les cliniciens et l’organisation.

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Figure 11 Modèle du système de travail, présentation des termes essentiels à la démarche ergonomique en contexte de santé.

Outils et technologies

@ Simple (ex. papier) vs technologique (ex.

TICS)

@ Améliorer les performances cognitives ou physiques des opérateurs

@ Station de travail

Individu

@ Professionnel de la santé, patient ou famille

@ Caractéristiques physiques, cognitives et psychosociales

Tâches

@ Réalisée par la personne pour accomplir des objectifs

@ Tâche prescrite vs activité

@ Caractéristiques de la tâche : difficulté ou défi, contenu, variété/ répétitivité, utilisation des aptitudes, autonomie/contrôle dans son travail, clarté/flou, demandes,

contact avec les autres, feedback

Environnement Organisation

@ Bruit, lumière, éclairage, température, humidité, flux d’air

@ Espace, décoration, meubles, aménagement

@ Autres caractéristiques (ex. radiation, vibration, travail en salle aseptique)

@ Planification du travail

@ Support organisationnel et ressources

@ Communication, collaboration, coordination

@ Structure de la prise de décision et caractéristiques des rôles

@ Formation

@ Récompenses, bénéfices, évaluation de la performance

@ Travail d’équipe, culture organisationnelle

La Figure 12 met donc en lumière que chacun des éléments du système de travail impacte sur la qualité des soins et la sécurité du patient. Afin d’explorer ce lien, l’ouvrage clé sur les HF&E et leur implication dans la sécurité du patient, le Handbook of Human Factors and Ergonomics in Health Care and Patient Safety (P Carayon and Thomadsen 2012) est un thésaurus pour les aspects théoriques et les démonstrations de mises en application des concepts HF&E.

Le « Multi-professional Patient Safety Curriculum Guide » rédigé par l’OMS et disponible en libre accès (World Health Organization 2011), relaie lui aussi les fondamentaux théoriques des HF&E. Les rédacteurs de ce guide insistent sur le fait que chaque travailleur du domaine de la santé doit connaître les concepts de base des HF&E, sous peine « d’agir comme un conducteur de bus aveugle » (World Health Organization 2011).

Nous ne pouvons qu’agréer sur la nécessité absolue de maîtriser les rudiments de ce domaine, qui a offert les bases de notre méthode d’étude systématique des TICS : chacune des étapes de celle-ci est en effet une façon d’étudier les éléments du modèle SEIPS.

Figure 12 Modèle SEIPS liant le système de travail, les processus et pour résultat la sécurité du patient.

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Pour les autres sources qui nous ont été utiles, nous avons lu des études réalisées selon la technique de Time and Motion (T&M) (Pizziferri et al. 2005), une approche pour quantifier le workflow et observer l’impact des TICS sur celui-ci.

Les études time-motion sont considérées par certains comme le gold-standard pour étudier les workflows, car elles offrent des données quantitatives (Finkler et al. 1993). D’autres auteurs (Zheng, Haftel, et al. 2010) relèvent que les études publiées utilisant cette méthode offrent des résultats trop favorables, alors que les études qualitatives montrent un impact parfois effroyable sur la qualité des soins, et que ce modèle a donc probablement ses limites.

Zheng et ses collègues ont alors développé une nouvelle méthode à l’aide d’outils électroniques dédiés, demandant honnêtement un investissement trop important pour un pharmacien d’hôpital. Ce que nous retenons de ces études est que s’il faut envisager d’étudier des temps gagnés ou perdus pour les TICS, il convient de penser le workflow plus large que comme une série de petites tâches articulées ; mieux vaut voir grand et considérer le flux du travail, le flow of work. Ses présentations de découpage des mouvements (Figure 13, gauche), ainsi que les écrans des études Time-Motion de Pizziferri (Figure 13, droite) nous ont également appris le type d’éléments qui semblent anodins mais qui auraient du sens dans le relevé d’une observation sur site.

Figure 13 Éléments-types relevés lors d'une étude T&M