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Limites de la méthode d’évaluation des TICS ................................................ 1 51

1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

5.6 Limites de la méthode d’évaluation des TICS ................................................ 1 51

On ne pouvait pas clore cette partie sans présenter les limites de la méthode développée jusqu’ici.

Pour les ordonner de façon logique, on reprendra le modèle SEIPS de Carayon :

Concernant l’observateur, il est indispensable de prendre le temps de se familiariser avec l’outil, d’en intégrer parfaitement les différents éléments. Sans cette étape, l’évaluation risque de ne pas aboutir à des résultats utilisables.

Nous ne l’avons pas abordé ici, mais la première partie du cahier contient des éléments organisationnels et pistes sur ce qu’il convient d’observer, et comment le faire. Il n’est pas possible ni suffisant de n’utiliser qu’une partie du cahier, par exemple le relevé d’observation sur site, pour pratiquer une observation adéquate.

Ensuite, lors de l’observation du système de travail, il faut trouver une oreille attentive, une équipe managériale ouverte à ce type d’activité. La seconde limite de la méthode tient à son acceptation, à la compréhension de sa validité auprès d’une direction d’établissement, par exemple. De l’importance de connaître sa méthode, de la pratiquer avec la conviction d’appliquer des données de la littérature, mais également de pouvoir produire des résultats appuyés sur des bases structurées, scientifiques, et chiffrées. Convaincus que la qualité des soins sera améliorée par ce type d’évaluation, les équipes cadres seront alors d’excellents ambassadeurs auprès des équipes observées.

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Une limite concernant les rapports d’évaluation doit également être abordée.

Nous avons eu la chance de pouvoir très souvent implémenter des solutions concernant les problèmes rencontrés, notamment informatiques. Nous réalisons la chance que nous avions de disposer d’une équipe de développeurs de systèmes d’informations, qui accepte des remarques et modifie les applications en conséquence.

Pour les applications Cyto, c’était effectivement le cas. Pour l’application CATO®, solution externe à l’institution, il n’a pas été possible de résoudre tous les problèmes ergonomiques dépistés. C’est là une limite. Parfois, il n’y a pas de solution satisfaisante à apporter au diagnostic ergonomique. Il faut alors mettre en place des stratégies de coping avec les équipes et limiter les nouveaux risques qui pourraient être générés par des workarounds. Le rapport ergonomique permet au moins de légitimer les plaintes et de donner une voix aux utilisateurs.

Venons-en maintenant aux rouages du modèle de Carayon concernant plus particulièrement les tâches, l’individu et l’environnement, et les outils qui permettent de les explorer.

Côté individus, les compétences TIC sont définies au travers d’un questionnaire d’utilisation des technologies, en contexte privé, à domicile. Avec la progression de l’utilisation des smartphones, l’ordinateur à domicile est devenu quasiment secondaire. Il faudrait probablement remettre prochainement à jour ce questionnaire, également dans le but d’explorer si les dissonances cognitives continuent réellement d’exister ou de représenter un frein pour les nouvelles générations d’utilisateurs.

Une autre limite de la méthode tient au fait que l’observation d’une population d’individus (par ex. infirmières d’oncologie médicale ambulatoire), ne garantit pas qu’une autre population, pourtant de métier identique, utilisera une TICS de la même façon. La méthode ne souffre malheureusement pas les extrapolations. Il faut pratiquer des évaluations dans chaque système de travail différent.

Ceci permet de mettre en évidence l’une des principales limitations du cahier d’évaluation ergnomique : le temps. Observer un système de travail, les processus et résultats, c’est engager beaucoup de temps dans cette activité. En moyenne, une fois les étapes de planification achevées, nous avons passé 30 heures effectives

d’étude par site d’observation; il serait peu honnête de ne pas dire que ce nombre d’heures doit être triplé, considérant le fait d’apprivoiser le système à étudier, de pratiquer le traitement des résultats et leur restitution. En étant complètement néophyte du domaine HF&E, l’évaluation de la première unité (oncologie médicale hospitalière) nous a coûté 150 heures de travail. Les évaluations suivantes se sont heureusement faites plus rapides.

Cependant, les résultats obtenus apportent tant de bénéfices en termes de résultats non seulement pour le patient, mais également pour tous les individus du système de travail, que nous restons absolument convaincus de son utilité. Des problèmes indécelables par d’autres moyens que l’évaluation ergonomiques seraient restés insoupçonnés, mettant en péril la sécurité du patient.

Nous évoquerons à ce titre un événement particulier, au chapitre 8, en page 187.

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5.7 Conclusion

Nous avons présenté ici notre méthode innovante d’étude des TICS, s’appuyant sur des critères HF&E. Nous avons dans un premier temps décrit des éléments théoriques et bibliographiques essentiels ; une initiation indispensable aux critères HF&E a ainsi été réalisée, en présentant les éléments clés du système de travail (individus, tâches et activités, outils et technologies, environnement et organisation), et leur articulation dans le modèle SEIPS qui lie le système aux résultats pour le patient et à sa sécurité.

Ensuite, nous avons montré comment cet ancrage théorique et méthodologique avait été décliné, tout particulièrement au travers de trois outils destinés à l’évaluation : un questionnaire d’investigation de l’utilisation des technologies hors du contexte professionnel des utilisateurs, la construction de workflows par shadowing, ainsi qu’un relevé et décompte des stresseurs.

Nous avons explicité nos choix, l’aspect indissociable des outils, ainsi que des tips and tricks lors de leur utilisation en contexte réel. La faisabilité et l’utilité de la méthode ont été confirmées, rapportant des résultats obtenus ainsi que des rapports ergonomiques construits au fil de l’observation, dans plusieurs contextes de travail, d’une TICS de sécurisation des anticancéreux injectables.

Nous avons décrit et commenté la façon dont le questionnaire d’utilisation des technologies hors du contexte professionnel nous avait aidé à comprendre et former nos utilisateurs majoritairement fonctionnels, sans prétériter les experts ni oublier ceux dits d’une typologie « résistante » aux TICS.

Les workflows précédents et adaptés à la BCMA grâce à la méthode ont été présentés et discutés, mettant en lumière les étapes critiques ayant disparu du processus, et offrant au final un workflow satisfaisant les utilisateurs car ayant respecté le cœur de leur métier, et permettant une sécurité optimale du patient.

Il a été également démontré que la méthode a permis d’identifier et d’éliminer les 25% de stresseurs supplémentaires subis par les utilisateurs, à l’implémentation de la technologie.

Finalement, nous avons présenté quelques-uns des rapports ergonomiques livrés aux unités, faisant la démonstration que la méthode répond parfaitement à nos vœux réalisés à la fin du chapitre 1 :

• La méthode met l’humain au centre et ne perd jamais de vue les critères HF&E.

• Elle peut rapidement être mise en œuvre.

• Elle permet de documenter les contextes de soins et de faciliter les implémentations TICS.

• Elle permet de montrer comment les TICS améliorent ou non les soins, comment elles créent de la valeur, et permet le dépistage des workarounds.

• Finalement, elle s’est montrée un fantastique outil de dialogue interprofessionnel, améliorant la communication.

Dépassant la simple implémentation d’une TICS, ce chapitre fait la démonstration que l’évaluation est bénéfique à l’entier du système de travail et à la sécurité du patient. La méthode permet un reengineenring et peut servir à chaque étape de la vie d’une TICS, de la pré-implémentation à l’évaluation continue.

Versatile, cette méthode a déjà été utilisée dans d’autres contextes que l’analyse de TICS pour la sécurisation du processus des anticancéreux, mais également pour l’implémentation de TICS dans l’unité d’accueil des urgences de pédiatrie (Ehrler et al. 2016) ainsi que pour l’amélioration d’une zone de reconstitution des chimiothérapies dans une pharmacie d’hôpital (Fleury et al. 2014).

Pour conclure, nous espérons avoir convaincu le lecteur que malgré l’investissement temporel important que demande la méthode, on ne pourra plus désormais se permettre d’installer des TICS sans envisager leur impact de façon holistique ; pour y parvenir, le cahier d’évaluation ergonomique a toute sa place.

Chapitre 6

Un nouvel outil simple et ergonomique pour

améliorer la sécurité des administrations de

médicaments injectables : application à

l’onco-hématologie