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1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

1.1 Que sont les technologies de l’information dans le domaine de la santé ?

1.1.2 Panorama des TICS

Dans un article publié s’interrogeant sur la possibilité d’étudier les TICS grâce aux essais randomisés contrôlés, une équipe d’Edinburgh (K. M. Cresswell, Blandford, and Sheikh 2017) dresse en introduction un aperçu succinct des TICS et des questions d’évaluation que l’on pourrait se poser quant à leur utilisation. Cet aperçu est présenté en Figure 2.

Si elle n’est pas le sujet principal de l’article, cette présentation de 6 catégories de technologies offre l’intéressant concept d’un regroupement par complexité. C’est ce que proposent également Abraham et ses collègues, même s’il traduisent l’idée en niveau d’extension des TICS pour la planification de déploiement partant d’une unité de soins vers un État (Abraham, Nishihara, and Akiyama 2011). Nous avons choisi d’explorer plus avant cette idée en l’expliquant ici. L’auteur entend par-là que les TICS peuvent être classées par ordre de complexité croissante, en fonction du nombre d’individus qui sont touchés par la technologie.

Le sommet du tableau (que nous pourrions désigner par 6) est détenu par les TICS qui servent de fondation à d’autres, touchant alors un large panel de prestataires de soins au patient, tels les dossiers électroniques des hôpitaux, dont Figure 2 Exemples de TICS et leurs questions d'évaluations

on peut comprendre que les données vont être utilisées par le corps médical, infirmier, administratif, pour ne citer que ceux-ci.

Il y a à contrario au bas de la pyramide de la complexité (1) les applications dont les fonctionnalités plus modestes, moins complexes, touchent peu d’utilisateurs, ou dans un rayon d’action limité, et l’on pourrait citer ici par exemple l’une des 272 app testées par K. Santo dans son étude des applications destinées à être utilisées au quotidien par les patients comme soutien à l’adhésion thérapeutique (Santo et al.

2016).

Pour revenir à l’article de Cresswell, nous avons souhaité développer son aperçu des TICS afin d’en offrir un panorama suisse contemporain, dans le Tableau 1 en page 13, en le complétant avec les TICS qu’elle n’avait pas citées.

Nous avons conservé la classification selon la complexité. Et pour répondre à l’appel de William Hersh quant à ses craintes face à une terminologie des TICS souvent mal comprises, ou méconnue (Hersh 2009), nous avons complété la classification par les définitions trouvées dans le thésaurus MeSH, ou par celles acceptées dans la littérature, ainsi que les traductions francophones validées de l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale 2017). Des exemples de TICS complètent également l’aperçu.

Quant aux questions qu’elle pose concernant les évaluations des TICS, nous reviendrons plus loin sur cette question fondamentale.

Tableau 1 TICS contemporaines

Définition selon MeSH si existante et année d’introduction dans le répertoire

Si définition MeSH non existante, définition acceptée globalement dans la littérature

Exemples

Médium qui facilite le transport d’information pertinente concernant les maladies d’un patient, entre plusieurs prestataires de soins et dans des lieux géographiques distincts. Certaines versions incluent des liens directs avec les informations en ligne sur la santé des consommateurs, qui sont pertinentes pour les conditions de santé et les

traitements liés à un patient particulier (2010).

Mon dossier médical.ch

(République et Canton de Genève 2013).

Une des extensions de ce type d’outils est le e-prescribing, la transmission d’ordonnances médicales électroniques vers la sphère ambulatoires (Odukoya and Chui 2013).

6 Electronic Medical

Systèmes basés sur des ordinateurs destinés à l’entrée, le stockage, l’affichage, l’extraction et l’impression de

l’information contenue dans le dossier médical d’un patient (1991).

Le Dossier Patient Intégré (DPI) disponible aux HUG

(Hôpitaux Universitaires de Genève 2016a) Soarian, au CHUV

(Centre des Formations du CHUV 2017)

6

Information systems, ususally computer-assisted, designed to store, manipulate, and retrieve information for planning, organizing, directing, and controlling administrative activities associated with the provision and utilization of radiology services and facilities. L’article de (Branstetter 2007) explique quels sont les éléments d’un PACS.

(1987 sous Hospital Information System, puis 1991 comme MeSH indépendant )

Aussi parfois dénommé picture archiving and communication systems (PACS). Tous les

hôpitaux de l’arc lémanique et institut de radiologie médicale en sont pourvu.

6 Electronic Patient

Enregistrement longitudinal et maintenu par le patient de son histoire médicale et les outils qui en permettent un accès contrôlé individuel (2010). Ici, dans une version électronique.

Le carnet de vaccination électronique suisse (Fondation mesvaccins 2017)

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Définition selon MeSH si existante et année d’introduction dans le répertoire

Si définition MeSH non existante, définition acceptée globalement dans la littérature

Exemples

Systèmes d’information utilisant l’ordinateur afin d’intégrer l’information clinique et celle d’un patient pour apporter un soutien dans la prise de décision lors de soins au patient (1998).

Ces systèmes sont généralement classés selon les tâches qu’ils soutiennent: guide de prescription médicamenteuse, facilitateur d’ordres médicaux, alertes au lit du patient, rappels, affichage d’information relevantes, système-expert, support aux processus

(Agency for Healthcare Research and Quality 2017a)

Système d’information, habituellement assistés par ordinateurs, qui permet au prestataire de démarrer une procédure, de prescrire des médicaments, etc. Ces systèmes offrent un appui à la prise de décision médicale et à la réduction de l’erreur lors des soins au patient (2006).

Au sein du DPI des HUG se trouve une plateforme dite PresCo, la Prescription Connectée, qui permet de prescrire tous les actes liés à la prise en charge d’un patient

(Tschopp M, Despond M, Grauser D, Staub J-C 2009)

Système, assisté par ordinateur, utilisé pour la planification et l’enregistrement de la prise médicamenteuse (Health Care Systems 2017)

De nombreuses firmes proposent actuellement de tels systèmes, articulables entre les EMRs et complétés par des BCMA

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La BCMA est aussi dite bedside scanning.

Lecteur optique permettant un scannage au chevet du patient d’un bracelet ou d’un identificateur de patient, et d’un code-barre apposé à un médicament (Zebra 2017). Le but ultime de cette TICS est de garantir le respect de la règle des 5B : bon patient, bon médicament, bonne dose, bonne voie d’administration, bon moment.(American Society of Health-System Pharmacists 2009). Les technologies pour

l’identification du patient et la gestion de son traitement médicamenteux entrent également dans cette catégorie.

Les systèmes les plus sophistiqués sont capables de vérifier la concordance entre médicaments, dose, voie d’administration, heure, fréquence et identité du patient

Les armoires sécurisées permettant la distribution des médicaments dans les unités de soins entrent également dans cette catégorie, si elles sont liées aux EMRs.

Ce groupe comprend donc les technologies destinées à l’administration des médicaments et autres thérapies ainsi que les technologies destinées à l’hémodialyse. Selon nous, ce type de système n’entre dans le champ des TICS que s’il comporte effectivement un moyen de fournir de l’information, ou un lien vers le système-expert afin d’aider à prendre une

Les systèmes les plus sophistiqués communiquent en temps réel avec les EMRs et peuvent être couplés à la BCMA

(Baxter 2014)

Complexité selon

Cresswell Nom de la TICS MeSH et descripteur francophone

Définition selon MeSH si existante et année d’introduction dans le répertoire

Si définition MeSH non existante, définition acceptée globalement dans la littérature

Exemples

A ce titre, les pousse-seringue électriques et les pompes ne deviennent des TICS que s’ils sont accompagnés d’un logiciel, d’une bibliothèque d’aide à l’administration (smartpumps), d’alarmes et alertes, comme les systèmes déployés dans une étude de Mansfield (Mansfield and Jarrett 2013).

3 Monitoring

technologies -

A nouveau, ce type de système ne devient une TICS que s’il offre un retour à l’utilisateur quant à son utilisation. Dans ce cas-ci, il s’agit de technologies permettant la surveillance de paramètres physiologiques/biologiques du patient.

Les unités de soins intensifs utilisent des TICS permettant, sur la base de mesures cliniques intégrées, d’appliquer des algorithmes complexes afin d’optimiser les paramètres hémodynamiques, ventilatoires, etc. de leurs patients (Kipnis et al.

2012)

Se cache probablement sous ces quelques mots l’entrée des TICS dans le monde du laboratoire, incluant de nombreux processus : le suivi des échantillons et la planification automatique des tâches, la génération de feuille de travail, l’enregistrement en temps réel des résultats avec alerte au prescripteur, les contrôles de qualité intégrés,

l’implémentation de logiciel d’aide à la décision, l’envoi direct de données aux registres épidémiologiques (R. G. Jones, Johnson, and Batstone 2014)

Nous avons également souhaité rajouter ici les diagnostics in vivo, qui bénéficient des TICS, comme le montre l’exemple ci-contre.

Des conglomérats comme BioAlps possèdent des branches dédiées au développement des TICS dans le diagnostic ; on peut citer les

nanotechnologies injectables associées à des algorithmes de traitement de signaux couplés aux appareils radiologiques pour obtenir des imageries sophistiquées (Roberts et al. 2017)

1

Digital behavior change interventions (DBCI)

-

Il s’agit là de l’utilisation des technologies comme les SMS, les e-mails, les apps, la vidéo-conférence, les médias sociaux, les sites internet tels les portails patients, pour augmenter l’accès du patient à des informations de qualité, les connecter à des services de santé, comme approche pour les faire changer de comportement ou en promouvoir

certains, en temps réel. (Roberts et al. 2017). Les piluliers

Une équipe kenyane a réussi à améliorer l’adhésion thérapeutique à un traitement antirétroviral grâce à des SMS envoyés sur des téléphones portables (Lester et al. 2010) Ici doit également figurer les app qui servent à documenter des effets indésirables ressentis, en offrant au patient l’opportunité d’une déclaration de

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Définition selon MeSH si existante et année d’introduction dans le répertoire

Si définition MeSH non existante, définition acceptée globalement dans la littérature

Exemples

électroniques (Medication Event Monitoring System MEMS) entrent également dans cette catégorie (Wu et al. 2012).

pharmacovigilance simplifiée.(U.S. Food and Drug Administration 2014; Burns 2015)

En Suisse, voilà plus de 10 ans que la pharmacie de la policlinique médicale universitaire de

Lausanne étudie les répercussions des MEMS sur l’adhésion thérapeutique, permettant maintenant de bâtir des algorithmes pour le traitement des mesures de l’adhésion récoltées par ces TICS (Rotzinger et al. 2016).

2-6

Dans une situation ou la distance est un facteur critique, il s’agit de prestations de santé fournies par tous les professionnels en utilisant les TICS, pour l’échange

d’informations pertinentes pour le diagnostic, le traitement, la prévention de maladies et blessures, la recherche,

l’évaluation et la formation des professionnels ; tout ceci dans l’intérêt de faire avancer les conditions de santé pour les individus et les communautés.(Ryu 2012)

Le projet Raft est emblématique de ce type de prestation. Avec au démarrage l’appui logistique des HUG, des médecins maliens prêts à partir travailler en brousse ont été soutenu à l’aide de TICS, afin qu’ils puissent rester en contact avec les médecins spécialistes et avec leurs collègues.

Ce sont maintenant 250 sites sur quatre continents qui bénéficient des expertises réciproques (Hôpitaux Universitaires de Genève 2016b).

Il est à noter que d’autres auteurs (Badowski, Michienzi, and Robles 2017; Kvedar, Coye, and Everett 2014) considèrent la télémédecine comme l’art de collecter à distance des

données biomédicales d’un patient, que ces données soient utilisées immédiatement pour une interaction en temps réel, ou stockée et utilisées plus tard. Nous lui préférons le nom de Telecare, comme le dénomme (Goundrey-Smith 2014) dans son article présentant quelques-unes des TICS changeant le visage de la prise en charge du patient.

Dans plus de 200 pharmacies suisses, les patients peuvent avoir accès à la télémédecine. Le

pharmacien effectue un triage médical, puis établit une liaison vidéo sécurisée de haute qualité avec un médecin de Medgate avec lequel le patient peut s’entretenir directement (Medgate 2017)

La remarque de Cresswell sur la complexité est intéressante, car elle laisse entrevoir le nombre d’individus impactés par la TICS et permet déjà d’envisager l’ampleur des modifications organisationnelles à prévoir. En revanche, elle n’a pas de corrélation avec la sécurité du patient en cas de défaillance du système. Une DBCI qui bug pendant plusieurs jours et déséquilibre le traitement médicamenteux d’un patient est une catastrophe, même si la TICS n’a en soi qu’une portée limitée.

Nous achevons ici ce panorama des TICS contemporaines. Nous avons souhaité le réaliser afin de montrer l’envergure des déploiements qui se sont opérés dans le domaine, et parce que la nomenclature n’en est pas toujours maîtrisée. Un vocabulaire commun est pourtant un prérequis pour pouvoir comparer des interventions entre elles.

En réalité, toute tentative pour cloisonner des TICS dans des catégories rigides nous semble artificielle, certaines TICS offrant le socle pour l’articulation des suivantes comme on le voit dans le tableau : les EHRs sont le tronc commun de l’arbre dont les branches sont représentées par toutes les autres TICS.

De plus, avec l’avancée galopante des TICS, à peine imprimé ce panorama deviendra-t-il obsolète. Prenons pour exemple le contrôle de la glycémie des patients diabétiques. Il y a 6 mois encore, il était réalisé à l’aide d’appareils nécessitant une piqûre sur le bout d’un doigt, afin de récolter sur une bandelette le sang capillaire nécessaire à la lecture par un glycomètre portable (Roche Accu-Chek 2017). Les patients arrivent maintenant dans nos services hospitaliers nous informant qu’ils nous ont déjà envoyé en chemin un e-mail contenant un résumé des données du logiciel contrôlant en temps réel leur glycémie, via un capteur porté en permanence, leur téléphone portable, et leur pompe à insuline implantée (Figure 3, page 18).

Ce type de TICS résiste à tout classement rigide. Elle enjambe allègrement les notions de télémédecine, monitoring, BCMA, DBCI et diagnostic

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Ceci permet de livrer un constat. Si l’on tente d’évaluer une TICS, elle doit l’être à l’aide de méthodes rapides, dynamiques, centrées sur les patients et les processus, avec une considération de temporalité.

A ce titre, à les comparer, nous préférons la définition de Debande concernant les EHRs plutôt que celle donnée par MeSH, parce qu’elle met le patient au centre et introduit un rythme, une notion de processus (Debande 2011) :

«EHR : Outil informatique centré sur le patient, qui rassemble l’ensemble des informations sur son état de santé (fonction « mémoire» du dossier) et assure une vue consolidée de l’état actuel et futur du processus de prise en charge du patient (fonction «processus» du dossier)».

En vertu de la loi sur la protection des données (Assemblée fédérale de la Confédération suisse 2014), le patient ayant la possibilité de demander la destruction de son dossier médical, la fonction mémoire est peut-être surestimée. Il s’agit là d’une limite que l’on pourrait explorer à l’avenir, mais qui dépasse le cadre de ce travail.

Le panorama des TICS étant maintenant réalisé, il est temps de donner la parole à ceux qui habitent le paysage, c’est-à-dire les prestataires de soins et les patients. On n’a pas encore entendu ici la voix de ces individus impactés par les technologies, ni vérifié les promesses faites par les autorités concernant les bénéfices des TICS. Ce sera donc l’objet de la section suivante.

Figure 3 TICS de gestion du diabète