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1. Technologies de l’information dans le domaine de la santé

5.4 Rapports d’évaluation ergonomique d’unités d’oncologie médicale et onco-

5.4.3 Discussion concernant les rapports des unités de soins

Nous pratiquerons ici deux synthèses de discussion. L’une sur ce que la méthode nous a permis d’apprendre des unités, et la seconde concernant les avantages de la méthode elle-même.

5.4.3.1 Comparaisons inter-unité, pratiques professionnelles. Ce que nous apprend la méthode

Les US onco-hosp et onco-chir-ambul ont montré des organisations de travail très différentes, ne serait-ce que par le fait que la première est une unité d’hospitalisation, et la seconde une unité ambulatoire. Les infirmiers qui travaillaient dans ces unités avaient un fort sentiment d’appartenance, et n’appréciaient pas les parallèles pourtant réels dans leurs pratiques respectives. Les uns comme les autres ne voulaient pas être confondus, et c’est souvent un « i’ sont point comme nous » qui prévalait dans les discussions informelles autour d’un café.

Communiquer sur l’installation des modules Cyto- en termes de « Ça a très bien fonctionné dans l’autre unité » se serait donc révélé une stratégie maladroite.

Lors des restitutions aux équipes, les deux unités ont donc l’objet de commentaires séparés, parce qu’objectivement existent des particularités propres aux services, mais également de tableaux et paragraphes des éléments identiques rencontrés, afin qu’ils réalisent qu’ils avaient des points communs, qu’ils réalisaient quand même au final les mêmes gestes techniques, et pouvaient servir de collègues ressources les uns envers les autres.

Pour la future planification de TICS, la méthode a néanmoins mis en évidence un caractère commun : des rythmes chaotiques, et une prévision difficile des flux de patients et des besoins.

Les infirmières du onco-chir-ambul étaient débordées, en sous-effectif, et travaillaient dans des locaux trop petits pour les tâches à effectuer.

Le virage ambulatoire pris par les HUG offrait dans cette unité sa plus superbe illustration.

Lors du déploiement de la TICS, il semblait impossible de ne livrer qu’un seul PC mobile (comme cela avait alors été planifié), pour la simple raison que les processus d’administration se déroulaient réellement de façon simultanée.

Le défi suivant concernant la planification de l’implémentation de la TICS consistait dans la tentative de faire entrer 2 chariots pour ordinateurs dans une salle comble. Au cœur de la matinée, et pour le plus grand bonheur des patients, la salle de traitement était en effet pleine à craquer, les chimiothérapies dédramatisées, les familles des patients venaient en tous sens et se promenaient en chaussettes, on s’attroupait autour de la table de petit-déjeuner pour discuter, ou pour y faire des coloriages. Les chaises se multipliaient autour des lits, les vestes s’éparpillaient, l’espace était saturé.

Comme nous l’avons souligné auparavant, notre travail s’est arrêté là dans l’unité. La formation des infirmières à la lecture des protocoles a cependant été profitable au pôle d’oncologie médicale ambulatoire qui en a accueilli les effectifs.

5.4.3.2 Discussion autour de l’efficacité de la méthode, problèmes dépistés

L’application du cahier d’évaluation ergonomique nous a permis de réaliser 18 tableaux diagnostics. Dans 8 de ces tableaux, tristement en accord avec les données de la littérature, la sécurité du patient était directement mise en cause par des problèmes concernant la TICS.

La méthode nous a permis de proposer des solutions ou les changements que nous décrivons dans les paragraphes suivants.

Pour le manque de formation des utilisateurs : une formation structurée pour les infirmières et médecins utilisant les modules Cyto- semblait compliquée à mettre en place immédiatement ; des mémos A4 ont néanmoins être rédigés en quelques jours et donc rendus rapidement disponibles pour l’acquisition des bases d’utilisation.

Nous nous sommes rendus compte que les logiciels modifiaient les processus de travail, et que les applications naissantes n’étaient pas encore implémentées dans les techniques de soins infirmiers. Nous avons donc travaillé avec les équipes de façon à repenser leurs workflows.

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Les protocoles institutionnels de protection des collaborateurs face aux expositions professionnelles aux anticancéreux étaient largement obsolètes ou vécus comme n’ayant plus de sens. Ceci provoquait un désintérêt total des infirmiers à leur applications. Ce manque d’assiduité engendrait des risques directs sur les expositions des soignants aux produits anticancéreux, ceux-ci ne se protégeant plus. Les documents ont donc été révisés.

L’informatisation du processus médicament demandait de nouvelles compétences aux infirmières. Il leur fallait maintenant être informaticien en plus de maîtriser les gestes techniques ! Les représentations qu’elles avaient à propos des outils étant très importantes, le guidage devrait devenir un objectif prioritaire de rénovation du système des TICS.

Concernant le support en cas de panne informatique TICS, les infirmiers ne disposaient pas d’une solution structurée pour noter les erreurs qui se produisaient.

Démunies, elles appelaient alors l’unité des chimiothérapies de la pharmacie, provoquant chez les préparatrices une avalanche de stresseurs, celles-ci n’ayant aucune possibilité d’intervenir. Une feuille de relevé ainsi qu’une ligne directe de support ont donc été mis en place afin d’assurer cet aspect de support.

Il est d’ailleurs amusant de noter que dans l’esprit de toutes les blouses blanches rencontrées, les modules Cyto- étaient vécues comme une création de la pharmacie. Nous aurions donc dû en assurer l’entier support, alors qu’il s’agissait d’un projet conjoint pharmacie-oncologie-système d’informations.

Un commentaire que nous devons ici faire concerne la croyance répandue que les nouvelles technologies font gagner du temps, croyance qui est d’ailleurs démentie dans la littérature par les études time-motion. Pour l’utilisation de CytoAdmin en regard de l’utilisation de la check-list, la TICS demande plus de temps pour réaliser un contrôle. En cela, les infirmiers se sont sentis floués.

Intéressons-nous maintenant aux principales problématiques qui nuisent à la sécurité du patient. L’utilisation des check-lists a perdu toute sa puissance de prévention des erreurs, qu’elle accompagne ou non la TICS. Dans toutes les observations réalisées, elles ont été remplies à contretemps, et signées d’un grand trait ou de multiples petits « vus ».

Un rappel concernant le but de ce document a été réalisé dans l’unité papier, tandis que côté unité TICS, la suppression de la check-list et la conservation d’un exemplaire en .pdf sur le site internet de la pharmacie a été envisagée (solution dégradée en cas de panne de la TICS).

Les points suivants méritent également d’être relevés : l’étude a montré un point gravissime, c’est-à-dire que les infirmières ne parvenaient pas à lire de façon adéquate les protocoles de chimiothérapie informatisés. La présentation des jours, en colonne et ligne était source d’erreur. Elles considéraient alors tout ce qui se trouvait dans une colonne comme applicable le même jour. Outre une formation organisée en urgence pour récupérer le problème, les protocoles ont été alors fortement repensé, des jours ajoutés (ce qui répondait également au souhait médical).

A ce sujet, le lecteur aura peut-être remarqué un workaround pratiqué par les médecins et les infirmiers, sur les tableaux diagnostics A et B. Devant un système trop rigide, ne permettant pas de prescrire selon son déroulement cognitif ou de rattraper ses erreurs, les médecins imprimaient ce qu’ils étaient parvenus à faire sur une feuille de papier, puis raturaient simplement les protocoles au stylo pour que le protocole soit conforme à leurs souhaits.7

Les médecins avaient des difficultés à prescrire sous CytoDemande, et les réflexions faites au sujet du manque de flexibilité du module étaient hélas pleinement justifiées. Un travail a également été accompli en équipe, afin de proposer des solutions implémentées ensuite par les équipes informatiques dans le système. Les blocages d’un système ne sont pas dans ce cas un gage de sécurité du patient.

7 Au CHUV, on entend souvent des regrets sur l’abandon actuel du système de prescription des anticancéreux, qui était réputé « sans modification possible dans le système » (PrediCyt). Que l’on

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5.5 Evaluation ergonomique de l’unité de reconstitution