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Chapitre 2. L’approximation polynomiale

2.8. Voyageur de commerce et affinité

Une instanceIdu problème de voyageur de commerce (noté MinTSP ou MaxTSP) est la donnée d’un graphe completG(V, E)ànsommets et d’une fonctiond:E→N de coût surE. Le but est de trouver surGun tour de valeur minimum ou maximum, le coût d’un tour étant donné par la somme du coût des arêtes qu’il traverse. Nous mettons en évidence certaines équivalences entre différentes versions du problème de voyageur de commerce basées sur des réductions affines particulières qui, d’une instance initiale à l’instance image, ne transforment que le coût des arêtes. SoitKune fonction qui, à une instanceIdu voyageur de commerce, associe le couple de réels (kI, KI) ∈ R×R?; on considère alors la réductionRK = (fK, IdSolTSP)définie,

∀I= (G, d)∈ITSP, par :

fK(I) = (G, dK)avecdK=kId+KI

IdSolTSPfonction identité surSolTSP

Si une réductionRKentre deux versionsΠetΠ0 du problème du voyageur de com-merce vérifie (i)∀I ∈ITSP,kI >0etoptΠ0 = optΠ, ou (ii)∀I ∈ITSP,kI <0et optΠ0 = optΠ, alors elle est une réduction affine deΠàΠ0. Effectivement, soitI = (G, d)une instance deΠ, tout tourssurGvérifie :

mTSP(fK(I), s) =X

e∈s

dK(e) =X

e∈s

(kId(e) +KI) =kImTSP(I, s) +n×KI

Ainsi, nous montrons l’équivalence de différentes versions du problème de voyageur de commerce en explicitant simplement la fonctionKqui permet de passer d’une ver-sion à l’autre. Notons que ce cas particulier d’équivalence affine entre deux instances d’un problème valué qui ne se distinguent que par une transformation affine de leur fonction de valuation reste vraie de tout problème valué dont les solutions sont de taille constante. Tels, par exemple, sont les problèmes de chaîne Hamiltonienne (HPP, Hamiltonian Path Problem) et d’arbre couvrant contraints (qui comprend notamment le problèmek−depthSTP,k-depth spanning tree problem, problème de l’arbre cou-vrant de profondeur au plusk), dont les solutions sur un graphe ànsommets sont de taillen−1(voir par exemple [MON 01c, MON 01a, MON 02]).

2.8.1. Le cas métrique

Une instance(G, d)du problème de voyageur de commerce est une instance du cas métrique (TSP métrique, noté∆TSP dans ce qui suit ) si les distances sur les arêtes vérifient l’inégalité triangulaire :∀(x, y, z)∈V,d(xy) +d(yz)>d(xz).

LEMME2.1.– MinTSPAFMin∆TSP et MaxTSPAFMax∆TSP.

Preuve. Considérons la fonctionK1: (G, d)7→(1, dmax),dmax = maxe∈E{d(e)}; la réduction RK1 est une réduction du TSP général au∆TSP puisque les instances construites vérifient bien ∀i, j, k ∈ V l’inégalité triangulaire :dK(ij) +dK(jk) = 2dmax+d(ij) +d(jk)>dK(ik).

2.8.2. Ses cousins

Si le TSP métrique vérifie l’inégalité triangulaire, deux nouvelles versions du pro-blème de voyageur de commerce issues de∆TSP la vérifient presque ou la vérifient trop : certains chercheurs ont introduit ces problèmes appelés métrique strict et mé-trique relaxé en paramétrant simplement l’exigence d’inégalité triangulaire. Soitα >

0 un rationnel, on ne demande plus au systèmedde distances de vérifier pour trois sommets x, y et z du graphe considéré la relationd(xz) 6 d(xy) +d(yz) mais d(xz) 6 α(d(xy) +d(yz)). Siαest strictement inférieur à 1 (on le prendra alors dans l’intervalle]1/2,1[5), la relation est plus exigeante puisque l’inégalité devient stricte, et l’on note∆STSP (Spour Strict) l’ensemble des instances dont les distances vérifient cette relation ; si en revancheαest strictement plus grand que 1, c’est que l’on relâche quelque peu la contrainte et l’on note alors∆RTSP (Rpour Relaxé) l’en-semble des instances qui vérifient l’inégalité paramétrée. ∆STSP étant le plus exi-geant et∆RTSP le moins exigeant, on remarque que les instances des trois familles de problèmes∆TSP,∆STSP et∆RTSP sont liées par la relation :

I∆STSP ⊆I∆TSP⊆I∆RTSP

Aussi, tout résultat d’approximation pour le TSP métrique relaxé peut être trans-porté aux TSP métrique strict et métrique, tout résultat d’approximation pour le TSP métrique peut être transporté au TSP métrique strict, et ce quel que soit le type d’ap-proximation considéré. Les versions minimisation de ces problèmes ont été étudiées et naturellement, le meilleur résultat classique d’approximation de la famille vaut pour la version stricte, avec un rapport de1−(2α−1)/(2−α)pourα ∈ [1/2,2/3]et de1−2α/(3α2+ 1)pourα >2/3[BÖC 00] ; le deuxième rapport est, nous l’avons

5. Pourα= 1/2, la seule valuation possible consiste à mettre la même distance sur toutes les arêtes.

déjà évoqué, de 2/3 [CHR 76] pour la version classique, tandis que la version relaxée a été montrée approximable à2/(3α2)[BÖC 02]. Or, nous allons voir qu’une fois de plus, le rapport différentiel lisse les problèmes, faisant taire leurs divergences.

LEMME2.2.– Les problèmes Min∆αRTSP, Min∆TSP et Min∆αRTSP d’une part et les problèmes Max∆αRTSP, Max∆TSP et Max∆αRTSP d’autre part, sont équivalents du point de vue de leur approximation différentielle.

Preuve. Nous montrons les deux séries de réductions affines : Min∆αRTSP AF∝ Min∆TSP AF∝ Min∆αSTSP Max∆αRTSP AF∝ Max∆TSP AF∝ Max∆αSTSP

Le principe reste le même, il consiste à transformer le jeu de distancesden un jeud0 par une transformation affine. De∆RTSP à∆TSP pour commencer, il s’agit de trouver une transformation telle que les distances d et d0 vérifient : d(xz) 6 α(d(xy) +d(yz)) ⇒ d0(xz) 6 d0(xy) +d0(yz). Tentons l’expérience avecd0 dé-fini comme étant, sur chaque arêtee, la somme de la distance initialed(e)et d’une constante k, à déterminer ; ainsi d0(xz) 6 d0(xy) +d0(yz) ⇔ d(xz) +k 6 d(xy) +d(yz) + 2k. Nous voulons donc pouvoir déduire de la relationd(x, z) 6 α(d(xy) +d(yz))l’inégalitéd(xz) 6d(xy) +d(yz) +k, ce qui nous permettrait d’établir la relationα(d(xy) +d(yz))6d(xy)+d(yz)+k. Ainsikdoit vérifier pour tout triplet{x, y, z}:k>(α−1)(d(xy) +d(yz)). En posantk= 2(α−1)dmax, on est assuré du résultat.

De ∆TSP à ∆STSP à présent : selon le même principe, nous cherchons une constantehtelle que la relationd(x, z)6d(xy)+d(yz)induise l’inégalité :d0(xz)6 α(d0(xy) +d0(yz))⇔d(xz) +h6α(d(xy) +d(yz) + 2h). Cela revient à demander d(xy) +d(yz)6α(d(xy) +d(yz)) + 2hα−h⇔d(xy) +d(yz)(1−α)6h(2α−1).

En posanth= 2dmax(1−α)/(2α−1), on obtient bien ce que l’on cherchait et la preuve du lemme est complète.

2.8.3. Le cas bivalué

Pour les problèmes de type (TSPab,a < b), les arêtes du graphes ne peuvent prendre que la valeuraoub. Dans le cadre du rapport différentiel, tous les problèmes de voyageur de commerce bivalués se ramènent au cas TSP12pour lequel le parcours d’une arête coûte soit 1, soit 2.

Ce cas ultime du cas métrique a fait, en classique, l’objet de nombreuses études.

[PAP 93] nous apprend notamment qu’il est APX-complet, approximable à 7/6 ; en

revanche, on sait aussi qu’on ne peut l’approcher à mieux de5381/5380[ENG 99].

Si les distances sont asymétriques (c’est-à-dire que les distances de deux arêtes(a, b) et(b, a)peuvent différer), MinTSP12 est approximable à 17/12 [VIS 92], mais on ne peut atteindre2805/2804−εpour aucunεstrictement positif [ENG 99]. Enfin, même en le réduisant à des graphes denses, MinTSP12 n’admet pas de PTAS [FER 99].

LEMME2.3.– MinTSPabAFMinTSP12et MaxTSPabAFMaxTSP12.

Preuve. Utiliser la transformation(G, d)7→(1/(b−a),(b−2a)/5b−a)).

2.8.4. Le cas général

Désignons par TSP1 la restriction du problème de voyageur de commerce aux instances pour lesquellesdmin= mine∈E{d(e)}= 1; la proposition suivante, en éta-blissant l’équivalence entre MinTSP (resp., MaxTSP) et MinTSP1(resp., MaxTSP1), nous permettra de toujours supposerdmin= 1.

LEMME2.4.– MinTSPAFMinTSP1et MaxTSPAFMaxTSP1.

Preuve. Utiliser la transformation(G, d)7→(1,1−dmin).

LEMME2.5.– MinTSPAF↔MaxTSPetMinTSPabAF↔MaxTSPab.

Preuve. Utiliser la transformation(G, d)7→(−1, dmin+dmax).

Le lemme 2.5 met en évidence une différence importante entre l’approximabi-lité du TSP en classique et en différentiel. Il est bien connu qu’en approximation classique, MinTSP ne peut être approché à moins de 2p(n) où p est un polynôme quelconque (ceci peut être facilement démontré par une transformation simple du ré-sultat de [SAH 76]), tandis que MaxTSP est approximable à 5/7 si le vecteur des distances est symétrique, à 38/63, sinon [RAO 94]. En revanche, comme le montre le lemme 2.5, les deux problèmes sont affinement équivalents (et par conséquence équi-approximables) pour l’approximation différentielle.

Le théorème suivant récapitule les résultats démontrés dans cette section.

THÉORÈME2.1.– Les problèmes et familles TSP, TSP1,∆TSP,∆αRTSP etαSTSP sont tous totalement équivalents (dans leurs versions minimisation et maximisation) quant à leur degré d’approximation différentielle. Les problèmes et familles TSPabet TSP12 sont tous totalement équivalents (dans leurs versions minimisation et maximi-sation) quant à leur degré d’approximation différentielle.