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Chapitre 2. L’approximation polynomiale

2.7. Affinité entre problèmes

2.7.2. Réductions affines

Nous l’avons déjà dit, la motivation principale de la définition du rapport différen-tiel dans [DEM 94a] est la stabilité de la mesure d’approximation sous transformation affine de la fonction objectif : il peut effectivement sembler légitime d’espérer ré-soudre de façon équivalente, et même considérer comme équivalents, conformément à ce qui est fait en programmation mathématique, les problèmes :

min f(x) s.c. x∈X et

min kf(x) +K

s.c. x∈X k∈R?, K∈R Aussi définissons-nous un cadre d’équivalence entre problèmes sous le rapport diffé-rentiel afin de pouvoir, quand deux problèmes sont identiques à une transformation affine de leur fonction objectif près, déduire des résultats d’approximation de l’un à l’autre. Notons que ce que nous présentons est une restriction de la notion plus géné-rale d’équivalence sous le rapport différentiel définie dans [DEM 96].

DÉFINITION 2.25.– Soient ΠetΠ0 deux problèmes deNPO, on dit que Πse AF-réduit àΠ0 et l’on noteΠAF∝Π0 s’il existe deΠàΠ0 une réductionR = (f, g)qui vérifie :

1)Rsurjective ;

2)∀I ∈IΠ,∃KI ∈R,∃kI ∈ R? (kI >0sioptΠ = optΠ0,kI <0sinon) tels que∀s0∈SolΠ0(f(I)),mΠ0(f(I), s0) =kImΠ(I, g(s0)) +KI.

S’il existe une réduction affine deΠàΠ0et deΠ0àΠ, on noteraΠAF↔Π0.

PROPOSITION 2.10.– (Stabilité du rapport différentiel sous transformation affine) Si ∀Π,Π0 ∈ NPO,R = (f, g) est une AF-réduction de Πà Π0, alors ∀I ∈ IΠ,

∀s0∈SolΠ0(f(I)),δΠ(I, g(s0)) =δΠ0(f(I), s0).

Preuve. (Pour kI > 0) Par définition, il existe deux réelskI > 0 etKI tels que les évaluations de tout couple de solutions (s0, g(s0)) des instances f(I) etI sont affinement liées par la relation :mΠ0(f(I), s0) =kImΠ(I, g(s0)) +KI.

Par la surjectivité deR, les pires solutions et les solutions optimales des deux ins-tances coïncident, modulog:∀t0 ∈SolΠ0(f(I)),mΠ0(f(I), s0)>mΠ0(f(I), t0)⇔ mΠ(I, g(s0)) > (resp.,6)mΠ(I, g(t0))(resp.,mΠ0(f(I), s0) 6 mΠ0(f(I), t0) ⇔ mΠ(I, g(s0))6mΠ(I, g(t0))). Par la surjectivité de R, ceci,∀t∈SolΠ(I), est équi-valent à :

mΠ(I, g(s0))>(resp.,6)mΠ(I, t)⇒

βΠ0(f(I)) = kIβΠ(I) +KI

ωΠ0(f(I)) = kIωΠ(I) +KI

D’où les égalités pour tout couple de solutions (s0, s = g(s0)) ∈ SolΠ0(f(I))× SolΠ(I):

ωΠ0(f(I))−mΠ0(f(I), s0)

ωΠ0(f(I))−βΠ0(f(I)) = kIωΠ(I) +KI−(kImΠ(I, s) +KI) kIωΠ(I) +KI−(kIβΠ(I) +KI)

= ωΠ(I)−mΠ(I, s) ωΠ(I)−βΠ(I)

c’est-à-direδΠ0(f(I), s0) =δΠ(I, s).

PROPOSITION2.11.– Si deux problèmesΠetΠ0 vérifientΠAF↔Π0, alors tout algo-rithmer-approché pour l’un estr-approché pour l’autre, au sens de la mesure diffé-rentielle.

Preuve. Conséquence directe de la proposition 2.10.

Il existe des relations plus intimes encore entre problèmes, qui nous permettrons plus tard de rapprocher, non plus seulement leur degré d’approximation, mais leur structure même ; c’est ce qui motive les dernières définitions.

DÉFINITION 2.26.– Une réductionR = (f, g)est bijective si et seulement si∀I ∈ IΠ,g|SolΠ0(f(I))est une bijection deSolΠ0(f(I))surSolΠ(I).

DÉFINITION2.27.– Une réduction fortement affine entre deux problèmesΠetΠ0 de NPO, notéeΠAF⇒Π0, est une réductionR = (f, g)affine bijective. S’il existe deux réductions fortement affines, l’une deΠàΠ0, l’autre deΠ0àΠ, on noteraΠAF⇔Π0et les problèmesΠàΠ0seront dits affinement équivalents.

LorsqueΠAF⇔Π0, la résolution des problèmesΠ = (IΠ,SolΠ, mΠ,optΠ)etΠe0 = (f(IΠ),SolΠ(f(I)), mΠ,optΠ)devient une et seule, pour tout degré d’approximation différentielle considéré ; de plus, la bijection entre les ensembles de solutions des ins-tancesIetf(I), pour peu que leur structure soit semblable (distance constante entre

deux solutions ou densité des espaces de solutions), assure la préservation des optima h-locaux qui seront le sujet des prochains chapitres.

EXEMPLE 2.9.– Il existe des réductions fortement affines du problème MinTSP à Min∆TSP, de MinSC à MinRSSC, de Maxk-Sat à MaxEk-Sat ; comme il s’agit tou-jours de réductions d’un problème à sa restriction, ces couples de problèmes sont tous affinement équivalents. Pour illustration, nous montrons ici que les problèmes de minimisation et de maximisation de programmes linéaires en variables bivalentes, notés MaxPL{0,1} et MinPL{0,1}, sont liés par une relation fortement affine. Une instance I de tels problèmes est la donnée, sur un ensemble X de n variables à valeur dans{0,1}, d’un vecteur objectifc à coefficients dansN, de mvecteurs de contraintesaideZn, et d’un membre droitbvecteur deNm; le but est naturellement d’optimiser le programme suivant : pour un problème de maximisation, et :

(I0) βMinPL(I) = min

Soit maintenantI une instance du problème MaxPL{0,1}; on lui associe l’ins-tance I0 = f(I)de MaxPL{0,1} de paramètres c0 = c,a0i = ai pour tout i =

La construction se fait évidemment en temps polynomial en la taille de l’instance ini-tiale, taille qui est donnée par la plus grande des quantitésn,metlog(dmax)oùdmax

désigne, en valeur absolue, la plus grande donnée numérique deI. Considérons à pré-sent les ensembles de solutions des instances I etI0 : ils sont tous deux constitués de vecteurs de{0,1}n, et l’on remarque queI0est construite de telle sorte qu’un tel vecteurxest solution réalisable deI0si et seulement si−→1 −xest solution réalisable

de I. Effectivement, laième contrainteai·x 6 −→1 ·ai−bi équivaut à la relation bi >−→1 ·ai−ai·x, or−→1 ·ai−ai·x=ai·(−→1 −x). Ainsi, la transformationg qui associe à tout vecteurxde{0,1}n son opposé−→1 −xtransforme bien une solu-tion deSolPL(I0)en une solution deSolPL(I)et qui plus est, l’équivalence précédente nous assure quegest une bijection deSolPL(I0)surSolPL(I): nous avons bien exhibé une réduction(f, g)fortement affine de MaxPL{0,1}à MinPL{0,1}.

DÉFINITION 2.28.– On dit que deux problèmes Π etΠ0 de NPOsont affinement identiques et l’on noteΠAF≡Π0s’il existe une réductionR = (f, g)fortement affine deΠàΠ0telle que la fonctionf est surjective, c’est-à-diref(IΠ) =IΠ0.

EXEMPLE2.10.– Les problèmes MaxIS, MaxSP, MaxCl et MinVC d’une part, Max-Sat et MinCCSP d’autre part, sont autant de cas de problèmes affinement identiques.

Pour MaxIS et MaxSP par exemple, le programme linéaire à résoudre est le même : max→−1 ·x

A·x6−→1 x∈ {0,1}n

La seule différence réside en l’interprétation que l’on en fait : la relation binaire repré-sentée parAdésigne-t-elle les arêtes d’un graphe ou l’intersection non vide de deux sous-ensembles ? Ces deux problèmes sont également équivalents du point de vue de l’approximation classique ; pourtant, la même relation qui existe entre MaxIS et MinVC (prendref =Id|IIS=IVCetg:s7→s¯de MaxIS à MinVC comme de MinVC à MaxIS) n’a plus alors, en classique, les mêmes conséquences (MaxIS∈/ APXquand MinVC∈APX).

Avec le rapport classique, une simple translation de la fonction objectif peut suf-fire à transformer un problème de la classeAPXen un problème non approximable à rapport constant à moins queP = NP, comme en témoigne le passage du TSP mé-trique au TSP général [MON 01d]. En différentiel, l’équivalence min/max fait parfois prendre le meilleur (MaxTSP et MinTSP sontAPX[δ]), et parfois le pire (MaxIS et MinVC ont les mêmes seuils d’inapproximation que MaxIS en classique). Un résultat négatif (resp., positif) sur un problème de maximisation se transporte du classique au différentiel (resp., du différentiel au classique), mais il n’est pas de telle règle pour les problèmes de minimisation (considérer justement MinTSP qui estAPX[δ]mais non APX, MinVC qui estAPXmais nonAPX[δ], siP 6= NP). La transposition d’un résultat différentiel vers un résultat classique est évoquée dans [DEM 01] ; l’essen-tiel est de retenir qu’il n’y a rien d’évident, et heureusement : après tout, il s’agit de rapports différents et l’évaluation conjointe des problèmes deNPOpar ces deux me-sures n’a d’intérêt que pour la diversité, voire la divergence des conclusions produites quant au degré d’approximation de ces problèmes. Remarquons avant de conclure que la possibilité de déduire un résultat différentiel d’un résultat classique est bien moins probable que son inverse. Une condition nécessaire à l’établissement d’une telle im-plication serait en effet que toute solution, même une pire solution, réalise un rapport

contant, soit que toute solution puisse être déjà considérée comme une bonne solution au sens du rapport classique :ωΠ(I)/βΠ(I)>ε(ε61) pour un problème de maxi-misation, ωΠ(I)/βΠ(I) 6 ε(ε > 1) pour un problème de minimisation ; et quand bien même une telle relation aurait lieu, on ne pourrait en déduire une approximation différentielle qu’à la condition r > εpour un problème de maximisation,r < εpour un problème de minimisation oùrest le rapport garanti par l’algorithme. Le rapport différentiel ainsi obtenu serait alors de|r−ε|/|1−ε|.