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Chapitre 6. Réductions

6.2. Les problèmes de logique

6.2.3. Dense ou pas dense ?

Ce paragraphe s’intéresse aux instances denses des problèmes de satisfaisabilité (Max et Mink-Sat, Max et Mink-CCSP, Max et MinEk-Sat, Max et MinEk-CCSP), d’équivalences (Max et MinEQ) et d’équations binaires (Max et Mink-Lin2) ; la den-sité s’exprime en fonction du nombre d’occurrences des variables du problème dans les expressions (clauses, équivalences, équations). L’intérêt de la considération de telles instances réside en la possibilité qu’elle offre d’utiliser des outils probabilistes, fort précieux pour l’établissement de rapports d’approximation. Les résultats sont évo-cateurs : les instances denses (ensemble d’expressions au plusk-aires de cardinalité de l’ordre du nombre de variables à la puissancek−1, voir la définition 6.1) des pro-blèmes Mink-Sat [BAZ a], Maxk-Sat [ARO 95], MaxEk-CCSP [AND 98] et MinEk-LIN2 [BAZ a] admettent des PTAS, alors que, pris dans leur version générale, ces problèmes sont tousAPX-difficiles. Arora, Karger et Karpinski montrent même que les instances denses de tout problème deMaxSNPadmettent un schéma d’approxi-mation polynomial [ARO 95] ; pour une inford’approxi-mation plus complète sur les résultats permis à ce jour par la densité des problèmesAPX-difficiles, se référer à [KAR 97].

Si nous avons déjà, parfois à maintes reprises, évoqué les problèmes Sat, CCSP et EQ, c’est en revanche la première fois que nous abordons les problèmes Lin2 d’équa-tions binaires : il s’agit, étant donnée une instance I = (X, E)composée d’un en-sembleX de variables binaires et d’un ensembleEd’équations linéaires surX∪X,

de trouver une affectation qui satisfasse un maximum ou un minimum (selon que l’on se situe dans les versions maximisation ou minimisation de ce problème) de ces équations, définies modulo 2. Plus précisément, une équation deEsera de la forme xi1⊕xi2⊕. . . .⊕xip =bavecbà valeurs dans{0,1}et oùxi1, xi2, . . . , xip sont des variables binaires deX; une telle équation sera satisfaite sib = 1et un nombre impair des argumentsxi1, xi2, . . . , xip sont affectés à 1, sib = 0et un nombre pair des argumentsxi1, xi2, . . . , xip sont affectés à 1. La restriction de ce problème à des équations sur au plus k variables sera notéek-Lin2 ; dans tous les cas, on travaille surZ/2Z(notation Lin2).

Par la suite, on entendra par instance d’un problème dek-Satisfaisabilité (resp., Ek-Satisfaisabilité) tout ensembleCde clauses, disjonctives ou conjonctives, de taille au plusk(resp., exactementk) sur un ensembleXde variables. Le nombre d’occur-rences d’une variablexid’un problème de satisfaisabilité ou d’une instance de Min ou MaxEQ, notéd(xi), calcule le nombre de clauses ou d’équivalences faisant appa-raître les littérauxxioux¯i; le nombre d’occurrences d’une variablexid’un problème d’équations binaires sera également notéd(xi)et comptera naturellement le nombre d’équations faisant intervenir la variablexi.

DÉFINITION6.1.– Pour une constanteµ >0, une instanceI= (X, E)àmclauses (équivalences, équations binaires) sur nvariables d’un problème de k-satisfaisabi-lité (d’équivalences, de k-équations binaires) sera dite µ-dense si le nombred(xi) d’occurrences de chaque variablexideXest d’au moinsµ×nk−1(µ×n,µ×nk−1), etµ-dense en moyenne si l’ensembleEest composé d’au moinsµ×nk(µ×n2,µ×nk) expressions ; elle sera dite dense si elle estµ-dense pour un certainµ >0, et dense en moyenne si elle estµ-dense en moyenne pour un certainµ >0. On appelle problème dense et l’on note denseΠla restriction du problèmeΠà ses instances denses.

Si une instanceI = (X, E)d’un problème dek-satisfaisabilité, d’équivalences ou dek-équations binaires estµ-dense, elle est égalementµ/k-dense en moyenne :

∀x∈X, d(x)>µ×nk−1⇒ |E|> 1 k

X

x∈X

d(x)> µ knk.

Nous allons voir que, dans le cadre de l’approximation différentielle comme dans celui des optima locaux, la version dense d’un problème peut être aussi difficile que le problème général. Pour ce, nous nous inspirerons le plus souvent de réductions proposées dans [BAZ a] que nous compléterons pour les adapter au cadre différentiel.

Dans les constructions qui suivent oùL =X∪X désigne un ensemble de litté-raux sur un ensembleX de variables, on parlera souvent de la restrictionPr0(L)de l’ensemblePr0(L)des parties de taillerdeLaux expressions qui ne contiennent pas de tautologie de la forme(l,¯l):Pr0(L) = {c ∈ Pr(L) : ∀l ∈ L, l ∈ c ⇒ ¯l /∈ c}.

Sindésigne le nombre de variables, la cardinalité dePr0(L), fonction du choix der variables parminpuis dehvariables à mettre sous forme négative parmirpourhde 0 àr, est donnée par : va-riables ; on introduit un ensemble Y den variables et l’on considère toutes les k-clauses que l’on peut construire en associant un littéral deX∪X àk−1littéraux de Y ∪Y, construisant l’instance I0 de Maxk-Sat suivante : I0 = (X0, C0) avec X0=X∪Y etC0 =C∪DpourD= (X∪X)× Pk−1(Y ∪Y).

L’instanceI0 est ainsi constituée de2n variables et dem+ Θ(nk−1) clauses ; chaque variablexi apparaît dans au moins2|Pk−1(Y ∪Y)| = Θ(nk−1)clauses et chaque variableyidans exactement2n×2|Pk−2((Y\{yi})∪(Y\{¯yi}))|= Θ(nk−1) clauses : l’instance, construite en temps polynomial en max{n, m}, est donc à la fois dense et dense en moyenne (|C0| > Θ(nk)). Considérons maintenant une af-fectation T0 des valeurs de vérité sur X0 et l’ensemble de clauses D; T0 satisfera toujours toutes les clauses de D, sauf les clauses formées sur lesn littéraux faux deX∪Xet lesnlittéraux faux deY ∪Y : telle queDest construite, cela concerne n ×Cnk−1 clauses. Ainsi, toute affectation T0 sur X0 satisfera exactement K =

|D| −n×Cnk−1clauses deD. On déduit de cette observation les relations suivantes :

∀(T, T0)∈ {0,1}n× {0,1}2ntel queT|X0 =T,mSat(I0, T0) =mSat(C, T0) +K= mSat(I, T) +K. Cette propriété étant l’expression du fait que seules les variables deX sont pertinentes surI0, et ce seulement pour la satisfaction des clauses deC, elle nous assure, plus que la simple affinité de la réduction, que toute extensionT0 d’un optimumh-localT surI sera optimumh-local surX0, et ce quelle que soit la constantehconsidérée : laG[δ](1, h)-réduction est vérifiée. Ceci conclut la preuve du point (1) de la proposition.

Preuve du point (2). Soit I = (X, C) une instance de MaxDensek-Sat à |C| = m clauses et |X| = n variables ; nous savons la transformer en une instance de MaxEk-Sat de sorte à préserver l’approximation différentielle et les optima locaux (voir paragraphe 5.1.1), mais la densité ? Reprenons la construction proposée alors et agrémentons-la de quelques clauses supplémentaires. On introduit de nouveau un en-semble de variablesY ={y1, . . . , yn}de même taille queX, et à chaque clauseci=

(`1, . . . , `p)deCd’au plusklittéraux, on associe l’ensembleCide clauses suivant, qui consiste à complétercide toutes les façons possibles à partir desk−ppremier lit-téraux deY etY :∀i= 1, . . . , m,Ci=ci×Pk−p({y1, . . . , yk−p}∪{¯y1, . . . ,y¯k−p}).

A une clauseci de taillep 6 k, on aura ainsi associé|Pk−p({y1, . . . , yk−p} ∪ {y1, . . . , yk−p})|= 2k−pclauses. Sur chacune de ces famillesCi, une affectationT0 des valeurs de véritéT0 surX ∪ {y1, . . . , yk}vérifiera toutes ses clauses, sauf peut-être une siT0 ne satisfait pas ci. Supposons par exemple que T0 affecte à0les va-riablesy1, . . . , yk; alors de toutes les combinaisons de littérauxy1, . . . , yk,y¯1, . . . ,y¯k, la seule rendue fausse parT0sera(y1, . . . , yk), toute autre combinaison comportant au moins une négation : ainsi, la clauseci∪ {y1, . . . , yk}sera satisfaite si et seulement siT0 satisfait ci. NotonsD = ∪mi=1Ci l’union de ces clauses etK = |D| −m, la réflexion précédente nous inspire la relation :∀(T, T0)∈ {0,1}n× {0,1}n+k telles queT|X0 =T,mSat(D, T0) =mSat(I, T) +K.

Nous avons régularisé la taille des clauses, il faut maintenant densifier ; pour ce, on introduit toutes les clauses de taillekpossible que l’on peut former sur les littéraux deY ∪Y, ce qui conduit à considérer l’instanceI0= (X0, C0)de MaxEk-Sat avec :

–X0=X∪Y (|X0|= 2n) ;

–C0 = D∪E avecE = Pk(Y ∪Y)(|C0| =|D|+|E|,|D| 6 m×2k−1 et

|E|= Θ(nk)).

La construction est bien polynomiale en la taillemax{n, m}de l’instance initiale, la taille de l’ensemble C0 de clauses considéré étant d’ordre Θ(m+nk). De plus, il s’agit d’une instance de MaxEk-Sat dense et dense en moyenne, chaque variable yi apparaissant dans|Pk−1(Y\{yi} ∪Y\{¯yi})| = Θ(nk−1) clauses (on rappelle queΘ(nr) = Θ((2n)r)). Toute affectation des variables de l’ensembleY satisfera exactement |E| −C2nk clauses de E (toutes les clauses deE, sauf celles formées sur les littéraux de Y ∪Y rendus faux par l’affectation considérée). Ainsi, si l’on noteK0 = K+|E| −C2nk , les valeurs des solutions sur les instancesI etI0 sont liées par la relation affine : ∀(T, T0) ∈ {0,1}n × {0,1}2n telles que T|X0 = T, mSat(I0, T0) = mSat(I, T) +K0. Cette réduction affine préserve-t-elle les optima locaux relativement à une fonction voisinageVdonnée ? SoitT une solution deI op-timale surV(I, T), nous prétendons qu’alors toute extensionT0 deT aux variables de l’ensemble Y est également optimale surV(I0, T0). Pour s’en convaincre, il suf-fit de remarquer que seule l’affectation des variables de X a une incidence sur la valeur d’une solution deI0 : siS0 est voisine deT0 au sens de V, la restrictionS deS0 àX est a fortiori voisine deT au sens deV; si l’on note Sel’extension deS aux variables de l’ensembleY qui coïncide avecT0 (Se|Y = Te|Y), de l’optimalité locale deT (mSat(I, T) > mSat(I, S)) et de la relation affine liant les instances I et I0 (mSat(I, T)−mSat(I, S) = mSat(I0, T0)−mSat(I0,S), on conclut alorse mSat(I0, S0) =mSat(I0,S)e 6mSat(I0, T0). LaG[δ](1, h)-réduction est établie.

Les mêmes transformations permettent d’établir les équivalences suivantes.

COROLLAIRE6.3.–∀k∈N,























Mink-Sat G[δ](1,h)↔ MinDensek-Sat MinDensek-Sat G[δ](1,h)∝ MinDenseEk-Sat

Maxk-CCSP G[δ](1,h)↔ MaxDensek-CCSP MaxDensek-CCSP G[δ](1,h)∝ MaxDenseEk-CCSP

Mink-CCSP G[δ](1,h)↔ MinDensek-CCSP MinDensek-CCSP G[δ](1,h)∝ MinDenseEk-CCSP.

PROPOSITION6.13.– ∀k∈N,



Mink-LIN2 G[δ](1,h)MinDensek-LIN2 Maxk-LIN2 G[δ](1,h)MaxDensek-LIN2.

Preuve. SoitI = (X, E)une instance de Maxk-LIN2 composée de|E| =m équa-tions sur|X| = nvariables binaires, on densifieI en introduisant, une fois encore, un ensemble Y = {y1, . . . , yn} de variables de même taille queX, ainsi que l’en-semble F d’équations défini,∀i = 1, . . . , n,∀J = {j1, . . . , jk−1} ⊆ {1, . . . , n}, par :

xi⊕yj1⊕. . .⊕yjk−1= 1 ∈ F xi⊕yj1⊕. . .⊕yjk−1= 0 ∈ F.

On a ainsi crée|F0| = 2nCnk−1 = Θ(nk) équations, dont exactement une sur deux sera vérifiée pour toute affectation des variables deXet deY ;F0fait intervenir chaquexi dans2Cnk−1 = Θ(nk−1)équations et chaque variableyj dans2nCnk−2 = Θ(nk−1) équations : l’instanceI0 = (X0, E0)définie par X0 = X ∪Y etE0 = E∪F est dans à la fois dense et dense en moyenne. De plus, toute solutionT deI0 vérifienCnk−1+mLIN2(I, T)équations : les valeurs des solutions d’une instance à l’autre sont conservées à un facteur constant près, et les optima locaux sur I sont transformés en optima locaux surI0par n’importe quelle extension de l’affectation aux variables de l’ensembleY, la valeur d’une solution sur I0 dépendant exclusivement de la performance réalisée par l’affectation des variables deX sur l’ensembleEdes équations originelles : il s’agit clairement d’une réduction polynomiale qui préserve la

qualité des optima locaux, pour toute structure de voisinage, relativement à la mesure différentielle. On remarquera que si l’instance antécédentI est une instance de Ek-Lin2 (composée d’équations sur exactement k arguments), il en sera de même de l’instance imageI0.

PROPOSITION6.14.–

MinEQ G[δ](1,h)MinDenseEQ MaxEQ G[δ](1,h)MaxDenseEQ.

Preuve. De façon semblable aux preuves précédentes, la réduction que nous concevons consiste à « grossir » l’instance initiale par l’introduction de nouvelles variables et relations.

SoitI = (X, E)une instance de MinEQ composée de |E| = m équivalences sur |X| = n variables binaires, on densifie I en introduisant, une fois dernière, l’ensembleY = {y1, . . . , yn} de variables de même taille queX, couplé de l’en-sembleF d’équivalences défini,∀i = 1, . . . , net∀j = 1, . . . , n, par :xi ≡yj ∈F etxi ≡y¯j ∈ F. L’ensembleF est constitué de2n2 = Θ(n2)équivalences qui font intervenir chaque variablexi, chaque variableyj,2n= Θ(n)fois chacune. L’instance I0 = (X0, E0),X0 = X ∪Y,E0 =E∪F ainsi construite, en temps évidemment polynomial enmax{m, n}, est bien dense et dense en moyenne. Il est par ailleurs fa-cile de constater que tout couple(T, T0)de solutions surIetI0qui coïncident surX vérifie la relation :mEQ(I0, T0) = mEQ(I, T) +n2, toute affectationT0surX0 sa-tisfaisant toujours exactement n2 équivalences de F. Cette dernière réflexion suffit à se convaincre que la réduction proposée préserve les optima locaux et leur qualité différentielle, soit qu’elle est uneG[δ](1, h)-réduction.

THÉORÈME6.2.– Les problèmes suivants, dans leurs version maximisation comme minimisation, mêmes restreints à leurs ensembles d’instances denses, n’admettent pas de schéma d’approximation polynomial différentiel à moins que P = NP: Ek-Sat (∀k>2), Ek-CCSP, (∀k>2),k-LIN2, (∀k>2) et EQ.

Preuve. D’après les propositions 6.12, 6.13 et 6.14, pour chacun de ces problèmes, un schéma différentiel sur les instances denses induirait un schéma différentiel sur le problème général, dont on pourrait déduire par le biais de leur version maximisation un schéma classique d’approximation, ce qui ne peut être s’agissant de problèmes APX-difficiles, à moins quePetNPne coïncident.

6.3. Conclusion