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Des volumes qui soulignent la détermination de découvrir des fraudes

Chapitre 3: L’inscription historique de la lutte contre la fraude 113

2.   De l’entre-deux-guerres au début des années 2000 sur le réseau de surface des

2.1.   La lutte contre la fraude dans l’entre-deux guerres : pour canaliser une perte

2.1.3.   Des volumes qui soulignent la détermination de découvrir des fraudes

Il faut souligner combien cette qualification de la fraude est rendue plus visible par les faibles volumes dont il est question. En effet, la STCRP, étant rémunérée sur ses recettes, dénonce constamment la perte en matière de recettes qu’implique le « coulage ». De ce point de vue, le fait que la lutte contre la fraude relève de la direction de l’exploitation commerciale est symptomatique, et permet de comprendre cette mise au premier plan de la perte de recette. Il faut signaler aussi la pression des tutelles, car la situation financière de la STCRP est mauvaise. Entre 1925 et 1927, trois avenants successifs modifient les éléments de rémunération de la STCRP, mais le problème du déficit reste constant... Dans les années 30, la crise économique n’arrange rien : on parle de supprimer des lignes, de licencier du personnel. Les tarifs sont finalement augmentés de 33% par décret-loi du gouvernement, en 1938.

Etant donné les mécanismes de rétribution de la STCRP, il n’est pas surprenant qu’elle prête attention à ce qui constitue une perte directe pour elle. Cependant, on ne peut qu’être frappé du caractère alarmé de certaines notes, quand les volumes de la fraude paraissent relativement faibles, une évaluation exacte de ceux-ci étant difficile – nous n’avons pu trouver ni le mode de calcul ni la technique d’enquête retenus –, mais laissant apparaître tout de même une proportion très peu élevée, en comparaison des volumes actuels notamment.

Un certain nombre de notes et rapports font état de l’appréciation des agents du contrôle, qui considèrent qu’elle a augmenté fortement depuis la guerre. Le journaliste de la Lanterne rapporte, surpris : « il paraît qu’un tiers des usagers de surface ne paient pas », tout en appuyant cette évaluation peu probable d’un « pourtant les statistiques sont là et la [STCRP] donne des chiffres ». Les chiffres aujourd’hui disponibles tendent pourtant plutôt à montrer un taux de fraude bien plus faible. En 1924, on relève une hypothèse, au statut incertain, de 3%145 ; en 1926, un taux général de 2% est annoncé ; enfin, en 1934, une note annonce un « pourcentage de 0,72 », quand un autre rapport estime que la fraude peut aller jusqu’à 8% en heures creuses.

Ce dernier chiffre, de même que celui communiqué au journaliste de la Lanterne, souligne une variation manifeste des évaluations quantitatives de la fraude dans les différents documents de la STCRP. L’absence de méthode de mesure clairement explicitée, bien que des

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Sans mentionner de chiffre exact, l’auteur d’un rapport prend 3% comme hypothèse, pour évaluer ce qu’il en couterait à la STCRP : le chiffre a-t-il été pris tout à fait au hasard ? Reflète-t-il un au contraire un ordre de grandeur vraisemblable et sur lequel on s’accordait à l’époque ?

« expérimentations » soient régulièrement annoncées et rapportées, conduit à douter de la fiabilité des chiffres présentés. Et notamment de celle des derniers rapportés, qui, plus qu’une tendance à l’inflation verbale, indiquent un usage tactique des chiffres par la STCRP, qui est celui de la légitimation de sa politique de lutte contre le coulage, présente et à venir. Le taux de 8% sert en l’occurrence à introduire dans la note correspondante, la demande d’une présence plus grande de contrôleurs en civil sur le réseau...

Ces chiffres ne sont pas anodins pour le transporteur, et l’hypothèse de 3% conduit d’ailleurs à « une perte de 12 millions » ; il est tout de même frappant de constater le décalage avec la période actuelle, à titre de comparaison, pour laquelle les discours sont moins alarmistes, alors que le taux mesuré au début des années 2000 par les agents du CSB dépasse les 10%... On est alors stupéfait devant les moyens mis en œuvre, dans le cadre de cette lutte contre la fraude, pour s’assurer rigoureusement et scientifiquement que la fraude est bien « caractérisée » – il suffit pour cela de songer à la mise en place du laboratoire !

La réponse nous semble être, non celle d’une incohérence de la STCRP, mais d’une démarche fondée sur une compréhension spécifique de la fraude partagée sur la période, susceptible d’impulser des mesures telles que la mise en place d’un laboratoire chimique... Selon cette interprétation, la fraude résulte d’une volonté de dissimulation de la part d’un « resquilleur », qui se traduit par une perte financière directe pour la STCRP. L’enjeu est alors de découvrir la fraude au cas par cas, à la fois dans la volonté d’un voyageur particulier de contrevenir au règlement, et dans l’occurrence effective de ce comportement.

Etant donné la focalisation de l’entreprise sur le caractère manifeste de la tromperie et sur le préjudice économique immédiat, la STCRP fait peu de cas du comportement du « resquilleur » sur le long terme.146 Elle ne prête apparemment pas plus attention à la masse des irrégularités (qui ne sont pas nécessairement volontaires). La fraude, constituée en problème à gérer par la STCRP, n’est pas un simple écart au règlement : c’est une tromperie caractérisée qui provoque une perte financière directe pour le transporteur.

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On ne trouve en effet pas trace dans les archives de la STCRP de théories du comportement fraudeur sur la

durée. Nous voulons dire que la STCRP ne cherche pas à penser les séries de fraude. La façon d’appréhender les

fraudes passe principalement par une classification des différentes ruses – face auxquelles il convient de réagir, selon la STCRP. Cette appréhension de la fraude est d’autant plus remarquable que la période actuelle fait apparaître un contraste fort : la question qui y est considérée comme décisive, comme on le verra, est celle de l’évolution du comportement de fraude à moyen et long terme, puisqu’il s’agit de faire du « fraudeur « un « client », fidèle qui plus est.

2.2.

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