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A - Les voies des migrations forcées vers l’Union européenne : des routes dangereuses

Les migrations forcées vers l’UE empruntent quatre voies d’accès  : celle des Balkans orientaux, celle de Méditerranée orientale avec le passage de la Turquie vers la Grèce, celle de la Méditerranée centrale, des côtes libyennes vers l’Italie et celle qui rejoint le Maroc à l’Espagne. Le périple des migrant.e.s peut avoir commencé bien en amont, de la corne de l’Afrique, de l’Afrique centrale ou de l’Afrique de l’Ouest à la Libye ou au Maroc, et avoir été marqué par la traversée du désert. Le passage de la Méditerranée sur des embarcations de fortune se traduit par de nombreux décès.

Selon les chiffres de Frontex, l’afflux le plus massif lié au conflit syrien a atteint son apogée en 2015 avec 885 000 détections d’entrées sur le territoire de l’UE par la Méditerranée orientale et 764 000 par la route des Balkans orientaux. Ce pic a beaucoup diminué à la suite de l’accord UE-Turquie. La même année, la route de la Méditerranée centrale aurait connu 154 000 passages et 181 126 en 2016. Les autres routes totalisaient 18 000 détections d’entrées illégales.

Ces chiffres, particulièrement élevés en 2015, ont chuté pour atteindre au total un volume de 170 000 personnes attendues en 2017 principalement en raison de la fermeture des frontières et de l’édification de murs à l’est de l’UE (Hongrie, Autriche).

L’origine géographique du départ des migrations forcées vers l’UE est fonction des conflits ou des crises politiques observées. Ainsi en 2016, 28  % des demandes d’asile concernaient des Syrien.ne.s, 15 % des Afghan.e.s et 11 % des Irakien.ne.s et Pakistanais.e.s.

La hiérarchie de ces origines n’a pas changé, bien que les volumes aient diminué. Seules les demandes en provenance du Nigéria sont récemment apparues dans le peloton de tête des pays d’origine. La Turquie, l’Albanie, l’Erythrée, l’Iran, la Somalie et le Bangladesh suivent.

Les voies empruntées sont différentes en fonction de l’origine du.de la demandeur.euse et en fonction du pays d’arrivée. Pour la France métropolitaine, en 2017, les pays d’origine des demandeur.euse.s d’asile sont dans l’ordre : l’Albanie, l’Afghanistan, le Soudan, la Guinée et la Syrie. Et d’une manière générale, sur la route de la Méditerranée centrale et occidentale qui concerne une part importante de la demande d’asile vers l’Europe de l’Ouest, les origines des demandeur.euse.s sont plus éparpillées entre les pays d’Afrique de l’Ouest.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES Les géographes des migrations ont relevé des durées de parcours souvent très longues,

prenant plusieurs mois, voire plusieurs années, avec des périodes pendant lesquelles les migrant.e.s doivent travailler dans des pays de transit pour réunir les fonds nécessaires au transport et au paiement des passeur.euse.s. Pendant ces parcours, transitant par des pays insécurisés, comme la Libye, qui n’ont pas adhéré à la Convention de Genève, la maltraitance est fréquente pour ne pas dire systématique. Les cas de mises en esclavage, de viols et de maltraitances ont été récemment documentés par des ONG, en particulier à l’égard de personnes vulnérables, parmi lesquelles les mineur.e.s non accompagné.e.s. De plus, les menaces sur la santé physique et psychique des migrant.e.s sont omniprésentes.

La traversée de la Méditerranée est particulièrement dangereuse. Entre 2000 et 2014, l’OIM a enregistré 22 394 décès en Méditerranée, ce qui faisait de cette voie de passage des migrations irrégulières, la route la plus mortelle au monde sur la même période. Les chiffres ont encore augmenté avec le conflit irako-syrien. Plus de 10  000 décès ont été recensés depuis 2014. En dépit des contrôles et parfois pour les contourner, les migrant.e.s sont prêt.e.s à traverser les frontières dans des zones plus dangereuses. Par exemple, le franchissement des Alpes entre l’Italie et la France se fait de plus en plus au Nord, en empruntant le col de l’Echelle, près de Briançon, passage plus risqué en période hivernale, plutôt que la vallée de la Roya près de Vintimille, à présent très surveillée.

Les pratiques des garde-côtes et policier.ère.s des États avec lesquels l’UE a conclu des accords pour prévenir les départs en mer ne sont pas bien connues. En revanche, le trafic des passeur.euse.s lui-même est davantage identifié grâce notamment au suivi par l’EASO, des offres faites sur internet.

Rapport

Encadré n°4 : Trajectoires et étapes de la migration féminine, un continuum de violences

La crise des politiques d’accueil et le renforcement des contrôles aux frontières a eu pour conséquence de déplacer les parcours de migration vers des routes plus longues, plus coûteuses et plus dangereuses qui impactent directement les conditions de transit et la sécurité des femmes et des mineur.e.s isolé.e.s. Sans moyens réguliers d’atteindre un pays, les migrant.e.s doivent souvent recourir à des voies plus périlleuses et à divers.e.s passeur.euse.s.

Pour Camille Schmoll, personne n’échappe à la violence mais les femmes et les filles sont particulièrement affectées en raison de leur condition. Elles sont en réalité des « doubles victimes »36 : elles subissent les mêmes risques, violences et dangers que l’ensemble des migrant.e.s comme la traite des êtres humains, auxquels s’ajoutent des violences liées au fait d’être des femmes. Dans leur parcours migratoire, elles sont souvent les cibles de violences sexospécifiques telles que le viol, la mutilation génitale, l’esclavage sexuel, l’avortement forcé et la propagation intentionnelle d’infections sexuellement transmissibles comme le VIH/sida. Avec les mineur.e.s isolé.e.s, elles sont également susceptibles d’être recrutées de force par des groupes armés, en tant que combattantes ou à des fins d’exploitation sexuelle. Une étude récente d’Amnesty International (2016)37 portant sur le parcours des femmes fuyant la Syrie et l’Irak, montre qu’elles sont souvent prises pour cible par les passeur.euse.s, en particulier lorsqu’elles voyagent seules. Lorsqu’elles ne sont pas en mesure de payer le trajet, les passeur.euse.s essaient notamment de les forcer à avoir des relations sexuelles.

Sur la route de la Méditerranée centrale, chaque étape du parcours est une nouvelle frontière (de la traversée du Sahel au canal de Sicile, etc.) et l’étape perçue comme la plus terrible au vu des violences subies et de la longueur de sa traversée est celle de la Libye. À ce sujet, Camille Schmoll rappelle que « les femmes qui passent par la Libye aujourd’hui sont systématiquement violées à plusieurs reprises. Certains hommes aussi, mais pour les femmes, c’est beaucoup plus systématique  »38. De nombreuses femmes arrivent ainsi enceintes aux frontières méridionales de l’Europe. D’autres emploient des dispositifs contraceptifs en anticipation de la traversée de la Libye. Au-delà des grossesses non désirées et des traumatismes psychiques et physiques provoqués, les femmes risquent l’emprisonnement dans des cellules surpeuplées et mixtes où elles sont régulièrement violées.

L’autre étape majeure des migrations vers l’UE est celle de la Méditerranée. Face au risque de décès pendant la traversée, il y a, là aussi, une vulnérabilité spécifique des femmes. L’OIM qui réalise un recensement des mort.e.s en Méditerranée, précise que lorsqu’il est possible d’identifier le sexe des cadavres, les femmes sont beaucoup plus nombreuses en comparaison avec les 15 à 25 % qu’elles constituent à l’arrivée sur les côtes méridionales.

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36 Audition de Camille Schmoll, Maîtresse de conférences de géographie à l’Université Paris Diderot 2018.

37 Rapport 2016-2017 d’Amnesty International, La situation des droits humains dans le monde.

38 Audition de Camille Schmoll.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

B - Le sort des migrant.e.s cherchant une protection