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C - Les organes en charge de l’accueil des réfugié.e.s aux frontières extérieures : un mandat de nature

politique ou technique ?

Outre des moyens financiers, l’UE s’est dotée d’organes dont les missions sont directement en lien avec sa politique de l’asile et dont l’action est orientée vers le soutien aux pays responsables d’une frontière externe de l’UE. Mais l’énoncé de leurs missions frappe par la faiblesse de leur rattachement à la mise en œuvre de la politique commune de l’asile : leur rôle semble encore limité à l’appui aux États membres dans l’exercice de leurs compétences souveraines.

1. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) :  un rôle encore limité

Agence de l’UE créée en 201027 et sise à Malte, l’EASO est chargée de « contribuer à améliorer la mise en œuvre du régime d’asile européen commun (RAEC), de renforcer la coopération pratique en matière d’asile entre les États membres et d’apporter un appui opérationnel aux États membres dont les régimes d’asile et d’accueil sont soumis à des pressions particulières et/ou de coordonner la fourniture de cet appui ».

L’EASO n’est pas une agence de la Commission européenne et est largement à la main des États membres. Mark Camilleri, senior advisor et membre du Bureau exécutif, a ainsi souligné que l’EASO ne devait pas être considéré comme une agence exécutive de la Commission. Le conseil d’administration de l’EASO ne comporte d’ailleurs que deux représentant.e.s de la Commission pour un.e représentant.e par État membre (soit 30 administrateur.rice.s).

La mission de soutien de l’EASO s’articule autour de plusieurs axes :

– un soutien permanent sous la forme par exemple, de formations aux États membres et de fourniture d’analyses sur les pays d’origine ;

– une assistance spécifique ou d’urgence visant à appuyer et consolider les systèmes de traitement de l’asile des États membres ;

– des interventions dans les hotspots. L’EASO est présent à ce titre en Italie et en Grèce où il participe de l’identification de candidat.e.s à l’asile, de la détermination du pays d’origine ou de la mise en œuvre du programme de relocalisation de l’UE ; – l’échange et la diffusion de données, y compris issues de la veille exercée sur les

réseaux sociaux qui diffusent les offres des passeur.euse.s.

27 Cf. règlement 439/2010.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

2. Le mandat de l’agence Frontex et la question de la place accordée à la protection des réfugié.e.s dans la gestion intégrée des

frontières

L’actuelle Frontex ou Corps européen de garde-frontières et de garde-côtes28, est née de la volonté du Conseil Justice Affaires intérieures en 1999 de favoriser la coopération entre États membres sur les questions de frontières, d’asile et d’immigration. A ainsi été mise en place une Unité commune rassemblant les responsables des frontières extérieures, constituée des membres du Comité stratégique sur l’immigration, les frontières et l’asile (CSIFA, haut.e.s fonctionnaires des États membres en charge de ces questions) et des dirigeant.e.s des services de contrôles aux frontières des États membres (PAF en France).

Plusieurs centres opérationnels ad hoc ont été créés et c’est à partir de ces centres que l’Agence a été formellement créée en 200429.

La transformation de l’Agence en Corps européen de garde-frontières et garde-côtes en 2016 répondait à la volonté des États membres de renforcer le contrôle aux frontières extérieures de l’UE par la mise en œuvre de « la gestion européenne intégrée des frontières au niveau national et au niveau de l’Union, qui est un corollaire indispensable de la libre circulation des personnes dans l’Union et un élément fondamental de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ». Concrètement, la gestion intégrée des frontières, définie comme une responsabilité partagée de l’Agence et des États membres, recouvre notamment les champs suivants :

– le contrôle aux frontières, y compris les mesures visant à faciliter le franchissement légal des frontières et le cas échéant, les mesures liées à la prévention et à la détection de la criminalité transfrontalière, telle que le trafic de migrant.e.s, la traite des êtres humains et le terrorisme, ainsi que les mesures liées à l’orientation des personnes qui ont besoin d’une protection internationale ou souhaitent présenter une demande en ce sens ;

– les opérations de recherche et de sauvetage de personnes en détresse en mer, lancées et menées conformément au règlement (UE) n°656/2014 du Parlement européen et du Conseil et au droit international, qui peuvent se produire pendant des missions de surveillance des frontières en mer ;

– le retour de ressortissant.e.s de pays tiers, qui font l’objet d’une décision de retour prise par un État membre.

Dans ce cadre, les missions de l’Agence demeurent cependant essentiellement des missions d’assistance et d’appui aux États membres (surveillance des flux migratoires, analyse des risques, déploiement d’équipes d’appui,…) et plusieurs personnalités auditionnées ont déploré les avancées insuffisantes de cette réforme. C’est le cas de Cristian Pîrvulescu, membre du Comité économique et social européen, qui a regretté que la réforme de Frontex n’ait pas abouti à un véritable transfert de souveraineté des États membres en matière de contrôles aux frontières de l’UE.

28 Cf. Règlement UE 2016/1624.

29 Cf. Règlement CE 2007/2004.

Rapport

En outre, il est essentiel de garder à l’esprit que l’Agence Frontex qui disposait d’un budget de 330 millions d’euros en 201730, a longtemps été dépendante des États membres et qu’elle devait leur adresser des demandes de contribution pour obtenir des moyens matériels et du personnel. Il existe désormais un pool de réaction rapide constitué de 1 500 réservistes des États membres et ces derniers ont l’obligation depuis fin 2016, de mettre à disposition de l’Agence des équipements techniques.

Le règlement 2016/1624, qui mentionne les droits fondamentaux des réfugié.e.s et notamment le principe de non-refoulement, précise les missions du Corps de garde-côtes européen.ne.s, qui tiennent principalement à l’organisation de la lutte contre le franchissement illégal des frontières conformément à la vocation historique de l’agence. Or, un franchissement des frontières illégal par les migrant.e.s, n’implique pas tout abandon de responsabilité quant à l’examen de la situation des personnes au regard des droits fondamentaux. Ce point a été clairement identifié par le législateur de l’UE, qui a été conduit à introduire dans son règlement, des dispositions prévoyant la possibilité de plaintes écrites auprès d’un.e officier.ère des droits fondamentaux.

Mais dans le détail des opérations assurées par Frontex, le terme réfugié.e n’apparaît que dans la section réservée à la définition des missions de l’agence consacrée au retour. De plus, si l’agence intervient directement auprès des États suivant un plan opérationnel des opérations conjointes en mer, elle n’exerce par elle-même aucune compétence territoriale supranationale : il revient toujours aux États d’exercer leurs compétences pour accepter le débarquement sur leur territoire.

Leur compétence s’exerce y compris en dehors des eaux territoriales sur ce point.

En effet, la CEDH a déjà jugé qu’un État ne pouvait pas décliner toute responsabilité en cas d’arraisonnement en mer, y compris dans des eaux extraterritoriales, et pratiquer le refoulement de personnes interceptées vers les pays de départ. Ainsi l’Italie a-t-elle été condamnée pour avoir violé l’article 3 de la Convention (droit à la vie), en procédant à l’interception d’embarcations dérivant au large de l’île de Lampedusa et au refoulement immédiat vers la Libye, des migrant.e.s essentiellement somalien.ne.s et érythréen.ne.s qui s’y trouvaient. La Cour n’a ainsi pas validé le comportement d’un État s’autorisant « à commettre, en dehors de son territoire, des actes qui ne seraient jamais acceptés à l’intérieur de celui-ci »31.

La répartition actuelle des compétences entre les Etats membres et l’UE en matière de surveillance des frontières extérieures, peut induire des dérives. Les mesures de coopération organisées par Frontex avec les Etats d’origine et de transit afin que ceux-ci retiennent des migrant.e.s, évitent aux Etats membres d’assumer eux-mêmes directement, des pratiques de refoulement32.

30 Source : https://www.touteleurope.eu/actualite/qu-est-ce-que-l-agence-europeenne-de-garde-cotes-et-garde-frontieres-frontex.html.

31 CEDH, GV, Hirsi Jamaa et alii., 23 février 2012, req. N°27765/90.

32 Selon SOS Méditerranée, 44 % des opérations de sauvetage en mer sont aujourd’hui réalisées par des ONG.

Frontex en prend une grande part. Audition de Fabienne Lassalle. Voir aussi à ce sujet Marie-Laure Basilien-Gainche, «Les boat-people de l’Europe. Que fait le droit ? Que peut le droit ?» Revue des droits de l’homme, 9/2016.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES

D - La permanence du recours à des solutions