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12 DÉCEMBRE 2017 ET LE PROJET DE LOI ASILE ET IMMIGRATION DE 2018

La Loi de 2015 sur la réforme du droit d’asile Cette loi est venue transposer le Paquet asile en droit français119. Les objectifs de cette loi étaient les suivants :

– renforcer les garanties des droits des demandeur.euse.s d’asile en rationalisant et simplifiant les démarches administratives et en renforçant leur accompagnement (création des PADA, meilleurs prise en compte des situations de vulnérabilité, présence d’un avocat lors de l’audition à l’OFPRA, …) ;

– améliorer les conditions d’accueil (mise en place d’un dispositif national d’accueil ; l’OFII devient le principal maître d’œuvre de la politique d’accueil, autorisation de travail 9 mois après le dépôt de la demande, …) ;

– statuer rapidement sur la demande d’asile (5 mois pour une procédure normale, 5 semaines en procédure accélérée, y compris pour les recours devant la CNDA).

Depuis l’entrée en vigueur de cette loi le 2 novembre 2015, les délais de traitement des demandes ont été réduits120.

D’une part, le niveau de protection (OFPRA et CNDA) a augmenté passant de 28 % en 2014 à 36 % en 2017, pour un plus grand nombre de dossiers traités (l’OFPRA a pris 62 057 décisions en 2015, 115 136 en 2017).

Face au nombre croissant de demandeur.euse.s d’asile à héberger, l’OFII a rationalisé le premier accueil (GUDA, etc.). Cependant les places d’hébergement restent largement insuffisantes (environ 80 000 en tout). En outre le délai de 3 jours pour l’enregistrement de la demande d’asile prescrit par l’UE n’est pas encore atteint dans la majorité des territoires.

Enfin, l’ADA a permis de réduire les inégalités et prend en compte la composition familiale dans le calcul de l’allocation. Selon le ministère de l’Intérieur, environ 25 millions d’euros sont alloués à plus de 100 000 bénéficiaires en 2017.

119 Constitué de trois directives  ; directive 2011/95/UE du 13  décembre  2011 dite Qualification, la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 dite Procédure et la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 dite Accueil.

120 Le délai de traitement moyen constaté cumulé (OFPRA et CNDA) est de 414,7 jours en 2017, ce qui n’est pas toujours pas conforme au délai prescrit par la Loi (300 jours).

Annexes

La circulaire du 12/12/2017 relative à l’examen des situations administratives dans l’hébergement d’urgence

Par la circulaire du 12 décembre 2017, le ministre de l’Intérieur demande aux préfets de « bâtir localement un dispositif de suivi administratif robuste des personnes étrangères en hébergement d’urgence  » et ce pour l’ensemble des structures, y compris hôtelières.

L’objectif est d’évaluer la situation administrative des personnes hébergées, de les informer sur leurs droits et le cas échéant, d’envisager de les réorienter.

Le Défenseur des Droits ainsi que de nombreuses associations travaillant à la défense des droits des personnes admises dans les centres d’hébergement d’urgence se sont montrées hostiles au texte en mettant en avant que le dispositif constitue une atteinte grave et immédiate à l’inviolabilité du domicile des personnes admises en centre d’hébergement, à la protection des données personnelles les concernant, ainsi qu’au droit au respect de leur vie privée.121

Le projet de Loi Asile et Immigration

Le projet de Loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif a été présenté en Conseil des ministres par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb le 21 février dernier. Dans son communiqué de presse, le gouvernement indique qu’il entend, avec ce texte : « renforcer la protection des personnes en état de vulnérabilité (…), faire converger nos procédures avec le droit et les pratiques européennes [en augmentant] la durée de rétention de 45 à 90 jours là où elle s’établit à 90 jours Outre-Rhin (…) et à adapter notre droit aux réalités opérationnelles (…) en facilitant notre régime de la retenue ».

Dans son avis rendu le 15 février 2018122, le Conseil d’État déplore que l’étude d’impact soit insuffisamment documentée et ne contienne pas de bilan des lois de 2015 sur la réforme du droit d’asile (voir ci-dessus) et de 2016 sur les droits des étrangers en France. Le Conseil d’État souligne d’ailleurs qu’il est encore trop tôt pour dresser le bilan de la loi de 2016 et rappelle, de manière générale, l’inflation législative sur ce sujet depuis la création du CESEDA en 2005 (une loi tous les deux ans). Christine Lazerges, présidente de la CNCDH, a également dénoncé ce travers des pouvoirs publics sur la question migratoire et de l’asile lors de son entretien avec les rapporteur.e.s.

Sur certains sujets, le Projet de Loi comporte des avancées comme sur l’allongement à 4 ans des titres de séjour octroyés au titre de la protection subsidiaire ou la facilitation du regroupement familial autour des mineur.e.s. Le Conseil d’État identifie quant à lui trois évolutions majeures et « pertinentes » :

– une répartition plus volontariste des demandeur.euse.s d’asile sur l’ensemble du territoire afin d’améliorer leur prise en charge. Les réactions qui ont pu être

121 Conseil d’État, ordonnance du 20 février 2018, Fédération des acteurs de la solidarité et autres.

122 Avis sur un projet de Loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif n°394206 du 15 février 2018.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES recueillies par les rapporteur.e.s à ce sujet sont contrastées123 mais chacun.e

s’accorde sur la nécessité d’une base de volontariat des demandeur.euse.s ; – l’accélération du traitement des demandes d’asile, sous réserve toutefois que le

temps nécessaire à une bonne instruction du dossier soit respecté, inquiétude dont ont largement fait part les associations et qui a motivé les grèves des rapporteur.e.s de la CNDA en février dernier124 . Ce risque est d’autant plus grand qu’il s’accompagne en revanche d’une réduction des délais de dépôt de la demande (90 jours au lieu de 120 jours) et de recours (15 jours au lieu d’un mois) ; – rendre plus efficaces et effectives les mesures d’éloignement.

Des mesures contestables sur la rétention administrative

Les propositions d’allongement des délais de rétention des demandeur.euse.s d’asile contenus dans le projet de texte suscitent de vives inquiétudes et critiques de la part du monde associatif mais aussi du Défenseur des droits, Jacques Toubon. Lors de son audition, il a déjà souligné son opposition ferme aux dispositions de la Loi Warsmann, adoptée mi-février, qui élargit et précise les conditions de détention des demandeur.euse.s d’asile en risque de fuite. A cette occasion, Il a insisté sur le changement de paradigme et « la violence politique et juridique  » que constituait le fait de priver ainsi de liberté, des personnes en situation régulière. Ces critiques sont partagées par Louis Gallois, Président de la FAS125.

Le Conseil d’État s’interroge lui aussi sur la validité des motifs avancés pour l’allongement de ces délais et précise que les coûts engendrés par ces mesures n’ont pas été chiffrés par l’étude d’impact, ni leur efficacité évaluée.

123 Certain.e.s acteur.rice.s estiment qu’il s’agit d’une initiative très pertinente, c’est le cas du Maire de la commune de Meymac en Corrèze, d’autres étant plus réservé.e.s comme Marion Lignac (FAS), qui a indiqué que le fait d’imposer de nouveaux déplacements aux demandeur.euse.s n’était pas approprié et qu’il pouvait s’agit d’une forme de contrainte à leur encontre.

124 C’est en effet au motif du manque de moyens et du raccourcissement du délai de traitement des dossiers, dans une logique qu’il.elle.s dénoncent comme comptable au détriment de la qualité de l’instruction que les rapporteur.e.s de la CNDA ont fait grève pendant 28 jours entre mi-février et mi-mars 2018 à l’appel de trois organisations syndicales.

125 Audition de Louis Gallois, Président de la FAS, devant le CESE le 27 février 2018.

Annexes

N° 6 LES DEMANDEUR.EUSE.S D’ASILE