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L’accès au travail est reconnu comme l’une des meilleures formes d’intégration des demandeur.euse.s d’asile, l’emploi leur procurant une véritable place dans la société. Eu égard à la vulnérabilité de ces personnes, il convient toutefois de veiller à ce qu’elles soient accompagnées et préparées (langue, information sur le droit du travail, évaluation des compétences, formation professionnelle, …). Cela pose la question du délai à partir duquel les demandeur.euse.s d’asile ont accès à l’emploi.

La directive Accueil n’a fixé qu’une période maximale de 9 mois au-delà de laquelle un État membre ne peut empêcher l’accès effectif des demandeur.euse.s au marché du travail.

La France se conforme avec beaucoup de timidité à cette obligation : elle n’autorise l’accès à son marché du travail qu’à partir de 9 mois, alors que rien n’interdit en droit communautaire que les demandeur.euse.s puissent travailler sur le territoire des États membres où une demande a été faite, certains États recourant sans restriction à cette main d’œuvre.

91 Cf. art. L. 622-1 du CESEDA, suivi des clauses d’exemption prévues à l’article L. 622-4 du même code.

92 Avis de la CNCDH du 18 mai 2017, Mettre fin au délit de solidarité.

Rapport

Dans l’UE à 28, seuls quelques pays restreignent l’accès au marché du travail pendant une période aussi longue, voire l’interdisent en contradiction avec la directive : la France, le Royaume-Uni, l’Irlande (ces deux derniers ne partagent pas tout l’acquis de la directive Accueil), la Hongrie, la Slovénie, la Slovaquie, la Croatie et les Pays Baltes. 18 pays accordent cette autorisation dans un délai égal ou inférieur à 6 mois.

Les modalités d’accès au marché du travail peuvent dépendre d’un test sur le marché du travail, visant à vérifier que d’autres populations prioritaires ne seraient pas menacées par l’offre de travail concurrente des demandeur.euse.s d’asile. La France, à l’occasion de la demande d’autorisation de travail des demandeur.euse.s d’asile, vérifie s’il y a une pénurie d’offres d’emploi pour le métier envisagé. Il serait intéressant de connaître le pourcentage d’autorisations délivrées pour éclairer sur l’effectivité de ce droit en France. La plupart des pays ont abandonné un tel critère, alignant la condition d’accès au marché du travail au droit commun des réfugié.e.s qui n’ont pas besoin d’obtenir une autorisation pour pouvoir travailler.

Cette comparaison entre les différents pays de l’UE montre que de nombreux pays où les taux de chômage sont élevés n’ont pas renoncé à utiliser cette main d’œuvre. La crainte de menace pour l’emploi dans un pays où le chômage est déjà élevé n’est donc pas unanimement partagée. La France n’a d’ailleurs restreint l’accès à son marché du travail aux demandeur.euse.s qu’en 1991.

En matière d’accès à l’emploi, les études existantes dans d’autres pays de l’OCDE montrent un taux d’emploi très faible des réfugié.e.s, et ce pour de multiples raisons : défaut de reconnaissance de leur qualification et de leurs compétences, obstacle de la langue, résidence imposée en fonction des possibilités d’hébergement moins coûteuses dans des zones de faible activité, …. En revanche, la substitution de la main d’œuvre non autorisée à de la main d’œuvre régulière pouvait être forte en raison de l’économie substantielle qui peut en résulter pour les employeur.euse.s, en particulier dans les pays où la protection sociale est élevée dans l’économie formelle93.

Une récente enquête statistique du ministère de l’Intérieur a montré que parmi les migrant.e.s régularisé.e.s au titre d’une admission exceptionnelle au séjour, 54  % des bénéficiaires déclaraient être entrés en situation régulière (avec un visa) et s’être maintenus sur le territoire après expiration de leur document de séjour, en faisant pour 25 % d’entre eux, une demande d’asile avant d’être régularisés. Pour les 46 % restants, entrés en France irrégulièrement, deux-tiers ont finalement obtenu une autorisation provisoire de séjour après avoir déposé une demande d’asile. Le statut de demandeur.euse d’asile ne permettant pas dans le cadre juridique actuel, de travailler légalement, il est évident qu’une part importante de ces personnes travaille dans l’économie informelle.

On peut clairement déduire les effets négatifs d’une politique qui a pour conséquence le recours au travail illégal et à l’inverse, décourage l’emploi en situation régulière. Outre une concurrence déloyale, il conduit des personnes souvent en situation de grande vulnérabilité s’agissant des demandeur.euse.s d’asile, à subir des conditions de vie encore plus aléatoires

93 Cf. par exemple F. Schneider, “Size and dévelopment of the shadow economy in Germany, Austria and other OECD countries”, Revue économique, 2009/5, vol. 60, pp. 1079 à 1116.

AVISDÉCLARATIONS/SCRUTINRAPPORTANNEXES pendant 9 mois voire plus, tant que l’autorisation de travail ne leur est pas accordée. La

même enquête a montré que près d’un premier titre pour motif économique sur quatre en 2015 a consisté dans une régularisation, proportion qui s’est substantiellement accrue avec la circulaire du 28 novembre 201294.

Pour inciter les employeur.euse.s à avoir recours au travail légal comme pour favoriser une politique d’insertion ambitieuse, le rapport d’Aurélien Taché préconise plusieurs mesures :

– autoriser les demandeur.euse.s d’asile à travailler six mois après le dépôt de leur demande, voire plus tôt, dans le cadre d’un examen au cas par cas ;

– supprimer le versement par les employeur.euse.s de la taxe OFII lors de l’embauche d’une personne bénéficiaire de la protection subsidiaire.

Ces propositions reviennent à faire remonter plus tôt le régime actuellement en vigueur pour les personnes titulaires d’une protection internationale, qui ne sont soumises pour accéder au marché du travail à aucune autorisation de travail délivrée par les services de la main d’œuvre extérieure. Elles supposeraient l’abandon du test de marché du travail en tension qui n’est pratiqué que par un petit nombre de pays de l’UE et dont le fonctionnement est extrêmement aléatoire selon l’organisation des services mobilisés95.

Cette mesure permettrait un alignement sur la situation de la plupart des pays de l’UE. L’Allemagne a récemment ramené la possibilité de travailler à trois mois dans le cas de personnes pour lesquelles de fortes chances d’accès à une protection internationale sont observées en fonction de leur pays d’origine, et a été jusqu’à permettre aux communes d’émettre une suspension de mesure d’éloignement dans les cas de débouté.e.s dont il est constaté qu’il.elle.s travaillent.

En outre, ces dispositions répondraient pour partie aux besoins de recrutement dans certains secteurs. L’OCDE a identifié de tels besoins dans certains secteurs qui recourent à de la main d’œuvre irrégulière, faute d’être couverte par des autorisations de travail. Nombre de ces salarié.e.s sont néanmoins déclaré.e.s aux organismes de sécurité sociale et paient des cotisations. Les demandeur.euse.s d’asile qui, au bout de deux ou trois années, présentent des fiches de salaires régulièrement établies, peuvent d’ailleurs espérer des admissions exceptionnelles au séjour. Cette possibilité demeure néanmoins aléatoire compte tenu d’une appréciation des services compétents qui reste très variable selon les territoires.

L’OCDE souligne l’intérêt de l’ouverture d’une voie légale de migration économique pour les emplois les moins qualifiés, en prenant soin de préciser qu’elle ne devrait pas se faire au détriment des politiques de formation et d’emploi ciblant les publics les moins qualifiés ou au chômage. Il est clair que cette proposition vise aussi des migrant.e.s en exil.

La reconnaissance légale d’un statut économique, sans préjudice de l’exercice du droit d’asile, permettrait aussi aux services compétents d’exercer un levier sur la légalisation des postes de travail.

94 Elipa (ministère de l’Intérieur), vague 2015. Citée in OCDE, Le recrutement des travailleurs immigrés - France, 2017. Etude communiquée par Jean-Christophe Dumont, OCDE, entretien privé avec les rapporteur.e.s.

95 Ibid.

Rapport

B - L’accès au service public de l’emploi et à la formation