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D’où vient cette particularité de certaines relatives introduites par des composés en - -ever et quel est le rôle de la clivée ?

Nous avons mentionné dans la partie 2.1.2.1 (point 2.b) que lorsque les composés en

-ever avaient le sens de « le X, quel qu’il soit », ils étaient plus susceptibles d’entraîner l’idée que le locuteur ne connaît pas la valeur du mot en wh- (cette idée nous a d’ailleurs été confirmée par des anglophones). Or, il nous semble que le rôle de la clivée dans les cas qui nous intéressent est précisément de renforcer la notion d’incertitude ou

d’ignorance. Les exemples cités ci-dessus, ainsi que tous les exemples que nous avons

trouvés dans nos corpus (voir annexe), comportent, pensons-nous, cette notion. Il est d’ailleurs intéressant de noter que Pagnoux (1976, p. 353) propose de paraphraser de façon lâche l’exemple suivant en whatever it is par une subordonnée interrogative exprimant l’ignorance de l’énonciateur :

- [28] Biggles said quietly : “I can see something ahead…”

“How far away? Asked Ginger…

“Reckoning we must have covered more than a hundred (miles), whatever it is in front of us can’t be more than a hundred and fifty miles from where we started.” (Big. 38)

La paraphrase proposée est : « I don’t know what the « thing » is that is in front of us,

but it can’t be… ».

Certaines manipulations sur l’exemple [29] qui suit montrent bien que la clivée est liée d’une part aux relatives en -ever ayant pour sens « le X, quel qu’il soit », et d’autre part à la notion d’incertitude :

- [29] Whoever it was she saw, she smiled up at him, rising to her feet without a

word and taking his arm. (BNC AC7 890)

En enlevant la clivée ainsi que la fin de la phrase, nous nous rendons compte de deux choses. D’une part, l’énoncé passe d’une valeur spécifique à une valeur générique (whoever she saw, she smiled up at him voudrait dire qu’elle souriait à toute personne qu’elle rencontrait). D’autre part la notion d’incertitude tombe.

L’exemple [30] ci-dessous n’infirme-t-il pas cependant notre hypothèse sur le rôle de la clivée ?

- [30] The John Harvey arrived in Bari, a port on the Adriatic, on November

28th, making for Porto Nuovo, which, as the name indicates, was the ancient city's new and modern harbor. Hardly anyone ashore marked her as she anchored stern-to off Berth 29 on the mole. If anyone thought of the John Harvey, it was to observe that she was straddled by a pair of ships heavily laden with high explosive and if they were hit the John Harvey would likely be blown up with her own ammo and whatever else it was that she carried. Which was poison gas. (Brown)

Il n’y a de toute évidence aucune incertitude de la part du locuteur-narrateur en ce qui concerne la valeur de whatever, puisqu’elle nous est donnée à la fin du texte. Mais nous pouvons toujours conserver notre idée selon laquelle la clivée sert à renforcer la notion d’ignorance présente : le point de vue adopté dans la subordonnée n’est pas celui du locuteur mais celui des passants qui ne connaissent rien de ce bateau. Nous avons

affaire à du discours indirect libre, comme l’indique clairement le contexte (cf. Hardly

anyone ashore marked her ; If anyone thought of the John Harvey, it was to observe…). L’auteur crée ainsi un effet de surprise en révélant juste après ce que contenait en réalité le bateau. Nous pouvons donc modifier notre analyse en précisant que la clivée à l’intérieur d’une relative en -ever a pour rôle de souligner l’incertitude de celui dont le

point de vue est adopté, qui ne correspond pas nécessairement au locuteur, même si

c’est la plupart du temps le cas.

Voici quelques autres exemples dans lesquels l’incertitude ressort clairement (voir aussi annexe 3) :

- [31] [Hank se retrouve enfermé dans un bâtiment. Il entend quelqu’un fermer

une porte]

He thought it must be some damn janitor or cleaning woman puttering around, figuring that Hirey had gone off and forgotten to turn off everything and lock up. Then the faint beginnings of fear stirred in his mind. Unless he was stone-blind, the person who'd just left couldn't have missed seeing Hank through the open door of the brightly lighted room. (…) Whoever it was had meant to shut him up in here, had followed him and waited till the courthouse and square were deserted. But why? (Brown)

- [32] But in my hurry to get away from whatever it was in the bed I missed my

footing and fell. (BNC CDM 2437)

- [33] So this is how Freud originally discovered transference, as an

observation made in the course of analysis, and as we saw, erm, a couple of weeks ago, whenever it was I was talking about group psychology, transference was a fundamental concept in Freud's theory of groups. (BNC

HUN 64)

- [34] And as certainly as she knew these things, Cassie also knew that however

it was that Johnny got his kicks, it was not for her. (BNC G1S 2491)

- [35] To sit in a car with that Cook woman for however many hours it was

[that we had to sit in the car], I simply couldn't do it! (BNC HTT 1486)

Il semblerait donc que dans les relatives libres en -ever, la clivée ait le même rôle que dans la majorité des interrogatives : renforcer l’idée d’ignorance du locuteur (ou de celui dont le point de vue est adopté). Le rapport entre la présence de ever (= « le X, quel qu’il soit ») et la clivée reste encore à expliquer. Notre hypothèse est que ever, en indiquant une indifférence dans le choix de la valeur alors qu’elle est unique, ouvre la

voie à la notion d’incertitude et par là même à la clivée, qui sert à renforcer cette incertitude. La clivée garde dans tous les cas sa fonction de mise en relief de l’élément en wh-.

2.2.3.4 Conclusion

Pour conclure sur ce troisième critère de distinction, nous dirons que si une subordonnée en wh- comporte une clivée en it, elle est interrogative, sauf si la clivée se trouve avec un composé en ever, auquel cas la subordonnée sera relative.

2.2.4 L’INFINITIF