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Agrammaticalité de la clivée dans les relatives libres

2. Autres expressions. D’autres expressions emphatiques se retrouvent uniquement

2.2.3.1 Agrammaticalité de la clivée dans les relatives libres

Le clivage est un procédé syntaxique qui sert à mettre en relief un constituant de la phrase. Par exemple, à partir de John opened the door, si je veux insister sur le sujet, je dirai It is John who opened the door. La forme employée est ici it is (was) X wh-…17.

Tout comme l’interrogative indépendante (non subordonnée), une subordonnée interrogative peut comporter une clivée en it. Cette possibilité n’existe pas pour les relatives libres :

- [1] I wonder what John lost

I wonder what it is that John lost. / What is it that John lost?

- [2] I will take what John brings

*I will take what it is that John brings.

Cette propriété a été relevée par Baker (1968, p. 19-20 et 1970, p. 199), et Pagnoux (1976, p. 360). La clivée pourra donc servir de critère de distinction entre subordonnées interrogatives et relatives libres, toute subordonnée comportant une clivée étant interrogative.

Voici quelques exemples interrogatifs tirés de nos corpus :

- [3] In the same way, Victoria thought, she must try to think back to what it was

that had so surprised her when she came out upon the balcony at the Tio and found Sir Rupert Crofton Lee sitting there in the sun. It was true that she had expected him to be at the embassy and not at the Tio Hotel but that was not enough to account for the strong feeling she had had that his sitting there was quite impossible. (A Ch 150)

- [4] On the whole, however, one must wonder at just what it is that forces a

beloved artist to besmirch her own reputation as time marches inexorably on. (Brown)

- [5] [Holmes et Watson entrent dans une pièce dans le noir et Holmes se

précipite pour tuer un serpent venimeux]

The sudden glare flashing into my weary eyes made it impossible for me to tell what it was at which my friend lashed so savagely. (CD 84)

17 Il existe également une forme en what… is (what I want is beer, à partir de I want beer), parfois appelée pseudo-clivée, mais ce n’est pas elle qui nous préoccupera dans cette partie.

Dans des exemples de ce type, le rôle de la clivée est de mettre en relief l’élément en Wh- (it is Wh- that… wh- is it that… ? / I wonder wh- it is that). Comme ever et certaines autres expressions (cf. 2.2.2 supra), son rôle est avant tout emphatique. Baker (1968, p. 19-20) mentionne deux restrictions sur l’emploi des clivées en it dans les subordonnées interrogatives, qui reflètent selon lui les restrictions que l’on trouve dans les clivées normales : whether (nous pouvons ajouter if ) ainsi que how en tant qu’adverbe de degré sont agrammaticaux :

- [6] * John didn’t know how outdated it was that the highway map was. (de même que : * It was quite outdated that the highway map was.)

- [7] * John didn’t know whether it was that the moon shot had succeeded or

not.

(de même que : * It was either that the moon shot had succeeded or not.) Pour ce qui est des exemples en whether / if, l’agrammaticalité de la clivée en it peut s’expliquer par le fait que cette dernière ne peut porter que sur l’un des constituants de la proposition, et non sur la relation sujet / prédicat dans son ensemble. Elle n’est pas totalement agrammaticale dans une subordonnée en whether, mais alors elle ne portera pas sur le subordonnant. Dans She could not tell whether it was the beat of the swell or

his fateful tread that seemed to fall cruelly upon her heart. (Con 263), la clivée porte sur le sujet.

Comment peut-on rendre compte de cette différence de comportement entre interrogatives et relatives libres ? Nous proposons une explication basée sur leurs rôles respectifs. Un énoncé comportant une interrogative sert à faire un commentaire sur la valeur du mot en wh-, tandis que la relative libre sert à lier deux propositions ayant un syntagme nominal commun (cf. 2.1.3.1, point 3.). L’énonciateur n’a aucune raison de vouloir mettre en relief l’élément en wh- dans une relative, puisqu’en utilisant cette construction son but n’est pas de parler du mot en wh-. Avec l’interrogative au contraire, il peut vouloir insister grâce à la clivée sur l’élément en wh- (qui fait l’objet

d’un commentaire) afin de produire divers effets de sens que nous allons maintenant analyser (nous n’en verrons que quelques-uns).

2.2.3.2 Effets de sens de la clivée dans la subordonnée interrogative 1. Dans une interrogative indépendante, la clivée renforce l’idée d’incertitude et de

questionnement du locuteur, puisqu’elle porte sur le mot en wh-, c’est-à-dire l’« inconnue » (elle pourra souvent se traduire par « donc / bien ») :

- [8] `Feargal!" she exclaimed in exasperation. `Stop answering questions with

questions and tell me what's going on! What, please, is so terrible about bringing a few letters? And why on earth mustn't Phena know about them?" `We will leave my sister out of this discussion, thank you. And keep your voice down." `But why? What is it that Phena mustn't know?" she pleaded. (BNC

HGY 1910)

- [9] `Now Mr Sanders," she continued, `(…) Spain and Austria are peripheral

countries aren't they? So why is it that your company, and certain other major multi-nationals, plan to invest heavily in those countries?(BNC AC2 1674)

(On remarquera dans le premier exemple le rôle similaire de it is et on earth).

Dans les interrogatives subordonnées, l’effet sera différent selon que le locuteur connaît ou non la valeur du mot en wh- (ce qui peut être impliqué par le terme introducteur).

2. Réponse non connue du locuteur. La clivée peut tout d’abord, comme dans les

interrogatives indépendantes, correspondre à un renforcement de l’idée de questionnement (et par là même d’incertitude) dans le cas où le locuteur ne connaît pas la valeur du mot en wh- :

- [10] We would also like to find out why it is that English language follows

such remarkably similar patterns in the development of language. (AM 134) (= “nous voudrions bien savoir / découvrir pourquoi”)

- [11] Can we discover what it is in Utopia that has evoked this response?

(Brown)

Même lorsque le terme introducteur n’exprime qu’un manque passif de connaissance (I don’t know et équivalents), il arrive que l’effet de la clivée soit d’ajouter l’idée d’un

questionnement du locuteur. C’est le cas dans l’exemple [17] que nous verrons point 5

infra (I don’t know how it is I did not see - but I didn’t (Con 160)), où le locuteur reste perplexe et voudrait bien savoir comment il a pu commettre une telle erreur.

3. Réponse connue. Lorsque la réponse est connue du locuteur, l’effet de la clivée est

bien différent. C’est ce que nous trouvons avec certains exemples en « Do you know

wh ? ». En effet, cette construction n’est pas toujours employée pour demander une information, comme ce serait le cas avec Do you know where Kay is ? (And 193). Dans des exemples comme celui-ci, la question porte bien sur l’élément en wh- et non sur la connaissance de mon interlocuteur. Le locuteur veut savoir quelque chose (en l’occurrence, la réponse à la question « Where is Kay ? »). Mais il arrive également qu’en employant une question en « Do you know ? », le locuteur connaisse déjà la valeur de wh-. La question porte alors directement sur Do you know (= « as-tu ou non la réponse ? ») et non plus sur l’élément en wh-. C’est dans ce cas de figure que nous pourrons trouver une clivée. Qu’ajoute la présence de la clivée ? Comparons les exemples suivants :

sans clivée :

- [12] [Franklin revient chez sa cousine après une longue absence. Il tombe sur

le majordome.]

“Betteredge!”, cries the voice”, “where are you?” “Here!" I shouted out in return, without a notion in my mind who it was. (…)

“Who is it?” I asked. (…)

“Dear old Betteredge!” says he. “I owe you seven-and-sixpence. Now do you know who I am ?"

Lord bless us and save us! Here - four good hours before we expected him - was Mr Franklin Blake! (Col 59)

avec clivée :

- [13] [Depuis que Hudson a fait son apparition chez Trevor, la santé de ce

dernier se détériore petit à petit, et il est maintenant sur le point de mourir. On apprend par la suite que Hudson avait décidé de vivre aux crochets de Trevor en le faisant chanter pour une faute commise dans le passé.]

“You remember that fellow [= Hudson] who came upon the evening before you left us?”

“Perfectly.”

"Do you know who it was that we let into the house that day?” “I have no idea.”

“ It was the Devil, Holmes! (…) We have not had a peaceful hour since - not one.” (CD 180)

- [14] It sounds absurd, but do you know what it was she finally couldn't bear?

She didn't like my being a gynaecologist. (exemple emprunté à Adamczewski, 1982, p. 302)

Dans les trois exemples, le locuteur possède bien la réponse à la question en wh- impliquée par la subordonnée. Il ne cherche donc pas une information. Mais la présence de la clivée, en mettant en relief l’élément en wh-, donne plus d’impact à la question (au mot en wh-) et crée un effet de surprise, tandis que ce n’est pas le cas dans le premier exemple. En [13] et [14], le locuteur s’attend à ce que son interlocuteur réponde par « non, (dis-moi) ». Nous voyons ici que l’effet de la clivée est bien différent de celui mentionné ci-dessus : elle ne peut plus renforcer l’incertitude du locuteur, puisque celui-ci connaît déjà la valeur de wh-. Mais elle garde cependant son rôle de mise en relief.