• Aucun résultat trouvé

Possibilité d’ambiguïté

4. Le relatif comme relateur / la valeur de commentaire avec les interrogatives

2.1.3.2 Possibilité d’ambiguïté

Puisque les subordonnées relatives libres et interrogatives sont, comme nous l’avons mentionné, deux propositions subordonnées nominales introduites par un mot (ou un élément) en wh-, et que ce mot est placé en tête de proposition dans les deux cas, il peut arriver qu’elles aient la même structure de surface. Par exemple :

- [1] I wonder what he bought. - [2] I like what he bought.

Les subordonnées des deux exemples ont exactement la même structure de surface (what sujet + he + buy au passé), et dans les deux cas elles sont complément du verbe principal ; mais l’une est interrogative (« je me pose la question « Qu’a-t-il acheté ? » ») et l’autre relative (= I like the thing(s) which he bought). Ces deux exemples ne sont pas ambigus parce que les verbes introducteurs (wonder et like) suffisent à lever l’ambiguïté : wonder ne peut être suivi que de subordonnées interrogatives, et like que de relatives libres. Mais certains verbes acceptent les deux constructions. La subordonnée pourra alors être ambiguë. C’est le cas de l’exemple bien connu de Lees (1960), que nous rappelons : I know what he knows. Cet énoncé peut recevoir deux interprétations : « j’ai les mêmes connaissances que lui (par exemple, il connaît le russe et moi aussi) » (interprétation relative) , ou « je connais la réponse à la question “What does he know?” » (interprétation interrogative).

Pour qu’il y ait risque d'ambiguïté entre interrogative et relative libre, deux conditions au moins doivent être réunies :

- le mot en wh- qui introduit la subordonnée doit être lui-même ambigu. Les exemples introduits par des composés de -ever sont forcément relatifs indépendants; les exemples en whether et if sont interrogatifs.

- le terme de la principale auquel se rapporte la subordonnée doit pouvoir accepter à la fois des interrogatives et des relatives libres.

Si ces deux conditions sont réunies, la subordonnée risque d’être ambiguë, mais elle peut encore parfois être désambiguïsée par sa structure syntaxique. Elle peut en effet comporter des éléments qui seront réservés à l’une ou l’autre subordonnée. C’est ce que nous allons considérer dans la partie suivante.

2.2 CRITERES SYNTAXIQUES ET SEMANTIQUES DE

DISTINCTION

Cette partie expose les différences de comportement syntaxique et sémantique entre les subordonnées interrogatives et relatives libres. Certaines de ces différences viennent de l’interrogative :

- soit de particularités de l’interrogative directe que l’on retrouve dans l’interrogative subordonnée (présence de ever et d’autres expressions, clivage, interrogative double)

- soit de la forme subordonnée de l’interrogative (forme infinitive, extraposition) - soit encore de la nature de la subordonnée interrogative (ellipses).

D’autres différences sont dues au contraire à la structure et la nature des relatives libres : sens de la construction What + N, prépositions, accord du verbe, relatives optionnelles.

Ces différences tiennent lieu dans certains cas de critères de distinction entre les deux types de subordonnées puisque la structure de surface ou le sens est alors différent.

2.2.1 INTERROGATIVES DOUBLES

Une interrogative indépendante peut renfermer plusieurs mots en wh-. En d’autres termes, la question peut porter sur plusieurs constituants de la phrase. Par exemple :

Where and when did you see them ?14 Who wants to do what ?. Cette construction à plusieurs mots en wh- se retrouve dans les interrogatives subordonnées, mais pas dans les relatives libres :

- [1] Difficulties arose with verbs where it was not immediately obvious who did

what to whom. (AM 230)

- [2] * I’ll take what you put where.

- [3] * What happened to whom shouldn’t happen to a dog. (exemple emprunté à Baker, 1970, p. 23)

La différence de comportement syntaxique entre l’interrogative et la relative libre s’explique par leur structure. Toutes deux s’analysent comme l’enchâssement d’une proposition à l’intérieur d’une autre, mais le rapport entre les deux propositions n’est pas le même. Ainsi, une subordonnée interrogative telle que I don’t know who came s’analysera comme la réunion de deux propositions : P1 = « I don’t know SOMETHING » et P2 = « SOMEONE (= WHO) came ». Il y a ici un rapport d’inclusion entre SOMETHING et l’ensemble de P2. C’est « WHO came » qui représente ce que je ne sais pas. Ceci laisse la possibilité d’avoir deux mots en wh- dans la subordonnée : P1 = « I don’t know SOMETHING » et P2 = « SOMEBODY (=

14 Pour une rapide étude des différences entre les formes coordonnées et non coordonnées, voir W. Browne (1972). Dans When and where did you see them ? il n’y a qu’une seule action dont on demande le lieu et l’endroit tandis que dans when did you see them where ? il y a plusieurs actions de « voir » dans différents lieux et endroits. Lorsque les deux mots en wh- ne sont pas de même nature, ils ne pourront être coordonnés en tête de proposition (* I don’t know who and with what broke the vase ;* When and where

WHO) wants SOMETHING (= WHAT) ». L’analyse ne sera pas la même avec une relative libre puisque son rôle est de lier deux propositions comprenant un syntagme nominal co-référentiel. Ainsi, I’m who you are looking for peut être considéré comme la réunion de P1 = « I’m SOMEONE » et P2 = « You are looking for SOMEONE ». Il n’y a plus de rapport d’inclusion entre le SOMEONE de P1 et l’ensemble de P2, mais co-référentialité entre les deux SOMEONE. Ceci exclut la présence de deux mots en wh- dans la subordonnée : le syntagme nominal de la principale (P1) ne peut être co-référentiel avec deux syntagmes nominaux de la subordonnée (P2) (* I’m looking for

who came when).

Nous avons donc ici un premier critère de distinction entre subordonnées relatives libres et interrogatives. Lorsqu’une même subordonnée comporte plusieurs mots en wh-, elle sera interrogative :

- [4] Using glove puppets of a wolf and a duck, he asked the subjects to show

him who was biting whom. (AM 128)

- [5] But we have very little notion about the detailed mechanisms involved,

such as (....) how to decide which words to put into which gaps. (AM 225)

- [6] (...) it is not always easy to separate linguistic factors out from general

cognitive ones, and researchers frequently disagree about which is which. (AM 231)

Note : Il s’agit bien de deux mots en wh- à un même niveau de subordination. Il n’est pas du tout agrammatical de trouver deux relatifs libres introduisant deux subordonnées différentes :

- [7] What my daughter told me, on the present occasion was, as I suspected,

more what she wished than what she really knew. (Col 91)

- [8] There is a famously long time-lag between when work is done and when

the Nobel committee doles out accolades for it. (BNC ABJ 3210)

- [9] The discrepancy between what we commonly profess and what we practice

or tolerate is great, and it does not escape the notice of others. (Brown)

Voir aussi S. Kuno et J. Robinson (1972) pour une analyse transformationnelle des questions multiples (multiple wh- questions), enchâssées ou non. Il faut que les deux mots en wh- se trouvent à un même niveau de subordination (*I don’t know who expects that who will marry Mary).

- [10] The distance between where she stood and where Dave waited at the

outside door was a hundred miles. (Brown)

A noter également que les exemples interrogatifs [4] à [6] sont différents de celui-ci : - [11] He was even more puzzled as to how Noam's new system might link up

with how humans understand and produce speech. (AM 175)

Les deux propositions en how sont ici de niveau différent. Nous avons en réalité deux interrogatives dont l’une est enchâssée dans l’autre.

Notre premier critère se résume donc ainsi : lorsqu’une proposition en wh- comporte deux mots en wh- à un même niveau de subordination, elle est interrogative.

2.2.2 EVER ET AUTRES EXPRESSIONS EMPHATIQUES

Les interrogatives indépendantes peuvent comporter des expressions emphatiques qui se retrouveront dans les subordonnées interrogatives, mais pas dans les relatives libres (ou du moins pas avec le même sens).

1. Ever. C’est tout d’abord le cas de la forme ever. Dans les interrogatives

indépendantes, elle sert à renforcer l’étonnement ou le questionnement du locuteur. Quirk et al. (1985) parlent d’ « implication émotionnelle » (emotional involvement) du locuteur (§ 11.14 n b; 15.9 n c). Voici quelques exemples :

- [1] “I’m sorry, I’d rather not say.” - “Why ever not?” (Cob ‘ever’) - [2] Who ever would have thought that? (Cob ‘ever’)

- [3] How ever did you manage it? (Cob ‘ever’) - [4] Where ever have you been? (Cob ‘ever’)

Ever peut également se trouver accolé au mot en wh-:

- [5] Whatever is the matter? / Whatever do you want to go there for? (Cob

‘whatever’)

- [6] “Let’s go away.” - “Wherever to?” (Cob ‘wherever’) - [7] Whoever could that be? (Cob ‘whoever’)

- [8] `You ought not to have let her go with Rose," he said reproachfully.

`Whyever not?" said Matey, looking up from her mending, surprised at the urgency in his voice. (BNC HGE 1416)

- [9] However did you find me? (Cob ‘however’)

Le rôle de ever est proche de celui de la clivée en it, qui a elle aussi un rôle emphatique (voir partie suivante, § 2.2.3), mais chacun possède quelques particularités. Par exemple, ever associé à who se trouve dans des questions rhétoriques :

- [10] Who ever heard of a pope born in the Vatican City (December 1st)? Since

that state has existed only since 1929, such an event would have been truly prodigious. (BNC ABD 39)

Une clivée ne serait pas possible dans ce contexte (* Who is it heard of a Pope…). Ever apparaît également avec happen (whatever happened ? / * What is it happened ?) et how suivi d’un adjectif ou d’un adverbe (How ever long are you going to be ? (BNC EDN

805) / * How long is it you are going to be ?). Ever nous semble également plus polémique que la clivée. Il exprimerait plus facilement l’incompréhension de l’énonciateur (whyever did you buy it then ? (BNC EFP 1295)) tandis que la clivée servirait plutôt à renforcer le questionnement de l’énonciateur (why is it that AIDS

victims suffer from such obscure infections?(BNC B7G 430)).

La forme ever (accolée ou non au mot en wh-) se retrouve bien sûr dans les interrogatives subordonnées (par exemple : Tell me what ever happened). Comme nous l’avons vu (cf. 2.1.2.1), les composés en -ever peuvent également introduire des relatives libres. Ils sont alors écrits en un mot : on dira I kissed whoever he kissed, mais

*I kissed who he ever kissed est agrammatical (exemple emprunté à Bresnan et Grimshaw, 1978, p. 335). Les exemples comportant des composés en -ever (en un mot) pourraient donc a priori être ambigus. Mais ce n’est en fait pas le cas, puisque le sens sera différent entre les deux structures. Comme dans les interrogatives non subordonnées, le rôle de ever dans les interrogatives subordonnées est emphatique,

tandis que les composés relatifs en -ever indiquent une indifférence dans le choix et signifient « tout X / le X, quel qu’il soit » (cf. 2.1.2.1). Voici quelques exemples interrogatifs :

- [11] I'd like to know what you ever did for me. (exemple emprunté à Elliott, 1971)

- [12] [Mrs Clipp a le bras droit dans le plâtre. Elle a glissé sur une pierre

avant de partir en voyage et on vient de lui trouver quelqu’un pour l’accompagner.]

" They rushed me to the hospital and they’ve set it, and all things considered it’s not too uncomfortable - but there it is, I'm kind of helpless, and however

I'd manage travelling, I don’t know. " (A Ch 39)

- [13] [même contexte, plus tard…] " (…) - and whatever I'd have done without

her, I really don't know," Mrs Clipp was saying. (A Ch 83)

- [14] Do you remember when Vaughan was, Vaughan was doing his meditation

Yeah. and he was trying to get in touch with a North American Indian, that a, thingamy in Wales was fixed up . Wonder what ever came of that. (BNC KC9

1666)

- [15] From: Date: Tue, 30 Nov 1993 12:10:23 GMT Subject: Whatever

happened to&hellip? Just to change the subject from the Rocky debate for a while, does anybody know what ever happened to Aidan Butterworth? He was a striker we had during the 80's sometime … (BNC J1H 3989)

Dans ces exemples, la forme en ever a pour but de souligner l’incertitude et le questionnement du locuteur (la traduction en français se ferait par « bien / donc » : « je ne sais pas ce que j’aurais bien pu faire sans elle » ; « je me demande ce qu’ils ont bien pu devenir »). Un relatif en -ever n’aurait pas cette fonction : whatever route he takes

will be watched veut dire « tout itinéraire (quel qu’il soit) sera surveillé ». Il n’est pas du tout emphatique. Dans l’exemple interrogatif suivant, nous voyons que ever est proche de la clivée :

- [16] After all, when one has asked whatever became of old Joe and Charlie -

when one has inquired who it was Sue Brown married and where it is they now live - when questions are asked and answered about families and children, and old professors - when the game and its probable outcome has been exhausted - that does it. (Brown)

Le sens de ever nous fournit donc un deuxième critère de distinction : si l’on trouve un exemple dans lequel ever a un sens emphatique, on pourra dire que la subordonnée est interrogative.