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Caractéristiques syntaxiques et sémantiques des questions cachées. Baker

(1968) et Grimshaw (1977) ont mentionné plusieurs points qui montrent que les questions cachées se comportent sémantiquement comme des subordonnées interrogatives. Nous les reprendrons ici.

- La position. Selon Baker, les questions cachées ne se trouvent qu’avec des verbes prenant des compléments propositionnels du type interrogative indirecte. On les rencontre ainsi après know, find out, remember, mais pas believe, assert, deny (Harold

knew / *believed the kind of candy that Jill likes)22. Il paraît normal qu’un syntagme nominal qui peut être interprété comme une interrogative doive se trouver dans un environnement qui accepte les subordonnées interrogatives (puisque les questions cachées sont censées pouvoir se paraphraser par des subordonnées interrogatives). Mais il faut toutefois noter que, malgré ce que pense Baker, il est possible de rencontrer des questions cachées après certains verbes (certainement peu nombreux) qui n’acceptent pas de subordonnées interrogatives. C’est le cas de give : Give me your name. Une paraphrase par *Give me what your name is est impossible, mais nous ne pouvons nier cependant une parenté sémantique avec Tell me (what) your name (is). Inversement, Grimshaw fait remarquer que certains prédicats qui prennent des subordonnées interrogatives n’acceptent pas de questions cachées (parce qu’ils ne sont pas sous-catégorisés pour NP) : wonder, inquire, be sure, not care, not give a damn (* I wonder

his name23; *I don’t give a damn his name).

- La présupposition. Baker a remarqué que les verbes tell, guess, hear se comportaient de la même manière avec les questions cachées qu’avec les interrogatives indirectes du

22 Notons cependant qu’un syntagme nominal comme the kind of candy that Jill likes n’est pas nécessairement agrammatical lorsqu’il ne se trouve pas après un verbe introducteur de subordonnée interrogative : on pourra très bien dire The kind of candy that Jill likes is awful. Du reste, il arrive qu’un terme qui introduit les subordonnées interrogatives accepte les deux types de syntagmes, comme c’est le cas avec I know the victim.

point de vue de la présupposition. Tandis que lorsqu’ils sont suivis de propositions en

that, ces verbes n’implique pas la vérité ou la fausseté de la proposition subordonnée, ils cessent d’être neutres lorsqu’ils sont suivis d’interrogatives indirectes ou de questions cachées. On peut dire John told us that Betty had vanished, but he turned out to be

mistaken mais on ne peut pas dire @ John told us where Betty had gone, but he turned

out to be mistaken ni @ John told us the place where Betty had gone, but he turned out

to be mistaken24.

- Les deux sens de what. Grimshaw note que le what interrogatif possède deux interprétations que l’on retrouve dans les questions cachées. Elle distingue un « reference what », qui indique une indétermination quant à l’appartenance à une classe (« indeterminacy of set membership »), comme dans Bill asked what books John read

on Tuesday, d’un « kind what » qui indique une indétermination de la fonction caractéristique d’une classe, comme dans : Bill asked what books John reads (what =

what kind of). On retrouverait ces deux sens dans les questions cachées : I have never

found out the pseudonyms (that) he was using (reference) / I have never found out the

books that John reads (kind). Il existe également les mêmes restrictions entre les questions cachées et les interrogatives : les noms non comptables (mass nouns) ne peuvent recevoir l’interprétation « reference » (I have never found out the beer that

John likes / what beer John likes), tandis que les noms comptables au singulier ne peuvent s’interpréter comme « kind » (I have never found out the / what pseudonym he

uses).

- That. Selon Grimshaw, that comme proforme interrogative ne se trouve qu’après des verbes acceptant des interrogatives indirectes, et non par exemple après believe, qui ne

23 I wonder about his name ne serait pas une question cachée : l’énoncé voudrait dire « je pense à son nom » (je le connais) et non « je me demande quel est son nom » (je ne connais pas son nom).

24 Baker emploie le signe @ pour signifier que l’énoncé est sémantiquement mal formé. Grimshaw utilise # aux mêmes fins. Nous emploierons arbitrairement toujours le signe @ pour plus de commodité.

sélectionne que des propositions en that (propositional statements). Ainsi, Did John

leave ? - I’m afraid I can’t tell you that est correct tandis que @ Did John leave ? I

don’t believe that est mal formé.

- L’anaphore ∅. Un dernier argument avancé par Grimshaw est que, tout comme les interrogatives indirectes, les questions cachées peuvent contrôler une anaphore ∅ interprétée comme une question : Bill asked me the time (= what the time was), but I

didn’t know

. The time est une question cachée, et elle contrôle l’anaphore ∅ après

know. Nous retrouvons le même phénomène avec Bill tried to find out the kind of food

Mary likes, but he didn’t know. Par contre, si le syntagme nominal n’est pas une question cachée, la phrase devient mal formée : @ Bill tried to buy the kind of food

Mary likes but he didn’t know. Ces deux derniers exemples montrent que le même syntagme nominal peut fonctionner différemment selon qu’il est ou non interprété comme une question cachée. Grimshaw note du reste que les questions cachées peuvent contrôler des anaphores ∅ après des verbes qui ne sont pas sous-catégorisés pour NP :

Bill asked me the time but I wasn’t sure. Be sure n’est pas sous-catégorisé pour NP (*I’m not sure the time), mais l’anaphore ∅ qui le suit peut être contrôlée par la question cachée the time.

Bien sûr, si les questions cachées s’interprètent comme des interrogatives, elles sont avant tout des syntagmes nominaux et leur comportement syntaxique sera identique à celui des syntagmes nominaux. Voici quelques différences de comportement syntaxique entre les questions cachées et les subordonnées interrogatives relevées par Baker et Grimshaw (ibid.) :

- Les questions cachées ne subissent pas l’extraposition : *It is obvious John’s

favourite drink, mais : John’s favourite drink is obvious (par opposition à It is obvious

what John’s favourite drink is).

- On les trouve en position interne (cf. 1.1.2.6 pour une explication de ce terme) : Is

John’s favourite drink obvious ? (* Is what John’s favourite drink is obvious ?)

- La préposition est obligatoire après un adjectif : * I wasn’t sure her name (mais I

wasn’t sure what she wanted).

- Si la question cachée est en position sujet, le verbe s’accorde en nombre avec ce dernier (Their names are unknown mais what their names is is unknown).

- Les questions cachées ne se trouveront pas après des prédicats qui ne prennent pas de syntagmes nominaux : *I wonder her name. Les questions cachées ont la même distribution que les syntagmes nominaux.

Le comportement syntaxique des questions cachées ressemble donc plus à celui des syntagmes nominaux qu’à celui des propositions subordonnées interrogatives. Nous verrons cependant (§ 3.1.2.1.2) qu’elles partagent une caractéristique syntaxique avec ces propositions : la possibilité de réduction de la subordonnée au mot en wh-.