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III. Méthodologie

III.5. Opérationnalisation des hypothèses

III.5.6.1 Victime(s) et choix d’objet

III.5.6.1.1 Question de l’âge et du sexe

a. Différences : rappel des hypothèses théoriques

-Si le déni de la différence des sexes est plus massif chez les individus structurés sur le mode de la perversion que chez les sujets ayant des traits pervers, nous pouvons avancer l’hypothèse que cela pourrait se traduire, dans les passages à l’acte, par davantage d’agressions homosexuelles perpétrées dans le premier groupe alors qu’un choix hétérosexuel serait prévalent dans le deuxième groupe.

-Par ailleurs, les individus ayant des traits pervers auront plus tendance à agresser des victimes « pubères » que de très jeunes enfants.

b. Opérationnalisation

Ces deux hypothèses peuvent être mises à l’épreuve grâce aux données objectives concernant les faits commis par les sujets (sexe et âge des victimes) et la comparaison des deux groupes à ce niveau-là.

III.5.6.1.2 Question du choix d’objet pédophilique

a. Différences : rappel des hypothèses théoriques

Un choix d’objet pédophile prévalent, une fixation à la pédophilie assortie de fantasmes, seront retrouvés plus fréquemment chez les sujets structurés sur le mode de la perversion que chez les individus ayant des traits pervers.

b. Opérationnalisation

-Le choix d’objet pédophile prévalent peut être abordé :

- en examinant le parcours transgressif ayant trait aux agressions sexuelles sur mineurs commises par le sujet (sans s’en tenir uniquement à la judiciarisation de celles-ci car il peut arriver que certains faits n’aient pas été portés aux yeux de la justice) : les récidives multiples signent une certaine fixation au choix d’objet pédophilique,

- -la vie de couple du sujet : s’il n’a jamais vécu de façon durable en couple avec une femme, s’il exprime une insatisfaction concernant sa vie sexuelle avec des partenaires adultes ou qu’il n’a jamais eu de telles expériences, cela peut être un indicateur à prendre en compte (paragraphe 5 du guide d’entretien : la question 5.7 porte, en particulier, sur la comparaison des agressions sexuelles commises et de la vie sexuelle du sujet en général)

- la verbalisation de fantasmes pédophiles (question 10.24 du guide d’entretien)

- des réponses, dans les tests projectifs, renvoyant à la pédophilie : réponses « enfant », connotation sexuelle associée à ces réponses.

C’est la présence de plusieurs de ces indicateurs qui peut nous conduire à la conclusion que le choix d’objet pédophile est prévalent.

III.5.6.2 La relation d’objet

III.5.6.2.1. La relation d’objet dans les tests projectifs : opérationnalisation

L’étude de la relation d’objet dans les tests projectifs nous est utile, en particulier pour conforter l’analyse de la relation avec la victime et celle des angoisses –qui peuvent en être déduites- (paragraphe « élaboration de la position dépressive et fragilité narcissique »).

Nous nous sommes intéressés aux deux tests projectifs : -Test de Rorschach :

-il permet de déterminer le niveau de la relation d’objet (fusionnel, anaclitique, génital)

-ce sont les planches bilatérales qui devront particulièrement être examinées à travers les représentations de relations projetées

-TAT :

-il permet de se centrer plus particulièrement sur les pulsions agressives et sexuelles dans la relation

-la relation d’objet au TAT est déjà en partie analysée, dans notre recherche, à travers la triangulation oedipienne et la différence des sexes et des générations

III.5.6.2.2. Analyse de la relation mise en place avec la victime à travers le discours du sujet

a. Différences : rappel des hypothèses théoriques

-Dans la relation qu’a l’individu structuré sur le mode de la perversion avec l’enfant, il existe une « captation spéculaire » qui traduit une « recherche d’une relation

spéculaire idéalisée avec la mère ».

De fait, pour Balier, « le pédophile s’intéresse à l’enfant en fonction de ses caractères féminins » et Gourlaouen-Couton (2002) parle de « choix d’objet narcissique » chez le pervers : « l’individu s’identifie à sa mère à défaut de la prendre comme objet ».

Il y aurait là une confusion entre « érotisme et tendresse » selon Chagnon (2005).

Nous devrions ainsi identifier la « puissance de la séduction qui aliène l’autre dans le

narcissisme de l’agresseur ». Cela renvoie en partie au concept d’emprise, qui se traduit par

une tendance à la réduction de l’altérité et un déni du désir de l’autre, dans sa dimension

érotisée.

-Chez les sujets ayant des traits pervers, nous supposons que l’altérité sera moins mise à mal et posons l’hypothèse que le déni du désir de l’autre et la tendance à la réduction de l’altérité seront moins fréquents dans ce groupe d’individus.

b. Opérationnalisation :

-la « captation spéculaire » et la « recherche d’une relation spéculaire idéalisée avec la mère » sont très spécifiques puisqu’elles semblent se traduire au niveau du choix des victimes en tant

que doubles idéalisés ayant des caractéristiques féminines. Elles peuvent donc éventuellement être identifiées dans le discours du sujet concernant les victimes.

-confusion entre érotisme et tendresse : c’est le discours du sujet concernant les faits (paragraphe 10 du guide d’entretien) qui peut en rendre compte (insistance sur la tendresse, le soutien dans la relation avec la victime, plus que sur le côté sexuel)

-En ce qui concerne le déni du désir de l’autre et la réduction de l’altérité, nous nous basons sur les définitions données plus haut (dans lesquelles nous avons insisté sur les similitudes qui les caractérisent) pour les repérer dans le récit du sujet concernant ses passages à l’acte.

-tendance à la réduction de l’altérité : le sujet pourra insister sur une identité de ressenti, de vécu entre la victime et lui, il pourra utiliser des pronoms impliquant l’autre…Cela pourra être rapproché de la mise en évidence d’une relation d’objet spéculaire dans les tests projectifs. -déni du désir de l’autre : c’est dans la description précise des passages à l’acte que pourra particulièrement apparaître ce déni, par exemple, si le sujet affirme que la victime était consentante, qu’elle a pris part aux actes sexuels, etc.

-puissance de la séduction qui aliène l’autre dans le narcissisme de l’agresseur / emprise dans sa dimension érotisée : nous retrouvons là les concepts de déni du désir de l’autre et de réduction de l’altérité qui devraient être extrêmement prégnants ici (confinant au déni de l’altérité) avec, en outre, une insistance sur l’érotisation, la séduction qui pourront aussi être repérées dans le discours du sujet (le sujet insiste-t-il sur des éléments ayant trait à la séduction, à la sexualisation dans la relation avec la victime ?) et, éventuellement, dans la relation d’objet dans les tests projectifs.

Cela ne devrait pas apparaître dans le groupe des individus qui ont des traits pervers.

-La comparaison des deux groupes vis-à-vis du déni du désir de l’autre et de la réduction de l’altérité implique un repérage du nombre de sujets concernés dans l’un et l’autre groupe. Ces trois derniers aspects de la relation d’objet seront parallèlement passés à la loupe dans l’analyse de la relation transféro-contre-transférentielle, que nous allons aborder maintenant.

III.5.6.2.3 L’emprise à travers l’analyse de la relation transféro-contre-transférentielle

a. Différence : rappel de l’hypothèse théorique

L’emprise sera beaucoup plus forte, en particulier en ce qui concerne la dimension de déni du désir de l’autre, et davantage marquée par l’érotisation dans la relation transféro-contre- transférentielle avec les sujets structurés sur le mode de la perversion qu’avec les individus ayant des traits pervers.

b. Opérationnalisation :

α. Opérationnalisation du concept d’emprise :

Nous avons essayé de déterminer des indicateurs permettant de faciliter et d’objectiver l’analyse de l’emprise.

Nous nous sommes affranchis des questions du guide d’entretien (paragraphe 11 : évaluation de l’entretien par l’investigateur) qui ne nous ont pas semblé pertinentes par rapport à l’objectif que nous nous sommes fixé, même si ce sont elles qui nous ont inspirés au départ. Nous avons fait l’hypothèse, fondée sur la littérature, que deux dimensions fondamentales de l’emprise étaient la « réduction de toute altérité » et le déni du désir de l’autre, même si nous avons pu constater (Dorey, 1981 ; Coutanceau, 1996) que ces deux notions sont très proches et peu différenciables. Nous avons, par ailleurs, tenté de les décomposer en sous-items, correspondant aux différents concepts relatifs à l’emprise, mis en avant par les auteurs sur lesquels nous nous sommes appuyés, tout en ayant conscience qu’il est parfois un peu réducteur ou subjectif de classer telle ou telle dimension dans telle ou telle catégorie.

Pour établir la grille suivante, nous nous sommes basés sur notre synthèse théorique du concept ( paragraphes II.1.2.1 et II.2.2.6.2.2. de notre thèse).

A noter que nous n’avons pas distingué strictement les critères renvoyant à l’évaluation du transfert de ceux correspondant au contre-transfert dans cette grille.

* La grille d’analyse

III.5.6.2.3.1. « Réduction de toute altérité » (Dorey, 1981)

Cette dimension correspond aux définitions de Dorey (1981) et Dor (1987).

Nous posons que la « réduction de toute altérité » peut recouvrir les aspects suivants :

a- Questions posées au clinicien :

Il sera nécessaire de faire la distinction entre les questions :

-relevant de la dépendance (demandes de réassurance, quêtes d’étayage narcissique -est-ce que ma réponse est correcte ?), même si cela révèle aussi une difficulté face au vécu de manque,

-les questions que le sujet se pose à lui-même, celles qui correspondent à des hésitations, rendant compte de conflits intra-personnels

-et celles renvoyant à l’emprise (question dans laquelle la réponse est pratiquement incluse – par exemple : « vous voyez ? »-, demande d’acquiescement, recherche de complicité…).

b- Utilisation de pronoms impliquant l’autre (« on », « nous », « vous »…) :

Pour Husain et al. (1984), cela revient à « inclu(re) l’autre sans lui demander son avis comme s’il allait de soi qu’il soit complice et qu’il ne puisse rien vivre autrement que le sujet ».

c- Déni du savoir de l’autre :

Cela englobe l’inversion des rôles (Neau, 2001s’appuyant sur Dorey), et le fait d’« évoquer des éléments de la réalité que l’autre ne peut pas connaître » (Husain et al. 1984).

Nous avons aussi considéré, pour notre part, qu’un sujet qui tente de s’exprimer sur un ton professoral s’inscrit dans cette dimension.

d- Contrôle, domination de l’autre (Dorey, 1981)

e- Projection d’agressivité en cas de manifestation de la différence (Dorey,1981, p. 121) III.5.6.2.3.2. La place du clinicien et le déni du désir de l’autre

Husain (In : Tychey (de), 2007) distingue deux places contrastées attribuées à l’autre dans la relation d’emprise, qui sont la position de « spectateur nécessaire » et celle d’« objet […] à dénigrer » (ce qui peut correspondre, en partie, à la définition d’« objet ustensile » par Neau, 2001, dans sa double acceptation « objet dépendant »/ « objet indifférent »).

Selon nous, ces dimensions renvoient particulièrement au déni du désir de l’autre tel qu’il est défini par (Dorey, 1981) : qu’il soit « spectateur nécessaire » ou « objet à dénigrer », son désir est nié.

III.5.6.2.3.2.1. L’autre comme « spectateur nécessaire »

En nous appuyant sur l’analyse de la relation perverse par Husain (2007) et Lefebvre (ibidem), nous avons distingué différents éléments qui rendent compte du fait que l’interlocuteur soit envisagé comme un « spectateur anonyme » manipulable, sur lequel le locuteur cherche à produire des effets spécifiques, en déniant totalement le désir de l’autre.

f- Manipulation :

Pour Dubret (1996), la « manipulation sous-entend la capacité de mentir, de dissimuler sa pensée, de tenir un double discours pour mystifier l’entourage ».

Elle pourrait se traduire, selon nous, dans la relation transféro-contre-tranférentielle par : -l’immixtion d’un secret (Lefebvre In : Tychey (de), 2007, p. 148; Clavreul In : Aulagnier- Spairani et al., 1967)

-d’autres formes de manipulation : jouer avec l’autre (en particulier jeux avec le non-dit, avec le discours -Rebourg-Roesler, 2002, 2005-…), le tromper, l’amener à adhérer à un raisonnement qui ne lui convient pas…

III.5.6.2.3.2.1.1. L’autre comme « spectateur anonyme » (Mac Dougall, 1978 citée par Lefebvre In : Tychey (de), 2007)

Nous posons que cela pourrait se manifester, dans le cadre de notre recherche, outre à travers les récit très crus des passages à l’acte, par des réponses sexuelles extrêmement mal symbolisées dans les tests projectifs (cela est analysé dans la partie consacrée à la symbolisation des pulsions) ou la projection de scènes sexuelles (Roman, 2007), des réponses pouvant être cotées « anti-Clob » , dans le sens proposé par Rebourg-Roesler (2002, 2005) – c’est-à-dire dans lesquelles c’est le récepteur qui ressent l’angoisse et non le locuteur-, ou l’expression de fantasmes « mis en acte » (Lefebvre In : Tychey (de), 2007), donnés sans aucune retenue, tout cela étant verbalisé sans aucune émotion ni sentiment.

g- Crudité des termes renvoyant à la sexualité dans les projectifs et dans la description des faits (Roman, 2007), anti-Clob de Rebourg-Roesler (2002, 2005)

h- Pas de censure du fantasme (Husain In : Tychey (de), 2007 ; Lefebvre, ibidem) i- Absence d’émotions, de sentiments de la part du sujet (Lefebvre, ibidem) III.5.6.2.3.2.1.2. La recherche de « l’effet produit » sur l’autre

Les moyens utilisés par le sujet pour produire un effet sur son interlocuteur sont, d’une part, la jouissance à provoquer, qui renvoie à un lien sadisé à l’objet (le sujet verbalise des éléments graves, choquants, connotés négativement mais en affichant un sourire), et, d’autre part, l’atteinte à l’intimité d’autrui à travers les particularités du contenu du discours.

L’effet produit sur autrui peut alors être, soit un ressenti très négatif (du rejet, de l’horreur, etc.,), soit de la fascination.

C’est donc le contre-transfert du clinicien qui est particulièrement pris en compte ici.

j- Jouissance à provoquer (Musquar, 1996, citant Mac Dougall)

k- Atteinte à l’intimité d’autrui (Wainrib, 2003 ; Lefebvre In : Tychey (de), 2007)

l- Séduction, fascination du clinicien (cf. Dorey, 1981, p.119 ; Husain In : Tychey (de), 2007)

III.5.6.2.3.2.2. L’autre comme objet à dénigrer

n- Disqualification de l’interlocuteur / « dépréciation de l’objet » (Husain In : Tychey (de), 2007, p. 53)

o- Agirs du clinicien (Wainrib, 2003 ; Lefebvre, 2007)

Selon ces auteurs, cela correspond au fait de se sentir obligé de « faire autre chose que de continuer à analyser », de sortir de son rôle de clinicien, par exemple en se posant comme protecteur ou en exprimant de l’agressivité, et / ou à « l’infiltration de positions morales, éthiques et surmoïques » dans le discours du thérapeute.

III.5.6.2.3.3. Spécificités de l’emprise dans la relation perverse :

Nous avons aussi noté que, pour Dorey (1981), ce qui caractérise l’emprise dans la relation perverse est l’érotisation et la séduction qui entraînent une fascination chez l’autre à travers une « captation par l’image » : nous estimons que ces aspects peuvent être appréhendés à travers les items de la grille correspondant aux parties « l’autre comme un spectateur anonyme » (sauf « absence d’émotions, de sentiments » de la part du sujet) et « recherche de l’effet produit sur l’autre » (sauf le rejet).

β. Opérationnalisation de l’hypothèse théorique :

Nous allons évaluer l’intensité de l’emprise et de ces diverses sous-dimensions par le nombre d’items représentés.

Nous pensons donc retrouver des scores renvoyant à l’emprise plus forts chez les sujets structurés sur le mode de la perversion que chez les individus ayant des traits pervers. Le score d’emprise correspondra au nombre d’items et sous-items total de la grille calculé pour chaque sujet.

Il en sera de même pour les sous-scores correspondant à l’érotisation de l’emprise (nombre d’items et sous-items relevés parmi g, h, j, k, l pour chaque individu ) et au déni du désir de l’autre (nombre d’items et sous-items décomptés pour chaque sujet au paragraphe III.5.6.2.3.2.).

*Méthode utilisée pour compléter cette grille et méthode d’analyse

-Pour remplir cette grille d’analyse, nous avons pris en compte, à la fois notre ressenti et des éléments objectifs issus de la passation des tests et des entretiens menés avec les sujets.

Nous tenons à préciser que nous l’avons complétée dans l’après-coup donc sur la base de nos souvenirs qui sont forcément empreints d’une grande subjectivité et souvent marqués par l’impression générale qu’a pu nous laisser chacun des sujets (mettant en jeu, de fait, l’analyse de notre contre-transfert d’une façon globale).

De plus, nous avons utilisé, à quelques reprises et toujours en le mentionnant clairement, des éléments recueillis, non pas dans la phase d’expérimentation mais dans celle de prise en charge des sujets, quand cela nous a permis de remplir notre grille avec des données qui n’étaient pas forcément apparues au moment des différentes passations mais qui nous semblaient pouvoir étayer notre analyse de la relation transféro-contre-transférentielle.

-Pour remplir nos tableaux de résultats, nous avons noté « oui » quand il ressortait de l’analyse individuelle du protocole que la sous-dimension et/ou l’item étaient retrouvés et « non » quand ils ne l’étaient pas.

Nous avons ensuite additionné les « oui » pour chaque dimension afin d’établir un score correspondant.

-Nous avons alors calculé un score moyen pour chaque groupe (sur chaque dimension et sous- dimension).

-Nous posons ici que, pour qu’une dimension de notre grille soit considérée comme prégnante pour un sujet ou dans un groupe, il faut que le score moyen soit strictement supérieur à la moyenne.

-Nous avons utilisé le test statistique t de Student (avec le risque d’erreur α = 0,05) pour comparer nos moyennes. Ce choix a été motivé par la petite taille de nos échantillons, le fait que nos variables soient quantitatives et que les séries soient indépendantes.