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III. Méthodologie

III.5. Opérationnalisation des hypothèses

III.5.7. Diagnostic de personnalité et continuum

III.5.7.1. Diagnostic différentiel de personnalité

Nous déterminons l’opérationnalisation du diagnostic différentiel en dernier lieu puisque celui-ci fait appel à différents concepts étudiés au fil de l’analyse des protocoles.

III.5.7.1.1. Le diagnostic de perversion sexuelle

Afin de différencier les individus structurés sur le mode de la perversion des sujets ayant des traits pervers, nous avons évalué chacun des critères retenus comme caractérisant la structure perverse en nous basant sur Chabert (In : Tychey (de), 2007), Husain (ibid.) et Dorey (1981). Il s’agit donc, pour poser le diagnostic de perversion, d’associer :

-de mécanismes de défense : déni de la castration (critère de Chabert) et répression (critère d’Husain).

Ces deux concepts ont été définis plus haut.

Concernant le clivage (critère de Chabert), il ne nous paraît pas pertinent de retenir ce mécanisme de défense comme critère différenciateur puisqu’il est commun à la plupart des états-limites.

-Il en va de même pour le fétichisme (critère de Chabert), comme nous l’avons développé plus haut, en particulier à travers les position de Balier (1996, cité par Neau, 2001, p.38-39) et d’Husain (In : Tychey (de), 2007).

-les caractéristiques de la relation d’objet : emprise et déni du désir de l’autre

Nous avons mis en évidence plus haut que Dorey (1981) insiste sur la dimension érotisée et séductrice de l’emprise chez les individus pervers dont nous avons défini l’opérationnalisation dans les paragraphes concernés : nous allons l’évaluer à la fois au niveau de la relation transféro-contre-transférentielle mais aussi dans la relation d’objet au sens large (avec la victime et dans les tests projectifs).

Il en va de même du déni du désir de l’autre (critère de Chabert) que nous avons considéré comme une des sous-dimensions de l’emprise (critère plus large d’Husain) et qui peut être appréhendé, non seulement dans l’analyse de la relation transféro-contre-transférentielle mais aussi à travers la façon dont le sujet rend compte de la relation mise en place avec la victime. Pour que le déni du désir de l’autre et l’érotisation de l’emprise soient caractérisés, nous avons estimé qu’il fallait qu’ils apparaissent à la fois dans la relation transféro-contre- tranférentielle et dans la relation d’objet avec la victime (ou éventuellement dans les tests projectifs) : nous avons, en effet, pensé que le déni du désir de l’autre pouvait, par exemple, être repéré ponctuellement dans la façon dont un sujet rend compte des faits qu’il a commis, sans pour autant qu’il s’agisse d’un élément déterminant de la relation d’objet.

-la caractérisation des instances surmoïques s’est faite à travers l’absence de culpabilité (critère de Chabert) et l’érotisation de la transgression (critère de Chabert et Husain) dont l’opérationnalisation a été établie plus haut.

Dans ce diagnostic, nous évaluons uniquement la présence (figurée par « oui » dans le tableau récapitulatif de chaque analyse individuelle) ou l’absence (« non ») de chaque critère, l’analyse détaillée et différentielle étant réalisée dans les résultats comparatifs. Nous avons pensé que, pour poser un diagnostic aussi lourd que celui de fonctionnement pervers, l’auteur d’agressions sexuelles doit cumuler ces 6 critères.

Ce choix comporte nécessairement une part de subjectivité et il peut conduire à générer de faux diagnostics négatifs (dans la mesure où le cumul de ces critères peut paraître trop exigeant) mais, comme nous l’avons spécifié en préambule, cela nous semble préférable étant donné le caractère relativement invalidant associé à la structuration perverse.

Les 6 critères déterminant le diagnostic de perversion sexuelle que nous retenons ainsi que leur opérationnalisation sont résumés dans le tableau suivant.

Synthèse des critères déterminant le diagnostic de perversion sexuelle et leur opérationnalisation :

Relation d’objet Instances surmoïques

Déni de la castration féminine

répression Déni du désir de

l’autre Dimension érotisée de l’emprise Absence de culpabilité érotisation de la transgression méthodologie Test de Rorschach + TAT Test de Rorschach + TAT +entretiens Analyse de la relation transféro- contre- transférentielle + entretiens : analyse de la relation avec la victime analyse de la relation transféro- contre- transférentielle : -« l’autre comme un spectateur anonyme » sauf « absence d’émotions et de sentiments » -« recherche de l’effet produit sur l’autre » sauf « rejet » + entretiens : analyse de la relation avec la victime Entretiens (en particulier les paragraphes primat de l’acting, ressenti au moment des faits) + tests projectifs Entretiens

(en particulier les paragraphes primat de l’acting, ressenti au

moment des faits) + tests projectifs

III.5.7.1.2. Diagnostic de perversité

Si nous nous basons sur les éléments qui ressortent de notre rapide synthèse théorique de ce concept, en nous appuyant sur la grille diagnostique que nous avons établie pour la perversion sexuelle, l’élément différentiel principal, caractérisant la perversité, devrait être le déni de l’altérité (Roman, 2007).

Ce déni devrait être durable si nous suivons la position de Roman (ibidem) qui se réfère à Balier (1996, 2002 a et b.).

Cet aspect permettrait, selon nous, de discriminer clairement le diagnostic de perversité de ceux de perversion sexuelle et d’état-limite avec des traits pervers (puisque la relation d’objet fait partie des critères examinés dans notre grille d’évaluation pour tous les sujets).

Bouchet-Kervella (2002) et Balier (1996, 2002 a et b.) mettent aussi en avant, dans la perversité, l’absence d’approche séductrice des victimes que nous appréhenderons aussi par l’érotisation de la relation, selon l’opérationnalisation que nous en avons donné.

III.5.7.1.3. Diagnostic d’état-limite avec des traits pervers

Nous avons posé que ce diagnostic sera établi pour les individus états-limites pour lesquels les diagnostics de perversion sexuelle et de perversité seront exclus.

III.5.7.2. Existence d’un continuum a. Rappel de l’hypothèse générale

La majorité des auteurs d’agressions sexuelles ayant une structure appartenant aux aménagements limites, nous posons qu’il existe, au sein même de ces aménagements, un continuum allant de la perversité (au sens de Balier), proche de la psychose, en passant par la perversion sexuelle, jusqu’aux sujets que nous avons nommés « ayant des traits pervers » qui seraient ceux dont l’évolution affective et libidinale serait la moins éloignée de la lignée névrotique.

b. Opérationnalisation

-le groupe des auteurs d’agressions sexuelles ayant des traits pervers :

Il s’agira de vérifier que les individus que nous avons nommés états-limites avec des traits pervers, c’est-à-dire ceux pour lesquels nous avons exclu le diagnostic de perversion sexuelle et de perversité, sont, pour la majorité des critères étudiés dans cette recherche (caractéristiques des imagos parentales, représentation de soi, nature des angoisses, relation d’objet, situation par rapport à la structuration oedipienne elle-même, etc.), moins éloignés de la lignée névrotique que les sujets structurés sur le mode de la perversion.

Cela se traduira par le fait que les individus du groupe TP présenteront les caractéristiques les moins régressives, les moins archaïques de notre échantillon.

-le diagnostic de perversité :

S’il s’avère que nous soyons amenés à poser le diagnostic de perversité dans notre population, ces sujets se trouveront, d’un point de vue structurel, en deçà du groupe des pervers, plus proches de la psychose.

-le continuum :

Si seule la première hypothèse ou les deux (dans l’éventualité où des diagnostics de perversité seraient retrouvés) sont vérifiées, l’existence d’un continuum relatif à la structure de personnalité des auteurs d’agressions sexuelles appartenant aux aménagements états-limites pourra être envisagée.

Une remarque importante doit être formulée ici : la majorité des critères de diagnostic de la perversion sexuelle que nous avons retenus (déni de la castration, répression, déni du désir de l’autre, emprise érotisée, jouissance à transgresser, absence de culpabilité) ne préjugent pas de la place de la structure de personnalité sur le continuum puisqu’ils ne portent pas sur les aspects diagnostiques déterminants que sont, par exemple, les angoisses fondamentales ou la représentation de soi. L’interférence entre diagnostic différentiel et vérification empirique de l’existence d’un continuum est donc limitée même si, d’une part, l’évaluation des instances surmoïques implique un positionnement par rapport à la lignée névrotique (mais celui-ci ne permet pas de discriminer la perversion de la perversité par exemple) et, d’autre part, la relation d’objet est indirectement appréhendée à travers des dimensions très spécifiques que sont l’emprise et le déni du désir de l’autre (qui ne sont, néanmoins, pas associés, a priori, exclusivement au niveau d’une seule structure de personnalité).

En outre, le fait que ces mêmes critères de diagnostic de la perversion donnent lieu à des hypothèses portant sur la divergence entre les deux groupes de sujets n’est pas source d’une redondance : le diagnostic porte sur la présence cumulée des éléments retenus alors que nous allons nous employer à formuler les hypothèses de sorte qu’elles se réfèrent davantage à des différences qualitatives et/ou quantitatives entre les deux groupes pour chacun de ces indicateurs.