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II. Cadre théorique de la recherche

II.2 Approche psychologique et psychopathologique de la personnalité des auteurs

II.2.2 Les caractéristiques spécifiques des sujets structurés sur le mode de la perversion

II.2.2.2 Position dépressive et fragilité narcissique chez les individus structurés sur le

Bergeret (1996b) affirme que « parmi tout le groupe des aménagements limites, c’est le pervers qui se défend contre l’angoisse dépressive la plus dramatique ; c’est lui qui se

rapproche le plus près du morcellement psychotique sans pouvoir toutefois bénéficier du repos restructurant qu’apporte paradoxalement un véritable délire. ».

Il s’appuie sur Pasche (196218) qui « a montré que le pervers ne pouvait jamais se montrer complet ; malgré son déni spécifique, il se réfère sans cesse au phallus maternel. Son angoisse profonde demeure fixée à l'incomplétude narcissique devant les gens-sans-phallus […] ». Bergeret (1996b) introduit un élément explicatif différent de ceux invoqués par Dor (1987) concernant « la mère du pervers » : « ce dont [elle] se croit privée, ce n'est pas tellement d'un pénis, mais d'un phallus. Elle s'estime carencée narcissiquement et son angoisse est existentielle, non sexuelle. C'est une confusion entre le sexe et le narcissisme qu'elle transmet à son enfant (garçon ou fille). […] Du même coup, chez la mère du pervers, comme chez le pervers lui-même, le narcissisme primaire se trouve ainsi mal intégré et figé au niveau de l'attrait pour un objet partiel plein de mystères, dans une évolution affective restée indécise entre un auto érotisme qui n'a pas été encore complètement dépassé et un stade objectal à peine halluciné et qui ne s'est jamais trouvé réellement atteint. ».

En ce qui concerne le deuxième courant théorique de la perversion, auquel nous avons fait allusion plus haut, les hypothèses concernent « les avatars des processus de séparation et d’individuation ».

Selon Faoro-Kreit (1998), « On peut poser […] que la pédophilie est une organisation perverse où la nécessité du passage à l’acte permet de maîtriser un sentiment d’anéantissement, une angoisse primordiale ; celle-ci relève d’un traumatisme précoce soit par excès d’excitation, soit par défaut de persistance et de continuité dans le « holding » maternel nécessaire. ». Bauduin et Bouchet-Kervella (2003) rappellent ainsi qu’ « André Green avance l’idée que la privation maternelle réelle puisse, tout autant que la séduction excessive, créer une « aspiration ardente à retrouver ce dont on a manqué très tôt : ce qui n’a pas eu lieu peut engendrer des effets qui ressemblent à s’y méprendre à ce qui a eu lieu » ».

En effet, « Ce défaut précoce dans la constitution d’une continuité du Soi aboutit à ce que la séparation tout comme la différenciation d’avec la mère soit vécue comme catastrophique. L’enfant est pris alors dans le paradoxe suivant : soit il reste attaché à la mère et donc il n’existe pas, soit il s’en sépare mais subit des angoisses catastrophiques –angoisses d’annihilation dira Anzieu, expression plus juste qu’angoisse de mort puisque ici l’identité du sujet n’est pas encore advenue » (Faoro-Kreit, 1998).

De même, pour Balier (1996), à l’origine de « l’organisation psychique de l’élément pervers », il existerait « une angoisse d’anéantissement, de mort imminente, acquise très tôt lors de perturbations des premiers mois de la vie, réactivées souvent plus tard par un ou des traumatismes en général de nature sexuelle. »

« Dans cette impasse, les relations sexuelles, dit Mac Dougall (1996), risquent plus tard d’avoir le rôle dramatique et inéluctable d’empêcher la désagrégation de l’image narcissique. L’acte sexuel sert alors non seulement à éliminer toute charge affective et à réparer l’image narcissique endommagée de l’identité sexuée, mais aussi à détourner l’intensité de la rage infantile pour protéger l’image de soi ou des objets internes de la destruction ».

Stoller (1978) parle, quant à lui, « d’une symbiose centrée sur la sexualité de l’enfant qui entraîne un développement difficile de l’identité masculine. L’acte pervers est un acte d’agressivité vis-à-vis de la mère –pour éviter une régression fusionnelle et ainsi éviter la perte de l’identité sexuelle. C’est une façon de maîtriser son identité. ».

Enfin, en ce qui concerne le lien entre fétichisme et perversion, Gourlaouen-Couton (2002, p.34), citant Tomassini (199219) et Balier (1988), s’interroge sur le fait que, « pour certains, le fétiche se substituerait à l’absence de la mère totale et non pas à son absence de pénis » : pour ce chercheur, une telle conception du fétiche pose, en particulier, la question de la différence qui existerait alors entre fétiche et objet transitionnel.

II.2.2.3 Évolution libidinale et problématique oedipienne

II.2.2.3.1. Scène primitive et scénario pervers chez les sujets structurés sur un mode pervers

Gourlaouen-Couton (2002) rappelle que « L’idée communément admise, reprise par Balier (1996), est que l’acte pervers reproduit la scène primitive : « il s’agit en fait, écrit cet auteur, de tenter de maîtriser des fantasmes hautement excitants ».

Neau (2001, p.38) déclare, en se référant à Balier (1996), que « les pervers élaborent en les mettant en scène les fantasmes liés aux relations entre les imagos parentales, tandis que les agresseurs sexuels pénètrent beaucoup plus directement et crûment dans la scène primitive elle-même. »

Faoro-Kreit (1998) explique que, selon Ruth Mack Brunswick (citée dans Laplanche et Pontalis) « La compréhension que l’enfant a du coït parental et l’intérêt qu’il lui porte trouvent un appui dans ses propres expériences corporelles préœdipiennes avec sa mère et dans les désirs qui en résultent. ».

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TOMASSINI, M. (1992). Désidentification primaire, angoisse de séparation et formation de la structure perverse. Revue française de psychanalyse, 5, 1541-1614.

Chagnon (2000) affirme, quant à lui, que « la saisie, l’emprise sur un enfant correspond à des aménagements pervers (Bergeret, 1974/ 1996b) qui, à l’instar de ce qui a été décrit dans les authentiques perversions sexuelles (Chasseguet, 1984 ; Mc Dougall, 1978), constituent une recréation de la scène primitive, le sujet délinquant sexuel occupant grâce à son objet pédophilique et fétichique toutes les places de la scène primitive, déniant la « castration » (ou mieux la menace de castration), la sienne et celle de sa mère […] ».

Il « insist[e] sur le risque de perte d’identité qu’une telle opération fait encourir. […] » ainsi que « sur les nécessités d’appel désespéré au père qu’une telle scène pédophilique comporte en rapport avec le conflit non dialectisable dans lequel est pris le sujet : le déni de la différence des sexes et des générations est une manière de dénier les prérogatives paternelles en maintenant l’illusion que l’enfant est apte avec son petit pénis à combler sa mère, donc de dénier la scène primitive ; mais cette position expose à la terreur de la perte d’identité, d’où l’appel au père contre la mère toute-puissante et à la restauration phallique compris dans l’acte.[…]».

Enfin, Bouchet-Kervella (1992) introduit, quant à elle, la dimension des scénarii pervers à ce niveau-là. Elle met en évidence que, dans le cas des individus structurés sur le mode de la perversion, « La confrontation au partenaire sexuel de la mère dans la scène primitive bouleverse le sujet, et a l’effet d’une déferlante pulsionnelle dominée par la désintrication, atteignant le seuil traumatique, dépassant les capacités de liaison, et aboutissant à une désorganisation de l’appareil psychique, et un vacillement de l’autoreprésentation. Répéter des scénarios sur-érotisant le non-génital aurait pour but la maîtrise du traumatisme lié à l’altérité maternelle sexuée ».

II.2.2.3.2. Problématique oedipienne chez les individus structurés sur le mode de la perversion

Les pulsions partielles et le plaisir d’organe prédominent chez les individus structurés sur le mode de la perversion et renvoient à la notion d’enfant « pervers polymorphe » de Freud.

II.2.2.3.2.1 Instances surmoïques

Pour Bergeret (1996b), « le surmoi du pervers n'a pu être formé dans le sens post-œdipien du terme. […] on sait déjà que dans toute organisation limite le surmoi demeure bien incomplet, faute de vécu oedipien suffisant sur le plan organisateur ; à plus forte raison dans un aménagement si proche de la lignée psychotique».

Husain (In : Tychey (de), 2007) parle, plus radicalement, d’« absence d’instance surmoïque » chez ces sujets qui se traduit, selon elle, en particulier, sous la forme d’une « érotisation de la

transgression ». Cette caractéristique est citée aussi par Chabert (ibidem) qui y associe, en outre, l’absence de culpabilité.

II.2.2.3.2.3. Identifications secondaires chez les individus structurés sur le mode de la perversion

II.2.2.3.2.3.1. Identification sexuelle

Dor (1987) et Chagnon (2000) affirment que « L’identification des individus structurés sur le mode de la perversion est féminine en tant qu’elle représente la mère phallique agressive ou incestueuse. ».

Comme le rappellent Dollander et de Tychey (2002), citant Fénichel (1953), cette identification féminine est retrouvée dans « l’homosexualité mâle » en tant que « perversion particulière » (au même titre que le fétichisme, l’exhibitionnisme…).

II.2.2.3.2.3.2. Différence des sexes et déni de la différence des sexes

En ce qui concerne la différence des sexes, elle est déniée de façon durable par le sujet pervers afin de ne pas « se déprendre […] de son identification phallique imaginaire et ainsi renoncer à son statut de seul et unique objet du désir de la mère » comme le précise Dor (1987).

Bauduin et Bouchet-Kervella (2003) rappellent que, pour Aulagnier, Mc Dougall et Chasseguet-Smirgel, « le désaveu concerne, non pas la réalité de la différence des sexes, mais la fonction symbolique de cette différence comme signifiante du désir et de la complémentarité des deux sexes dans les relations sexuelles des parents ».

Il est ainsi plus pertinent de parler, pour ces sujets, d’« homoérotisme », au sens de Bergeret (1996b, 1999) que de sexualité : « sexualité vient du latin secare (couper en deux) et implique la nécessité de la dualité sexuelle : deux sexes de valeur narcissique égale, différents et complémentaires. » (Bergeret, 1996b).

II.2.2.4. Mécanismes de défense

Bergeret (1996b) affirme à propos des mécanismes de défense des sujets pervers : « On se retrouve […] devant deux séries parallèles de défense : l'une porte sur l'intérieur du sujet (refoulements et mécanismes annexes), l'autre concerne ce qui lui est laissé à l'extérieur (déni et forclusion). »

II.2.2.4.1 Déni de la castration féminine et clivage

Chabert (In : Tychey (de), 2007) rappelle que le déni de la castration féminine (un « déni de la réalité » « focalisé à un seul genre de représentation […] que l’on dit être l’absence de pénis chez la femme » selon Bergeret, 1996b) et le clivage seraient deux mécanismes de défense

« typiques » des organisations perverses. Dor (1987) précise qu’il s’agit là d’un clivage du moi.

Cependant, le clivage n’est pas spécifique à la perversion puisqu’il se retrouve chez tous les sujets états-limites (clivage du moi) et chez les sujets psychotiques (clivage de l’objet).

II.2.2.4.2. Répression

Husain (In : Tychey (de), 2007) cite la répression comme caractérisant la perversion.

Neau (2001, p.50 en donne la définition suivante : « la répression, à la différence du refoulement, est ce mécanisme inconscient ou préconscient de rétention, de censure des représentations, des fantasmes, des affects, à l'intérieur d'un même système intrapsychique, et se traduit dans la relation avec le clinicien par une érotisation de la relation, un jeu avec le non-dit, une manipulation du secret qui vise, en laissant voir que tout n'a pas été dit, à susciter l'énigme, à fasciner l'autre. ».

Husain (In : Tychey (de), 2007) ajoute qu’il « très peu élaboré » et qu’il « est parfois facilement levé » : « parfois le fantasme pervers « sort tout seul » après une légère hésitation, parfois il émerge à la suite des questions de l’examinateur ».