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III. Méthodologie

III.4. Outils pour la mise à l’épreuve des hypothèses

Étant donnée la pauvreté de l’espace imaginaire et de la mentalisation de nos sujets (reconnue par les différents auteurs), nous avons pensé qu’il était nécessaire de nous appuyer sur des outils variés et complémentaires.

III.4.1. Entretiens

Les entretiens sont utiles en particulier pour l’exploration de l’histoire de chaque individu (avec le repérage très précis d’éventuels traumatismes, en particulier sexuels), de ses rapports avec sa famille (images parentales, identifications), de son évolution libidinale, avec la possibilité de laisser émerger des éléments auxquels nous n’avions pas pensé.

Par ailleurs, nous nous sommes particulièrement attaché à aborder avec ces sujets, et de façon extrêmement précise, les passages à l’acte en eux-mêmes.

Nous avons souhaité ainsi nous intéresser à la façon dont les individus pouvaient rendre compte verbalement des faits pour lesquels ils ont été condamnés afin d’approcher leur perception des agressions sexuelles commises, leur rapport à la loi, à l’autre, à la pédophilie. Enfin, les entretiens permettent l’appréhension d’éléments contre-transférentiels, fondamentaux pour préciser la nature de la relation d’objet, l’existence de l’emprise...

III.4.1.1. Passation

Dans un premier temps, nous avons mené des entretiens semi-directifs avec chaque individu rencontré.

Nous avons établi une trame de questions ou de sujets à aborder (document I.2 des annexes) en nous inspirant, d’une part, du QICPAAS24, que nous avons remanié afin de l’adapter à notre recherche (questions moins précises dans un premier temps, pouvant être affinées en fonction des cas…). Nous avons, par exemple, regroupé, dans le paragraphe 7, le défaut de mentalisation et le primat de l’acting ainsi que l’activité onirique puisque ces aspects renvoient au préconscient.

L’intérêt du QICPAAS était, selon nous, qu’il est très complet et qu’il balaye de façon très large, à la fois l’anamnèse des sujets et le passage à l’acte lui-même.

Nous y avons, néanmoins, ajouté d’autres points à examiner en fonction de nos hypothèses théoriques et il s’est avéré que quelques rares aspects n’ont pas été exploités à part entière (l’activité onirique par exemple), un affinement et une sélection de nos hypothèses ayant été opérés dans l’après-coup, en fonction de leur pertinence par rapport à notre étude.

Le nombre de rencontres, pour la partie des entretiens, a varié de 5 à 11 selon les sujets.

III.4.1.2. Retranscription

Nous avons pris en notes manuscrites le contenu des entretiens (comme des tests projectifs) en temps réel (l’enregistrement nécessitant une autorisation spécifique rarement accordée par l’Administration Pénitentiaire et cette méthode n’étant pas pertinente selon Chabert In : Roussillon et al., 2007, p. 565). Nous avons donc procédé à la retranscription dans l’après coup, en mettant en évidence les propos stricts des individus par des citations matérialisées par des guillemets.

24 « Questionnaire d’Investigation Clinique Pour les Auteurs d’ « Agressions Sexuelles », © Balier C., Ciavaldini A., Girard-Khayat M., 1997. Ce document, protégé par le Code de la Propriété intellectuelle, ne peut être reproduit ici.

Celle-ci ne s’est pas toujours faite dans l’ordre chronologique des entretiens : nous avons essayé de rendre compte des dires des sujets en les incluant dans des grands thèmes correspondant à notre grille d’analyse, ce qui a impliqué quelques réorganisations minimes (par exemple, en cas d’oubli d’un point lors d’un entretien, il nous est arrivé d’y faire un retour lors de la rencontre suivante ou lorsque le premier entretien de « prise de contact » a permis une verbalisation riche, nous l’avons inclus dans la retranscription).

Nous précisons que la lettre « Q », quand elle apparaît au cours du récit des individus (que ce soit dans les entretiens ou les test projectifs) signifie que nous avons posé, à ce moment-là, une question ou fait une relance.

III.4.2. Les tests projectifs

L’intérêt des « méthodes projectives en recherche en psychologie clinique, en psychopathologie et en psychiatrie » a récemment été synthétisé par Chabert (In : Roussillon et al., 2007) et leur « apport […] à la clinique des auteurs d’agressions sexuelles » a spécifiquement été mis en évidence par Neau (2001) et Gourlaouen-Couton (2002).

III.4.2.1. TAT

Nous avons utilisé le TAT pour l’exploration plus spécifique de la triangulation oedipienne (complexe oedipien, différence des sexes et des générations, fantasmes incestueux...).

Nous avons choisi de faire passer le TAT avant le Rorschach afin de respecter une progression allant du plus au moins figuratif.

Nous n’avons présenté à nos sujets que les planches qui concernent les hommes (c’est-à-dire la 1, 2, 3BM, 4, 5, 6BM, 7BM, 8BM, 10, 11, 12BG, 13B, 13MF, 19, 16).

Pour nos analyses du TAT, nous nous sommes basés sur le Manuel d’utilisation du TAT (Shentoub, 1990) mais, en accord avec notre directeur de thèse, nous n’avons pas coté précisément les procédés du discours puisque nos hypothèses ne portent pas sur cet aspect, la structure de personnalité de tous les individus de notre échantillon ayant le même noyau.

III.4.2.2. Test de Rorschach

Le test de Rorschach a permis d’analyser les imagos parentales, les identifications primaires et secondaires, la relation d’objet, les angoisses, les mécanismes de défense…

La passation analytique ainsi que la partie qui concerne le choix des planches paternelle, maternelle, préférées, les moins aimées, nous a aussi paru importante à prendre en compte, en particulier pour l’appréhension des images parentales.

Le texte intégral des entretiens et des tests projectifs de chaque sujet se trouve dans les annexes.

III.4.3. L’analyse de la relation transféro-contre-transférentielle

Une originalité de notre recherche se trouve dans le fait d’avoir construit une grille d’analyse de la relation transféro-contre-transférentielle et de l’avoir utilisée comme un outil d’évaluation et de diagnostic (avec l’idée de parvenir à dégager, éventuellement, des spécificités pour l’un et l’autre groupe d’individus).

Rappelons que pour Laplanche et Pontalis (1981), le transfert «désigne, en psychanalyse, le processus par lequel les désirs inconscients s'actualisent sur certains objets dans le cadre d'un certain type de relation établie avec eux et éminemment dans le cadre de la relation analytique» et que le contre-transfert correspond à « l'ensemble des réactions inconscientes de l'analyste à la personne de l'analysé et plus particulièrement au transfert de celui-ci. ».

Nous avons estimé que l’analyse du transfert-contre-transfert pouvait être recevable dans cette recherche puisque qu’elle s’est déroulée sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour certains sujets, et que, par conséquent, le transfert et le contre-transfert ont pu, a minima, se mettre en place.

Nous nous sommes spécifiquement centrés ici, et de façon exhaustive, sur un aspect du transfert qui est l’emprise, en tant qu’il s’agit d’un élément essentiel de la relation avec les auteurs d’agressions sexuelles (comme nous l’avons mis en évidence, en particulier, dans les paragraphes II.1.2.1. et II.2.2.6.2.2), qu’il est donc intéressant d’essayer de formaliser (le contre-transfert étant, en conséquence, souvent très négatif avec cette population).

Nous avons choisi de détailler la construction de notre grille d’analyse dans la partie consacrée à l’opérationnalisation des hypothèses.