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Rancé de Chateaubriand (1844)

III. La vertu et le réel : l’actualisation de la sainteté

Les romans de Balzac qui construisent une sainteté moderne résolvent progressivement l’énigme de son existence. La sainteté n’est plus voilée dans un sacré inatteignable. Les signes hagiographiques ne sont pas le but du récit comme dans une histoire édifiante traditionnelle : ils en sont les prémisses, la curiosité du lecteur étant aiguillée vers une réalité trop humaine.

a. LA SAINTETÉ COMME MASQUE

Comme nous l’avions observé un peu plus tôt chez Chateaubriand, la sainteté n’est pas d’emblée visible par le lecteur. Elle est médiatisée. Chez l’auteur des Mémoires d’outre-tombe, la médiatisation s’arrêtait en chemin car l’obscurité qui entourait le personnage n’était pas destinée à être percée. En ce qui concerne Balzac, il serait plus juste d’évoquer un voilement, puisque ce terme introduit l’idée d’une volonté et surtout incite, dans une tradition toute

174 platonicienne, à l’élucidation. La narration ne cesse de suggérer que la canonisation symbolique des personnages a été le fruit d’un long parcours qui, bien qu’occulté, est loin d’être négligeable.

Un voilement : l’envers de la vertu

Le Médecin de village l’annonce dès son épigraphe qui « aux cœurs blessés » associe « l’ombre et le silence ». Au seuil du récit, la notation agit comme un signe discordantiel qui trouvera son second terme dans la confession finale. L’ancrage du palimpseste hagiographique dans une histoire possiblement dramatique ne provoque pas un développement logique de la temporalité du récit. La teneur de la première vie du personnage vertueux, qui pourrait facilement être récupérée à travers un schéma de conversion, est différée, créant ainsi une impression de dissimulation à la lecture. Le caractère a posteriori du récit hagiographique (dans l’ordre du temps de l’histoire) et la façon dont il enveloppe la réalité sont explicités dans le chapitre du Médecin de campagne intitulé « Le Napoléon du peuple » qui met au jour le travail mythologique, c’est-à-dire le passage d’une personne historique à un « dieu du peuple1 ». Le récit de la vie de Napoléon fait par un vieux fantassin, Goguelat, pour divertir le peuple des alentours rassemblé à l’occasion de la veillée, épouse le tour de l’hagiographie qui est elle-même une répétition de la vie christique. Dans sa version de la vie de Napoléon, l’enfance du héros est marquée par une consécration de sa vie à l’œuvre de Dieu2 ; durant les batailles, il est l’objet d’un miracle réitéré : même sous le feu des balles, il n’est jamais atteint ; il prédit l’avenir3 ; il a le don d’ubiquité4 ; il mène une guerre sainte pour rétablir le règne de la religion : « et, comme ce n’[est] pas lui qui p[eut] douter de l’Être suprême, il remplit […] sa promesse envers le bon Dieu, qui lui t[ient] sérieusement parole ; lui rend ses églises, rétablit sa religion ; les cloches sonnent pour Dieu et pour lui5 ». Enfin, cette vie parfaite se conclut sur un exil en forme de martyre :

L’on s’empare de Napoléon par trahison, les Anglais le clouent dans une île déserte de la grande mer, sur un rocher élevé de dix mille pieds au-dessus du monde. […] Ceux-ci disent qu’il est mort ! Ah ! bien oui, mort ! on voit bien qu’ils ne le connaissent pas. Ils répètent c’te bourde-là pour attraper le peuple et le faire tenir tranquille dans leur baraque de gouvernement. […] Et voilà qui est vrai comme l’Évangile6.

1 Honoré de Balzac, Le Médecin de campagne, op. cit., p. 515.

2 Ibid., p. 521

3 Ibid., p. 522

4 Ibid., p. 524 : « Il passait pour certains dans leur esprit qu’il commandait aux génies et se transportait en un clin d’œil d’un lieu à un autre, comme un oiseau. »

5 Ibid., p. 526

175 Le style métaphorique (la crucifixion sur le rocher de l’exil) souligne cette imposition seconde de la forme folklorique. La transformation est d’autant plus perceptible que cette veillée est observée par Genestas, personnage qui a pris part directement aux guerres napoléoniennes et constitue donc un témoin direct. Dans cette coprésence du témoin réel et de la parole métamorphosante, le lecteur perçoit le travail d’hagiographisation du conteur, qui ne permet pas de laisser exempte de tout doute la resymbolisation évoquée plus tôt.

En ce qui concerne l’histoire de Véronique Graslin, les indices du voilement se logent dans le chapitrage du roman. Au début du roman, celui-ci privilégie un enchaînement paratactique qui est également un indice de complexité sous-jacente. Au chapitre sur Véronique succède un chapitre intitulé « Tascheron », qui semble construire une forme de collection dont le dénominateur commun reste caché : de façon inattendue, la narration se recentre sur un nouveau personnage. Elle semble mimer étrangement la structure de la collection des vies de saints, ce que confirmerait la présence de noms propres en guise de titres de chapitres. Une nouvelle histoire est introduite, sans lien avec la précédente si ce n’est celui de la simultanéité : « Dans cette même année, Limoges eut le terrible spectacle et le drame singulier du procès Tascheron, dans lequel le magistrat déploya les talents qui plus tard le firent nommer Procureur Général1 ». Quels points communs entre les deux récits ? Aucun à première vue. Cette nouvelle histoire présente trop d'éléments discordants avec la première : elle a lieu dans l’espace public (qui s’oppose à l’espace du ménage précédemment évoqué) sous les yeux de tous comme le suggère le champ sémantique dramatique ; elle est marquée du sceau de l’exceptionnalité. Cette partie du récit nous introduit à la vie d’un jeune homme condamné pour un double meurtre, jeune homme qui se repentira à la fin du chapitre avant de monter sur l’échafaud, révélant par-là la vérité du discours religieux qui est censé sauver même le plus corrompu. Il pourrait donc constituer en lui-même un saint laïque par conversion, sur le modèle religieux de sainte Marie Madeleine ou encore de saint Paul.

Toutefois, cette première impression est fragilisée par le doute : tout d’abord, le premier chapitre sur Véronique ne s’est pas terminé par une véritable conclusion puisqu’on abandonne le personnage aux angoisses des couches. Le récit exemplaire ne souffre pourtant pas l’indécision du sens, ce qui amène à supposer un lien continu entre la première vie et la deuxième vie, lien qui sera explicité à la fin par la confession de Véronique. La narration se révèle plus complexe que le découpage en chapitres le suggère. Cette complexité nous éloigne distinctement de la structure narrative de la vie de saints, car elle n’est pas éclairante. Le mystère

176 humain supplante le Mystère transcendant. Le découpage éloigne le lecteur du récit exemplaire pour l’amener vers « le roman de l’enquête1 » tout profane.

Véronique, elle-même, nous est dissimulée. Son apparente sainteté achoppe sur une donnée fondamentale dans tout le roman : excepté lors de sa confession finale, elle est avant tout un être du mystère. Tout d’abord, c’est son mariage avec le vieux Pierre Graslin qui est qualifié de « mystère2 » ; une fois mariée, c’est sa bienfaisance qui « fut ensevelie dans un profond mystère3 » ; les projets qu’elle conçoit avec Denise (la sœur de Jean-François Tascheron) sont, eux aussi, qualifiés de « mystère[s]4 ». Gérard Boely a montré comment à la rupture mystérieuse de la ligne narrative dans le roman se superposent autant d’obstacles qui empêchent le lecteur d’avoir une vision claire de Véronique dans le roman :

Son mari, son entourage, sa ville sont autant de masques, autant d’écrans opaques qui viennent s’interposer entre Véronique et Balzac – entre Véronique et le lecteur – et n’enregistrent que le retentissement extérieur de ses actes, sans les expliquer, sans les comprendre5.

La vera iconica n’est pas une évidence pour le lecteur et la fausse étymologie pourtant célèbre du nom de l’héroïne, à l’instar de l’épigraphe du Médecin de village, travaille dans le sens d’une discordance qui est également levée au moment de la confession, le personnage refusant de laisser de lui une « fausse image6 ».

À première vue, cette réflexion sur le voilement romanesque des figures pourrait ne pas nécessairement s’opposer à la visée exemplaire. Alison Goddard Elliott note que le déguisement et l’identité cachée sont des thèmes récurrents dans l’hagiographie traditionnelle7 et qu’ils ne peuvent se réduire à une dichotomie vrai/faux8. Dans la tradition, la sainte se déguise souvent pour échapper au désir masculin ; quant au saint, il peut se déguiser pour échapper à la persécution. Le pressentiment de la mort, et donc de l’entrée dans l’au-delà, provoque généralement un aveu, mais qui n’est pas vraiment celui d’une faute. Le déguisement est moins un péché que le signe effectif de la transition entre une ancienne identité et une nouvelle nature

1 Dominique Kalifa, « Enquête judiciaire, littérature et imaginaire social au XIXe siècle », dans Jean-Noël Luc, Dominique Kalifa et Jean-Claude Farcy (dir.), L’Enquête judiciaire en Europe au XIXe siècle, Paris, Creaphis, 2007, p. 241-253, p. 242.

2 Ibid., p. 660.

3 Ibid., p. 673.

4 Ibid., p. 843.

5 Gérard Boely, « Le Médecin de campagne et Le Curé de village : Étude comparée de leur composition », L’Année

balzacienne, 1968, p. 241-256, p. 245.

6 Honoré de Balzac, Le Curé de village, op. cit., p. 865.

7 Alison Goddard Elliott, Roads to Paradise, Reading the Lives of the Early Saints, op. cit., p. 119-120.

8 Celle-ci peut, en revanche, toucher les personnages diaboliques comme le note Elyse Dupras dans Diables et

saints : rôle des diables dans les mystères hagiographiques français, Genève, Droz, « Publications romanes et françaises », 2006, p. 49.

177 spirituelle. Le voilement n’est donc pas forcément recouvrement mais déplacement de l’identité1. Or, la narration balzacienne, une fois ce manteau posé sur ces personnages, ne cesse de trahir cette nouvelle identité et de la disqualifier. Madame de la Chanterie elle-même dit à Godefroid qu’elle a « trouvé le moyen de substituer une autre vie à [sa] vie2 », acquérant par cet aveu une profondeur psychologique que le type exemplaire ne laissait pas soupçonner. C’est que le déguisement balzacien ne se porte pas à cause d’actants extérieurs : il cache des troubles moraux intérieurs.

La trahison du réel : stigmates ou indices ?

La réversibilité étonnante des motifs hagiographiques fait ressurgir au sein de l’image qu’on pensait pouvoir rattacher à la tradition les signes d’une réalité qui la contredisent. Même s’ils agissent à certains moments dans le sens d’une confirmation de l’ethos – c’est le cas des paysages de campagne dont la transformation est le reflet des ascensions personnelles des protagonistes – le fonctionnement laudatif s’enraye parfois. Comme le déguisement révèle et recouvre tour à tour, il en est de même du motif du stigmate. Ainsi, la petite vérole que contracte Véronique à onze ans est un signe profondément ambigu. Dans l’optique redondante du récit exemplaire, la maladie la rapproche clairement de la statue de vierge mutilée présentée dans l’incipit du roman.

Véronique fut sauvée, mais sa beauté périt. Cette figure, également colorée par une teinte où le brun et le rouge étaient harmonieusement fondus, resta frappée de mille fossettes qui grossirent la peau, dont la pulpe blanche avait été profondément travaillée. Le front ne put échapper aux ravages du fléau, il devint brun et demeura comme martelé. […] La maladie ne respecta que ce qu’elle ne pouvait atteindre, les yeux et les dents. Véronique ne perdit pas non plus l’élégance et la beauté de son corps, ni la plénitude de ses lignes, ni la grâce de sa taille3.

L’héroïne est la vivante image de la statuette, et la blessure de la grande histoire – la Révolution – se répète dans la petite vérole, exprimée avec un lexique d’une rare violence. La solidarité des symboles va dans le sens d’une idéalisation du personnage. Dans cette optique, les traces que laisse cette maladie sur Véronique peuvent être considérées comme des stigmates, c’est-à-dire comme les signes d’une communauté de destins. La petite vérole serait une forme d’élection. Le masque que crée chez elle cette stigmatisation est le support de scènes de transfiguration et d’extase, qui inscrivent bien Véronique dans une lignée hagiographique

1 C’est le même fonctionnement qui régit, par exemple, le déguisement du chevalier. Il signale souvent l’accession à une identité optimale qui confère un pouvoir magique (c’est le cas dans la version du mythe de Tristan et Iseut délivrée par Béroul : Tristan devient un chevalier fée).

2 Honoré de Balzac, L’Envers de l’Histoire contemporaine, op. cit., p. 243.

178 connue à la tête de laquelle on retrouve des saintes chères à Balzac comme sainte Thérèse d’Avila1 :

Quand un sentiment violent éclatait chez Véronique, et l’exaltation religieuse à laquelle elle était livrée alors qu’elle se présentait pour communier doit se compter parmi les vives émotions d’une jeune fille si candide, il semblait qu’une lumière intérieure effaçât par ses rayons les marques de la petite vérole. Le pur et radieux visage de son enfance reparaissait dans sa beauté première2.

Dans une logique contrastante, la trace de la maladie permet de saisir l’intensité de la transfiguration vécue. Elle redessine la ligne de partage entre le corps humain et son interprétation divine. Ces transfigurations, qui ne sont pas sans rappeler celle du Christ3, sont en lien avec les sympathies de Balzac pour le mouvement illuministe. L’influence de l’âme sur le physique et la question de la physionomie (mélange de moral et de corporéité) qui est chère à l’auteur rappellent notamment les thèses de Swedenborg. Ainsi, Philippe Bertault rapproche-t-il ce penchant balzacien de la pensée du théologien suédois4. Le critique cite même Henry de Geymuller qui expose ses idées sur l’interférence entre l’âme et le corps :

Que les mouvements de l’âme se traduisent dans l’organisme par une série de mouvements correspondants […]. Telle fut, en tous cas, la théorie de Swedenborg […]. Les « vibrations psychiques » ne sont pas l’âme elle-même, mais seulement l’alter ego de l’âme dans le corps, comme Swedenborg l’a si bien vu5.

De cette façon, le corps, lieu du temps humain, échappe à la finitude par le caractère éternel de l’âme qui le ravive.

Cependant, cette maladie résonne de connotations beaucoup moins élogieuses pour Véronique. Tout d’abord, même si les deux maladies ne sont pas physiologiquement en lien, le nom de « petite vérole » n’est pas sans évoquer une maladie plus honteuse, qui inscrirait le personnage dans l’ordre des passions. Ce que le lecteur avait pris pour un stigmate pourrait être un symbole, non de l’idéalisation, mais de la dimension profondément charnelle de Véronique. Le symbole religieux est donc désactivé au profit d’une interprétation réaliste, voire médicale. De ce point de vue, cette ambiguïté du stigmate peut s’inscrire dans les recherches scientifiques du XIXe siècle autour de la sainteté, l’esprit positiviste tentant de la circonscrire à des cas cliniques6. L’équivocité est maintenue par la narration puisque le motif de la transfiguration

1 Dont l’une des citations constituait, avant l’édition Furne, l’épigraphe de La Duchesse de Langeais.

2 Honoré de Balzac, Le Curé de village, op. cit., p. 651-652.

3 Voir, par exemple, l’Évangile de Matthieu, chapitre 17, versets 1 à 9.

4 Philippe Bertault, Balzac et la religion, op. cit., p. 380.

5 Ibid., note 6, p. 382.

6 La médecine s’intéresse beaucoup à la sainteté au XIXe siècle. Elle voit, dans les descriptions des stigmates et des extases présentés par les livres traditionnels, des cas cliniques intéressants. Par exemple, l’extase sera vue plus tard comme une pathologie névrotique par des praticiens tels que Ch. Voir Sadi Lakhdari, « Hypnose, Hystérie,

179 apparaît aussi bien durant ses extases chrétiennes, épousant alors l’inspiration exemplaire, que dans les phases intenses de passion amoureuse réveillant le désir charnel de l’héroïne. Bruno Viard rappelle que le phénomène arrive six fois dans le roman1 : à la table de communion, lors de la naissance de l’idéal dans l’esprit de la jeune fille à la lecture de Paul et Virginie, en présence de son amant, à l’idée de se consacrer à la bienfaisance, lorsqu’elle communie avec la nature et enfin, au moment de sa mort. Ainsi à Limoges :

Pendant cet heureux temps, et jusqu’au commencement de l’année 1829, madame Graslin arriva, sous les yeux de ses amis, à un point de beauté vraiment extraordinaire, et dont les raisons ne furent jamais bien expliquées. Le bleu de l’iris s’agrandit comme une fleur et diminua le cercle brun des prunelles, en paraissant trempé d’une lueur moite et languissante, pleine d’amour. On vit blanchir, comme un faîte à l’aurore, son front illuminé par des souvenirs, par des pensées de bonheur, et ses lignes se purifièrent à quelques feux intérieurs. Son visage perdit ces ardents tons bruns qui annonçaient un commencement d’hépatite, la maladie des tempéraments vigoureux ou des personnes dont l’âme est souffrante, dont les affections sont contrariées. Ses tempes devinrent d’une adorable fraîcheur. On voyait enfin souvent, par échappées, le visage céleste, digne de Raphaël, que la maladie avait encroûté comme le Temps encrasse une toile de ce grand maître. Ses mains semblèrent plus blanches, ses épaules prirent une délicieuse plénitude, ses mouvements jolis et animés rendirent à sa taille flexible et souple toute sa valeur2.

Tous les ingrédients de la transfiguration sont là. L’étrange phénomène dont la source est transcendante est empreint de spontanéité, les verbes pronominaux s’enchaînent (« s’agrandit », « se purifièrent »), l’indéfini nous place dans une position de constat extérieur et on observe la présence d’une lumière intérieure (« lumière », « aurore », « blanchir », « illuminé ») qui permet également de constituer un portrait en gloire, une transfiguration de l’héroïne. Les modifications ponctuelles du corps révèlent une nature divine (la lumière intérieure pouvant évoquer le Saint-Esprit et le « céleste visage » dévoilant la sainteté du personnage). Or, le lecteur apprend par la suite, par un recoupement d’informations, que ces extases trouvent leur origine dans une passion amoureuse qui exacerbe les sens de l’héroïne. Le plaisir physique n’est donc pas étranger à ces brusques changements. La transfiguration apparente Véronique aux saintes, mais elle est aussi le signe de l’intrusion fracassante du réel dans ce qu’il a de plus organique. Comme en transparence, le réel revient, dans la figure de vertu balzacienne, comme une tache ineffaçable. Le stigmate dégénère alors en un symptôme dans une pensée physiognomoniste. Théophile Gautier affirmait d’ailleurs que Balzac « étudiait comme Lavater, sur tous les

Extase : de Charcot à Freud », Savoirs et clinique, 2007/1, no 8, p. 201-209. Également disponible en ligne. URL : http://www.cairn.info/revue-savoirs-et-cliniques-2007-1-page-201.htm (consulté le 2 février 2015).

1 Bruno Viard, « Le Curé de village et Journal d’un curé de campagne de Bernanos », L’Année balzacienne, 1971, p. 261-278, p. 270.

180 visages, les stigmates qu’y impriment les passions ou les vices1 », rapprochant dans ce mot, grâce à la figure du théologien auteur de L’Art de connaître les hommes par la physionomie, l’origine religieuse du signe et son acception sociale. Le signe particulier n’est plus une distinction, mais une trahison du réel.

b. LE SENS À RETARDEMENT : LINTRIGUE DE LA SAINTETÉ

La dégénérescence du stigmate en symptôme, en indice d’une vie ou d’une identité cachée, crée une ligne narrative qui coexiste avec celle des acta décrite plus tôt. L’existence, qu’on pensait unidimensionnelle, est un véritable feuilleté narratif. Elle met en scène un « froissement des genres » selon l’expression que Pierre Bayard utilise dans Balzac et le troc

de l’imaginaire2. Cette constatation réintroduit dans les romans l’idée d’un processus, d’une