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Conclusion du Chapitre 2

Chapitre 3. Le management du bien-être à travers les espaces

3. Les effets des espaces de discussion sur le bien-être et l’efficacité bien-être et l’efficacité

3.2. Vers une représentation collective de l’espace de discussion

Nous souhaitons prendre nos distance avec la « proxémique aiguë » de

Torrès (2003) fondée sur la centralité de Moles et Rohmer (1972) et les effets de grossissement de Mahé de Boislandelle (1996) qui s’appliquent spécifiquement au champ de l’entreprenariat et des petites entreprises en renvoyant strictement à l’individu alors que nous avons montré l’importance du collectif de travail et des relations interpersonnelles dans la préservation de la santé et du bien-être au travail (Clot, 2010 ; Schutz, 1966, 2005). Nous reprenons ainsi en l’adaptant à notre objet d’étude le concept de « Nous, Ici et maintenant » (Foliard, 2008) afin de proposer un cadre théorique à l’étude des espaces de discussion, en tant qu’ils sont facteurs de bien-être au travail et constituent des espaces de

résilience et de préservation, voire de développement, des ressources (cf. figure 20).

Nous, Ici et Maintenant Espace de discussion

Paroi séparant l’espace de discussion de l’ailleurs Ailleurs Ailleurs Perception commune des phénomènes Intensité de la perception des phénomènes (bien-être, mal-être…) Bulle phénoménologique du collectif de travail

Figure 20 : Bulle phénoménologique du collectif de travail au sein d’un espace de discussion (Adapté de Moles et Rohmer, 1972 et Foliard, 2008)

Le Nous : les membres du collectif de travail qui participent à l’espace de discussion

Si la conception centrée « sur l’être individuel, unique et privilégié pour lequel les autres

ne sont que des compléments facultatifs du Moi » peut être pertinente pour approcher le

bien-être subjectif au travail et la compréhension des représentations et comportements de

l’individu à son travail, elle a aussi ses limites quand on s’intéresse aux espaces de discussion, qui reposent sur des interactions interpersonnelles. Comme l’on montré entre autre Granovetter (1985) ou Schutz (1984), l’individu peut aborder des comportements plus ouverts et faire confiance aux autres en définissant des relations construites collectivement par lesquelles il va partager ses représentations, ses émotions, ses réussites, ses défis, ses difficultés, ses outils, etc. dans le cadre de son travail et de sa vie en général. Cet espace de discussion ainsi constitué n’est plus entièrement privatif mais n’est pas non plus du ressort de l’espace public. C’est pourquoi nous avons retenu les coquilles n°3 et 4

de l’appartement et du quartier comme métaphores de l’espace de discussion et de

l’espace du collectif de travail (Cf. section 3.1 et figure 21).

Le registre du personnel et de l’intime

Les échanges ont lieu de manière moins formelle que la réunion, ils ne donnent pas toujours lieu à publication

Les échanges sont plus formels car ils donnent lieu à publication via compte-rendu Le registre du domaine public La chambre L’appartement Le quartier La ville La région Le vaste monde Espace public La discussion informelle

Espace privé La réunion formelle

Le continuum des espaces de discussion

Analogie avec les coquilles de Moles et Rohmer

Figure 21 : Le positionnement des espaces de discussion sur l’axe bipolaire espace privé-espace public

L’intérêt des espaces de discussion est qu’ils constituent un territoire intermédiaire entre l’espace privé, où l’individu peut courir le risque de l’isolement et n’a pas accès aux ressources organisationnelles et l’espace public où il peut courir le risque d’être prisonnier

de son « image sociale » ou soumis à la loi de la « lutte des places » (De Gaulejac, et al.

1991). Cette zone intermédiaire établie sur la libre volonté des acteurs de créer un espace de rencontre et d’ouverture où ils peuvent partager et contribuer à enrichir ce « bagage commun » constitué par les bonnes pratiques professionnelles, les règles de métier, etc.

Cet espace est salutogénique dans la mesure où il pose un cadre protecteur qui permet de libérer une parole sincère sur l’expérience et les enjeux de travail, ceci pour que « le travail puisse devenir ou redevenir un objet de pensée » pour les participants qui s’engagent dans la discussion (Clot, 2008). Les individus on parfois

besoin d’un tiers de confiance qui joue le rôle de « tiers symbolique », garant des intérêts

de chacune des parties prenantes et proposant un « cadre de sécurité » pour mener à bien la discussion.

Nous proposons une représentation sous forme de tétraèdre de la construction du « Nous,

Ici et Maintenant » à partir du dialogue entre la position « je » subjective et la position

« tu » intersubjective, par différentiation avec une position « ils » située dans un Ailleurs

au-delà des frontières invisibles de l’espace de discussion (cf. figure 22).

Position « je » subjective Position« ils » Ailleurs Position « tu » intersubjective

Position « Nous, Ici et Maintenant »

politique

Regardons d’un peu plus près la constitution et le fonctionnement de ces espaces de

discussion. D’un point de vue archétypal, il est lieu de la rencontre, espace du « face à

face » réel, celui où un sujet est mis en face d’un autre qui appartient à un quelconque degré au même système de communication, qui possède les mêmes signes, les mêmes usages, bref qui possède un « genre professionnel » commun (Clot, 2008). Mais pour que la rencontre advienne, il faut une attitude d’ouverture minimale (Schutz, 1966) et de

confiance. Chacun s’ouvre à l’autre pour construire une « zone phénoménologique

commune » (Foliard, 2008) permettant de constituer et de partager un vécu intersubjectif de l’expérience de travail.

Ici et maintenant

Nous venons de voir que le Nous se définit comme une « communauté » partageant la

même perception des phénomènes dans un espace donné, celui de la rencontre (Moles,

Rohmer, 1998). Cet espace commun centré sur l’expérience de travail Ici et maintenant se

présente comme un espace d’une géographie psychosociale délimité par une frontière ou

une limite invisible et pourtant réelle, que Moles et Rohmer ont dénommé « phénomène de

paroi », qui se comporte comme une discontinuité perceptive.

Le concept d’espace de discussion désigne le processus d’appropriation

du lieu de la rencontre par les individus pour tisser des liens cognitifs et émotionnels autour de l’expérience de travail.

Cet espace commun d’interactions et d’échanges de paroles induit des rapports sociaux et

participe à un processus d’intelligence collective et de Sensemaking (Weick, 1993, 1995a)

ainsi qu’à une alphabétisation cognitive et émotionnelle au travail (Cherniss, Goleman, 2002). Il participe à la reconnaissance et nourrit au moins cinq besoins fondamentaux de l’être humain (Pierre, Jouvenot, 2010) :

1. Celui de pouvoir se dire dans son expérience de travail : passer de l’impression à

l’expression.

2. Celui de pouvoir être entendu dans son vécu subjectif de l’activité au sein de son

3. Celui de pouvoir être reconnu dans sa contribution singulière, dans son potentiel ainsi que dans ses limites : passer de la communication à la relation.

4. Celui de pouvoir se reconnaître une valeur et de la valeur : capacité à prendre sa

place dans un système social et donc à se sentir partie prenante dans les événements de sa vie professionnelle.

5. Celui de pouvoir d’influence et de pouvoir d’agir sur son environnement de travail.

Instrumenter cet espace de discussion à l’aide d’outils de communication relationnelle dépasse le cadre de cette thèse mais ouvre des perspectives de recherche ultérieures.

3.3. Proposition d’un modèle heuristique de management du