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Conclusion du Chapitre 2

Chapitre 3. Le management du bien-être à travers les espaces

1. L’espace de discussion comme facteur de bien-être au travail bien-être au travail

1.1 Le détour par les espaces intermédiaires (Duval, 1991)

E. Duval (1991) déploie son concept d’espace intermédiaire qui est un espace de

« séparation » qui permet l’identification des acteurs et la dynamique de leurs relations,

usant de la métaphore du blanc qui dans l’écriture sépare les mots et permet ainsi la lecture

et le déchiffrement du sens. Pour Duval (1991), la méthode consiste en un pari

philosophique pour « atteindre le niveau où les différentes paroles interagissent entre

elles ». Chaque parole peut évoquer de nouvelles idées et donc provoquer d'autres paroles dans une spirale créative qui contribue à générer un espace de discussion. Duval (1991)

estime que l’espace intermédiaire favorise le jeu nécessaire de relations réciproques et qu’il

s’insère entre l'individu et le groupe pour rendre possible l'émergence du sujet. En

cela, il contribue à assurer la cohésion entre les individus1.

« Le sujet ne peut exister que si, en même temps, l’individu se réfère au groupe et le construit avec

les autres dans sa cohérence nécessaire. Un des principaux espaces intermédiaires à faire naître

est celui qui va permettre le va-et-vient entre l’individu et le groupe en voie de constitution L’espace intermédiaire sous toutes ses formes devient un enjeu prioritaire. C’est lui qui, par le jeu introduit, rend possible le mouvement nécessaire. La rupture ou la distance qu’il fait naitre devient le lieu d’une articulation nécessaire et d’une progression. »

E. Duval (1991), Espaces intermédiaires et dynamique de l'insertion

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Duval (1991) fait une distinction souvent faite en psychologie entre « individu » et « sujet ». Pour lui, « le sujet se construit dans un aller et retour entre l'individu et le groupe ». Pour Schutz (1958, 1994), la cohésion d’une équipe repose sur la capacité de ses membres à se comprendre soi-même et les autres en s’ouvrant à soi-même et à l’autre en réintégrant un « locus de contrôle » interne (pouvoir de choix sur sa propre vie).

L’espace intermédiaire permet donc de sortir de l’aliénation de l’objet provoqué par la

société technocratique et une certaine « idéologie gestionnaire »(De Gaulejac, 2005) qui a

tendance à prétendre que la solution de tout problème passe par l'objectivation et la méthode technique. Il contribue à réhumaniser le fonctionnement socio-économiques des

organisations et met le sujet agissant et décidant au cœur du travail d’organisation.

Celui-ci peut alors réarticuler rationalité et affectivité au sein d’un collectif de travail qui se construit grâce à ces espaces de discussion. Duval (1991) démontre que c’est par un

meilleur fonctionnement social qu’on arrive à restaurer une dynamique salutogénique de

l’individu au travail. L’espace intermédiaire constitue un espace de jeu entre le soi et l’objet travail qui réintroduit entre l’un et l’autre l’interstice qui permet au sujet de prendre du recul et de retrouver une marge de manœuvre au sein des situations de gestion et de travail. C’est la condition pour tisser entre l’individu et son environnement de travail des rapports réciproques où la liberté, et la responsabilité, puissent trouver leur place.

Ceci nous amène à poser comme définition de l’espace de discussion celle

retenu par Detchessahar (2001) : « un lieu de confrontation des subjectivités » et

de « déploiement d’un pouvoir d’agir dans le travail » . Au sein de de ses espaces, les acteurs discutent collectivement des règles et des solutions organisant la vie collective1 ; ils peuvent développer un rapport de créativité et de responsabilité au travail, en discutant et en actant des prises d’initiatives directement en prise avec les enjeux du travail réel.

Ces espaces de discussion participent à une « reprofessionnalisation » du travail au sein de

nouvelles formes d’organisation privilégiant la coopération (Alter, 1993, 2009) et surtout contribuent à la préservation des ressources du collectif de travail et donc au bien-être au travail (Henry, 2007 ; Hobfoll, 2001 ; Detchessahar, 2011).

Au terme de son étude de deux entreprises de transport, Detchessahar (2001) propose la

définition suivante de l’espace de discussion : « un espace, à la géographie variable, de

construction d’une perspective commune, d’un point de vue partagé entre acteurs

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différents qui servira pour un temps de base d’inférence et d’action, de point d’appui à l’action collective. » (Detchessahar, 2001 : 40).

S’il reprend la perspective d’Habermas (1981) qui théorise la « discussion vraie » visant

l’intercompréhension et l’ajustement des subjectivités, M. Detchessahar (2001) la prolonge en proposant cinq caractéristiques qui spécifient l’espace de discussion en situation de gestion en tant qu’il est un lieu :

- Ouvert : ces frontières ne sont pas forcément celles de l’organisation, on peut y inclure des partenaires extérieurs (clients, fournisseurs, consultants, chercheurs-intervenants…).

- Structuré : la discussion nécessite des règles une « rationalisation ex ante du cadre de l’action ».

- Décentralisé : il est construit au plus près du réel du travail et de la réalité des enjeux de l’activité qui se déploie sur le terrain.

- Différencié : les participants à la discussion sont sur des trajectoires socioprofessionnelles plurielles mais ont réussi à construire un socle de confiance minimal.

- De construction collective des solutions productives : cela implique un « savoir faire ensemble » et le déploiement d’une intelligence collective pour faire ensemble.

En synthèse, nous retiendrons que les espaces de discussion contribuent à réhumaniser le fonctionnement socio-économiques des organisations et redonnent toute sa place au sujet qui peut réarticuler rationalité et affectivité autour des questions du travail réel.

1.2. La « psychologie de l’espace » pour appréhender les